Dernière Lune

Chapitre 9 : SILENCE

1925 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 25 jours

J’étais seule. Le silence qui m’enveloppa fut tout à coup assourdissant. Je n’entendais plus rien autour de moi. Je ne savais pas où commencer, quoi faire. Il fallait à tout prix que je me concentre, que je rassemble mes idées. Trop d’informations se bousculaient pour que je puisse avoir une pensée cohérente dans tout ce raffut.

 

Je m’assis sur le lit, ramena mes jambes sous moi. Une fois installée confortablement, je fermai les yeux. Je pris deux grandes inspirations pour calmer l’agitation de mon cerveau. L’odeur de sang me chatouilla le nez, sans me donner soif. D’ailleurs, je n’avais pas bu depuis quelques temps. Je n’arrivai pas à me rappeler de la dernière fois que j’avais chassé. Mon plan avait été avorté par Cassara, la dernière fois. Je pense que mon dernier repas était en compagnie d’Emmett, peu de temps avant notre retour à la villa. Je l’avais laissé attaquer un ours pour nous deux refusant de me salir. J’avais siroté avec lui quelques litres de sang chaud et nous avions fini notre trajet main dans la main, courant rejoindre les nôtres. Je m’accrochai encore quelques secondes à cet instant de bonheur simple vécu avec Emmett. Comme souvent, il avait le don de m’apaiser, de me calmer. Depuis le début de notre vie à deux, nous ne nous étions jamais éloignés l’un de l’autre. C’était la plus longue période de séparation que nous avions subi jusqu’ici. Emmett, mon âme sœur, devait être dans un état lamentable. Je tentai de me mettre à sa place quelques instants, l’imaginant à ma place, et moi à la sienne. La douleur de la situation me poignarda. Si mon cœur battait encore, il aurait eu quelques ratés. Mon compagnon devait être si inquiet pour moi. Je vis en esprit son visage, sa mâchoire carrée, ses prunelles dorées qui m’observaient à travers ses longs cils. Son magnifique sourire qu’il m’offrait, comme si j’étais la plus belle créature de cette planète. Ses bras qui m’enveloppaient, me protégeaient. L’odeur de sa peau, comme un mélange de miel, de sapin et de linge propre. Je le vis me tendre la main. Je l’imaginai courir vers moi, m’emportait loin de ce film d’horreur que j’étais en train de vivre. Je lui parlai en esprit, lui demandant de ne pas s’inquiéter pour moi. Je voulais qu’il sache que je survivrai, car c’était le cas. Je survivrai pour le retrouver, car ainsi étais-je faite. J’étais née pour être avec Emmett.

 

Et pour retrouver mon bien aimé, il fallait que je sorte d’ici. Mais comment allais-je m’y prendre ?

 

Pour l’instant, je devais rassembler mes idées. Ce que j’avais vu ici ne m’avait apporté que peu d’éléments sur l’endroit où je me trouvais. Un vieil hôpital, j’en étais sure. Les lieux étaient délabrés, tout tombait en ruine ici. L’état du lit était si lamentable qu’il ne pouvait avoir servi récemment. Ma cellule également avait des allures de vieux films des années 90.

A contrario, le lit sur lequel était allongée Charlotte était flambant neuf. Il était plus moderne, électrique comparé à celui-ci. La machine mélangeuse de sang semblait moderne également. Si j’en croyais les dires de Cassara, c’était une invention personnelle, un genre de machine de dialyse revisitée. Elle avait dû avoir besoin de matériel médical pour parvenir à aboutir son projet. Sûrement du matériel volé.

Il fallait également que cet endroit soit isolé. Je ne voyais pas ces expériences prendre lieu près d’habitations humaines. Ils n’auraient pas manqué de venir fouiner par ici en voyant de la lumière. Je tentai de me concentrer sur ce que j’entendais, ou plutôt, sur ce que je n’entendais pas. Pas de vent qui souffle à travers les arbres. Pas de bruit de vagues. Pas de bruit d’animaux. Je ne pouvais malheureusement pas déterminer si les murs étaient très bien insonorisés, ou si j’étais en sous-sol.

J’avais également beaucoup de mal à estimer depuis combien de temps j’étais ici. Je tentais de calculer. Probablement deux jours, pas plus. Cela dépendait de combien de temps Cassara m’avait gardé endormie.

Je rouvris les yeux, tentant d’analyser la pièce pour la seconde fois. Intérieurement, j’espérais tombais sur un élément me permettant d’identifier les lieux. Je ne voyais rien d’autre qu’une chambre froide et blanche. Comment Alice avait-telle pu passer une partie de sa vie humaine enfermée dans ce genre d’endroit ? Nous avions appris il y a quelques décennies que ma sœur, dans sa vie humaine, avait été qualifiée d’instable mentalement parlant. Elle avait été enfermée dans un hôpital psychiatrique une majeure partie de sa vie, jusqu’au jour où un vampire s’amouracha d’elle, et la transforma.

ALICE ! J’ouvris brusquement les yeux et sauta sur mes pieds. Alice pouvait me voir. Il fallait que je trouve un moyen de lui envoyer un message. Et puis, je me ravisai. Je ne pouvais pas dire à ma famille où j’étais. Et puis après tout, je ne savais pas où j’étais. Tout en commençant à faire les cent pas dans ma chambre, je tentai de comprendre pourquoi je ne pouvais pas dire à Alice où j’étais. Pourtant, j’en avais envie. Je voulais qu’ils me retrouvent. Je voulais rentrer chez moi et retrouver Emmett. Mais, j’avais également ce sentiment que je ne devais pas leur parler, je ne devais pas les contacter. Il me fallut un petit temps pour comprendre que ce sentiment n’était pas le mien. Cassara, avant de me quitter, m’avait-elle suggéré que je ne devais rien dire à ma famille ? Oui, c’était ça. Cette tricheuse avait surement dû utiliser son don sur moi, avant de m’abandonner à mes réflexions. Je pensais tout à coup à Jacob, et aux loups en général. C’était comme si Cassara était le mâle Alpha, et qu’elle m’ordonnait de ne rien dire. C’était plus fort que moi, je me sentais obligée de respecter sa volonté. Personne ne pouvait contourner les directives de l’Alpha. Néanmoins, Jacob avait réussi. Le jour où Sam, l’ancien Alpha de Jacob, avait ordonné que celui-ci ne dise rien à Bella sur sa transformation, il s’était débrouillé pour que Bella devine toute seule. Il fallait que je tente la même chose. Certes, je ne pouvais dire à ma famille comment me trouver, mais je pouvais tenter de leur envoyer un message. Après tout, je n’avais rien à perdre. Je n’étais même pas sûre que cela fonctionne.

Je me mis debout au centre de la pièce, les pieds joints, les mains le long du corps. En fermant les yeux, je tentai de voir le visage d’Alice derrière mes paupières. Je la visualisai, avec ses grands yeux enfantins, ses cheveux noirs coupés en carré déstructurés. Je voyais son regard malicieux et tendre. Je me concentrai de toutes mes forces sur son visage, je l’imaginais en face de moi. Et quand j’ouvris la bouche pour parler, je m’adressai à elle à voix basse, comme si nous étions dans la même pièce.

 

« Alice », soufflai-je. « Je ne sais pas où je suis, mais je sais que tu peux me voir ». Je tentai de mettre toute la conviction du monde dans ma voix, espérant de toutes mes forces que ce que je disais était vrai. Je m’accrochai à cet espoir en continuant mon monologue.

 

« Je ne comprends pas tout ce qu’il se passe, mais je sais que vous êtes à ma recherche, et je vous attends ».

 

Je voulais lui dire que je l’aimais, d’embrasser Emmett pour moi. Je voulais lui parler de l’expérience, de Charlotte et du loup garou, mais quelque chose m’en empêchait. Avant que je ne m’effondre, il fallait que je termine mon message, si la connexion avait été établie avec succès.

 

« J’aimerais t’aider à me localiser, mais malheureusement, mes pensées sont floues ». J’avais l’impression de lutter contre une paroi en fer de toutes mes forces, tentant de faire passer des informations. Il fallait que je donne quelques éléments factuels pour qu’ils puissent sa baser sur ça pour démarrer leur recherche. Je lui parlai des éléments sonores à ma disposition, essayant de me concentrer sur ce que je pouvais dire. C’était maigre, mais je connaissais ma famille. Ils pouvaient faire des miracles. Et c’était exactement ce dont j’avais besoin.

 

« Dis à tout le monde de ne pas s’inquiéter pour moi. Je n’ai pas peur. » mentis-je. J’étais effrayée, mais je ne voulais pas les inquiéter encore plus. « Je sais que vous êtes sur ma trace ». Je l’espérais du moins.

 

Je rouvris les yeux, espérant de toutes mes forces que cette tentative de communication avait fonctionné. J’avais confiance en Alice et ses visions, Bella et sa détermination. J’avais confiance en chacun des membres de ma famille pour me retrouver. Mais, je les entrainais également dans un lieu dangereux. Cette pointe de culpabilité me piqua profondement. Je prenais un grand risque, mais je voulais qu’ils viennent. Je voulais qu’il m’aide à sortir de cet endroit.

 

Cassara m’avait proposé deux options, me laissant un choix impossible à faire. La rejoindre, ou conduire ma famille à sa perte. Derrière le semblant de contrôle qu’elle m’offrait, elle me condamnait à faire le mauvais choix. Après nous avoir observé, elle connaissait notre schéma familial. Donc elle savait qu’ils arrivaient, accompagnés des loups. Jacob serait forcément de la partie, suivi par Seth, qui ne laisserait jamais son meilleur ami seul. Malgré moi, je conduisais probablement les loups à leur perte. Ce monstre avait pensé à tout. Elle devait donc se douter que je ne la rejoindrai jamais. A moins qu’elle soit persuadée que ses expériences vont aboutir. Qu’elle pense réellement que je peux lui apporter quelque chose de supplémentaire. C’était probablement ma seule option. Je devais faire croire à Cassara que j’étais intéressée par sa proposition. Pour gagner du temps. Si je lui faisais croire que je voulais intégrer son équipe de dégénérés, je pourrai permettre à ma famille de s’organiser. De survivre assez longtemps pour qu’ils viennent m’aider. Et ensemble, nous trouverions le moyen d’en finir avec elle. Nous avions déjà affronté des ennemis par le passé, et en étions arrivé à bout. Cassara ne serait plus qu’un mauvais souvenir.

 

Je devais lui faire croire qu’elle gagnait la partie. La laisser croire qu’elle me possédait. Mais elle ne me connaissait pas. Quand ils viendraient, quand nous viendrions, nous serions ensemble. Et ce sera elle, ou nous.


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