Dernière Lune

Chapitre 8 : CAPTIVE

1823 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 22 jours

J’étais hébétée. Il fallait absolument que je tienne ma langue, car les seuls mots que j’avais envie de lui hurler au visage ne m’aurait pas sauvé. Cette femme était folle. Au sens pathologique du terme, je l’entends. Bien qu’elle semble brillante à plus d’un niveau, je ne comprenais pas comment elle pouvait penser que cela fonctionnerait.

Chaque vampire connaissait plus ou moins les légendes de notre espèce. Bien que certains doutent encore de l’existence des loups garous, nous savions qu’ils étaient mortels pour nous. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle leur odeur nous répugne tant, car leur sang est toxique. Boire du sang lupin peut nous tuer en quelques minutes, selon la quantité ingurgitée. Et là, le Docteur Frankenstein en talons s’amusait à mélanger les sangs. Je n’osais imaginer la douleur que les deux patients devaient ressentir. Il était hors de question que je devienne un de ses cobayes. Au moindre faux pas de ma part, Cassara me clouerait à un de ses lits en me laissant penser que c’était mon idée. Celle-ci m’observait du coin de l’œil, attendant une réaction de ma part. Je m’efforçais tant bien que mal de garder un calme apparent. Je relevai la tête légèrement, tentant de rassembler mes idées. Il fallait que j’éloigne mon regard de la scène de crime face à moi qui m’empêchait de raisonner. Pauvre Charlotte, je voulais sauter sur elle pour la protéger, la détacher. Cela aurait surement conduit à notre mort à toutes les deux.

 

« Tu as l’air intriguée Rosalie, peux-tu me dire à quoi tu penses ? », me dit-elle calmement, vraiment intéressée par mon avis. « Cela m’embêterai de t’y forcer », tentant une pointe d’humour pour détendre l’atmosphère.

 

« Et bien, je tente de comprendre quelque chose. Je ne suis pas aussi brillante que vous, alors expliquez-moi comment vous avez réussi à affaiblir le loup, au point d’empêcher sa mutation », lui demandai-je. Je supposai que s’il l’avait pu, il se serait transformé pour lui arracher sa tête brune de vampire psychopathe.

 

« Suis-moi, je vais te montrer une autre pièce », dit-elle en nous faisant sortir de la pièce.

 

Je la suivis quelques instants dans un nouveau couloir. Je tentai de me souvenir d’où nous étions partis, et de retenir le chemin emprunté. Je guettais les alentours discrètement à la recherche d’une sortie. C’est à ce moment-là que nous avons croisé un autre vampire, vêtu également d’une blouse blanche de scientifique. Ils se saluèrent d’un signe de tête, sans échanger un seul mot. Je me doutais que nous n’étions pas seules dans ces locaux, mais combien d’ennemis étaient présents ?

Elle ouvrit une autre porte et nous entrâmes dans une pièce énorme, éclairée par des lampes UV. Un sentiment de malaise s’empara tout de suite de moi. La première chose qui me frappa fut l’odeur. Âpre, elle me prenait le nez et la gorge, comme une légère brûlure. Je découvris face à moi des rangées entières d’une fleur violette, pendante. Elle avait un certain charme d’ailleurs. Sur une table à ma gauche, des petits sachets en plastique étaient pleins d’une poudre violette. Des flacons également, avec un liquide de la même couleur étaient posés sur une étagère, alignés esthétiquement.

 

« Aconitum napellus, plus communément appelée Aconit », chanta Cassara fièrement.

 

« La plante tue-loup », soufflai-je.

 

Carlisle nous en avait parlé un jour, je m’en souvenais vaguement. Il disait que cette plante était extrêmement toxique pour un loup, mais pas que. Il s’avérait qu’elle était également déconseillée aux vampires. Une histoire racontait qu’un ami de Carlisle avait été empoisonné un jour en buvant le sang d’un humain qui avait ingéré de l’Aconit.

 

« Je vois que tu connais, je suis impressionnée », me dit-elle. « Tu dois également savoir que cette plante est nocive pour les vampires également. Ce fût une de mes premières recherches d’ailleurs. Je crus tout un temps que je pouvais l’utiliser dans ma recherche d’inversion de processus, mais il n’en fut rien. Il s’avère que nous pouvons nous immuniser contre son effet, avec un peu d’entrainement »

 

« Vous avez éveillé ma curiosité », confessai-je.

 

« Pour être transparente avec toi, voilà une petite centaine d’année que j’en glisse quelques gouttes dans le sang que je bois, et je suis totalement immunisée contre son effet maintenant », dit-elle avec fierté. « La seule conséquence que cela a eu sur moi, c’est la coloration de mes iris. Cet orange particulier est le résultat de mon processus ».

 

J’avais au moins une réponse à la centaine de questions qui se bousculaient dans mon cerveau.

 

« Et c’est donc avec cela que vous tenez le toutou en laisse », lançai-je.

 

« En effet », répondit-elle dans un rire. « Une petite vapeur d’Aconit de temps à autre, et il reste docile ».

 

Il fallait que je fui. Je voulais partir loin de cette pièce, loin du violet, loin de cette folie. Le danger me prenait aux tripes. Tous mes sens étaient aux aguets. Le calme apparent n’était qu’une façade. A l’intérieur de moi, je bouillai de rage. Je me voyais lui arracher les deux billes orange qui lui servaient d’yeux. L’étriper à mains nues. Je me promis qu’à mon prochain kidnapping, je n’oublierai pas d’emporter avec moi mon rouge à lèvre et un pieu. Je décidai de jouer la carte de l’honnêteté, pour passer encore une fois sous le radar. Peut-être que si je disais la vérité, j’échapperai encore un peu au contrôle mental de Cassara.

 

« Ça fait beaucoup d’informations pour un premier jour en captivité. J’ai l’impression que mon cerveau part dans tous les sens », confessai-je.

 

« Je me doute bien oui. Voici une dernière information pour toi Rosalie, je te laisserai ensuite réfléchir tranquillement à tout ça », me dit-elle.

 

Je me mis aussitôt sur mes gardes. J’avais peur de la suite.

 

« Saches que si je t’ai enlevé, Rosalie, c’est parce que je sais que tu peux m’être utile. De gré, ou de force. », annonça-t-elle. Son ton se fit plus dur. Elle était calme, mais pas moins effrayante. « Deux solutions s’offrent à toi, maintenant. »

 

« Je vous écoute », lui dis-je. L’envie de faire des blagues était complètement passé. Je sentais que nous étions sur un moment clé et décisif pour moi.

 

Entourée de ces fleurs, de cette atmosphère d’horreur environnante, elle m’exposa les options qui s’offraient à moi.

« La solution que j’espère que tu choisiras est la suivante : Rejoins-moi Rosalie. J’ai besoin d’en membre comme toi dans mon équipe. Tu es charmante donc tu n’aurais aucun mal à me procurer de nouveau cobaye. De plus, quand l’expérience sera au point, que nous aurons trouvé la solution finale, je te promets de te rendre ton humanité. Tu vivras une vie humaine, loin des vampires », me proposa-t-elle.

 

« Quelle est la deuxième proposition ? », demandai-je, sur un ton calme

 

« Si tu refuses de te joindre à moi, ce n’est rien, tu me seras utile également. Toi comme moi, nous savons que ta famille arrive pour te libérer. Et, je sais, pour t’avoir observée, que tu côtoies beaucoup de loup garou. Ils sont les plus difficiles à débusquer pour mes expériences. Je n’aurai qu’à attendre sagement qu’ils débarquent ici pour venir te chercher ».

 

Elle avait pensé à tout, réfléchit à toutes les options. Elle m’avait observé, m’avait étudié. Cassara n’avait rien laissé au hasard. Ma famille risquait d’être en danger par ma faute. J’étais acculée, dos au mur. J’avais absolument besoin de gagner du temps.

 

« Voilà deux propositions intéressantes. Puis-je y réfléchir par hasard ? », demandai-je

 

« Bien sûr, bien sûr. Tu as beaucoup à penser. Laisse-moi te raccompagner dans ta chambre, tu y seras plus tranquille. », me dit-elle sur un ton presque compatissant.

 

Elle me raccompagna en silence jusque ma « chambre ». Nous repassâmes une nouvelle fois devant le laboratoire où était enfermée Charlotte, et le loup dont j’ignorai le nom. Je ne sais pourquoi, mais ignorer son prénom me dérangea tout d’un coup. J’aurais aimé le savoir, l’utiliser pour le réconforter. J’aurais aimé leur tenir la main à tous les deux. Quand nous arrivâmes devant ma cellule blanche, Cassara ouvrit la porte et m’invita à y entrer. Je ne savais pas encore si je serais autorisée à en ressortir de sitôt, mais j’avais besoin d’être seule. Elle hésita un instant sur le seuil de la porte, semblait peser le pour et le contre d’une décision importante qu’elle s’apprêtait à prendre. Elle releva lentement la tête, plongea son regard dans le mien. Je me figeai, prise d’une panique atroce. Ce n’était pas le moment de me faire manipuler, j’avais besoin d’avoir l’esprit clair pour réfléchir.

 

« Ne t’inquiète pas, je ne vais pas utiliser mon don sur toi. J’aimerais que tu prennes une décision en ton âme et conscience », me dit-elle. Je me détendis immédiatement.

 

« Merci de me laisser mon libre arbitre, pour une fois. Cela doit être une torture, pour vous », répondis-je cinglante.

 

« Prends le temps qu’il te faut pour réfléchir, je repasse te voir dans quelques heures. Tu me diras ce que tu en penses. Saches juste que tu ne peux pas communiquer avec ta famille, ni leur dire où tu es, car tu l’ignores ». Ce fût la seule phrase qu’elle prononça avec ce ton si particulier qu’elle utilisait quand elle faisait usage de son don.

 

« Tricheuse », lançai-je, avant que la porte ne se referme sur moi.


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