Dernière Lune

Chapitre 2 : L'OMBRE OUBLIÉE

1551 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 28 jours

Le silence retomba autour de nous, plus pesant encore après la révélation de Carlisle. Nous attendions de plus amples informations, mais le père et le fils se bornaient à se regarder. Ils échangeaient des pensées secrètes. Edward se rapprocha de moi par reflexe comme pour me protéger d’une entité invisible qui nous menaçait à l’instant même.

 

« Cassara, dit-t-il enfin, d’une voix basse. »

 

Carlisle acquiesça lentement.

 

« Ce n’est qu’une supposition, je n’affirme rien. Mais je ne peux m’empêcher de me poser la question…. Certaines choses coïncident. La disparition soudaine de Rosalie, le brouillard dans les visions de Alice, cette sensation qu’un voile nous empêche de voir clairement… J’ai comme une sensation de déjà vu, l’impression de reconnaître un mode opératoire. »

 

Il fit quelques pas sur le perron, les mains croisées dans le dos. Il se replongeait dans des souvenirs très anciens d’une époque qu’aucun de nous ne connaissait.

 

« Cassara Viel est probablement le vampire le plus âgée qui parcourt cette terre, plus âgée encore que les Volturi. Malgré leurs nombreuses tentatives pour la rallier à leur famille, Cassara a toujours préféré faire cavalier seule, et pour une raison très précise. Elle était déjà redoutée à l’époque où je vivais en Italie. A l’époque, on la surnommait La Voix de la Nuit … Elle n’apparaissait que rarement, et c’était toujours annonciateur de mauvais présage. »

 

Nous étions suspendus aux lèvres de Carlisle. L’apparition d’un nouveau protagoniste, plus terrible que les Volturi n’était pas une bonne nouvelle. Ma gorge se noua et le nom de Cassara résonna en moi, encore et encore. Comme en écho à mes pensées, Jacob se raidit et serra la mâchoire. Renesmée fronça les sourcils, se rapprocha encore de Jacob.

 

« Quel est son don exactement ? » demandai-je, la voix plus ferme que je ne l’aurais cru.

 

« Elle est capable de manipuler les émotions et les intentions. Pas seulement d’influencer comme Jasper … Elle peut imposer des pensées, faire croire à une vérité qui n’existe pas. Elle ne contrôle pas les gestes comme un pantin, mais elle sème le doute. Elle efface la volonté. Cassara agit comme un brouillard enveloppant. Elle insuffle des idées, jusqu’à ce que la personne soit persuadée qu’elles viennent d’elle. Elle ne pousse pas, elle murmure… Elle réussirait sans mal à me persuader que je suis un chanteur d’opéra et je passerai mes journées entières à chanter tel un ténor, convaincu que cela a toujours été mon rêve. »

 

Un frisson glacé me parcourut l’échine. Rosalie, volontaire, forte, fière … soumise à une telle manipulation ? Comment était-il possible d’avoir ce genre d’influence sur une personne ? Je ne pouvais qu’imaginer ce que cela faisait, d’être pris en otage par ses propres sentiments. Néanmoins, cela me rassura dans un sens. Rosalie ne nous avait pas tourné le dos, elle n’était pas responsable. Quelqu’un nous l’avait retiré contre sa volonté. Je me détendis inconsciemment, m’en voulu immédiatement. Cette ambivalence de sentiment était troublante, je n’arrivais plus à gérer mes émotions.

 

Edward hocha la tête, comme s’il lisait en moi.

 

« C’est pour cela qu’elle est introuvable. Comme les pensées de Rosalie ont pu être déformée, Alice est tenue à l’écart. Elle ne peut rien voir, car Rosalie est persuadée d’être au bon endroit, au bon moment. Elle ne cherche pas à s’enfuir, elle ne veut pas savoir où elle est et ne cherche pas à se repérer. »

 

« Cassara ne travaille jamais seule » continua Carlisle. « Elle est discrète et extrêmement intelligente. C’est une scientifique brillante, spécialisée dans la génétique vampire.  Et elle sait s’entourer. Des vampires isolés, des esprits brisés… Elle leur promet ce qu’ils veulent entendre. Elle joue avec leurs désirs. Elle pourrait convaincre un vampire qu’il est malade de l’immortalité, et qu’elle détient la seule solution. »

 

Je fis un pas en avant, stupéfaite.

 

« Tu crois qu’elle veut … redevenir humaine ? »

 

Carlisle soupira

 

« Voilà la raison pour laquelle elle n’a jamais voulu s’établir dans un endroit, pourquoi elle n’a jamais voulu rejoindre les Volturi. Pour Cassara, l’immortalité est un fléau à éradiquer. Elle cherche par tous les moyens un remède, une solution pour inverser le processus. Certains y ont cru. D’autres pensaient qu’elle cherchait juste à convaincre les autres qu’ils le voulaient aussi, pour les soumettre. Si Cassara est derrière l’enlèvement de Rosalie, il y a une raison. Elle doit penser que Rosalie peut servir sa cause. »

 

Un silence s’installa. Nous savions tous que Rosalie avait eu du mal par le passé avec sa condition de vampire. Elle regretta longtemps sa transformation. Elle disait que les perspectives d’avenir lui manquaient. Néanmoins, je pensais que l’arrivée au monde de Renesmée avait quelque peu soulagé ses regrets, lui permettant de vivre une maternité par procuration.  

 

Emmett, toujours à l’écart, leva lentement les yeux.

 

« Rosalie est en paix maintenant. Je ne l’imagine pas suivre Cassara dans son idée », dit-il, le cœur au bord des lèvres.

 

« Je ne le pense pas non plus Emmett », répondis-je doucement. « Mais peut-être que dans l’esprit de Cassara, la volonté profonde de redevenir humain est essentielle dans son processus. Elle doit ignorer ce que Rosalie ressent aujourd’hui. »

 

Emmett se détourna, s’agrippant au rebord du perron. Il s’accrocha au garde-fou comme pour se retenir de s’effondrer. Le bois craqua sous ses doigts, et pendant un instant, je crus qu’il allait pulvériser la rambarde. Un long silence passa. Puis, il se retourna lentement vers nous, les yeux assombris par la tristesse et la soif, et nous regarda un a un.

 

« De toute mon existence, je n’aurais jamais imaginé vivre une chose pareille. Je sens que je vais devenir fou. » Sa voix se brisa, et il fit un pas vers nous. « S’il vous plait… aidez-moi à ramener Rosalie à la maison. Je ne peux y arriver seul. Je vous le demande à genoux. »

 

Esmé s’approcha de lui, l’enlaça. Dans ses bras, malgré sa carrure imposante, Emmett ressemblait à un petit garçon perdu. Un fils brisé que seule une mère pouvait consoler.

 

« Tu n’as pas à le demander, mon chéri. Nous ramènerons Rosalie à la maison, même si je dois y laisser la vie. », lui dit Esmé

 

Edward se tourna vers Carlisle.

 

« Tu connais ses habitudes ? Ses anciens repaires ? »

 

« La dernière fois que j’ai entendu parler d’elle, elle était en Afrique du Sud. Mais cela remonte à plus d’un siècle, bien avant ta transformation Edward. Elle change souvent d’endroit, ne laisse que très rarement des traces. Quelques fois, des légendes urbaines nous parviennent. Des villages où des disparitions étranges sont attribuées à des « anges » ou des « sauveurs ». Elle manipule les humains en leur suggérant tout simplement qu’ils aimeraient oublier leur rencontre. Elle sait agir subtilement. »

 

Je croisais le regard d’Edward. Il plongea ses yeux dans les miens, et il dut y lire une détermination et un feu. L’envie de partir en chasse. Après quelques secondes ainsi, je sentais qu’il fallait passer à l’attaque, battre le fer tant qu’il était chaud.

 

« Il faut que nous commencions quelque part, alors on suit cette piste. On cherche les lieux où ces rumeurs apparaissent. On recoupe avec les derniers déplacements de Rosalie et Emmett. Peut-être qu’elle vous observait depuis un moment. » dis-je, alimenté par l’envie de passer à l’action.

 

« Je peux demander à certains membres du clan d’Amazonie et d’Irlande de nous aider » ajouta Carlisle. « Ils ont l’habitude de traquer des entités anciennes. »

 

Jacob redressa la tête.

 

« Et nous, les loups, on continue de patrouiller autour de Forks. On ne sait jamais si elle compte revenir ou envoyer quelqu’un d’autre. Blondie a besoin de nous », dit-il avec un sourire sans joie qui n’atteignit pas ses yeux.

 

« Elle te tuerai si elle entendait ce surnom », répondit Edward.

 

« J’espère l’énerver assez pour qu’elle revienne rapidement », dit Jacob.

 

Un débit de stratégie prenait forme, fragile mais réelle. Et au fond de moi, une certitude émergeait : Rosalie n’était pas perdue. Pas encore.


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