Juste un baiser

Chapitre 2 : A bout de souffle

4330 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/09/2024 15:30

Disclaimer : Twillight ne m'appartient pas.

Pas de bêta, j'espère ne pas avoir commis trop d'impairs ;)

Avant-propos : une petite "suite" focalisée sur Jasper, cette mini fic devrait comporter 4 chapitres en tout (un du point de vue de Rosalie, un sur Carlisle).


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Jasper est seul dans la salle à manger des Cullen, assis dans la pénombre, à même le sol en marbre, un ordinateur portable en équilibre sur l’un de ses genoux. Il a poussé la table en bois massif contre un mur et éparpillé partout dans la pièce une vingtaine d’ouvrages de référence sur la Première Guerre mondiale, en provenance de six pays différents — un cadeau qu’Alice lui avait offert avec un sourire innocent moins de deux semaines après son escapade en Italie… comme une excuse – et de multiples articles universitaires glanés ici et là. Il vient de passer les douze dernières heures à les compulser méticuleusement, corrigeant directement dans les marges les erreurs les plus flagrantes et établissant des fiches de lecture précises pour chacun d’eux. Il est tellement absorbé par son sujet qu’il ne voit pas le jour tomber, ses yeux d’immortel percevant aussi clairement l’environnement dans la nuit qu’en pleine lumière. Il compare maintenant attentivement ses notes pour les synthétiser et pouvoir tirer des conclusions sur les biais nationaux apparaissant en filigrane — voire grossièrement – dans les différents textes et écrire un essai détaillant les enjeux politiques, sociaux et économiques principaux à retenir du premier conflit humain mondialisé. Alice a bien entendu visé juste, pense-t-il avec un sourire ironique : cela fait longtemps qu’il ne s’est pas autant amusé sans que ce ne soit l’humeur joyeuse des autres qui ait influé sur la sienne.


Son don est tellement lié à ses propres émotions qu’il lui est parfois impossible de distinguer avec certitude ce qui provient de lui et ce qui émane de son entourage. C’est souvent écrasant lorsqu’il doit quotidiennement évoluer au milieu d’une foule — comme c’est le cas lors de leur parodie de vie lycéenne – traversé en permanence par une kyrielle d’émotions ne lui appartenant pas. Écrasant au point qu’il ne puisse plus être sûr de ses propres ressentis : cela lui laisse parfois l’impression d’être une coquille vide et sans substance, de n’avoir aucune émotion « personnelle », ce qui le rend vaguement morose. Alors, même si l’idée d’être séparé d’Alice plus de vingt-quatre heures lui est presque insupportable — surtout depuis ses cascades à Volterra – il avait demandé à être écarté de la session de chasse en extérieur pour bénéficier d’un moment de solitude ; il n’avait eu besoin que d’échanger un bref regard avec Rosalie pour savoir que sa sœur, même si elle resterait aussi à la résidence, avait autant besoin d’isolement que lui et ne lui adresserait pas la parole du week-end ni ne s’approcherait assez pour qu’il perçoive ses émotions si ce n’était pas strictement nécessaire. Depuis que la décision de transformer Bella en l’une des leurs avait été prise, l’humeur de Rosalie oscillait de maussade à acrimonieuse : elle a besoin de temps seule avec elle-même pour digérer toute la situation. Même s’ils ne sont jumeaux que sur le papier, c’est amusant de constater à quel point ils sont généralement sur la même longueur d’onde.


Jasper tapote sur son clavier en souriant inconsciemment. C’est juste agréable pour lui d’être périodiquement isolé durant quelques heures, sans aucune émotion ne lui appartenant pas qui puisse se glisser dans les siennes pour les altérer, et de s’adonner à un loisir qui le passionne réellement. Une pause pour son empathie et une sortie salutaire de leur mascarade humaine et de leur vie en collectivité. Quelques heures d’isolement par mois pour se rappeler qui il est, reprendre la mesure de lui-même et pouvoir de nouveau être socialement fonctionnel.


La sonnerie de son téléphone, posé sur une console du salon, retentit bruyamment, interrompant le moment de quiétude. Jasper sursaute, surpris. Alice et Emmett sont les seules personnes qui l’appellent fréquemment sur son portable et ils savent à quel point il déteste être dérangé lorsqu’il entreprend des analyses historiques. Il laisse l’ordinateur posé sur son genou choir sur le sol d’un mouvement adroit et se relève d’un bond, atterrissant dans le salon en une fraction de seconde ; sa vitesse surhumaine lui permet d’avoir l’appareil en main avant même que la première sonnerie n’ait fini de résonner.


Il jette un œil au nom du correspondant et sa surprise se change instantanément en inquiétude.


Bella.


Il sait que, suite à leur retour à Forks, Edward a enregistré les numéros de tous les membres de la famille dans le portable de sa future épouse au cas où elle aurait besoin de joindre l’un d’entre eux, mais, quelque part, jamais, il n’aurait pensé que la petite humaine fasse usage du sien. Même si Bella lui a affirmé avec une franchise absolue — dont son don certifie l’authenticité – ne pas lui en vouloir pour « l’incident » ayant causé leur départ précipité de Forks et qu’elle n’est pas — pour une raison incompréhensible – plus effrayée en sa présence qu’avant qu’il ne l’attaque toutes dents dehors ; Jasper ne peut se pardonner l’événement. 144 ans depuis sa transformation en vampire et il est toujours incapable de se contrôler. Même face à une humaine qui aime sincèrement son frère, qui leur fait confiance et dont sa femme est profondément entichée. Une humaine que sa famille a déjà plus ou moins adoptée et qu’il s’est juré de protéger. C’est mortifiant… plus que ça, outrageant.


Il déploie des trésors d’ingéniosité pour éviter autant que possible la fille et il sait que la meilleure amie d’Alice est trop intelligente pour ne pas l’avoir remarqué. Sa transformation en vampire ne pourra pas venir assez vite. Aussi la raison pour laquelle elle l’appelle, lui entre tous, alors qu’elle est supposée passer la soirée avec ses amis loups à La Push le dépasse.


Les loups de La Push…


Bella Swan est un véritable aimant à danger : cela pourrait être drôle si ce n’était pas tragique. Il sait que Bella supporte de plus en plus mal le comportement surprotecteur de son frère qui la couve comme si elle est un oisillon tout juste tombé du nid mais, pour être honnête, lui et Emmett n’ont pu s’empêcher de plaisanter sombrement sur le fait qu’elle doit être sur la liste de la mort*. Empêcher qu’elle ne succombe tragiquement avant sa transformation relèvera de l’exploit.


S’il refait les comptes, elle a – à sa connaissance – manqué de mourir exactement douze fois depuis son emménagement à Forks : deux fois le jour où Edward l’a rencontrée ; une fois supplémentaire cette même semaine quand ce dernier a manqué de céder à son impulsion, les pensées d’Emmett sur le goût miraculeux du sang de son chanteur, tournant en boucle dans l’esprit du télépathe ; une autre fois alors que la voiture de Tyler dérapait droit sur elle ; une fois supplémentaire cette même journée, quand lui et Rose ont planifié son meurtre pour protéger leur famille et ont été stoppés in extremis par une Alice horrifiée et très en colère ; en passe d’être violemment agressée et sans doute tuée par une bande d’ordures si Edward ne l’avait pas « pistée » à Port Angeles ; par James, une première fois dans la forêt à l’arrivée des nomades lors du match de baseball et une seconde fois lorsqu’elle a décidé d’échapper à sa protection à Phoenix pour se jeter volontairement dans les griffes du traqueur ; le jour de son anniversaire, par sa faute, pour un simple bout de papier-cadeau trop coupant ; lors de sa seconde rencontre avec Laurent dans la clairière ; lorsqu’elle s’est jeté d’une falaise de la réserve et a manqué de se noyer ; lorsqu’elle s’est précipitée en Italie avec sa femme et a plaidé la cause d’Edward face aux Volturi.


Douze fois en moins de deux ans.


Et elle a réussi à sympathiser durant leur courte absence avec les créatures surnaturelles les plus instables des environs et à apprendre à conduire une moto. Loisir que Jasper lui-même apprécie mais qui, mis entre les mains d’une personne ayant la chance et la dextérité de Bella, ressemble à un acte de défiance envers l’univers.


Et, justement parce qu’elle est un véritable aimant à dangers, Jasper ne peut pas vraiment espérer que le motif de son appel soit anodin. Quels ennuis sont encore tombés sur sa future belle-sœur ? Il décroche le téléphone et entend de courtes respirations nerveuses retentir dans le combiné, avant d’avoir pu prononcer un mot.


— Jasper…


Il y a presque une supplique dans la manière tremblante dont Bella prononce son prénom. Son corps se tend brutalement, tous ses instincts se hérissant : elle a bien un problème.


— Désolée de te déranger. Je suis à l’extérieur de la réserve, juste derrière la frontière et je…


La voix de Bella est plus faible que d’habitude mais sonne étrangement haut-perchée, il y a également un trémolo bien perceptible sur certains mots et sa respiration est hachée. Elle est à bout de souffle, apparemment en pleurs et terrifiée. Jasper se met en mouvement de manière automatique. Traversant la maison en un temps record, sautant par la fenêtre du séjour ; il atterrit devant la porte du garage où Rosalie a passé la journée avant que Bella n’ait terminé sa phrase.


— Je suis en route.


Même sans avoir Bella en visuel, il a l’impression de pouvoir goûter à son soulagement à l’entente du souffle ténu qu’elle lâche à sa déclaration. Lui est tout sauf soulagé : en dehors de cette expiration chuintante, elle n’a pas émis un mot, pas d’argumentation, pas les « prends ton temps […] c’est gentil à toi […] si tu es occupé, je me débrouillerai autrement » qui jailliraient normalement en pagaille de la bouche de Bella même si elle était très bouleversée. La porte du garage s’ouvre à la volée, laissant filtrer une lumière vive. Rosalie le dévisage en fronçant les sourcils.


Un sentiment d’urgence monte en lui mais il doit poser une autre question avant de se mettre en route.


— Es-tu blessée ?


Elle comprend les implications cachées derrière sa question et répond d’un ton si bas et tremblant que Jasper aurait du mal à comprendre certains mots s’il ne bénéficiait pas d’une audition vampirique.


— Je… oui… je crois que j’ai la main cassée, mais ça ne saigne pas.


Bien. Elle ne saigne pas. C’est déjà ça.


Il voit le corps de Rosalie se tendre face à l’incertitude et à la tonalité sanglotante de la voix de Bella, son visage devenant un masque dur tandis qu’un éclat de fureur perce dans ses émotions ; lui-même se sent pris d’une colère diffuse à l’idée que quelqu’un ait blessé la jeune fille. Parce que la peur dans son ton ne peut signifier qu’une chose pour lui : quelqu’un l’a blessée.


— Je serai là dans moins de cinq minutes. Garde l’appel en ligne et préviens-moi au moindre problème. Si tu es en danger, essaie de t’éloigner de la Réserve. Je te trouverai facilement même si tu t’enfonces dans la forêt.


Comme à chaque fois qu’il fait face à une situation tendue, son accent ressort de manière abrupte et sa voix prend, malgré lui, des intonations directives. Il retire le téléphone de son oreille et le glisse dans la poche arrière de son pantalon, sans l’éteindre, ses yeux fixés dans ceux de sa sœur.


— Il y a apparemment eu un problème chez les Quileutes. Je vais récupérer Bella à la limite de la frontière. J’irai plus vite en courant mais je ne prendrai pas le risque de la ramener ici en la portant. Rejoins-nous en voiture aussi vite que tu peux.


Il part sans attendre de réponse : Rosalie est d’une efficacité redoutable en cas de crise. Il sait qu’elle suivra ses instructions à la lettre et gérera la situation au mieux si ça devait s’envenimer. Il s’élance à pleine vitesse à travers la végétation, sautant d’arbre en arbre, son esprit en alerte. Peu importe ce qui a blessé Bella et l’a bouleversée à ce point ; un mauvais pressentiment inonde son organisme. Il doit la trouver, et vite.


Il repère rapidement son odeur. Elle n’a pas quitté la bordure de la frontière : soit elle n’est pas en danger, contrairement à ce qu’il a préjugé et c’est une bonne nouvelle ; soit, elle est trop épuisée ou effrayée pour se déplacer. À cette distance, il ne peut pas encore percevoir ses émotions, mais les battements affolés de son cœur lui disent tout ce qu’il a besoin de savoir : elle est seule mais toujours terrorisée. Il avale difficilement son venin, intimant avec une colère froide à son « prédateur intérieur » de se calmer. Il n’a jamais foncé sur un humain pour l’aider, et non pas le vider de son sang. C’est contre-intuitif. Il doit durement réfréner ses instincts de chasse les plus primaires alors qu’il approche de sa cible en courant.


Il n’est plus qu’à quelques centaines de mètres maintenant. Il aperçoit sa silhouette mince, recroquevillée sur elle-même ; il sera dans son champ de vision dans moins d’une fraction de seconde. Il ferme soigneusement la bouche et arrête de prendre des inspirations de toutes manières inutiles, ne voulant pas prendre par inadvertance une bouffée d’air avant d’être sûr d’avoir repris un total contrôle de lui-même.


Il n’a cependant pas besoin de prendre ces précautions, les émotions négatives de Bella le frappent si violemment que ça fait presque complètement disparaître sa soif : peur, colère, indignité, tristesse, honte, incompréhension, dégoût, douleur, culpabilité. C’est tranchant et chaotique. Il ferme les yeux un instant, se concentrant sur ses propres émotions, les canalisant au mieux pour lui envoyer une légère vague de calme. Il ne peut pas faire beaucoup plus pour l’instant. Étant lui-même tout sauf serein, il a beaucoup de difficulté à être dans un état d’esprit qui lui permettrait de réellement apaiser la jeune fille. La lune est presque pleine mais sa lumière ne filtre que faiblement à travers la futaie épaisse et l’écran du portable que Bella garde serré dans l’une de ses mains ne produit qu’une lueur dérisoire ; elle ne doit pas voir grand-chose autour d’elle. Il ne veut pas la surprendre mais n’a pas le choix ; il signale sa présence d’une voix très basse, espérant ne pas la rendre encore plus affolée alors qu’elle semble déjà au bord de l’effondrement nerveux.


— Bella


Elle relève vivement la tête dans sa direction, sursautant violemment. Ses yeux encore larmoyants s’écarquillent un instant de peur puis se remplissent d’un profond soulagement dès qu’elle l’a identifié. Les émotions négatives sont instantanément toutes mises en sourdine, des sentiments de sécurité, de confiance et de gratitude envahissent Bella avec une puissance qui le fait presque reculer. Alice, Peter et les Cullen mis à part, il n’est pas sûr d’avoir déjà suscité une telle sensation de « confiance » chez quelqu’un. Le sentiment est d’autant plus incongru qu’il a essayé de la tuer moins de six mois auparavant. Il lui envoie tout le réconfort qu’il peut en retour et elle lui adresse un infime sourire. Il aperçoit des traces sombres le long de sa mâchoire et se fige une fraction de seconde : pour un humain les marques seraient quasiment invisibles, juste des ombres ; pour un vampire la forme caractéristique de bouts de doigts humains est aisément reconnaissable, les hématomes en formation tranchant avec la peau blême.


En quelques enjambées faites à un rythme humain, il est face à elle et l’examine avec inquiétude, scannant son corps du regard à la recherche d’autres blessures. Il n’a plus été aussi proche d’elle physiquement depuis leur voyage à Phoenix. Il se baisse, essayant de paraître le moins intimidant possible et lui tend avec précaution une main pour l’aider à se relever. Elle la saisit maladroitement de sa main gauche, le laissant la tirer sur ses pieds.


Son bras droit est celui blessé, l’os du poignet semble comporter une légère déviation et plusieurs phalanges sont rouges et gonflées comme si Bella avait frappé un mur. Ses cheveux sont en désordre, ses yeux rougis et son visage, maculé de traces de larmes séchées. Elle tremble au point de claquer des dents, même si les températures printanières sont étonnamment clémentes pour Forks et qu’elle est emmitouflée dans un long manteau. Elle semble presque en état de choc. Il retire sa propre veste et la drape sur les épaules de la jeune fille : une couche supplémentaire de vêtements ne fera pas de mal. Il serre les dents en voyant la grimace de douleur qu’elle fait alors qu’un mouvement involontaire agite son bras blessé.


— Que s’est-il passé ?


La panique et les émotions négatives reviennent immédiatement, même si elles frappent Jasper moins durement que la première fois. Elle baisse les yeux et pince les lèvres, son visage déjà livide se vidant du reste de ses couleurs.


— Je… je crois que je me suis cassé la main en donnant un coup de poing à Jacob.


Jacob Black. Comme à chaque fois qu’elle passe du temps à la Push, Bella est enveloppée par l’odeur rance des métamorphes. Maintenant que Jasper y prête attention l’arôme âcre attaché à elle lui paraît encore un peu plus prégnant qu’à l’habitude ; pas qu’il s’en plaigne, l’odeur écœurante masquant efficacement celle du sang humain courant sous sa peau. La honte, la colère et la tristesse que Bella vient d’éprouver en prononçant le prénom du garçon donnent à Jasper une assez bonne hypothèse sur ce qui a pu se produire et de ce qu’a pu faire le loup pour mériter un coup de poing, mais il espère se tromper. Il a besoin d’une confirmation.


— Qu’a-t-il fait pour que tu éprouves le besoin d’en venir à la violence physique ?


Il se penche légèrement vers elle, essayant de capter son regard. Sous cet angle, il voit clairement se dessiner d’autres sombres traces de doigts juste à l’arrière de sa nuque : il retient un grognement furieux. Elle relève finalement les yeux vers lui et le dévisage comme si elle ne l’a jamais vu, une angoisse sourde montant en elle, malgré la couverture de sérénité dans laquelle il tente de l’envelopper. Un silence pesant s’étire quelques secondes avant qu’elle ne prononce les mots. Elle semble quasiment craindre un jugement de sa part.


— Il… il m’a embrassée. Je… c’était juste un baiser.


C’est presque un chuchotement, et la violente culpabilité qui accompagne la déclaration pourrait presque faire croire à Jasper qu’elle vient de lui avouer un crime dont elle serait la fautive. Il est immensément soulagé de ne percevoir la moindre marque physique ni « odeur de fluide » sur le corps de Bella qui puisse contester le « juste un baiser » tremblant et sans conviction qu’elle vient de lui adresser. Alors qu’il pense qu’elle va garder le silence, elle ajoute quelque chose qui fait encore monter d’un cran son niveau de fureur et d’écœurement.


— Je ne pouvais pas… Je… je n’arrivais pas à le repousser mais… c’est stupide de t’avoir dérangé pour ça. J’ai simplement paniqué. Ce n’était vraiment pas grand-chose. C’était juste un baiser.


Sans rire. La dernière fois qu’il a croisé le garçon, la poussée de croissance de celui-ci avait pris des allures surréalistes : Jacob avait atteint les deux mètres de haut et semble avoir avalé trop d’anabolisants. Le gamin était plus jeune que Bella, il devait avoir... quoi seize ? Dix-sept ans ? Pourtant il était bâti comme une armoire à glace et paraissait déjà vouloir rivaliser avec la stature d’Emmett.


En toutes circonstances, la perspective qu’un homme malmène une femme de cette façon l’aurait déjà rendu fou de rage ; la pensée parasite d’un type de cette carrure essayant de s’imposer – d’une quelconque manière – à une fille du gabarit de Bella le fait se sentir malade : l’écart de taille entre eux est presque le même que celui qu’il partage avec Alice. Même sans prendre en compte le statut de créature surnaturelle et la force inhumaine de Black, la fille n’aurait rien pu faire pour se défendre. Autant se battre contre une montagne. La situation est encore pire du fait que Bella ait longtemps considéré le garçon comme un ami proche, presque comme un frère : Bella avait eu toute confiance en lui et le garçon avait renié ça, écrasant sa confiance. Inadmissible. Ses poings se serrent involontairement, et il sent ses mâchoires se crisper, ses muscles se tendre ; le prédateur toujours très proche de la surface lorsqu’il est pris par la colère.


Jasper sent une profonde vague de rage menacer de le submerger. Il fait de son mieux pour la réprimer, ne voulant pas la projeter par inadvertance sur sa belle-sœur et risquer de la bouleverser encore un peu plus. Il essaie de garder sa voix la plus douce possible pour lui répondre.


— Juste un baiser qui t’a fait horriblement peur.


Bella le regarde avec une expression terne et perdue, puis fond en larmes. Elle amorce un mouvement incertain dans sa direction, comme cherchant du réconfort mais n’osant pas l’approcher davantage.


Lui, hésite une fraction de seconde : il veut lui apporter toute la consolation qu’il peut mais n’est pas sûr que son geste soit bienvenu ni que faire un câlin à une humaine qu’il a manqué de tuer quelques mois plus tôt soit une brillante idée. Sa soif semble sous contrôle – c’est toujours plus facile pour lui d’ignorer sa faim quand il n’est pas à proximité d’autres vampires – mais il n’est certainement pas à l’aise avec la perspective de réconforter physiquement quelqu’un qu’il pourrait si facilement blesser. Bella met fin à son indécision, tendant son bras valide pour s’accrocher au devant de sa chemise.


D’accord. Si c’est ce dont elle a besoin, il peut bien faire ça. Prudemment, il répond à l’étrange recherche de contact, passant un bras derrière ses épaules et l’attirant dans une demi-étreinte. Alors, pour la première fois en 144 ans, Jasper enlace une humaine et oublie presque complètement sa soif de sang. Il se rappelle la phrase d’Alice lorsqu’elle les avait présentés : « tu ne vas pas la blesser. » cette fois, il en est convaincu. Il essaie de lui transmettre tout le réconfort qu’il peut artificiellement créer. Elle sanglote quelques instants, puis d’étranges rires nerveux lui échappent alors que la pression retombe, le calme factice remplissant son office.


Il la serre un peu contre lui, prenant garde à ne pas frôler le poignet sans doute cassé ; il est heureux de constater que le brouillard confus d’émotions négatives se dissipe. Bella relève la tête et lui adresse un drôle de sourire de connivence ; elle va mieux et maintenant elle est en sécurité. Il soupire de soulagement, ressentant la confiance et l’affection de la fiancée de son frère envers lui. Elle fait définitivement partie de la famille et il est heureux qu’elle ait osé l’appeler à la rescousse.


Bella vaut définitivement la peine qu’on se batte pour elle. Traité ou pas, frontière ou pas, le loup-garou a besoin d’une sérieuse mise au point. Peu importe ce que Jacob Black a fait, Jasper s’assurera qu’il regrette cet outrage.


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Notes : * référence à Destination finale, Emmett et Jasper sont censés être très clients de la culture Pop ;)

Le prochain chapitre sera consacré à Rosalie.


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