Juste un baiser

Chapitre 2 : A bout de souffle

4316 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/09/2024 15:30

Disclaimer : Twillight ne m'appartient pas.

Pas de bêta, j'espère ne pas avoir commis trop d'impairs ;)

Avant-propos : une petite "suite" focalisée sur Jasper, cette mini fic devrait comporter 4 chapitres en tout (un du point de vue de Rosalie, un sur Carlisle).



Jasper était seul dans la salle à manger des Cullen, assis dans la pénombre, à même le sol en marbre et un ordinateur portable en équilibre sur l’un de ses genoux. Il avait poussé la table en bois massif contre un mur et avait éparpillé partout dans la pièce une vingtaine d’ouvrages de référence sur la Première Guerre mondiale en provenance de six pays différents — un cadeau qu’Alice lui avait offert avec un sourire innocent moins de deux semaines après son escapade en Italie… comme une excuse – et de multiples articles universitaires glanés ici et là. Il venait de passer les douze dernières heures à les compulser méticuleusement, corrigeant directement dans les marges les erreurs les plus flagrantes et établissant des fiches de lecture précises pour chacun d’eux. Il était tellement absorbé par son sujet qu’il n’avait pas vu le jour tomber, ses yeux d’immortel percevant aussi clairement l’environnement dans la nuit qu’en pleine lumière. Il était maintenant en train de comparer attentivement ses notes pour les synthétiser et pouvoir tirer des conclusions sur les biais nationaux apparaissant en filigrane — voire grossièrement – dans les différents textes et écrire un essai détaillant les enjeux politiques, sociaux et économiques principaux à retenir du premier conflit humain mondialisé. Alice avait bien entendu visé juste pense-t-il avec un sourire ironique : ça fait longtemps qu’il ne s’est pas autant amusé sans que ce ne soit l’humeur joyeuse des autres qui ait influé sur la sienne.


Son don est tellement lié à ses propres émotions qu’il lui est parfois impossible de distinguer avec certitude ce qui provient de lui et ce qui émane de son entourage. C’est souvent écrasant lorsqu’il doit quotidiennement évoluer au milieu d’une foule — comme c’est le cas lors de leur parodie de vie lycéenne – traversé en permanence par une kyrielle d’émotions ne lui appartenant pas. Écrasant au point qu’il ne puisse plus être sûr de ses propres ressentis : ça lui laisse parfois l’impression d’être une coquille vide et sans substance, de n’avoir aucune émotion « personnelle », ce qui le rend vaguement morose. Alors, même si l’idée d’être séparé d’Alice plus de vingt-quatre heures lui était presque insupportable — surtout depuis ses cascades à Volterra – il avait demandé à être écarté de la session de chasse en extérieur pour bénéficier d’un moment de solitude ; il n’avait eu besoin que d’échanger un bref regard avec Rosalie pour savoir que sa sœur, même si elle restait à la résidence, avait autant besoin d’isolement que lui et ne lui adresserait pas la parole du week-end ni ne s’approcherait assez pour qu’il perçoive ses émotions si ce n’était pas strictement nécessaire. Depuis que la décision de transformer Bella en l’une des leurs avait été prise, l’humeur de Rosalie oscillait de maussade à acrimonieuse : elle avait besoin de temps seule avec elle-même pour digérer toute la situation. Même s’ils n’étaient jumeaux que sur le papier, c’était amusant de constater à quel point ils étaient généralement sur la même longueur d’onde.


Jasper tapota sur son clavier en souriant inconsciemment. C’était juste agréable pour lui d’être périodiquement isolé durant quelques heures, sans aucune émotion ne lui appartenant pas qui puisse se glisser dans les siennes pour les altérer, et de s’adonner à un loisir qui le passionne réellement. Une pause pour son empathie et une sortie salutaire de leur mascarade humaine et de leur vie en collectivité. Quelques heures d’isolement par mois pour se rappeler qui il était, reprendre la mesure de lui-même et pouvoir de nouveau être socialement fonctionnel.


La sonnerie de son téléphone, posé sur une console du salon, retentit bruyamment interrompant le moment de quiétude. Jasper sursauta, surpris. Alice et Emmett étaient les seules personnes qui l’appelaient fréquemment sur son portable et ils savaient à quel point il détestait être dérangé lorsqu’il entreprenait des analyses historiques. Il laissa l’ordinateur posé sur son genou choir sur le sol d’un mouvement adroit et se releva d’un bond, atterrissant dans le salon en une fraction de seconde ; sa vitesse surhumaine lui permettant d’avoir l’appareil en main avant même que la première sonnerie n’ait fini de résonner.


Il jeta un œil au nom du correspondant et sa surprise de changea instantanément en inquiétude.


Bella.


Il savait que, suite à leur retour à Forks, Edward avait enregistré les numéros de tous les membres de la famille dans le portable de sa future épouse au cas où elle aurait besoin de joindre l’un d’entre eux mais, quelque part, jamais, il n’aurait pensé que la petite humaine fasse usage du sien. Même si Bella lui avait affirmé avec une franchise absolue — dont son don certifiait l’authenticité – ne pas lui en vouloir pour « l’incident » ayant causé leur départ précipité de Forks et qu’elle n’était pas — pour une raison incompréhensible – plus effrayée en sa présence qu’avant qu’il ne l’attaque toutes dents dehors ; Jasper ne pouvait se pardonner l’événement. 144 ans depuis sa transformation en vampire et il était toujours incapable de se contrôler. Même face à une humaine qui aimait sincèrement son frère, qui leur faisait confiance et dont sa femme était profondément entichée. Une humaine que sa famille avait déjà plus ou moins adoptée et qu’il s’était juré de protéger. C’était mortifiant… plus que ça, outrageant.


Il déployait des trésors d’ingéniosité pour éviter autant que possible la fille et il savait que la meilleure amie d’Alice était trop intelligente pour ne pas l’avoir remarqué. Sa transformation en vampire ne pourrait pas venir assez vite. Aussi la raison pour laquelle elle l’appelait, lui entre tous, alors qu’elle était supposée passer la soirée avec ses amis loups à La Push le dépassait.


Les loups de La Push…


Bella Swan était un véritable aimant à danger : ç'aurait pu être drôle si ça n’avait pas été tragique. Il savait que Bella supportait de plus en plus mal le comportement surprotecteur de son frère qui la couvait comme si elle était un oisillon tout juste tombé du nid mais, pour être honnête, lui et Emmett n’avaient pu s’empêcher de plaisanter sombrement sur le fait qu’elle devait être sur la liste de la mort*. Empêcher qu’elle ne succombe tragiquement avant sa transformation relèverait de l’exploit.


S’il refaisait les comptes, elle avait – à sa connaissance – manqué de mourir exactement treize fois depuis son emménagement à Forks : deux fois le jour où Edward l’avait rencontrée ; une fois supplémentaire cette même semaine quand ce dernier avait manqué de céder à son impulsion, les pensées d’Emmett sur le goût miraculeux du sang de son chanteur, tournant en boucle dans l’ esprit du télépathe ; une autre fois alors que la voiture de Tyler dérapait droit sur elle ; une fois supplémentaire cette même journée, quand lui et Rose avaient planifié son meurtre pour protéger leur famille et avaient été stoppés in extremis par une Alice horrifiée et très en colère ; en passe d’être violemment agressée et sans doute tuée par une bande d’ordures si Edward ne l’avait pas « pistée » à Port Angeles ; par James, une première fois dans la forêt à l’arrivée des nomades lors du match de baseball et une seconde fois lorsqu’elle avait décidé d’échapper à sa protection à Phoenix pour se jeter volontairement dans les griffes du traqueur ; le jour de son anniversaire, par sa faute, pour un simple bout de papier-cadeau trop coupant ; lors de sa seconde rencontre avec Laurent dans la clairière ; lorsqu’elle s’était jeté d’une falaise de la réserve et avait manqué de se noyer ; lorsqu’elle s’était précipité en Italie avec sa femme et avait plaidé la cause d’Edward face aux Volturi et, récemment, renversée par un bus dans l’une des visions d’Alice. La fille n’était même pas au courant de ce dernier chausse-trappe évité de justesse.


Treize fois en moins de deux ans.


Et elle avait réussi à sympathiser durant leur courte absence avec les créatures surnaturelles les plus instables des environs et à apprendre à conduire une moto. Loisir que Jasper lui-même appréciait mais qui, mis entre les mains d’une personne ayant la chance et la dextérité de Bella, ressemblait à un acte de défiance envers l’univers.


Et, justement parce qu’elle était un véritable aimant à dangers, Jasper ne pouvait pas vraiment espérer que le motif de son appel soit anodin. Quels ennuis étaient encore tombés sur sa future belle-sœur ? Il décrocha le téléphone et entendit de courtes respirations nerveuses retentirent dans le combiné, avant d’avoir pu prononcer un mot.


-Jasper…


Il y avait presque une supplique dans la manière tremblante dont Bella avait prononcé son prénom. Son corps se tendit brutalement, tous ses instincts se hérissant : elle avait bien un problème.


-Désolée de te déranger. Je suis à l’extérieur de la réserve, juste derrière la frontière et je…


La voix de Bella était plus faible que d’habitude mais sonnait étrangement haut-perchée, il y avait également un trémolo bien perceptible sur certains mots et sa respiration était hachée. Elle était à bout de souffle, apparemment en pleurs et terrifiée. Jasper se mit en mouvement de manière automatique. Traversant la maison en un temps record, sautant par la fenêtre du séjour; il atterrit devant la porte du garage où Rosalie avait passé la journée avant que Bella n’ait terminé sa phrase.


-Je suis en route.


Même sans avoir Bella en visuel, il avait l’impression de pouvoir goûter à son soulagement à l’entente du souffle ténu qu’elle avait lâché à sa déclaration. Lui était tout sauf soulagé : en dehors de cette expiration chuintante, elle n’avait pas émis un mot, pas d’argumentation, pas les « prend ton temps […]c’est gentil à toi […] si tu es occupé, je me débrouillerai autrement » qui auraient normalement jailli en pagaille de la bouche de Bella même si elle avait été bouleversée. La porte du garage s’ouvrit à la volée, laissant filtrer une lumière vive. Rosalie le dévisageait en fronçant les sourcils.


Un sentiment d’urgence montait en lui mais il devait poser une autre question avant de se mettre en route.


-Es-tu blessée ?


Elle comprit les implications cachées derrière sa question et répondit d’un ton si bas et tremblant que Jasper aurait eu du mal à comprendre certains mots s’il n’avait pas bénéficié d’une audition vampirique.


-Je… oui… je crois que j’ai la main cassée, mais ça ne saigne pas.


Bien. Elle ne saignait pas. C’était déjà ça.


Il vit le corps de Rosalie se tendre face à l’incertitude et à la tonalité sanglotante de la voix de Bella, son visage devenant un masque dur tandis qu’un éclat de fureur perçait dans ses émotions ; lui-même se sentait pris d’une colère diffuse à l’idée que quelqu’un ait blessée la fille. Parce que la peur dans son ton ne pouvait signifier qu’une chose pour lui : quelqu’un l’avait blessée.


-Je serai là dans moins de cinq minutes. Garde l’appel en ligne et préviens-moi au moindre problème. Si tu es en danger, essaie de t’éloigner de la Réserve. Je te trouverai facilement même si tu t’enfonces dans la forêt.


Comme à chaque fois qu’il faisait face à une situation tendue, son accent ressortait de manière abrupte et sa voix prenait, malgré lui, des intonations directives. Il retira le téléphone de son oreille et le glissa dans la poche arrière de son pantalon, sans l’éteindre, ses yeux fixés dans ceux de sa sœur.


-Il y a apparemment eu un problème chez les Quileutes. Je vais récupérer Bella à limite de la frontière. J’irai plus vite en courant mais je ne prendrai pas le risque de la ramener ici en la portant. Rejoins-nous en voiture aussi vite que tu peux.


Il était parti sans attendre une réponse : Rosalie était d’une efficacité redoutable en cas de crise. Il savait qu’elle suivrait ses instructions à la lettre et gérerait la situation au mieux si ça devait s’envenimer. Il sprintait à pleine vitesse à travers la végétation. Sautant d’arbre en arbre, son esprit en alerte. Peu importe ce qui avait blessé Bella et l’avait bouleversée à ce point ; un mauvais pressentiment inondait son organisme. Il devait la trouver et vite.


Il repéra rapidement son odeur. Elle n’avait pas quitté la bordure de la frontière : soit elle n’était pas en danger, contrairement à ce qu’il avait préjugé et c’était une bonne nouvelle ; soit, elle était trop épuisée ou effrayée pour se déplacer. À cette distance, il ne pouvait pas encore percevoir ses émotions, mais les battements affolés de son cœur lui disaient tout ce qu’il avait besoin de savoir : elle était seule mais toujours terrorisée. Il avala difficilement son venin, intimant avec une colère froide à son « prédateur intérieur » de se calmer. Il n’avait jamais foncé sur un humain pour l’aider et non pas le vider de son sang. C’était contre-intuitif. Il devait durement réfréner ses instincts de chasse les plus primaires alors qu’il approchait de sa cible en courant.


Il n’était plus qu’à quelques centaines de mètres maintenant. Il pouvait apercevoir sa silhouette mince, recroquevillée sur elle-même ; il serait dans son champ de vision dans moins d’une fraction de seconde. Il ferma soigneusement la bouche et arrêta de prendre des inspirations de toutes manières inutiles, ne voulant pas prendre par inadvertance une bouffée d’air avant d’être sûr d’avoir repris un total contrôle de lui-même.


Il n’avait cependant pas besoin de prendre ces précautions, les émotions négatives de Bella le frappèrent si violemment que ça fit presque complètement disparaître sa soif : peur, colère, indignité, tristesse, honte, incompréhension, dégoût, douleur, culpabilité. C’était tranchant et chaotique. Il ferma les yeux un instant, se concentrant sur ses propres émotions, les canalisant au mieux pour lui envoyer une légère vague de calme. Il ne pouvait pas faire beaucoup plus pour l’instant. Étant lui-même tout sauf serein, il avait beaucoup de difficulté à être dans un état d’esprit qui lui aurait permis de réellement apaiser la fille. La lune était presque pleine mais sa lumière ne filtrait que faiblement à travers la futaie épaisse et l’écran du portable que Bella gardait serré dans l’une de ses mains ne produisait qu’une lueur dérisoire, elle ne devait pas voir grand-chose autour d’elle. Il ne voulait pas la surprendre mais n’avait pas le choix ; il signala sa présence d’une voix très basse, espérant ne pas la rendre encore plus affolée alors qu’elle semblait déjà au bord de l’effondrement nerveux.


-Bella


Elle releva vivement la tête dans sa direction, sursautant violemment. Ses yeux encore larmoyants s’écarquillèrent un instant de peur puis se remplirent d’un profond soulagement dès qu’elle l’eût identifié. Les émotions négatives furent instantanément toutes mises en sourdine, des sentiments de sécurité, de confiance et de gratitude envahissant Bella avec une puissance qui le fit presque reculer. Alice, Peter et les Cullen mis à part, il n’était pas sûr d’avoir déjà suscité une telle sensation de « confiance » chez quelqu’un. Le sentiment était d’autant plus incongru qu’il avait essayé de la tuer moins de six mois auparavant. Il lui envoya tout le réconfort qu’il pouvait en retour et elle lui adressa un infime sourire. Il aperçut des traces sombres le long de sa mâchoire et se figea une fraction de seconde : pour un humain les marques seraient quasiment invisibles, justes des ombres ; pour un vampire la forme caractéristique de bouts de doigts humains était aisément reconnaissable, les hématomes en formation tranchant avec la peau blême.


En quelques enjambées faites à un rythme humain, il était face à elle et l’examinait avec inquiétude, scannant son corps du regard à la recherche d’autres blessures. Il n’avait plus été aussi proche d’elle physiquement depuis leur voyage à Phoenix. Il se baissa, essayant de paraître le moins intimidant possible et lui tendit avec précaution une main pour l’aider à se relever. Elle la saisit maladroitement de sa main gauche, le laissant la tirer sur ses pieds.


Son bras droit était celui blessé, l’os du poignet semblait comporter une légère déviation et plusieurs phalanges étant rouges et gonflées comme si Bella avait frappé un mur. Ses cheveux étaient en désordre, ses yeux rougis et son visage, maculé de traces de larmes séchées. Elle tremblait au point de claquer des dents, même si les températures printanières étaient étonnement clémentes pour Forks et qu’elle était emmitouflée dans un long manteau. Elle semblait presque en état de choc. Il retira sa propre veste et la drapa sur les épaules de la fille : une couche supplémentaire de vêtements ne ferait pas de mal. Il serra les dents en voyant la grimace de douleur qu’elle faisait alors qu’un mouvement involontaire agitait son bras blessé.


-Que s’est-il passé ?


La panique et les émotions négatives revinrent immédiatement, même si elles frappaient Jasper moins durement que la première fois. Elle baissa les yeux et pinça les lèvres, son visage déjà livide se vidant du reste de ses couleurs.


-Je… je crois que je me suis cassé la main en donnant un coup de poing à Jacob.


Jacob Black. Comme à chaque fois qu’elle passait du temps à la Push, Bella était enveloppée par l’odeur rance des métamorphes. Maintenant que Jasper y prêtait attention l’arôme âcre attaché à elle lui paraissait encore un peu plus prégnant qu’à l’habituel ; pas qu’il s’en plaignait, l’odeur écœurante masquant efficacement celle du sang humain courant sous sa peau. La honte, la colère et la tristesse que Bella venait d’éprouver en prononçant le prénom du garçon donnaient à Jasper une assez bonne hypothèse sur ce qui avait pu se produire et de ce qu’avait pu faire le loup pour mériter un coup de poing, mais il avait besoin d’une confirmation.


-Qu’a-t-il fait pour que tu éprouves le besoin d’en venir à la violence physique ?


Il se penchait légèrement vers elle, essayant de capter son regard. Sous cet angle, il voyait clairement se dessiner d’autres sombres traces de doigts juste à l’arrière de sa nuque : il retint un grognement furieux. Elle releva finalement les yeux vers lui et le dévisagea comme si elle ne l’avait jamais vu, une angoisse sourde montant en elle, malgré la couverture de sérénité dans laquelle il tentait de l’envelopper. Un silence pesant s’étira quelques secondes avant qu’elle ne prononce les mots. Elle semblait quasiment craindre un jugement de sa part.


-Il… il m’a embrassée. Je… c’était juste un baiser.


C’était presque un chuchotement et la violente culpabilité qui accompagnait la déclaration aurait pu faire croire à Jasper qu’elle venait de lui avouer un crime dont elle serait la fautive. Il était immensément soulagé de ne pas percevoir la moindre marque physique ou « odeur de fluide » sur le corps de Bella qui puisse automatiquement contester le « juste un baiser » tremblant et sans conviction qu’elle venait de lui adresser. Alors qu’il pensait qu’elle allait garder le silence, elle ajouta quelque chose qui fit encore monter d’un cran son niveau de fureur et d’écœurement.


-Je ne pouvais pas… Je… je n’arrivais pas à le repousser mais… c’est stupide de t'avoir dérangé pour ça. J'ai simplement paniqué. Ce n’était vraiment pas grand-chose. C’était juste un baiser.


Sans rire. La dernière fois qu’il avait croisé le garçon, la poussée de croissance de celui-ci avait pris des allures surréalistes : Jacob atteignait les deux mètres de haut et semblait avoir avalé trop d’anabolisant ; à dix-sept ans à peine le gosse était bâti comme une armoire à glace et paraissait vouloir rivaliser avec la stature d’Emmett.


En toutes circonstances, la perspective qu’un homme malmène une femme de cette façon le rendait déjà fou de rage ; la pensée parasite d’un type de cette carrure essayant de s’imposer – d’une quelconque manière – à une fille du gabarit de Bella le fit se sentir malade : l’écart de taille entre eux était presque le même que celui qu’il partageait avec Alice. Même sans prendre en compte le statut de créature surnaturelle et la force inhumaine de Black, la fille n’aurait rien pu faire pour se défendre. Autant se battre contre une montagne. Ses poings se serrèrent involontairement et il sentit ses mâchoires se crisper, ses muscles se tendre ; le prédateur toujours très proche de la surface lorsqu’il était pris par la colère.


Juste un baiser, n’est-ce pas ?


Jasper sentit une profonde vague de rage menacer de le submerger. Il fit de son mieux pour la réprimer, ne voulant pas la projeter par inadvertance sur sa belle-sœur et risquer de la bouleverser encore un peu plus. Il essaya de garder sa voix la plus douce possible pour lui répondre.


-Juste un baiser qui t’a fait horriblement peur.


Bella le regarda avec une expression terne et perdue, puis fondit brutalement en larmes, elle amorça un mouvement incertain dans sa direction, comme si elle cherchait du réconfort mais n’osait pas l’approcher davantage.


Lui, hésita une fraction de secondes : il voulait lui apporter toute la consolation qu’il pouvait mais n’était pas sûr que son geste soit bienvenu ni que faire un câlin à une humaine qu’il avait manqué de tuer quelques mois plus tôt soit une brillante idée. Sa soif semblait sous contrôle – c’était toujours plus facile pour lui d’ignorer sa faim quand il n’était pas à proximité d’autres vampires – mais il n’était certainement pas à l’aise avec la perspective de réconforter physiquement quelqu’un qu’il pouvait si facilement blesser. Bella mit fin à son indécision, tendant son bras valide pour s’accrocher au devant de sa chemise.


D’accord. Si c’est ce dont elle avait besoin, il pouvait bien faire ça. Prudemment, il répondit à l’étrange recherche de contact, passant un bras derrière ses épaules et l’attirant dans une demi étreinte. Alors, pour la première fois en 144 ans, Jasper enlaça une humaine en oubliant complètement sa soif de sang. Son pouvoir était encore plus efficace quand il avait un contact physique avec la personne ; il essaya de lui transmettre tout le réconfort qu’il pouvait artificiellement créer. Elle sanglota quelques instants, puis d’étranges rires nerveux lui échappèrent alors que la pression retombait, le calme factice remplissant son office.


Il la serra un peu contre lui, prenant garde à ne pas frôler le poignet sans doute cassé ; il fut heureux de constater que le brouillard confus d’émotions négatives se dissipait. Bella releva la tête et lui adressa un drôle de sourire de connivence; elle allait mieux et maintenant elle était en sécurité. Il soupira de soulagement, ressentant la confiance et l’affection de la fiancée de son frère envers lui. Elle faisait définitivement partie de la famille et il était heureux qu'elle ait osé l'appeler à la rescousse.


Bella valait définitivement la peine qu’on se batte pour elle. Peu importe ce que Jacob Black avait fait, Jasper s’assurerait qu’il regrette sincèrement son geste. Traité ou pas, frontière ou pas, le loup-garou avait besoin d’une sérieuse mise au point.



Notes: * référence à Destination finale, Emmett et Jasper sont censés être très clients de la culture Pop ;)

Le prochain chapitre sera consacré à Rosalie.


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