Juste un baiser

Chapitre 1 : Passer la frontière

2590 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 31/08/2024 14:23

Disclaimer : Twillight ne m'appartient pas.

Pas de bêta... ni de relecture.

Cette fanfiction participe au jeu d'écriture : Mots-Clés « Frontière et Regrets » du forum fanfictions.fr (juillet/août 2024)



Bella a le cœur qui bat au fond de sa gorge, la sensation déchirante venant de son bras lui fait monter les larmes aux yeux, ses jambes sont douloureuses et chaque inspiration qu’elle prend lui brûle les poumons. Elle ne peut pas arrêter de courir. Elle ne sait pas depuis combien de temps elle court mais l’adrénaline ne sort pas de son système, une terreur abjecte continuant de remuer au tréfonds de ses entrailles.


Edward lui avait demandé d’un ton suppliant de ne pas se rendre à la Push, là où sa famille et lui ne pouvaient pas intervenir si elle était en danger, là où les visions d’Alice étaient quasiment toutes neutralisées par la présence des métamorphes. Edward l’avait suppliée, mais elle l’avait ignoré, bien décidée à maintenir les amitiés créées durant leur séparation. Déterminée à rester fidèle à ceux qui étaient restés à ses côtés quand elle en avait le plus besoin et à ne plus se laisser dicter sa conduite par qui que ce soit.


Depuis le retour des Cullen à Forks, elle essayait de ne plus laisser Edward contrôler ses moindres faits et gestes, décidée à lui montrer qu’elle était sa propre personne et qu’elle était libre de faire ses propres choix. Leur séparation l’avait déchirée, elle avait cru devenir folle de douleur : elle ne s’était jamais sentie si vide, si inconsistante, les cauchemars la faisant hurler toutes les nuits et la laissant dans un état d’épuisement comateux le jour. Elle avait passé des semaines dans un état lamentable, inquiétant sans fin la personne la plus stoïque qu’elle connaisse. Son père, l’inaltérable Charlie Swann qui, à court de solutions, avait fini par s’inquiéter de sa santé mentale, suggérant qu’elle devait aller voir un psychologue et la menaçant de la renvoyer de force se « ressourcer » sous le soleil de Californie.


Et elle avait été proche de la catastrophe, se mettant volontairement en danger en traînant dans l’un des quartiers les plus malfamés de Port Angeles, hésitant à aborder avec bravade des inconnus ressemblant à ceux qui avaient essayé de la violer un peu moins d’un an auparavant. Elle ne savait pas quel avait été son but exact, si ça avait été un acte de défiance envers le destin ou une rébellion enfantine et autodestructrice pour briser tous les serments « de sécurité » qu’Edward avait tenté de lui imposer avant de s’évaporer dans la nature. C’était un miracle qu’il ne lui soit rien arrivé de tragique. Elle ne s’en souciait pas à l’époque, comme si elle était trop émotionnellement engourdie pour ressentir vraiment la peur et conserver un instinct de survie minimal. Quoique d’après les affirmations de ses amis appartenant au monde surnaturel, fréquenter volontairement et avec assiduité des vampires et des loups-garous ne dénotait pas d’un grand instinct de survie. Peut-être n’en avait-elle jamais eu. Pourtant, aujourd’hui, son instinct s’est réveillé et lui a hurlé de fuir. Elle le fait avec l’énergie du désespoir.


Après des mois d’une mélancolie abrutissante, c’est finalement le développement de son amitié avec Jacob Black et son intégration comme membre honoraire de la meute Quileute qui l’a lentement ramenée à la vie et l’a « sauvée » de son apathie, faisant cesser les cauchemars constants et la tirant du brouillard de morosité dans lequel elle s’était enfoncée après le déménagement précipité des Cullen. Elle appelait Jacob « son soleil » parce qu’il avait réussi à ramener un peu de lumière dans une existence qui lui semblait floue et en teintes de gris depuis le départ d’Edward. C’était un garçon tellement gentil, si drôle et généreux – plein de joie de vivre et d’optimisme – avant sa transformation en loup qu’elle n’avait pu s’empêcher de vouloir rester amie avec lui, même après qu'il soit devenu plus irascible et ombrageux. Même après que son béguin unilatéral pour elle ait pris des proportions gênantes et qu’il ait déversé des propos acides sur sa relation avec Edward, elle avait continué à clamer qu’il était son meilleur ami, essayant de l’en persuader autant qu’elle ne cherchait à s’en convaincre. Ça s’était fait progressivement, à bas bruit, mais l’adolescent rieur et doux avait radicalement changé et Bella n’avait pas voulu l’admettre.

Jacob avait été son soleil, la Push son refuge et maintenant… Bella empêcha difficilement un sanglot de se construire dans sa poitrine tandis qu’une nouvelle vague de nausée la traversait, elle devait continuer à courir.


Elle aspire difficilement de l’air, ses jambes pulsant douloureusement sous elle, l’élancement dans son poignet brisé rayonnant à chaque foulée alors qu’elle continuait à fuir de toutes ses forces vers la frontière de la réserve. Elle n’était plus qu’à quelques centaines de mètres maintenant. Elle était surprise de ne pas s’être déjà effondrée d’épuisement ou d’avoir fait un vol plané après avoir trébuché : la coordination et l’endurance n’avaient jamais fait partie de ses qualités. Jamais. Elle était à peu près sûre d’être l’une des personnes les plus maladroites et les moins sportives de tout l’état de Washington. Pourtant, son corps lui semblait en pilotage automatique, presque comme cette fois, il y a quelques semaines, à Volterra où elle courait plus vite qu’elle ne l’avait jamais fait pour trouver Edward avant qu’il ne commette l’irréparable. Cette fois-là, elle avait couru pour sauver la vie de la personne comptant le plus au monde pour elle, l’homme qu’elle aime. Le seul qu’elle veuille aimer pour l’éternité.


Là, elle ne sait même plus pourquoi elle fuit de manière si désespérée : sa vie n’est pas en danger, rien de dramatique n’est arrivé… rien n’est arrivé… elle a juste besoin de mettre des kilomètres de distance entre elle et Jacob.


Elle s’effondre juste après la ligne de démarcation de la frontière, vidée de tout élan et le corps tremblant. À bout de souffle. Les larmes se mettent à rouler librement sur ses joues sans qu’elle puisse les retenir. Comme si traverser cette ligne imaginaire avait été son seul objectif viable et que maintenant celui-ci atteint, son corps – poussé bien au-delà de ses limites – refusait de continuer à fonctionner. La panique fait rage en elle, dévorant toutes ses pensées rationnelles et une sensation écœurante lui comprime la poitrine. Elle ne sait pas quoi faire : pendant sa course folle, elle avait songé à appeler les Cullen. Désespérée d’avoir à ses côtés n’importe lequel d’entre eux pour la protéger et éteindre le sentiment de terreur qui l’avait portée des abords de la première plage jusqu’à la frontière Quileute en un temps record. Maintenant qu’elle était arrivée au-delà de la ligne de démarcation du traité et qu’elle sent son téléphone portable vibrer dans sa poche, ses mains tremblent tellement qu’elle ne sait pas si elle va réussir à l’attraper pour vérifier qui l’appelle. Son esprit est sens dessus dessous ; Alice a-t-elle eu une vision malgré sa proximité avec la Push ? Si elle décroche qui aura-t-elle au bout du fil et que pourrait-elle dire qui ne sonne pas plus dramatique que la situation navrante ne l’avait réellement été ? Comment justifierait-elle son état de panique et d’effondrement sans que son interlocuteur pense que le dérapage avait été pire que ce qu’elle voulait bien décrire ? C’était juste un baiser.


Edward, Esmée, Alice et Emmett sont partis chasser dans un domaine forestier montagneux, ils ne reviendront pas à Forks avant au moins une dizaine d’heures. Carlisle est de garde à l’hôpital et Bella ne veut pas le déranger au travail pour des broutilles : elle se sent déjà suffisamment mortifiée sans que le compatissant patriarche Cullen ne vienne la récupérer en urgence à la frontière de La Push alors qu’elle sanglote comme une gamine effrayée. Ça ne laisse que Jasper et Rosalie comme vampires présents et disponibles dans les environs, les deux Cullen dont elle est la moins proche : le compagnon d’Alice, toujours souriant, courtois et calme… qui la fuit comme la peste depuis qu’il a accidentellement manqué de la tuer le jour de son anniversaire ; et, l’incroyablement belle et tenace Rosalie… qui s’est radoucie ces dernières semaines, mais la traite à présent avec une distance polie, jugeant toujours silencieusement ses choix avec une bonne dose de réprobation.

Ce n’était qu’un baiser. Un baiser forcé qui avait dérapé.


Et, elle sent qu’elle ne peut pas en parler librement aux Cullen sans que ça ne risque de déclencher un conflit entre le clan Olympique et les métamorphes de la tribu. Ça n’en vaudrait pas la peine. Elle n’en vaut pas la peine. Mais si Bella ne veut pas le dire aux Cullen, elle n’a aucun moyen de rentrer chez elle. Elle ne peut se résoudre à faire machine arrière et retourner au domicile des Black pour y récupérer son camion. Tout son corps se rebelle à cette simple pensée. Elle réprime un haut-le-cœur, les circonstances ayant entouré la mort de Rosalie s’imposant de manière diffuse à son esprit sans qu’elle ne puisse rien y faire. Ce n’était pas la même chose. Pas du tout : c’était juste un baiser qui avait mal tourné, Jacob n’aurait jamais été jusqu’au bout. Bella essaie de s’en convaincre elle-même mais elle ne peut que frémir d’horreur en repensant au baiser brutal et intrusif, aux mains qui la pressaient violemment contre un torse nu et bouillant alors qu’elle se débattait sans succès.


Elle ne pouvait pas se sortir de la tête le regard rempli de désir et de colère que Jacob lui avait adressé avant de fondre sur elle pour lui imposer un baiser plein de hargne, une main géante plaquée à l’arrière de sa nuque, les doigts s’enfonçant inconfortablement dans son cou, tandis que son autre bras enserrait son dos dans une étreinte de fer pour presser son corps contre le sien. Les mouvements nerveux de Bella pour se dégager avaient à peine paru atteindre Jacob, sa résistance ne le faisant pas reculer d’un iota mais semblant au contraire le rendre plus déterminé et agressif dans ses gestes. Elle s’était alors figée complètement, une sensation désagréable au creux du ventre, alors qu’il continuait d’enfoncer sa langue dans sa bouche et commençait à laisser l’une de ses mains brûlantes errer impudiquement contre sa taille. Elle avait gardé les yeux ouverts et était restée la plus immobile possible, sentant des larmes d’impuissance et de rage poindre, priant pour que son total manque de réponse mette fin à la fougue du garçon.


Après quelques baisers plus doux et des poignées de secondes qui avaient semblé interminables à Bella, Jacob avait finalement reculé et lui avait adressé un léger sourire qui s’était transformé en une moue contrariée, ses sourcils se fronçant, en constatant à quel point elle était bouleversée.

Sa propre voix avait semblé faible à ses oreilles quand elle lui avait demandé s’il « avait fini ». Elle avait mis toute la force qu’elle avait pu rassembler dans le coup de poing qu’elle lui avait asséné. La douleur déchirante qui avait éclaté dans ses phalanges et dans son poignet n’avait rien été face à la peur irrationnelle qui l’avait envahie alors que Jacob lui avait adressé un regard interloqué et avait tenté de s’excuser de manière peu sincère avant d’affirmer qu’il allait la raccompagner chez elle. L’enlaçant de nouveau contre son gré tandis qu’elle essayait de s’éloigner. Ça avait été la dernière goutte d’eau. Elle lui avait hurlé de ne pas la toucher et s’était mise à courir de toutes ses forces vers la frontière, une sensation d’oppression dans la poitrine, sachant qu’il pourrait la rattraper en quelques foulées paresseuses s’il décidait de la suivre.


C’était juste une peur sans fondement, essayait de se raisonner Bella : Jacob ne l’avait pas suivie et il n’aurait jamais été plus loin. Il fallait qu’elle se calme, c’était juste un baiser. Un mauvais baiser, rien de plus. Elle n’allait pas inquiéter Rosalie ou Jasper avec ça… il fallait seulement qu’elle trouve une autre idée pour rentrer chez elle sans avoir à récupérer son véhicule. Peut-être appeler Charlie pour qu’il passe la chercher ? La conversation serait sans doute pénible mais elle pouvait la gérer.


Bella ravala ses larmes et sortit le portable qui continuait de vibrer depuis la poche de son manteau, elle réussit à maladroitement ouvrir le clapet de sa main gauche et se figea en voyant le nom du contact s’afficher, tout l’air quittant ses poumons.

Jacob.


Elle était toujours prostrée à quelques mètres de la frontière. S’il voulait la rejoindre pour la ramener chez elle, il serait là en quelques minutes et elle ne pourrait peut-être pas s’opposer à lui s’il insistait pour la raccompagner. La perspective d’être coincée avec Jacob dans l’habitacle de son camion durant une dizaine de minutes la faisait se sentir claustrophobe et elle sentait de nouveau la panique menacer de la submerger. Elle ne pouvait pas de nouveau lui faire face. Pas ce soir, seule, alors qu’elle sentait encore la peur, la tristesse, la colère et la honte se disputer ses entrailles. Elle avait besoin d’aide. Sans réfléchir, elle appuya sur le bouton raccrocher et sélectionna un contact qu’elle n’avait jamais utilisé. Son interlocuteur décrocha immédiatement, mais resta silencieux.

Elle essaya de se ressaisir, luttant pour trouver sa respiration et ses mots. Espérant vainement qu’il ne remarque pas son souffle court et ne demande pas de justification à son étrange requête.


– Jasper… désolée de te déranger. Je suis à l’extérieur de la réserve, juste derrière la frontière et je…


La sensation de soulagement qu’elle ressentie en entendant une voix douce et traînante l’interrompre était indescriptible. La réponse était laconique.


– Je suis en route.


Bella avait franchi une nouvelle frontière, c'était sans regrets.

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