En attendant la pluie
Bêta : KillerNinjaPanda (AO3), toujours au taquet pour débusquer les fautes !
Avant-propos : désolée pour le retard (la vie irl, les bugs du site, tout ça) mais ne vous inquiétez pas j’ai encore quelques chapitres d’avance et j'ai enfin du temps libre pour avancer -bon, je dois trouver la motivation- et mener l’écriture de cette histoire à son terme. Voilà la suite et les conséquences « directes » de l’altercation entre Emmett et Jasper. Bonne lecture ;)
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En regardant l’expression douloureuse d’Edward, Emmett eu l’impression que les marques couvrant la peau de Jasper n’étaient que la pointe émergée de l’iceberg et qu’il y avait bien plus de « choses inimaginables » et innommables s’étant produites dans le Sud. Des marques et fêlures invisibles.
« Notre monde n'a pas besoin d'âmes tièdes. Il a besoin de cœurs brûlants.»
Combat – Albert Camus
Emmett ferma les yeux et essaya d’arrêter la vague de colère et de dégoût qu’il sentait menacer de le submerger. Ce n’était vraiment pas le moment. Il avait assez causé de souci à Jasper aujourd’hui sans laisser son état émotionnel l’affecter en supplément. Il essaya d’oublier sa culpabilité, son dégoût envers la créatrice de Jasper et d’ignorer la douleur lancinante qui venait de son bras. Il se focalisa sur des choses sans importance mais agréables comme le bruit délicat des gouttes de pluie tombant maintenant en rythme sur le sol de la forêt, sur les gazouillements d’une famille de piverts au loin, sur le sourire fier de Rosalie lorsqu’elle rentrerait de ses courses et lui montrerait ses dernières trouvailles. Calme. Calme. La vie était belle et il devait vraiment rester calme. Il fallait penser à de belles choses.
« Fais la même chose, Edward. Pense à des choses agréables.» [1]
Apparemment ça fonctionnait un peu, Jasper le regarda d’un air étrange, puis finit par souffler d’un ton très bas, son accent à couper au couteau.
-Merci. Désolé pour la morsure. Essaie d’aspirer le maximum de venin hors de la plaie, maintenant. Ça aidera un peu à apaiser la douleur et laissera une cicatrice moins visible.
Il ne les quittait pas des yeux et semblait toujours en alerte, les bras croisés contre son torse dénudé et marqué. Il avait les épaules tendues mais, en cet instant, quelque chose dans sa posture le faisait paraître bien plus exténué que dangereux malgré ses yeux toujours assombris et la kyrielle de cicatrices qui contribuait à rendre son allure, éminemment meurtrière, encore plus évidente qu’à l’accoutumée.
Emmett se maudit de nouveau intérieurement pour tout ce foutoir et se dépêcha d’appliquer le conseil : aspirant le plus de venin possible et le crachant sur le sol. Le goût que le venin laissait sur sa langue était révoltant mais il sentit instantanément son bras s’engourdir et la douleur diminuer.
-Merci mec, ça fonctionne !
Jasper fixa sur lui un regard illisible et haussa nonchalamment les épaules, l’air toujours accablé. Ils continuèrent tous à se regarder en chien de faïence pendant trois bonnes minutes. Aucun d’eux ne sachant vraiment que dire ou faire pour briser le silence pesant et dépasser cette situation navrante.
-Je pense que la compétition est finie pour aujourd’hui, conclut sèchement Edward. Nous devrions rentrer et attendre le retour des filles et de Carlisle.
Jasper ne fit aucun mouvement pour montrer un quelconque signe d’assentiment. Il ne bougea pas d’un millimètre, restant figé comme une statue, les yeux fixés sur un point invisible et semblant perdu dans ses pensées.
Edward le regarda avec un air soudainement alarmé, paraissant avoir compris ou entendu quelque chose dans l’esprit de l’autre vampire. Il secoua la tête avec vigueur.
-Ce n’était pas ta faute. Vous n’avez pas à partir !
Jasper haussa de nouveau les épaules et leva vers eux un visage inexpressif. Son timbre était terriblement détaché quand il prit parole. Bien sûr que non : c’était de la faute d’Emmett – cet idiot impulsif qui n’avait pas une once d’hostilité dans son immense corps et qui avait si peu peur de lui qu’il avait voulu le bousculer pour jouer – mais en quoi cela changeait-il quoi que ce soit ?
-Peu importe la responsabilité de départ. Je n’aurais jamais dû mordre Emmett. Ne vous inquiétez pas, ça ira pour nous. Nous partirons dès le retour d’Alice.
-C’est stupide. Pourquoi partiriez-vous alors que tu ne lui aurais rien fait, en premier lieu, s’il ne t’avait pas sauté dessus ?
-Je ne te comprends pas. Tu me supportes à peine et je viens d’agresser l’un des membres de ton clan, alors pourquoi tiens-tu tant à ce que nous restions ? Si c’est par inquiétude pour Alice, je me dois de te rappeler qu’elle n’est pas ton souci. C’est ma compagne et je…
-La question n’est pas de savoir si je vous apprécie ou non mais de savoir ce qui est juste, l’interrompit Edward d’un ton buté et en fronçant les sourcils.
L’irritation perçait de plus en plus dans le ton de Jasper tandis qu’il élevait la voix pour répondre au télépathe.
-Il n’y a pas de question de justice et ce n’est pas en débat ! Je n’ai pas respecté les règles de votre clan. Nous partons !
Jasper avait bafoué, moins d’un mois après son arrivée, l’une des seules règles sur lesquelles Carlisle avait insisté. La première règle même : ne pas faire de mal à un membre de la famille. Et il avait utilisé son don de manière offensive. Soit Carlisle était aussi doux et pacifiste qu’il le prétendait et il exigerait juste son départ suite à « l’incident », ce que Jasper estimerait peu cher payé – ils plieraient bagages avant que l’homme n’ait même besoin de le demander — soit il ne l’était pas et, dans ce cas, autant fuir avant que toute prémisse d’une vengeance ait pu être exercée…
Indépendamment de la supposée tolérance du médecin, les sanctions pour un acte d’agression comme celui-ci devaient être exemplaires. Et même si Jasper savait mériter un châtiment, il était incapable de l’accepter. Ils n’avaient pas d’autre choix que de partir rapidement. Il ne savait pas comment il allait pouvoir l’annoncer à Alice qui avait tant désiré intégrer cette famille, elle allait être si triste… Elle devait déjà l’être, ayant sans doute déjà vu sa résolution à s’éloigner au plus vite du clan Cullen. Il aurait presque fait n’importe quoi pour elle, mais il ne pouvait pas faire ça. Il n’allait pas attendre que le couperet tombe alors que chaque fibre de son corps lui intimait de fuir : peu importe les conséquences de son acte, tout ce qu’il savait, c'est qu’il ne pouvait pas les supporter. Plus maintenant.
Certes, il était assez incongru d’imaginer Carlisle être cruel mais il voyait mal ce que l’homme pouvait prévoir comme sanction pour un manquement de ce type qui ne soit pas radical. Carlisle étant à la tête d’un clan comprenant à la fois un télépathe et un vampire à la force herculéenne, il ne pouvait pas être indulgent au point de faire preuve de faiblesse : le médecin était un vieil ami d’Aro ; peut-être allait-il appeler les Volturi pour qu’ils prononcent la sentence et se chargent de l’appliquer ? [2] Ça semblait être une option crédible. Le train des pensées de Jasper s’emballait à ce stade sans qu’il puisse rien y faire : il respectait les Volturi autant qu’il les craignait mais les rumeurs qu’il avait entendues sur eux ne laissaient pas envisager qu’il y ait une quelconque douceur dans leur manière de rendre la justice. Ils choisiraient sans doute de l’exécuter — et il aurait de la chance s’ils ne le torturaient pas avant la mise à mort – ou voudraient l’enrôler de force dans leur rang comme tribut pour l’affront envers Carlisle et toutes les décennies passées à entraîner une armée illicite de nouveau-nés dans le Sud… Il ne tenait pas mourir et il n’avait pas la moindre intention de combattre de nouveau.
Jasper ne pouvait, qui plus est, pas risquer que la garde rencontre Alice : son pouvoir était bien trop rare et précieux pour que les monarques ne le convoitent pas s’ils en entendaient parler. Il ne pouvait pas prendre le risque de la mettre dans leur ligne de mire et qu’elle soit condamnée à cause de son association avec lui.
Ils avaient fait une grossière erreur en venant chez les Cullen : Alice et lui devaient partir. Et vite.
Maintenant qu’il y réfléchissait, Jasper se rendait compte d’à quel point ils avaient fait preuve d’insouciance en se rendant chez ce clan qu’ils ne connaissaient qu’au travers de visions parcellaires et en leur exposant si vite la nature de leurs pouvoirs… à quel point il avait été négligent en voulant faire plaisir à sa compagne : comment allaient-ils se cacher et échapper aux Volturi si Carlisle ne se contentait pas de leur départ et décidait de les dénoncer ? Devait-il essayer de plaider leur cause auprès du médecin avant leur départ ? Le convaincre de ne pas lancer les Volturi à la recherche d’Alice en échange de l’acceptation de toute sanction que le vieux vampire jugerait appropriée ? Tant qu’il n’exigeait pas sa tête… Jasper serra machinalement les poings, perdu dans de sombres projections ; il pouvait endurer beaucoup de choses si ça garantissait la sécurité d’Alice.
Edward secoua de nouveau la tête avec force, il semblait vraiment énervé, tendu et… attristé. Ça surprenait Emmett, son jeune frère était souvent maussade ou ombrageux mais c’était rare qu’il soit si perturbé et montre de vraies émotions à d’autres que Carlisle ou Esmée.
-Tu ne comprends pas ! Carlisle ne va rien te faire. Il ne va pas te punir alors que tu n’es même pas responsable de ce fiasco. Et les punitions de Carlisle n’ont rien à voir avec toutes les absurdités auxquelles tu es en train de penser. Je le connais depuis plus de trente ans, c’est quelqu’un de bien, je ne sais même pas comment tu peux croire qu’il….
Jasper semblait de plus en plus agacé maintenant, sa panique l’empêchait visiblement de dissimuler ses pensées et il n’était pas ravi de ce qu’Edward pouvait lire dans son esprit. Il haussa un sourcil avec défi et interrompit sèchement le télépathe.
-Eh bien Edward, si ce que je pense est absurde, dis-moi quel genre de punition infligerait ton créateur a quelqu’un ayant brisé sa règle la plus importante ?
-Tu imagines vraiment Carlisle être violent physiquement avec quelqu’un ? Même toi qui le connais à peine, tu devines que c’est ridicule. À part pour protéger Esmée, je ne peux même pas l’imaginer en train de se battre ! Et ton idée qu’il fasse appel aux Volturi et leur demande de te torturer ou de te juger comme un criminel, c’est complètement aberrant ! Tu n’as même pas intentionnellement brisé sa règle, tu croyais juste te défendre.
-Une question de perspective et de gravité, je suppose. Quelle est la pire chose que tu aies jamais faite et quelle sanction as-tu reçue pour ça, mon garçon ?
La voix de Jasper était glaciale et il avait un léger rictus moqueur, comme s’il s’attendait à ce qu’Edward avoue une broutille. Il avait décroisé ses bras et se dressait à nouveau de toute sa hauteur, il avait relevé la tête et toisait Edward avec l’air de quelqu’un qui sait mieux comment fonctionne le monde. Emmett nota la brusque condescendance des mots employés. Il lui trouvait une étonnante ressemblance avec Rosalie en cet instant : entre ses cheveux dorés vaguement ondulés, son expression dédaigneuse et son attitude polaire. Edward leva brièvement les yeux au ciel mais tenta de lui répondre de manière mesurée.
-Eh bien, mon grand, je pense que le pire que j’aie fait était certainement les trois années où je suis parti vivre seul pour pouvoir me nourrir d’humains. J’ai brisé la seconde règle de mon père et j’ai essayé de jouer à dieu : j’ai tué des hommes que je considérais indignes de vivre après avoir lu leurs pensées. Durant cette période, j'ai tué 352 personnes. Lorsque je suis revenu, Carlisle m’a accueilli à bras ouverts. Quand j’ai voulu m’excuser et lui ai expliqué ce que j’avais fait, il a voulu assumer une partie de mes fautes en me disant qu’il était aussi responsable de ces morts que moi. Que toute personne créant un vampire risquait de provoquer des morts humaines. Jamais je ne me suis senti si coupable et humilié qu’en pensant que j’avais poussé Carlisle à se considérer comme ayant du sang sur les mains.
Le ton d’Edward était tendu et il secoua la tête alors que Jasper semblait l’étudier du regard, le fixant avec les sourcils froncés et la mâchoire serrée.
-Mais je suppose que ce n’est pas le genre d’anecdote qui t’intéresse puisque Carlisle ne m’a pas puni et n’a pas été furieux contre moi. La pire chose que j’ai faite aux yeux de Carlisle, et de loin, c’est d’avoir blessé Rosalie quelques mois après sa transformation. Je ne l’ai pas frappée ou mordue mais je lui ai dit une chose vraiment atroce.
Emmett savait que son épouse, dans sa première année, avait réussi à combattre tous ses instincts de nouveau-né pour se « faire justice » sans boire une goutte de sang. Un exploit. Elle avait tué ses cinq agresseurs d’une manière particulièrement macabre et avait également éliminé deux innocents dans la foulée. Des dommages collatéraux. Elle avait disparu plus d’une semaine durant sa vendetta, inquiétant sans fin Esmée et faisant culpabiliser Carlisle à un point inimaginable. Lorsqu’elle était revenue en robe de mariée, souriant froidement et couverte de sang, sans une once de remords dans ses pensées, Edward avait vu rouge.
Ils avaient eu une terrible dispute et Edward avait fini par lui dire quelque chose de vraiment ignoble. Emmett ne savait toujours pas les mots exacts que son frère avait prononcés mais il savait qu’une crise majeure avait eu lieu…
« Les gardes que tu as tués étaient des dommages collatéraux ? Ça doit être agréable de pouvoir justifier n'importe quelle action et de ne jamais avoir à se sentir coupable de quoi que ce soit. Tu es tellement arrogante et superficielle ! Si tu ne passais pas ton temps à te pavaner et à essayer de charmer tous ceux qui t’entourent peut-être, qu’en premier lieu, aucun de ces hommes ne t’aurait jamais touchée. » [3]
-Pour ce que ça vaut, j’aurais sans doute moins blessé Rosalie si je l’avais frappée ou mordue.
Les mots d’Edward suintaient de remords et il baissa un instant piteusement les yeux, se rappelant l’incident avec une netteté affolante, comme s’il venait de se produire. Leur mémoire parfaite était souvent un fardeau.
Edward avait instantanément regretté la cruauté et la bêtise de ses paroles mais le mal était déjà fait. Il avait cru que Rosalie allait se jeter sur lui mais elle lui avait juste lancé un regard douloureux et s’était contenté de tourner les talons, se réfugiant dans sa chambre, sans un mot. Il avait pu entendre ses sanglots secs résonner durant des heures alors qu’Esmée tentait doucement de la calmer.
-Je n’avais jamais vu Carlisle aussi furieux. Il m’a traîné dans son bureau et j’ai un instant cru qu’il allait effectivement me mettre en pièces.
Jamais Edward n’avait vu son père sembler si peu maître de lui-même… Si humain et faillible, ses mains tremblant de rage ; et si vampire à la fois, ses yeux presque entièrement noirs et des grondements furieux s’échappant de sa gorge. Quand Carlisle s’était suffisamment calmé pour prendre parole, jamais Edward n’avait entendu une telle colère et une telle déception dans sa voix.
« Comment as-tu osé lui dire quelque chose comme ça ? À Rosalie entre tous ? Devant Esmée ? J’espère que tu es juste trop stupide pour réfléchir avant de parler, parce que si c’est réellement ce que tu penses… C’est déplorable ! J’ai honte pour toi, de toi et, surtout, je me sens désolé pour Mme Masen [4]. Je ne veux pas t’entendre. Pas un mot. Je me fiche de tes explications, ce n’est pas à moi que tu dois des excuses mais à ta sœur et à ta mère. Ne t’avise plus jamais de tenir des propos de ce genre sous ce toit. Ce n’est pas parce que tu lis les pensées des gens que tu les comprends et que tu peux te permettre de les juger. Jamais. »
-Il m’a interdit de toucher à mon piano durant un mois, ne m’a pas adressé la parole ou n’a reconnu ma présence durant presque trois semaines. Et, crois-moi, il semblait à son niveau de colère maximal.
Jasper fit un petit signe de tête en direction d’Edward et lui envoya un éclat de compréhension. Pas tout à fait convaincu mais reconnaissant que le télépathe ait partagé son histoire, d’autant qu’il pouvait cerner la gravité de l’incident en sentant les remords et la honte qui y étaient liés.
Emmett se sentait bouillonner des années après à l’idée qu’Edward ait réussi à blesser suffisamment Rose pour déclencher l’un des rares accès de rage de Carlisle. Il n’était pas encore présent au moment des faits mais on lui avait déjà relaté l’incident dans les grandes lignes et, bien qu’il n’ait jamais su la phrase exacte qu’avait prononcé son frère, il ne fallait pas être un génie pour comprendre le genre de conneries qui avait à la fois pu réellement blesser sa femme et faire enrager le paisible Carlisle au point qu’il manque de perdre son sang-froid… en parlant de conneries et de punitions.
-Moi aussi, j’ai déjà mordu quelqu’un de la famille ! C’était pendant mon année de nouveau-né, j’avais encore des difficultés à contrôler ma soif de sang et ma force était bien au-dessus de la moyenne. J’ai repéré un campeur blessé au loin et je me suis battu contre Carlisle et Edward quand ils ont tenté de m’empêcher de l’avoir. J’ai mordu assez salement Edward ce jour-là. Carlisle ne m’a pas, à proprement parler, puni : il a dit que c’était mes instincts qui avaient pris le dessus et m’a imposé de nombreux exercices assez ennuyeux pour que je contrôle davantage ma soif et ma force.
-Ça a du sens. Vu ta taille et ta carrure, considérant ta puissance actuelle, tu devais être quasiment ingérable en tant que nouveau-né, concéda Jasper.
Même maintenant la force d’Emmett était assez sidérante, l’empathe avait un instant cru ne pas pouvoir le maîtriser sans lui arracher les bras…
Emmett sourit, voyant que Jasper paraissait se détendre et se calmer un peu au fil de leurs anecdotes.
-Mais si tu veux savoir la pire punition que m’ait infligé Carlisle : c’était en 1939, j’ai rencontré Rose en 35 mais comme tu dois parfaitement le savoir, les nouveau-nés sont trop préoccupés par la soif de sang pour se focaliser sur grand-chose d’autre durant leur première année. Même si je trouvais Rosalie absolument merveilleuse, je n’ai vraiment pu lui faire une cour correcte qu’à partir de 1936. Et après notre mariage, disons que nous avions beaucoup de temps à rattraper et que ça a été une très longue lune de miel… avec Rose, nous sommes vite devenus un peu trop enthousiastes et physiques. Après la cinquième maison quasiment détruite en trois ans, Carlisle en a vraiment eu assez : il nous a exilés durant au moins un an pour que nous puissions passer du temps seuls et « apprendre à nous contrôler». Nous avons fini par rester deux ans à l’extérieur de la famille pour voyager. Quand nous sommes revenus, ils nous ont très bien accueillis.
Il fit un clin d’œil et un grand sourire impénitent à Jasper qui sembla se détendre encore davantage, sans doute contaminé malgré lui par l’humeur blagueuse et grivoise, un léger sourire agita ses lèvres.
-Comme tu peux le voir, je suis entier malgré toutes mes frasques et les destructions de maisons ne sont pourtant pas les seules bêtises que j’ai commises en quatorze ans. Carlisle a à peine élevé la voix face aux divers problèmes que j’ai causés et je ne l’ai jamais vu être agressif envers quiconque.
Son ton était plus sérieux maintenant et il avait la pleine attention de Jasper.
-Je sais que ça doit être très différent du fonctionnement des clans de vampire du Sud et peut-être même de la plupart de ceux existant dans le Nord mais, au fond, je crois que tu sais que c’est vrai : Carlisle ne fait pas semblant d’être gentil et pacifique. Il l’est vraiment. Ce n’est pas un tyran qui attend son heure pour révéler sa vraie nature, il vous a sincèrement acceptés dans la famille, il ne va pas vous renvoyer à la moindre erreur. Encore moins vous affamez, vous jetez en pâture aux Volturi ou… peu importe ce que tu as en tête, il ne vous fera jamais de mal à toi ou à Alice. Parole d’honneur.
C’était différent cependant : ils n’étaient pas des créations de Carlisle et Jasper ne pouvait pas espérer que le vieux vampire lui accorde autant de leste qu’à ceux qu’il considéraient comme ses enfants… Il pinça les lèvres, toujours pas convaincu qu’un départ rapide ne soit pas la meilleure option mais assez apaisé pour ne pas prendre la tangente avant que lui et Alice ne soient mis d’accord à ce sujet et n’aient un plan en tête si le chef du clan Cullen décidait — malgré toutes les assurances d’Edward et Emmett à ce propos – de parler d’eux au Volturi. Il était au moins assez calme pour de nouveau dissimuler ses pensées au télépathe, il hocha finalement la tête, gravement.
-De toutes manières, tu ne devrais même pas t’inquiéter d’une punition, c’est moi qui ai fait n’importe quoi dans cette histoire. Si Carlisle doit être en colère contre quelqu’un, ce sera moi.
Et Emmett n’avait aucun doute que Carlisle allait être furieux. Il ne se faisait pas d’illusions sur le fait que son père adoptif allait bien plus mal réagir à tout ce foutoir avec Jasper qu’aux diverses destructions de biens dont il s’était rendu coupable au fil des années. Et il ne voulait même pas imaginer quelle allait être la réaction de Rosalie... Il espérait qu’Alice aurait assez de son curieux talent de manipulation en réserve pour empêcher les choses de dégénérer à leur retour ; il faudrait toute la diplomatie du monde pour convaincre Rosalie de passer l’éponge sur « l’incident ». Edward hocha sombrement la tête à cette dernière pensée. Mais ça ne servait à rien d’y réfléchir maintenant, pour l’instant, il fallait se détendre et essayer de passer une agréable fin d’après-midi entre frères. La vie était belle.
-Allez, mes frères, rentrons. Le premier qui arrive à la maison a gagné ?
Advienne que pourra !**
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Remarques diverses :
*Le titre « L’Écume des ans » fait référence à « L’Écume des jours » de Boris Vian.
[1] Je pense que Emmett serait l’un des premiers Cullen à avoir une « méthode intuitive» pour apaiser l’humeur de Jasper en se servant de son empathie. Cette hypothèse me vient des similitudes de caractère entre lui et Peter (l’ami que Jasper a aidé à fuir Maria).
[2] Alors… Jasper panique à mort -même s’il tente de conserver son calme- et a tout un tas de spéculations sinistres sur l’éventuelle réaction de Carlisle. Pour ceux qui s’étonneraient de cet élément, ça ne me semble pas venir de nulle part. Jasper connaît les Cullen depuis moins d’un mois, peu importe qu’il ait un peu expérimenté « leur bonté » et qu’il les devine pacifistes grâce à son don ; il ne peut pas leur faire pleinement confiance en si peu de temps avec près d’un siècle d’expériences négatives en mémoire. Pendant des décennies, il a vécu dans un environnement militarisé/hostile où toute erreur pouvait entraîner des sanctions cruelles -voire la mort-, qu’il envisage directement le pire sur la réaction du chef du clan qu’il vient de rejoindre -et dont il a violemment attaqué un des membres- me paraît tout à fait plausible.
[3] La phrase qu’Edward déplore avoir dit à Rosalie ne me semble pas incohérente avec ce qu’on sait de son caractère dans Twilight (protecteur envers Carlisle et Esmée, colérique et parlant sans réfléchir) mais j’espère que vous ne jugez pas ce passage ooc et que ça ne donne pas une trop mauvaise image du personnage (je ne veux faire de bashing sur aucun des Cullen, d’ailleurs j’ai l’intention de mettre Edward plus en valeur dans l’un des prochains chapitres). Tout le monde peut dire des choses atroces -dépassant de loin sa pensée- dans une dispute et il faut remettre un peu en contexte de l’époque : Edward est un adolescent (c’est le plus jeune des Cullen) élevé au début du XXème dans un milieu puritain et bourgeois, ce n’est pas très étonnant qu’il puisse avoir des sorties complètement misogynes dans les années 30 (malgré son don et l’influence positive de Carlisle); une éducation ça met du temps à se faire/se déconstruire.
[4] Masen était le « vrai » nom de famille d’Edward dans la saga, la Mme Masen à laquelle Carlisle fait référence est donc la mère biologique d’Edward.
**Voilà pour la phrase qui démarrait le chapitre d’Alice, même si j’y suis revenue de manière détournée ;)
La suite viendra -certainement- sous peu, on n’aura pas directement la réaction de Carlisle face au bazar (qui sera bien plus « circonspecte » vis-à-vis de Jasper que ce que présume Emmett…) ; dans le prochain chapitre, on s’intéressera aux participantes à l’épopée « shopping », plus particulièrement au personnage de Rosalie et à son appréciation mitigée des deux nouveaux venus. À bientôt !