En attendant la pluie

Chapitre 10 : Le bûcher des vanités

7627 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/09/2024 12:30

Avant-propos : bon, j’ai un peu ramé pour la rédaction de ce chapitre, il avait été rédigé il y a très longtemps, mais je n’étais plus vraiment satisfaite de la tournure que je lui avais donnée à l’époque, ce qui fait que j’ai dû remanier pas mal de choses pour qu’il s’intègre mieux dans ce que j’ai prévu pour la suite. Je trouve très intéressant le personnage de Rosalie sur le papier, même si elle est assez peu exploitée (voire malmenée) dans la saga d’origine : à part nous dire qu’elle est ridiculement belle – même pour un vampire – , qu’elle a connu une fin atroce en tant qu’humaine (avec un dérangeant trip du type film d’horreur US en mode rape and revenge), qu’elle voulait désespérément devenir mère et qu’elle a un sale carac… une forte personnalité, on ne sait pas grand-chose d’elle. Les narrateurs principaux des bouquins — Bella, Jacob dans Twilight et Edward dans Midnight Sun – ayant de gros contentieux/un certain désamour pour elle, le portait dressé est relativement impitoyable (les seules caractéristiques un peu développées sont son agressivité, son côté envieux – notamment focalisé sur son désir de maternité – et son égocentrisme) et peu nuancé.


J’avais bien envie d’essayer d’explorer davantage son personnage qui, rien qu’avec les quelques éléments glanés ici et là dans les livres, présente des aspects très intéressants : le contexte de sa transformation est l’un des pires qui soit, elle est le membre de la famille Cullen qui regrette le plus son humanité perdue, elle est proche de Jasper et est celle qui a suggéré qu’il se fasse passer pour son jumeau (pour une raison indéterminée dans la saga ; ce qui me donne du grain à moudre pour ma tentative d’enrichissement du canon), elle n’a jamais accepté de prendre le nom de Carlisle (ce qui dénote une rancœur toujours assez vive contre lui), elle est passionnée par divers domaines techniques et scientifiques comme la mécanique, l’ingénierie et la médecine ; avant le changement de Bella, elle est l'unique vampire de la saga Twilight à ne jamais avoir goûté au sang humain (Carlisle y a, malgré lui, goûté par le biais des transformations). Carlisle mis à part, elle est d’ailleurs considérée comme le vampire ayant le meilleur contrôle de sa soif : elle parvient par exemple, à volontairement tuer des hommes durant son année de nouveau-né (là où les vampires sont supposés être les plus instables/affamés) sans consommer leur sang et elle porte un Emmett humain éventré (et perdant donc des quantités phénoménales d’hémoglobine) deux ans après sa transformation sur des kilomètres pour le sauver. Edward explique dans, je ne sais plus quel bouquin, que c’est son « opiniâtreté » (il dit à Bella que la détermination surnaturelle de Rosalie pourrait presque être considérée comme un talent à part entière) qui lui permet de mieux résister au sang humain que les autres, tant elle refuse sa condition de vampire.


Bref, tout ça pour dire qu’il y a une bonne base pour un personnage complexe. Voilà donc un chapitre centré sur Rosalie et essayant de lui rendre un peu justice (et vu que, plus je remaniais, plus ça traînait en longueur, le prochain chapitre sera la suite directe de celui-ci et sera également – en partie – focalisé sur elle). Bonne lecture !



Tout se mettait en place et la voyante n’aurait pu être plus heureuse que coincée entre Rosalie et Esmée en route pour un nouveau magasin dans la poursuite de leur après-midi shopping. Elle n’aurait pas pu être plus heureuse… jusqu’à ce qu’elle soit assaillie par une vision de Jasper et d’Emmett en train de se battre violemment dans ce qui semblait être un combat à mort.


Elle ne l’avait pas vu arriver.






« Il y a des êtres qui justifient le monde, qui aident à vivre par leur seule présence. »

Le Premier Homme – Albert Camus.



Rosalie observait sa nouvelle « sœur » à la dérobée tout en conduisant, celle-ci était bien trop calme. Quelque chose s’était passé.


Les yeux de la voyante s’étaient un instant écarquillés de terreur. Elle avait sursauté comme si quelqu’un l’avait giflée puis avait prétendu que l’événement n’avait pas eu lieu, se contentant de déclarer qu’une vision l’avait surprise. Depuis elle s’était murée dans le silence, un faux sourire vissé sur ses lèvres et les yeux dans le vague.


Le début de leur sortie entre filles avait été épique. Esmée et elle avaient dû conjuguer leurs efforts pour calmer un peu la petite voyante qui vibrait presque d’excitation depuis leur départ du manoir Cullen. Alice était une véritable boule d’énergie et, sans le placide Jasper à ses côtés pour la tempérer un minimum, elle semblait encore plus agitée qu’à l’accoutumée : rebondissant d’une idée à l’autre et babillant à un rythme infernal de sa voix cristalline.


Rosalie s’était demandé si les vampires pouvaient souffrir de maux de tête après plus de dix minutes de piaillements quasi incessants ; Alice les interrogeant faussement à une vitesse vertigineuse dans ce qui était en réalité une étrange conversation à sens unique où elle pesait les différentes hypothèses amenées par ses visions


« Est-ce qu’on devrait commencer par le magasin de robes sur Mapplewood ou plutôt allez au nord de Roseville pour voir les vêtements pour hommes ? Je suis tellement contente que nous fassions les magasins ensemble ! Oh et si nous allions plutôt à Woodbury, d’abord, ils ne font pas de vêtements sur mesure donc je ne trouverai rien à ma taille, mais je t’ai vue trouver un chemisier dans lequel tu seras spectaculaire Rosalie ! Ou peut-être la petite boutique artisanale à côté du croisement menant au terrain de golf : ils n’ont quasiment pas de vêtements mais j’y trouverai des accessoires en cuir ravissants et même un Stetson pour Jasper. Ce sera tellement drôle de le voir porter un chapeau ! Oh, mais je ne sais pas par où nous devrions commencer, peut-être que Mapplewood [1] serait tout de même mieux pour démarrer parce que… »


Les tergiversations étaient sans fin et le débit impressionnant. Au-delà de sa nature vampirique, la fille semblait incapable de contenir son enthousiasme ce qui la faisait partir dans une logorrhée décousue depuis qu’elles avaient quitté la maison. Chez n’importe qui d’autre Rosalie aurait trouvé cette attitude haïssable, là, elle la trouvait juste vaguement fatigante : après tout, la fille avait vécu quasiment recluse durant 30 ans, elle avait pris l’habitude d’être très seule avec elle-même et ses visions, il n’était pas si étonnant qu’elle ait des difficultés à interagir et à dialoguer de manière conventionnelle [2]. Il y avait, de toutes manières, un étrange charme dans l’attitude fantasque d’Alice qui faisait que c’était dur de la détester ou de réellement s’agacer contre elle.


Difficile mais pas impossible : Rosalie s’apprêtait à devenir vraiment cinglante quand Esmée avait décidé de couper court à toute dispute et réussi – après avoir exceptionnellement usé de son ton sévère d’ancienne institutrice qu’elle n’employait généralement que lorsque Emmett cassait des éléments mobiliers par manque de délicatesse – à calmer suffisamment la minuscule extralucide pour que celle-ci se laisse suivre le cours des choses tranquillement plutôt que d’osciller en boucle autour des différentes possibilités que lui montraient ses visions. Ses visions, bien davantage que son énergie inépuisable, était la chose que Rosalie trouvait réellement dure à supporter chez Alice.


Son don était une chose étonnante à voir à l’œuvre mais, même s’il était un peu moins problématique pour elle à accepter que celui de Jasper, il posait à Rosalie tout un cas de questions sur ce qui subsistait de son libre-arbitre. Si Alice disait la vérité – et Edward était catégorique sur le fait que ce soit le cas – sur ses visions, elle avait eu des aperçus de leurs vies à tous avant même les connaître parce qu’ils étaient « destinés » à se rencontrer, destinés à faire partie de son existence. Rosalie n’avait jamais voulu croire à ce genre d’absurdités : la perspective qu’il y ait des forces invisibles à l’œuvre et qu’une partie de son avenir soit prédéterminée, gravée dans la roche, la faisait se sentir étrangement claustrophobe.


Entre le don d’Edward et ceux des deux nouveaux arrivants, elle n’était pas sûre qu’il lui reste la moindre once de liberté réelle au sein du manoir Cullen. Ses pensées scrutées par l’un, ses émotions éprouvées et potentiellement altérées par l’autre, son futur analysé et manipulé par la dernière. Comme si cette existence immortelle n’était pas déjà assez insupportable sans qu’on la dépouille de chaque parcelle d’intimité et lui ôte tout pouvoir de décision [3]. Il y avait longtemps que Rosalie ne s’était pas focalisée sur son passé, mais la présence des étrangers et leurs histoires respectives — la fille sans passé et le garçon qui aurait sans doute préféré oublier le sien – faisait remonter ses propres vieux souvenirs. Elle se laissait happer par eux tandis qu’elle crispait légèrement ses mains sur le volant. Elle aurait pu réduire l’objet en miettes, simplement en augmentant un peu la pression, elle n’en faisait rien ; le contrôle de la force vampirique était un combat de chaque instant, mais elle était bien trop parfaite pour le perdre.


Les premiers mois où elle s’était éveillée en tant que nouveau-né, elle avait haï de toutes les fibres de son corps Carlisle pour l’avoir coincée dans ce simulacre de vie. Elle ne savait pas si elle aurait réellement préféré qu’il passe son chemin et ferme les yeux sur son agonie ; qu’il la laisse mourir cette nuit-là, le corps et l’esprit en morceaux, dans une ruelle sordide. Elle ne le saurait jamais avec certitude. La seule chose qui comptait à ses yeux, c’est qu’il ne lui avait pas donné le choix.


À aucun moment.


Elle se rappelait avec une netteté affolante du visage grave et plein de compassion de l’homme, le soir de sa mort. Les étranges yeux oscillant entre le doré et le noir posés sur elle avec toute la tristesse du monde tandis qu’il soulevait son corps brisé sans le moindre à-coup, comme s’il avait porté une plume. Si elle ne l’avait pas déjà croisé auparavant, elle l’aurait pris pour une sorte de divinité solitaire, un ange mélancolique ; elle se souvenait, à travers son calvaire, avoir eu la certitude tranquille que ce drôle de médecin allait la sauver. C’était son tout dernier souvenir en tant qu’humaine avant d’être dévorée par les flammes. Les mots rassurant qu’il avait prononcés avant d’injecter son venin, la promesse solennelle ayant précédé la morsure.


« Je ne vais pas vous laissez mourir, Mlle Hale. La douleur va être terrible, mais ensuite, vous guérirez. Je vais prendre soin de vous, faites-moi confiance. »


Une succession de mensonges. Elle était morte. Elle ne pourrait jamais guérir, du moins pas au seul sens qui importait. Carlisle n’était pas un ange mais plutôt le plus incongru et compatissant des démons auquel on puisse être confronté. Alors non, elle ne ferait plus jamais vraiment confiance au vieux vampire, ne le pardonnerait jamais complètement pour sa transformation et elle ne prendrait jamais son nom. Elle avait été massacrée par l’homme qui était supposé l’épouser, puis avait été comme brûlée vive, trois jours durant. Et quand, enfin, le supplice s’était terminé et qu’elle avait cru être « sauvée », Carlisle lui avait annoncé qu’elle n’était même plus humaine. Forcée à rester sur terre dans une demi-existence parce que l’homme s’était pris pour dieu et avait choisi de la changer en monstre pour l’inclure dans son petit cirque personnel, en en faisant un membre de l’éternelle famille Cullen. Certains jours, elle avait la sensation qu’il avait vidé son existence de tout sens, de toute substance, la dépossédant de tout ce qu’elle était pour agrandir sa famille artificielle et ne pas être seul.


C’était de l’égoïsme. Carlisle n’était qu’un homme, après tout ; peu importe à quel point il pouvait paraître saint et altruiste, il était aussi faillible que le reste d’entre eux. Rosalie ne le pardonnait pas, mais ne pouvait pas non plus le condamner complètement pour cette faiblesse : s’il y avait un vice qu’elle pouvait comprendre, c’était l’égoïsme. Après tout, n’avait-elle pas condamné, sur une impulsion absurde, Emmett à une vie qu’elle-même haïssait [4] ? Une part d’elle pouvait aisément excuser le besoin de liens de Carlisle, le besoin de s’entourer d’êtres semblables à lui et de former un foyer pour s’accrocher aux bribes de son humanité perdue. Une famille… il fallait bien ça pour lutter contre la vacuité d’une existence sans valeur où toute capacité de progression leur avait été ôtée : elle ne partageait pas tout à fait le point de vue d’Edward sur la condition de vampire. Elle ne pensait pas « ne plus avoir d’âme », peu importe ce qu’on mettait derrière le concept vaseux ; en revanche, elle était pleinement en accord sur le sentiment d’avoir été maudite – si ce n’est damnée – le jour où elle avait été changée en vampire.


Si Rosalie était certaine d’une chose, c’était de l’ineptie de leur condition. Chaque jour, ils devaient lutter contre un insatiable besoin de sang, et dans quel but ? Les vampires lambdas passaient leurs temps à massacrer les humains malchanceux croisant leur route pour tenter d’apaiser une soif inextinguible : des parasites à jamais insatisfaits prospérant sur le meurtre des fragiles créatures qu’ils avaient un jour eux-mêmes étaient. Une existence sans fin à se vautrer dans le sang de ceux qui auraient pu être leurs descendants.


Le mode de vie proposait par Carlisle n’offrait pas beaucoup plus de satisfaction ni de sens à une existence éternelle si ce n’est une pseudo-quête de vertu consistant à réfréner à jamais leurs instincts pour se prouver à eux-mêmes qu’ils étaient plus que les monstres en lesquels il les avait transformés. C’était une sorte de combat sans fin, le mythe de Sisyphe : prétendre être humain, résister jusqu’à éventuellement céder par erreur — comme Esmée et Emmett – ou par choix délibéré — comme elle et Edward-, succomber à la soif ou à la monstruosité, chercher à faire mieux, recommencer la comédie humaine ; lutter jusqu’à la fin des temps comme Carlisle… ou jusqu’au prochain faux pas.


S’il n’y avait pas eu quelques moments de bonheur perdus dans le temps et des gens sur lesquels compter et avec lesquels partager cette existence, cela aurait été insupportable. Les presque deux années qu’elle avait passée chez les Cullen avant sa rencontre avec Emmett avaient sûrement été les plus pénibles de sa vie. Une fois sa vengeance exercée, son ex fiancée et sa bande d’amis violeurs enterrés six pieds sous terre ; il n’y avait plus rien ayant du sens à ses yeux. L’énergie furieuse qui l’avait animée tandis qu’elle planifiait sa vendetta personnelle et qu’elle menait à terme son projet macabre, l’avait désertée, sitôt le dernier agresseur exécuté.


Elle s’en était sortie : elle était vivante « plus ou moins » et eux étaient quelque part en enfer, ce qu’il restait de leurs corps dévorés par les vers.


Pourtant, ce n’avait certainement pas été la victoire qu’elle avait espérée. Les souvenirs – maintenant indélébiles – de son viol étaient gravés pour l’éternité dans un coin de son cerveau. Même ses bourreaux morts, ils continuaient à la torturer. Ça la rendait presque malade quand elle se perdait dans ses pensées, la tétanisait parfois comme si elle était indéfiniment en train de revivre l’agression : des centaines d’années ne suffiraient pas à oublier la sensation rampante de dépersonnalisation, la douleur sidérante et l’humiliation cuisante d’avoir été traitée avec moins d’égard qu’une poupée de chiffon, abandonnée gisante comme un jouet brisé. L’angoisse suffocante et paralysante qu’elle avait ressentie à l’idée de mourir quand l’agression avait commencé. Puis l’effroi à l’idée que la situation se prolonge, la douleur et la terreur continuant d’augmenter tandis que les hommes se succédaient. Les prières silencieuses pour que ça s’arrête, pour qu’on l’achève… et Carlisle qui était arrivé pour « la sauver », occasionnant au passage encore un peu plus de souffrance avec la poursuite de son supplice[5]. Elle n’arrivait même pas à faire une gradation entre les deux sensations de douleur débilitante ; ne parvenait pas à savoir ce qui avait été le pire entre les interminables minutes qu’avaient durées son viol et les trois jours de délai de la transformation en vampire où elle ne comprenait rien à la situation et avait eu le sentiment d’être brûlée vive. Les derniers souvenirs de Rosalie en tant qu’humaine étaient un cauchemar éveillé, le reste lui paraissait déjà lointain et elle ne savait pas à quoi aspirer en tant que vampire.


Elle était éternelle, plus belle que jamais et à présent capable de réduire en miettes n’importe quel homme qui oserait de nouveau songer à poser la main sur elle. Mais ça n’avait plus d’importance, tout était vain. Sa revanche achevée, il ne restait pas grand-chose d’elle : rien à désirer à part des choses futiles et matérielles qui ne survivraient pas aux années, condamnée à ressasser jusqu’à la fin des temps toutes les perspectives qu’on lui avait arrachées. Que lui restait-il à espérer ? Quand elle était encore humaine, elle était jeune, riche et pleine de rêves, sur le point de se marier et de fonder une famille. Maintenant, elle était hantée par des réminiscences effroyables et coincée dans un étrange purgatoire avec de presque inconnus, destinée à vivre avec eux des décennies – voire des siècles ou des millénaires si elle était « chanceuse » – où jamais rien ne bougerait et où elle n’aurait jamais la chance de voir ses véritables désirs se concrétiser. Elle n’était peut-être pas morte le 12 avril 1933, mais c’était tout comme.


Bien sûr, le fabuleux avenir qu'elle s'était imaginé n'aurait pas eu lieu même si elle avait pris un autre chemin cette nuit-là. Même si elle n'était pas tombée au pire moment sur la petite sauterie de son fiancé et de sa bande et était restée en vie, son existence n'aurait sans doute pas pris un meilleur tournant ; si la nuit de sa mort lui avait démontré quelque chose, c'est que, sous sa belle apparence et ses manières, Royce King dissimulait une authentique monstruosité. Si son mariage avec lui avait pu être acté, il aurait certainement caché sa vraie nature les premières semaines de leur union, mais au fil des mois, l’illusion se serait dissipée et elle aurait souffert. Dès qu'il en aurait eu assez de jouer de ses charmes, il aurait révélé sa vraie nature et fait de sa vie un calvaire. Peut-être n'aurait-elle jamais été mère ou peut-être aurait-elle eu un enfant et, comme Esmée, fini par le perdre. Peut-être aurait-elle été maudite peu importe la vie qu'elle aurait menée.


Ses deux premières années en tant que vampire, chaque instant creux de ses journées insipides, chaque interstice de nuit sans sommeil, elle l'avait passé à ressasser toutes les possibilités qui lui avaient à jamais été enlevées : son foyer à jamais perdu, son cœur qui ne battrait plus, ses jeunes frères qu'elle ne pourrait plus jamais étreindre, sa mère dont elle ne pourrait plus voir le sourire, l’amour qu’elle ne trouverait pas, son ventre qui resterait indéfiniment vide. À l’époque, la détestation qu'elle éprouvait parfois envers Carlisle était viscérale ; persuadée ne pas pouvoir trouver une quelconque forme de soulagement dans la vie éternelle qu’on lui avait offerte contre son gré, elle avait hésité à tout abandonner.


Certains instants la perspective l’avait traversée de manière tangible, la possibilité de demander à Edward de l’aider à mettre fin à son immortalité… L’issue avait paru enviable, elle avait joué avec l’idée sans pouvoir s’en empêcher, et, bien sûr, il avait entendu. Il n’en avait rien dit ; même pas un signe de tête ou un haussement de sourcil : dans ces moments-là, la seule réponse de son frère adoptif s’était de jouer du piano, des morceaux porteurs d’espoir et de changements – même si lui-même n’y croyait pas – jusqu'à ce que son envie d’en finir s’étiole ; elle le remerciait silencieusement pour ça, ne prononçant jamais les mots à haute voix mais y pensant. Une conversation sans mots mais avec cent maux dont ils n’avaient rien à dire ni l’un, ni l’autre.


Ces quelques mois – avant sa rencontre avec Emmett – de tergiversations silencieuses sur le bien fondé et la méthode pour mettre fin à ses jours, n’étaient pas exactement agréables à se remémorer. En dépit des dénégations qu’elle avait servies à Edward, c’était peut-être bien ça plus que tout le reste qui motivait « l’étrange compassion » envers Jasper qu’il lui avait reprochée quelques semaines auparavant. À peine cinq jours après l’installation des deux nomades, elle et le télépathe avaient eu une houleuse discussion dans la forêt à propos de leurs nouveaux ajouts ; son frère déplorait qu’elle ne l’ait pas soutenue « par caprice » lors des discussions sur l’intégration d’Alice et Jasper. Edward était circonspect et craignait toujours que la situation dégénère, il voulait qu’ils se tiennent préparés et agissent de manière conjointe en cas de problème. L’échange avait été vif, mais ils avaient finalement réussi à se mettre d’accord. Comme toujours les détails de la conversation était soigneusement gravée dans un coin de son esprit. C’était à la fois un avantage et un fardeau de la nature de vampire : ils n’oubliaient jamais rien.


« Qu’est-ce qui t’inquiète autant, Edward ? Tu continues à soutenir qu’Alice dit la vérité sur ses visions et qu’ils sont sincères dans leurs intentions. Dans ces conditions, j’ai du mal à comprendre ton problème !


Son frère cachait très mal sa désapprobation vis-à-vis de la présence de Jasper dans leur maison et, bien qu’habituée à son attitude généralement maussade, Rosalie en avait plus qu’assez de le voir s’isoler dès que l’autre homme apparaissait dans son champ de vision ou de l’observer froncer les sourcils d’un air agacé à chaque fois qu’Esmée, Emmett ou Carlisle interagissaient avec lui.


-Vraiment, Rosalie ? Qu’est-ce qui m’inquiète ? Toi qui te méfies habituellement de tout le monde, tu acceptes de laisser s’installer chez nous un nomade qui a tué des milliers de vampires par pur égocentrisme et c’est moi qui ai un problème, parce que je fais preuve d’un minimum de prudence ?


Le ton d’Edward tremblait d’une colère contenue. Il était nerveux, frustré, détestait la situation dans son ensemble et avait visiblement décidé de s’en prendre à quelqu’un pour se passer les nerfs ; Rosalie n’allait certainement pas se laisser faire sans réagir.


-De l'égocentrisme, Edward ? Vas-y explique-moi ça ! Détaille-moi la conclusion à laquelle t’a encore mené ton brillant esprit ?


-Tu as pitié de lui simplement parce que tu crois qu’il te ressemble et qu’il…


Il y avait une pointe de condescendance dans la voix d’Edward qui — comme d’habitude – poussait Rosalie dans ses retranchements, elle se retint d’exploser de rage. Il n’allait certainement pas la rendre responsable de l’inclusion du couple dans leur famille alors que c’est lui qui, comme à l’accoutumée, avait rapidement baissé pavillon, incapable de s’opposer de manière franche à Carlisle.


-À d’autres ! Comme d’habitude, tu captes les pensées des autres, mais tu es incapable de les comprendre. Il ne me ressemble en rien et je n’ai pas de pitié de lui. Tu sais ce que j’en pense, n’est-ce pas ? Tu ne l’aimes pas simplement parce que tu as peur de lui et tu sais que tu ne peux pas le battre : il arrive à contourner en partie ton fichu pouvoir et ça t’insupporte de ne pas pouvoir fouiner à ta guise dans la tête de quelqu'un, c’est ça qui te pose vraiment problème ! Tu n’avais qu’à davantage insister auprès de Carlisle si tu ne voulais pas d’eux chez nous. Mais, bien sûr, ç'aurait impliqué que tu te confrontes à ton créateur adoré et arrive à être en désaccord avec lui ; et ça, tu en as toujours été incapable, petit-frère.


Elle avait craché la dernière partie comme une insulte et les yeux d’Edward s’assombrirent brièvement à la remarque acerbe. Il grogna presque, serrant les poings, mais parvint à retrouver son calme, lui répondant d’une voix froide et détachée après un instant de flottement.


-Tu as raison, au moins, sur ce point Rose : j’ai peur de lui, il parvient à contrecarrer ma télépathie la plupart du temps et je ne peux sans doute pas l’emporter, s’il doit y avoir un combat. Pas plus qu'Emmett, ni aucun d’entre vous, ne pourrait gagner. Et ça, ça devrait te poser un sacré problème. Je dois te rappeler que j’ai eu quelques aperçus de première main des souvenirs de batailles de Jasper. Quand je vous ai dit que cet homme était dangereux, je n’exagérais pas ! Nos parents sont trop gentils et altruistes pour leur propre bien, tu le sais très bien ! Je ne pense pas qu’ils aient eu raison de les accueillir sous notre toit — peu importe ce qu’a vu Alice et indépendamment de leur actuel pacifisme – et toi et Emmett n’auriez pas dû soutenir leur décision par simple caprice. Je sais que vous vous ennuyiez et vouliez une sœur, de la nouveauté ou que sais-je, mais tout ça n’était certainement pas des motifs valables pour ouvrir notre porte à une personne ayant autant de sang sur les mains ! Je peux encore admettre cette attitude de la part d’Emmett, mais toi, si ce n’est pas à cause d’une compassion mal placée, je ne vois pas ce qui a pu autant te faire baisser ta garde !


La remarque avait piqué Rosalie plus qu’elle ne voulait le reconnaître, elle avait répliqué avec sa froideur habituelle, essayant de renverser la vapeur pour ne pas admettre sa relative pitié envers le vampire rescapé des guerres du Sud.


-Je suis toujours sur mes gardes et je ne leur fais pas confiance. Ni à lui, ni même à elle, contrairement à toi qui lui manges déjà dans la main : j’ai mes raisons pour les avoir acceptés chez nous et ce n’est certainement pas par compassion.


-Ah oui, ta fumeuse justification d’après-coup pour les avoir accueillis ! Ta fameuse motivation « utilitariste » ?


Edward avait levé les yeux au ciel, son ton devenant méprisant tandis qu’il sifflait presque le mot « utilitariste ».


-Tu ne peux pas nier la valeur de Jasper en tant que combattant, ni les avantages liés au pouvoir d’Alice. Les garder dans notre famille pourrait être une excellente idée, en cas de conflit. Carlisle est quelqu’un de bien, mais il est parfois trop naïf, comme tu viens de le rappeler. C’est loin d’être un expert des combats, avoir un guerrier avec nous pourrait être utile à terme : on ne sait jamais ce qui pourrait mal tourner avec un autre clan à l’avenir [6].


-Raconte-toi des histoires à toi même si ça peut te rassurer, nous savons tous les deux que c’est loin d’être ta motivation principale. Tu t’adoucis avec les années…


Elle avait écarté le qualificatif offensant d’un revers de main, mais lui avait donné un peu de leste en abondant en son sens sur la nécessité de maintenir sous surveillance étroite leurs nouveaux ajouts.


-Ne me sous-estime pas : j’ai déjà un plan pour résoudre ton problème de « panne » télépathique, tu vas bientôt pouvoir farfouiller dans la tête de Jasper ; en attendant, je garde un œil sur lui, pendant que tu continues à surveiller les pensées d’Alice. Je serai prête s’il y a un changement notable. »


Ça avait clos le débat et ils avaient continué à surveiller silencieusement les nouveaux membres de leur famille. Dès leur seconde semaine de présence, Rosalie avait déniché à Edward un vieux bouquin permettant d’apprendre les rudiments du code Navajo pour qu’il puisse avoir un accès plus efficient à l’esprit du texan : la concernant, il n’y avait pas de débat ; indépendamment de la part de vérité sur son adoucissement, ils étaient toujours à l’essai et elle ne leur faisait pas confiance, même avant le petit speech de son frère.


Mais ce serait mentir que de prétendre qu’elle se méfiait autant du garçon, qu’elle l’aurait dû. Ironiquement, plus que l’histoire tragique à propos de la sœur de Jasper, c’est ce que le télépathe avait dit pour les mettre en garde contre le soldat qui avait fini de faire basculer sa perspective sur sa possible intégration et l’avait poussée à accepter – en dépit du bon sens – son installation.


« Il a vécu beaucoup de choses épouvantables, sa créatrice lui a fait subir des choses inimaginables, assez pour qu’il soit complètement déséquilibré. Il peut paraître sain d’esprit, ça ne veut pas dire qu’il ne soit pas au bord de la rupture et ne puisse pas basculer d’un instant à l’autre : il était très proche du suicide avant de rencontrer Alice ».


Rosalie pouvait aisément se reconnaître dans l'homme, d’une manière qu’elle peinait à mettre en mots : elle qui avait flirté avec la folie bien plus qu’elle ne l’admettrait quand, dans un accès de rage, elle avait voulu se rendre justice à tout prix, quitte à éliminer des innocents au passage ; elle savait ce que ça faisait de tomber très bas. Plus que tous les autres vampires qu’elle avait pu croiser depuis qu’elle vivait avec les Cullen, il y avait quelque chose dans l’histoire de Jasper qui lui parlait sans qu’elle puisse tout à fait se l’expliquer à elle-même. Entraîné contre son gré dans l’immortalité par une personne qui l’avait visiblement malmené, il était devenu un monstre, se complaisant avec une sorte de résignation détachée dans les massacres durant des décennies. Le corps strié de cicatrices et l’esprit presque brisé, souhaitant mourir, mais incapable de passer à l’acte ou de se laisser tuer alors même qu’il ne trouvait pas d’excuse pour rester en vie. Alice l’avait finalement « attendu » et tiré de sa misère après près de quatre-vingt-dix ans de batailles, lui donnant de l’espoir alors qu’il ne désirait plus rien. Un peu comme l’arrivée surprise d’Emmett l’avait sortie des mois de dépression larvée ayant suivi sa vengeance contre Royce et « les dommages collatéraux » : elle ne savait pas qu’elle le cherchait avant de l’avoir trouvé, mais dès qu’elle l’avait vu, elle n’avait plus pu s’en détacher. C’était peut-être là, l’un des fameux fruits « du destin » invoqué par Alice.


Les cicatrices de Rosalie avaient beau être invisibles, elles étaient sans doute aussi profondes que celles couvrant le corps de l’ancien confédéré. Les circonstances étaient très différentes mais elle ne pouvait s’empêcher de s’identifier à l’homme. Ayant survécu, envers et contre tous, et s’étant cramponné à une vie qu’il détestait pour finalement trouver l’amour et se laisser rafistoler par une personne « trop gentille pour être réelle » dont la personnalité semblait aux antipodes de la sienne. Jasper lui renvoyait une sorte d’image en miroir, déformée et brisée. S’il était vain de chercher à étalonner le niveau de souffrance qu’une personne pouvait endurer par rapport à une autre sans devenir folle ou tomber en morceaux, Rosalie était persuadée que le vampire du Sud avait eu plus que sa part de tourments et méritait bien un peu paix et de compréhension, à défaut de pitié. Jasper avait passé des décennies à la géhenne, mais avait conservé assez d’humanité, quelque part en lui, pour se relever et espérer quand Alice lui avait tendu la main ; Rosalie ne savait pas s’il y aurait encore eu grand-chose d’elle à sauver après près de quatre-vingt-dix ans de guerre, mais elle n’enviait pas le vampire. Une part d’elle l’admirait même pour la détermination acharnée et implacable qui l’avait maintenu en vie près d’un siècle alors même que les émotions abruptes découlant de son don auraient dû l’inciter à tout abandonner et à se laisser mourir. Les explications d’Edward sur l’homme lui donnaient une assez bonne idée de ce qui avait constitué pour Jasper une motivation suffisante pour continuer à combattre inlassablement alors même qu’il désirait en finir. Et cette intuition lui rendait difficile de détester le vampire et de lui témoigner un niveau de méfiance adéquat.


Restait que la forme de sympathie qu’elle ressentait envers Jasper avait peut-être été une erreur qui allait leur coûter cher. Son intégration était un pari plus que risqué, mille choses pouvaient horriblement mal tourner et un affreux pressentiment montait doucement en Rosalie tandis que le silence d’Alice s’éternisait.


Voilà quelques minutes que la voiture continuait sa route dans un silence inconfortable ; Rosalie poursuivait sa course vers le premier magasin en choisissant sciemment de ne faire aucun commentaire sur le changement d’ambiance : ne jamais dévoiler son jeu à l’adversaire sans avoir toutes les cartes en main ; surtout si l’adversaire en question pouvait tricher à loisir en prédisant vos actions et anticipant vos paroles.


Le frêle vampire fixait un point invisible à travers la fenêtre : son visage habituellement joyeux, figé dans un étrange demi sourire absent alors que ses yeux flous suggéraient qu’elle papillonnait encore de vision en vision ; son corps légèrement tendu semblant dévoiler une intense concentration. Esmée, assise sur le siège passager, avait aussi noté le brusque changement d'ambiance et fronçait légèrement les sourcils, inquiète face au soudain silence de la fille.


-Tout va bien, Alice ? Je ne voulais pas te contrarier quand je t'ai demandé de ralentir le rythme et d'essayer d'arrêter de nous partager toutes tes visions en même temps. J’avais un peu de mal à te suivre, mais je n’ai jamais voulu t’empêcher de t’exprimer !


Bien sûr, sa mère adoptive croyait naïvement avoir blessé Alice en l’incitant au calme, Rosalie avait en tête des théories bien plus sombres. La voix douce d’Esmée paraissait avoir tiré la fille d’une demi rêverie : elle frémit de manière presque imperceptible avant de tourner la tête en direction du rétroviseur. Elle leur adressa un grand sourire rassurant qui ne réussi pas à atteindre ses yeux, toujours lointains, fixés sur des images invisibles. Son ton léger sonna affreusement creux aux oreilles de Rosalie. Elle ne broncha pas, faussement imperturbable. Alice gardait volontairement le silence sur ce qu’elle voyait et ce qu’elle voyait était visiblement mauvais ; Rosalie pouvait sentir une tension floue émaner de sa silhouette menue. Comme une onde invisible perturbant l'air autour d'eux.


-Oh non, tout va bien, ne t’inquiète pas. Je suis juste perdue dans mes pensées et des futurs hypothétiques. Je ne suis pas vexée, j'ai parfois juste du mal à me détacher de mes visions, mais je vais essayer de vivre l'instant présent comme tu l'as suggéré !


Des futurs hypothétiques ? Essayer de « vivre l'instant présent » ? La fille était une piètre menteuse, son ton était trop contrôlé et distant pour être sincère. Ce discours abscons et faussement joyeux ne faisait qu’accroître l'inquiétude de Rosalie. Son intuition d’un drame en préparation. Quelque chose de vraiment mauvais allait se produire – ou c’était déjà produit – et Alice le leur cachait.


Edward avait apparemment eu raison, après tout, ils avaient fait une grossière erreur en laissant les nomades s’installer chez eux : Jasper était dangereux et Alice, visiblement indigne de confiance. Rosalie sentait son angoisse enfler, elle l’écrasa pour pouvoir continuer à agir de manière pragmatique et efficace. Alors qu’elle se garait silencieusement dans le quartier commerçant, son esprit en ébullition, elle analysait tous les scénarios possibles et commençait à envisager ses prochaines actions. Il fallait absolument qu’elle reste calme et ne prenne pas de décision si elle ne voulait pas déclencher le pouvoir de la voyante [7].


Elle sentait une froide détermination s’installer en elle. Peu importe son amertume pour son existence immortelle, elle ne laisserait rien menacer ce qu’elle avait construit. Ne laisserait personne détruire la famille qu’elle avait finie par sincèrement aimé au fil des décennies : Emmett, Esmée, Carlisle et Edward étaient les seules personnes ayant de l’importance pour elle ; les seules justifiant qu’elle continue à fouler la terre alors que son corps aurait depuis longtemps dû retomber en poussière. Si quelque chose arrivait à l’un d’eux – en particulier à Emmett – à cause de son manque de vigilance, jamais, elle ne pourrait le pardonner. Elle ne perdrait pas ceux qui lui étaient chers par vanité.


Rosalie était en état d’alerte, prête à la bataille. Il était temps d’agir et de s’occuper de la voyante puisque celle-ci constituait visiblement une menace. Elle descendit de la voiture et adressa un faux sourire éclatant à Alice. Le ton amusé et enthousiaste.


-Eh bien, voilà Woodbury. Tu vas pouvoir me montrer ce chemisier dans lequel je serai spectaculaire !


Que la guerre commence.


Commentaires :



*« Le bûcher des vanités » est bien entendu un emprunt du titre du roman de Tom Wolfe.


[1] Oui, il y a vraiment des villes proches les unes des autres au Minnesota portant les noms de Mapplewood, Woodbury et Roseville… c’est mon sens du détail idiot ;) Dans cette histoire, je situe la maison des Cullen quelque part dans la zone forestière au Sud de Hutchinson, soit près d’une heure trente de trajet : la vision d’Alice sur le combat de Jasper et Emmett se déclenche quand ils sont encore en chemin vers le premier magasin.


[2] Alice a passé 30 ans presque totalement isolée, mis à part Jasper – qu'elle a rencontré depuis moins de deux ans à ce moment de l’histoire – , elle a juste fait la connaissance de deux autres vampires relativement peu civilisés (Peter et Charlotte que Jasper lui a présenté en 49) et n’a pas l’habitude de discuter. Même si elle est naturellement sociable, je me dis qu’elle doit avoir de sacrés problèmes de communication et être très dépendante de ses visions (qui ne lui donnent que des indications tronquées sur comment interagir avec les autres) en arrivant chez les Cullen.


[3] Franchement le manque d’intimité des « vampires de base » me paraît déjà assez catastrophique : ils sont décrits comme surstimulés par leurs sens surnaturels (notamment leur ouïe qui leur permet d’entendre les conversations sur plusieurs kilomètres à la ronde et leur esprit hors norme qui leur permet de traiter plusieurs informations à la fois et de garder en mémoire le moindre détail insignifiant) ; surchargés de bruits, d’odeurs et de détails visuels n’étant pas dans leur périmètre direct ; sans jamais la possibilité de se couper de cet environnement « envahissant » en succombant au sommeil. Avec les Cullen, on atteint un tout autre stade du problème, avec la « vie privée » qui est un concept plus qu’abstrait quand tu vis à la fois avec un télépathe, un empathe et une personne qui peut prédire ton futur au fur et à mesure que tu prends des décisions… Je suis d’accord avec Rosalie : l’immortalité sauce Twilight, c'est un sacré cadeau empoisonné :p


[4] On reviendra dans le prochain chapitre sur ce qui a motivé le sauvetage/la transformation d’Emmett ; je trouve les informations à ce propos très intéressantes.


[5] Franchement, je le redis encore, je pense que Rosalie a le pire et le plus traumatisant changement qui soit (même si les contextes des transformations d’Alice et Esmée sont spécialement gratinés aussi… à croire que Meyer avait une dent contre ses personnages féminins et aimait leur en faire baver) dans la saga. Quand Carlisle la trouve, elle vient de vivre un enfer, agonise et est complètement en état de choc. Je pense que, dans la confusion du moment, elle ne comprend rien à ses explications. La transformation rajoute juste une couche supplémentaire à son traumatisme : elle passe d’un calvaire à un autre, d’une douleur innommable à une autre. Et, quand on sait que les derniers souvenirs humains sont ceux qui persistent le plus dans la mémoire des vampires en post-transformation, on peut facilement comprendre son ressentiment envers Carlisle (transformer Rosalie est sans doute la pire erreur qu’il ait faite dans sa vie de gentil vampire) et son inimité envers Edward à son réveil quand elle réalise « pourquoi » Carlisle l’a sauvée. Si vous n’avez plus ce détail en tête — voire ne l’avait jamais eu – ce sera également discuté dans un prochain chapitre.


[6] Je pense que Rosalie qui est connue pour son esprit pragmatique et calculateur pourrait aisément justifier l’acceptation d’Alice et — surtout – Jasper par utilitarisme. Elle sait Carlisle, avec sa nature pacifiste, n’est pas forcément le plus apte pour protéger de menaces extérieures. Avec son passé traumatisant, je pense que Rosalie redoute plus que tout d’être à nouveau en position de faiblesse (s'il y a un vampire chez les Cullen qui voudrait absolument apprendre à se battre/être capable de se défendre en cas de conflit, je pense que c’est elle) ; Jasper — s'il est contrôlable – représenterait une sorte d’assurance-vie contre de possibles dangers. Dans ce sens, l’acceptation de Jasper par Rosalie pourrait ne pas simplement être un acte de bonté/pitié, mais aussi une décision froidement calculée, un gage de sécurité, pour renforcer son clan contre des menaces futures.


[7] Même après avoir relu plusieurs fois la saga, ce qui déclenche ou non le pouvoir d’Alice reste assez nébuleux, essayer le contourner doit donc être une manœuvre bien délicate (même si certains y arrivent en s’empêchant de prendre des décisions).


Ps : ma bêta est vraiment débordée en ce moment (ça fait près de deux mois que ce chapitre est en correction)… d’où le fait que je publie la version non « relue » – à part par mes soins – pour ne pas continuer à vous faire trop patienter (et j’ai encore quelques chapitres d’avance). À bientôt pour la suite ! :)


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