Petite Etincelle
CHAPITRE 17
POV Normal
Un sifflement fendit le silence, suivi d’un son.
Plutôt une série de fréquences qui semblaient tout à coup étrangement familières à Moonlight. Les optiques hermétiquement fermées et le Spark pulsant à tout rompre dans son châssis, la jeune fembot sursauta légèrement lorsqu’elle sentit quelque chose gicler sur son visage. Pétrifiée, elle resta figée quelques nano-kliks avant de rouvrir ses optiques pour être accueillie par un spectacle des plus déroutants.
Là, à seulement quelques centimètres de ses pedes, gisait le bras sectionné du Decepticon d’où l’energon s’échappait en jets irréguliers sur le sol. À ce membre sectionné était encore fixé le fameux crochet qui, un instant plus tôt, devait mettre un terme à sa brève existence. Moonlight déglutit de terreur, n’osant presque pas bouger les optiques pour observer le Decepticon qui la surplombait toujours. Parfaitement immobile, silencieux malgré la perte d’un membre aussi crucial. Ce silence le rendait encore plus effrayant. Le bot fixait longuement son bras amputé, mais aucune grimace ne déformait son visage balafré, pas même un frémissement de douleur. Rien. Son avant-bras mutilé continuait de déverser des rivières d’energon, sans que cela ne semble l’inquiéter ni même le perturber. Lentement, il redressa la tête vers celui qui venait de le désarmer. Ses optiques rouges se plissèrent, furieuses... Puis enfin, un hurlement déchirant jaillit de derrière son masque.
Cet effroyable cri mêlant colère à douleur tira enfin la fembot de son état second. D’un hoquet de surprise, elle se traîna dans la poussière pour s’éloigner du Decepticon qui désormais ne portait d’optiques que sur son nouvel adversaire. Un bot qu’elle reconnut presque instantanément, une fois suffisamment éloignée du danger. C’était lui, celui dont elle avait déjà entendu les étranges sons dans le centre de recherches lors du cycle dernier. Le mecha argenté aux optiques dépareillées… Celui dont le passé demeurait inconnu et qui avait rejoint la cause Autobot, un bot mystérieux, toujours masqué au niveau de la bouche. Sauf ici, curieusement. Son expression était indéfinissable, mais Moonlight y devinait une haine profonde gravée dans ses optiques singulières.
«Silver ! Sale traître !» Rugit le Decepticon de toutes ses forces au mecha penché sur un rocher métallique.
«Comme on se retrouve, Sidelock. Alors, on prend exemple sur Lockdown maintenant ? Dommage que tu n’aies pas aussi son sens de l’observation. Ça t’aurait évité…» Silver marqua un temps de pause tandis qu’il jetait un regard dédaigneux au bras étendu sur le sol. Il haussa les épaules avec désinvolture puis poursuivit dans son ton suintant de sarcasme ; «un petit désagrément.»
«Je vais te taillader en pièces et te faire payer cette écœurante traîtrise ! Espèce de misérable petit être abject, tu fais honte à notre patrie !» S’insurgea Sidelock tout en pointant un doigt accusateur vers le mecha, ses optiques plissées par une rage bestiale et incontrôlable. Il avait totalement oublié la présence de la fembot toujours étendue à quelques mètres de là, qui observait la scène avec une angoisse grandissante.
«Je ne crois pas que tu sois en position de proférer des menaces.» Gronda soudainement Silver, troquant son cynisme contre quelque chose de bien plus sombre.
Aussitôt dit, le mecha argenté sortit de son dos une arme à deux mains, encore dégoulinante d’energon, celle-là même qui avait servi à trancher le bras de son adversaire aux optiques rouges. Une lame-tronçonneuse aussi mortelle et tranchante qu’une épée à energon. Ce mouvement déclencha immédiatement le combat qui se déroula juste sous les optiques de Moonlight incapable de détourner le regard, littéralement subjuguée par la férocité de l’affrontement. Leur combat avec quelque chose de chorégraphié… Une forme de grâce meurtrière. Silver était aussi agile que rapide dans ses mouvements, tandis que le Decepticon Sidelock comptait sur sa mitraillette pour infliger de lourds dégâts à son adversaire plus petit que lui. Les nombreuses balles ricochaient sur le décor, accompagnées d’un sifflement aigu à chaque fois qu’elles rebondissaient sur le métal. Certaines s’enfonçaient dans les rochers, d’autres atteignaient Silver de plein fouet. Et pourtant, cela ne semblait ni le ralentir, ni même lui arracher un seul tressaillement. Car sa rage surpassait de loin la douleur physique.
Moonlight émit un petit cri de peur puis couvrit sa tête de ses bras lorsque des balles la frôlèrent de justesse, perforant le métal environnant alors que Sidelock continuait de tirer sur Silver, désormais perché sur un monticule rocheux. Le mecha, récemment passé du côté Autobot, récupéra ses deux canons à plasma et se positionna pour encaisser le recul de ses puissantes armes. La fembot spectatrice poussa un hurlement déchirant au moment où elle sentit des balles traverser son armure et se loger dans son protoforme. Un liquide blanchâtre s’échappa des trous béants. Instinctivement, elle pressa sa main contre les blessures de son flanc droit et se traîna plus loin pour se dissimuler derrière le rocher sur lequel se tenait Silver. La douleur était insupportable ! Comment faisait-il pour ne pas hurler lui aussi ?! Les dentas serrées pour retenir ses hurlements, Moonlight ne parvint qu’à gémir en s’adossant contre le métal froid dans son dos. Ses doigts se mirent à brûler à leur tour !
Elle jeta un bref coup d’optique à sa main tremblante et vit avec horreur que le liquide contenu dans les balles n’était autre que de l’acide.
Acide… Son protoforme rongé par une pluie corrosive… Et cette solitude accablante.
«À couvert !» Aboya soudainement Silver à Moonlight entre deux tirs à plasma en direction de Sidelock en contre-bas. Le bougre était sacrément rapide quand il s’agissait d’esquive, reconnu le robot argenté non sans une touche d’agacement.
La fembot cachée se couvrait les audios de ses mains à chaque fois qu’un de ces tirs assourdissants frappait violemment le sol, faisant trembler l’ensemble du canyon dans un vacarme titanesque. Des débris retombaient en masse autour de la zone de combat, qui n'était bientôt plus qu’un cratère fumant et éventré. Des morceaux entiers du canyon se détachaient et s’écrasaient trente mètres plus bas sous les vibrations continues des canons à plasma, frôlant de justesse Sidelock qui arrivait toujours à esquiver les tirs de justesse. Traversée d’une stupeur et souffrant le martyre à cause de ses blessures, Moonlight se demanda vaguement quand cette horreur prendrait fin… Et qui, au final, resterait debout dans cet affrontement monstrueux. Chaque explosion résonnait comme un coup de tonnerre dans son esprit, lui rappelant que la moindre erreur pourrait être fatale.
Bientôt, toute la poussière soulevée par les nombreux tirs ainsi que l’effondrement des décombres empêchèrent Silver de voir le terrain bombardé. Ses ventilations étaient carrément obstruées par toutes ces particules volatiles. Cependant contraint d’arrêter ses canons, il tendit l’audio pour localiser le Decepticon au milieu de ce chaos. Il coupa instantanément les fréquences entraînantes de sa radio afin de se concentrer uniquement sur son environnement hostile. Le silence était revenu sur la place. Il plissa ses optiques avec méfiance, incapable de discerner à plus de trois mètres à cause de l’épaisse poussière stagnante. Mais il n’y avait aucune silhouette qui se dessinait, aucun signe de son rival. Peu à peu, les particules opaques retombèrent au sol, jusqu’à ce que l’Autobot aux aguets puisse enfin apercevoir l’autre bout du canyon, révélant la fuite du Decepticon qui s’y engouffrait. Agacé, il détendit ses épaules, envahi par un sentiment d’échec.
«Lâche.» Marmonna-t-il d’un petit grognement de dégoût.
Silver rangea ensuite ses deux canons dans son dos avant de dévaler son rocher miraculeusement resté intact. Bon, mis à part qu’il était parsemé de petits trous suintants et qu’une profonde fissure l’avait fendu en deux, il avait quand même tenu le coup ! Après avoir perdu l’adrénaline du combat, le mecha constata que les quelques trous dans son armure suintaient de la même substance que ceux dans le rocher, et que le métal avait un peu fondu à ces endroits-là. Il grimaça avec aigreur, mais il ne ressentait pas de douleur. Car son armure avait absorbé la plupart des balles et, par conséquent, l’acide qu’elles contenaient. Mais qu’en était-il de la petite fembot ? Silver redressa la tête pour chercher où elle s’était cachée, n’ayant honnêtement pas vraiment prêté attention à elle durant la bataille. L’euphorie du moment et la soif de combattre avaient été des plus intenses, surtout lorsqu’il écoutait des musiques provenant d’un système solaire lointain. Ce rituel musical était devenu son refuge secret au centre de la tourmente du combat.
Penchant doucement la tête sur le côté quand il posa enfin ses optiques sur Moonlight, le bot triomphant s’approcha d’elle pour constater qu’elle était gravement blessée. L’inquiétude chassa vite son enthousiasme. La fembot, étendue au sol, reposait tout son poids contre le rocher dans son dos, ses ailettes tordues dans un angle douloureux. Ses optiques étaient fermées, mais d’après les faibles gémissements qui s’échappaient régulièrement de son vocaliser, elle était toujours consciente. Elle avait drapé un bras autour de ses plaques ventrales, plus précisément sur son côté droit, sévèrement touché par les balles de Sidelock. De ses blessures suintait le même liquide blanchâtre qui l’avait endommagée durant le combat. N’ayant pas une armure aussi robuste que la sienne, son protoforme avait été durement atteint. Cela alerta immédiatement Silver qui ne perdit pas un nano-kliks avant de s’agenouiller à ses côtés, posant une main sur son épaule pour la garder consciente.
Il devait agir vite.
«Je dois reconnaître que tu as du cran… Mais vu ton état, des soins urgents s’imposent. Tu viens d’apprendre à tes dépens qu’on n’affronte jamais un Decepticon désarmé.» Il porta son index à son audio droit pour établir une liaison avec Iacon tout en gardant sa main posée sur l’épaule de Moonlight.
La fembot affaiblie tourna la tête dans sa direction, et le regard qu’elle lui adressa fut si troublant qu’il eut l’impression de recevoir un coup au châssis. Ses optiques grésillantes à demi closes, ses soupirs étouffés de douleur, cette fragilité soudaine… Tout en elle éveillait une vive inquiétude. Une fois la communication établie, Silver ordonna à Ratchet d’ouvrir un pont spatial et de dépêcher une équipe médicale sur le terrain. Puis, dans un geste presque symbolique, il abaissa son masque de combat, masquant son visage et toute expression qui pourrait apparaître. Mais de toute façon Moonlight venait de perdre connaissance, juste au moment où la lumière bleutée et rassurante du pont spatial l’aveuglait. Les secours débarquèrent pour une extraction d’urgence… Sans voir les optiques rouges d’un observateur dissimulé, tapi dans l’ombre, surveillant chaque mouvement.
Quatre silhouettes sortirent du pont spatial, dont l’une très imposante.
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POV Moonlight
Un étrange pressentiment s’accrochait à moi.
J’étais perdue dans un monde de souvenirs où des bribes de mon passé ressurgissaient devant mes optiques éteintes. Des souvenirs la plupart du temps joyeux. J’étais plongée dans un épais brouillard de confusion, alors que certaines images de mon passé d’étincelant apparaissaient aléatoirement. Des fractions de ma vie antérieure, des moments que je souhaitais plus que tout revivre. J’étais inconsciente, je le savais. Néanmoins, cela ne m’empêchait pas de revivre ces instants perdus avec encore plus d’engouement que lorsque j’étais consciente, me focalisant uniquement sur les doux souvenirs qui me procuraient ce sentiment d’être aimée.
Je souriais, mais j’ignorais si ce geste se voyait aussi à l’extérieur de mon esprit. J’avais l’impression d’être légère, comme si mon cadre n’avait plus aucune densité… Je flottais dans cette noirceur accueillante et infinie qui me berçait de ses souvenirs nostalgiques. Je ne voulais pas que ça s’arrête. Jamais. Cela faisait si longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi bien, aussi en sécurité. Puis naturellement, les souvenirs moins positifs firent leur apparition devant moi, chassant sans scrupule ma sérénité. Des images qui me mettaient mal à l’aise commencèrent à surgir par éclairs dans mon esprit, notamment ces optiques rouges qui me tourmentaient depuis mon plus jeune âge, alors que j’ignorais totalement leur origine. À qui pouvaient-elles bien appartenir ? C’était un sentiment très étrange… Cette sensation de déjà vu mêlée à de l’ignorance, le tout accompagné d’un profond malaise rampant dans chaque fragment de mon être. Un paradoxe des plus complexes.
Dans mon monde à part, je poussais un gémissement d’agonie au moment où la douleur de l’acide revint telle une pluie glaciale sur mon protoforme en effervescence. Plutôt une douleur fantôme, car je ne ressentais pas à proprement parler de douleur physique. C’était indescriptible, et pourtant bien réel dans mes circuits. J’avais l’impression d’être dévorée de part et d’autre par ce liquide corrosif, comme s’il était en train de réduire mon protoforme à néant pour ne laisser qu’un tas de métal fondant. Cette horrible sensation m’avait envahie lorsque des images floues, appartenant sans doute à mon passé inaccessible, avaient commencé à me revenir, petit à petit. Je ressentais de la peur, de la tristesse, du désespoir… Tout un tas d’émotions qui me donnaient envie de me recroqueviller. Des émotions si dévastatrices qu’aucun jeune étincelant ne devrait jamais avoir à en faire l’expérience.
Ces étranges visions, bien que dénuées de cohérence, n’étaient pas là par hasard. J’en étais intimement convaincue depuis ma remise en question récente. Elles avaient commencé à apparaître quelque temps auparavant, alors que je me promenais seule dans une ruelle de Iacon. Rien de bien alarmant, juste l’écho d’une voix féminine hurlant de terreur dans mes audios. Par réflexe, je m’étais retournée sous le choc, mais il n’y avait personne aux alentours susceptibles d’avoir crié ainsi. Et à en juger par les regards intrigués des passants, j’étais la seule à l’avoir entendue. Puis, au fil des cycles, d’autres phénomènes étranges se manifestèrent. Parfois, il s’agissait simplement de sons ou de voix, d’autres fois, de rêves et de cauchemars sans queue ni tête à mes optiques. Ce n’était pas une coïncidence. Cela ne pouvait pas l’être. Et je voulais obtenir des réponses.
Cette pluie corrosive, ces douleurs fantômes qui me paralysaient pendant ma recharge, les optiques rouges, cette voix féminine hurlante dont les mots se perdaient dans un écho venu du passé… Et ces étranges émotions qui m’envahissaient au hasard, sans sembler m’appartenir.
Je remuais doucement sur ce qui semblait être la surface d’une couchette, tandis que je revenais peu à peu à moi, émergeant enfin de mon état comateux. J’avais été tellement effrayée que mon processeur avait fini par me tirer de ma stase. Je redémarrais lentement mes systèmes en attente, déverrouillais ma fonction motrice arrêtée temporairement, puis calibrais mes optiques pour les rallumer. Sans grande surprise, je fus accueillie par le plafond gris et blanc de l’infirmerie au centre de Iacon. Clignant des optiques pour tester ma vision encore légèrement brouillée, je tournai la tête à gauche où un fort bip répétitif émanait d’une pompe à energon raccordée à mes câbles principaux d’alimentation, situés à l’intérieur de mon châssis. Châssis ouvert, par la même occasion. Essayant de ne pas céder à la panique qui grandissait en moi à chaque nouvel élément, je scrutais la pièce avec mes optiques apeurées à la recherche d’un robot capable de m’expliquer où je me trouvais. J’avais peur, terriblement peur.
Le Spark d’un bot était la chose la plus précieuse, fragile et vitale qui soit. Alors de l’exposer ainsi nous rendait particulièrement vulnérables. D’autant plus qu’il s’agissait de notre âme, de notre source de vie, ainsi que d’un moyen de nous unir à quelqu’un d’autre pour l’éternité. En d’autres termes, le Spark n’était pas à montrer à n’importe qui. J’étais presque au bord de l’hystérie, jusqu’à ce que je pose enfin mon regard sur le médecin qui s’occupait de moi, à seulement quelques pas de la couchette médicale. Me tournant actuellement le dos, Ratchet rangeant soigneusement ses outils dans ses tiroirs presque sans un bruit. Un à un, dans un ordre précis. Bien que honteuse d’avoir paniqué pour si peu, je songeai à feindre la recharge, mais je savais que Ratchet avait déjà deviné que j’étais éveillée. Il avait un don pour discerner les mensonges, croyez-en mon expérience… Résignée, j’attendis donc dans le silence, les optiques rivées au plafond tout en écoutant le bruit angoissant de la pompe branchée à mon châssis.
C’était curieux, mais maintenant que j’y pensais, je ne ressentais plus aucune douleur. Rien du tout ! Pas même le moindre inconfort. C’était comme si je n’avais jamais été blessée, ni même attaquée par ce maudit Decepticon dans le canyon… Un peu plus, et je pensais avoir imaginé ce scénario affreux. À cette pensée, une vague de culpabilité me submergea, noyant mon Spark déjà douloureux de remords. Je déglutis difficilement tandis que je repensais aux récents événements qui m’avaient conduite jusque dans l’infirmerie de Ratchet. J’avais tellement honte de mon comportement… Toutefois, j’avais été si furieuse et déçue que tout ce que je voulais faire était de défier les règles imposées par mon Opiluk qui refusait de m’écouter. En y repensant, c’était complètement idiot et puéril de ma part, et certainement qu’il y aurait des conséquences pour de tels actes irréfléchis. Malgré tout quelque part, j’espérais que cette mésaventure servirait d’électrochoc et qu’avec un peu de chance, je n’avais pas fait tout ça pour rien.
«Bienvenue parmi nous.» Soupira Ratchet sans même se retourner.
«Je suis ici depuis combien de temps ?» Posai-je rapidement la question, même si elle semblait complètement hors de propos. Ma voix était un peu rauque à cause de son manque d’utilisation, ce qui détourna le médecin de son travail minutieux.
«Trop longtemps, si tu veux mon avis ! Un peu plus et c’était fini de toi.» Ratchet posa ses poings à ses hanches puis me lança un regard oblique. J’avais senti un changement notable dans son ton habituellement ennuyé.
«Que veux-tu dire ?» Hésitai-je.
«Je veux dire que tu as eu une chance inouïe que Silver t’ait suivi dans le canyon, petite inconsciente ! Si t’avais été ma fille, je t’aurais sévèrement corrigée pour cette bêtise digne d’un étincelant de trois cycles et en sous-développement !» S’écria-t-il avec colère en jetant ses bras dans ma direction, ne cachant plus sa profonde déception.
Je faisais de mon mieux pour ignorer l’insulte futile qu’il venait de balancer à mon visage, préférant me concentrer sur mes mains jointes posées sur mes cuisses plutôt que d’affronter son regard réprobateur. Comme si y prêter attention pouvait me protéger des remontrances du médecin rouge et blanc en colère contre moi… Mes joues devaient sans doute avoir une teinte bleutée suite à cette exclamation vigoureuse, mélange d’embarras et d’une culpabilité sans précédent. La dernière fois que je m’étais faite gronder par Ratchet remontait à dix-huit vorns en arrière… Je n’avais pas peur de lui, mais le mecha avait la particularité de nous faire sentir comme des imbéciles finis rien qu’avec sa gestuelle et ses regards de désapprobation, souvent accompagnés par de petites piques silencieuses qui pesaient plus que ses paroles. Redressée sur ma couchette, je gardais le menton bien bas pendant que le médecin en ébullition continuait sur sa lancée, ne mâchant pas ses mots, donnant l’impression de vouloir me secouer hors d’un long coma.
«Qu’est-ce que tu cherches à prouver, hein ? Ta valeur ? Ton indépendance ? Ton ego surdimensionné, comme ce cher Hot Rod aussi intelligent qu’un écrou ? À moins que tu ne veuilles nous donner une crise de Spark, car si c’est le cas, alors c’est gagné !» Fulmina Ratchet aux évents vrombissants, sa voix s’élevant d’une octave, de quoi me faire grimacer. J’avais peur de le regarder, mais je n’avais pas le choix. il fallait que j’affronte son regard très dur et ses réprimandes justifiées. Cependant, je ne m’attendais pas à voir de l’accablement sur son visage, ce qui me fit balbutier de surprise.
«N-non pas du tout, rien de tout ça… Je voulais juste… Je… Je suis désolée. Je ne voulais pas vous causer de tort. Ni à toi, ni à personne d’autre. Je n’ai pas réfléchi à ce que je faisais et je ne me suis pas rendue compte du danger que cela représentait pour moi et les autres. Je suis désolée, Ratchet. J’ai pris conscience de ma bêtise, je ne recommencerai plus.» M’exclamai-je difficilement alors que l’expression du visage du médecin s’assombrit davantage à mes paroles. J’étais déboussolée de le voir aussi émotif et je ne pouvais rien ressentir d’autre qu’encore plus de culpabilité de l’avoir mis dans tous ses états. Beaucoup, beaucoup de culpabilité.
«Eh bien ma fille, tu ne penses pas des masses ! Ce n’est pas en prenant de gros risques que l’on prouve quelque chose à quelqu’un ! As-tu la moindre idée du calvaire que tu nous as fait subir ? Des groons d’angoisse à ne pas savoir si tu t’en sortirais indemne de cette expérience ! Optimus avait confiance en toi, il t’avait pourtant prévenu du danger et tu as décidé de saper son autorité. Ce n’est pas pour rien qu’on dit qu’il ne faut pas sortir des remparts, il y a bien une raison à ça ! Nom de Primus, Moonlight ! Quand vas-tu comprendre que nous faisons tout ça pour votre bien ?! La vie est précieuse !» S’exténua-t-il d’une triste secousse de la tête, la main posée à son casque. Il avait l’air éreinté… Presque en panique. J’avais l’impression qu’il revivait une scène douloureuse de son passé tumultueux. Son masque de médecin grincheux laissait place à un mecha plus fragile, avec des craintes et des incertitudes.
C’était déstabilisant.
«Oui, tu as entièrement raison. J’étais aveuglée par ma colère, j’ai agi sous son impulsion. Je n’ai aucune excuse… Et je n’imagine pas le mal que j’ai causé. Je suis terriblement désolée, Ratchet, mais j’étais si désespérée…» M’apitoyai-je d’un petit hoquet secouant ma voix, alors que la piqûre familière des larmes me brûlait les optiques. Je me sentais complètement fourvoyée... J’avais l’impression d’être à nouveau ce jeune étincelant qui se faisait gronder pour une bêtise, et c’était humiliant. La honte que je ressentais était tangible.
Mais malgré tout, il avait entièrement raison. Je n’avais pas le droit de lui faire subir tout ça. Pas après tout ce qu’il avait déjà fait pour moi ! Du coin de mes optiques devenues floues par l’accumulation d’energon, je voyais Ratchet se détendre doucement face à mon ascension émotionnelle incontrôlable. Le médecin soupira avant de se diriger vers le coin gauche de ma couchette pour atteindre le monitoring relié à un câble dénudé qui sortait de ma jambe. Je remarquais à peine maintenant que l’armure de cette jambe manquait, laissant mon maigre protoforme visible sous les câbles noirs et les sous-plaques de protection. Elle devait avoir été salement amochée pour qu’on ait dû carrément retirer mon armure… Je n’osais imaginer le travail titanesque qu’avait dû fournir Ratchet pour me remettre sur pedes. Cette pensée ne faisait qu’amplifier la culpabilité qui me rongeait depuis mon éveil. Un long et lourd silence s’installa dans l’infirmerie, où seuls Ratchet et moi demeurions, jusqu’à ce qu’il brise enfin ce calme pesant en reprenant la parole.
«Tu voulais avoir de l’attention, je me trompe ?» Résonna la voix de ce dernier concentré sur l’écran de son appareil technologique. Il avait retrouvé un timbre plus calme, ce qui m’apaisa légèrement.
«Je ne voulais faire de mal à personne.» Répondis-je en passant mes doigts sous mes optiques pour en essuyer les traces d’energon. Je ne voulais pas paraître aussi misérable, pas alors que j’étais pleinement responsable de mes actes et que je méritais chacun de ses sermons. Pourtant malgré cela, je l’implorais du regard. Je voulais qu’il voie ma sincérité, qu’il comprenne que mes mots n’étaient pas de simples excuses lancées à la volée, mais le reflet brut de mes regrets.
Ratchet marqua un temps de pause pendant qu’il me scrutait attentivement du regard avec une expression indéfinissable. Les optiques rétrécies, la bouche figée en une ligne mince et l’index effleurant à peine l’écran du monitoring, il semblait chercher à discerner le vrai du faux dans mes paroles. C’était douloureux de lire autant de doutes dans ses optiques sévères… D’autant plus que j’étais la seule et unique coupable ici, celle responsable de la douleur qui assombrissait son regard. Je crois que c’était encore plus difficile d’encaisser sa déception que sa colère, parce qu’il avait toujours occupé une place importante dans mon Spark… Presque aussi importante que celle d’Optimus. Depuis ma tendre enfance, il avait été là, d’une façon ou d’une autre. À veiller sur moi et sur ma santé, à réparer mon protoforme abîmé, à écouter mes craintes lorsque les cauchemars revenaient hanter mes cycles de repos. Une présence réconfortante, quoique très sévère.
Ratchet était, par définition, un confident de confiance qui ne m’avait jamais jugée jusque-là. Était-ce son métier où la confidentialité était de mise, qui jouait un rôle là-dedans ? Ou tout simplement l’Autobot qui se cachait derrière le médecin assidu ? J’avais trouvé ma réponse dans son regard qui trahissait la peur de me perdre. Et c’était d’autant plus douloureux et difficile à accepter, cette déception qui persistait dans ses optiques bleues à chaque fois qu’il posait le regard sur moi. L’Autobot rouge et blanc se tourna entièrement vers moi après de longs nano-kliks dans ce silence maladroit, durant lesquels je ne trouvais rien à dire pour rompre le malaise palpable entre nous. Il soupira fortement, deux doigts massant ses optiques avec lassitude, avant de finalement s’approcher pour me tapoter mes mains jointes. Ce changement soudain fut une véritable bénédiction, un soulagement indescriptible.
«Écoute, ce n’est pas comme ça que tu y parviendras. Les apparences peuvent parfois être trompeuses, surtout celles d’un Prime. Les robots changent au fil du temps, ils se transforment, prennent de l’expérience. Je connais bien Optimus, nous sommes des amis de longue date, et je peux te certifier qu’il pense à toi à chaque instant. Il est vrai que son statut ne lui permet plus de l’exprimer comme autrefois, mais son amour pour toi n’a jamais changé. Tu restes sa fille. Je reconnais que c’est difficile d’accepter cette nouvelle personnalité autoritaire, surtout pour toi, mais il va falloir trouver un autre moyen d’attirer son attention.» Dévoila-t-il dans un début de sourire à peine visible. Néanmoins il était présent, et c’était tout ce dont j’avais besoin pour me sentir mieux, et aussi moins coupable.
«Mais j’ai déjà tout essayé ! Il ne m’écoute pas ! Il préfère rester cloîtré dans son bureau sous les ordres de Sentinel, plutôt que d’écouter sa propre fille… Même toi, il ne t’écoute plus. Tout ce qui l’intéresse, ce sont ses recherches et l’image qu’il renvoie.» M’entêtai-je en croisant les bras sur mon châssis ouvert, les crêtes optiques froncées et la bouche pincée. Ce comportement immature provoqua un autre soupir de Ratchet.
«Il veut avant tout que la ville soit en sécurité. Que ses habitants ne courent plus de risques, comme tu l’as fait de façon insensée en jouant les héroïnes ! Ce n’est pas comme ça que ça marche. Dois-je te rappeler que les héros meurent la plupart du temps à cause de leurs décisions stupides ? Ou qu’ils finissent seuls ?» Le médecin plissa les optiques en ma direction tout en tapotant son pede au sol d’impatience, les mains de nouveau posées sur ses hanches. Il n’hésiterait pas à me faire la morale une seconde fois si par malheur, je m’obstinais, ce qui suffisait à calmer mes ardeurs.
«Non.» Ruminai-je d’une petite secousse de la tête.
«Bon. Tu sais, il suffit parfois de faire attention aux petits détails pour se rendre compte qu’on se trompe sur son jugement.» Révéla-t-il après avoir levé sa main vers une chaise vide à ma gauche, que je n’avais même pas remarquée depuis ma sortie de stase. Mon exaspération s’effaçant aussitôt de mon visage pour laisser transparaître de la surprise, je levai mes optiques écarquillées au médecin afin d’obtenir une explication.
«Optimus a veillé sur toi pendant deux nuits consécutives. Et pas une seule fois il a cherché à remplir ses fonctions de Prime, pas une !» Ratchet haussa les crêtes optiques puis leva son index à la verticale, appuyant ses mots par ce geste. Il poursuivit rapidement ; «Il est resté à ton chevet durant de longs groons, usant du lien qui vous unit pour communiquer avec toi et partager ses émotions lorsque tu étais inconsciente. Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vu dans tous ses états, le pauvre Optimus !»
Je peinais tout simplement à y croire. J’étais persuadée que Ratchet disait cela dans l’unique but de me rassurer, pour que je cesse d’avoir de la colère contre Optimus. Après tout, c’était aussi en partie sa mission d’apaiser les tensions, empêcher que les conflits entre robots ne s’enveniment, et chercher un terrain d’entente commun. Afin d’épargner des réparations lourdes et coûteuses en ressources. À la manière d’un intermédiaire. Je voulais croire en ses paroles, mais une part de moi restait sur ses gardes, craignant d’être à nouveau déçue. Ce mélange d’espoir et de méfiance pesait lourdement sur mon châssis, me rappelant combien il était difficile d’ouvrir mon Spark. Pourtant, un doute tenace me dévorait, m’incitant à le scruter avec scepticisme, ce qui l’encouragea à me dire la chose suivante avec une touche de malice.
«Et je parie que tes cauchemars se faisaient plus rares, non ? Les petits détails ont toujours leur importance, souviens-toi.» Me lança-t-il en tapotant doucement sa tempe du bout du doigt, un éclat espiègle brillant dans ses optiques. En revanche, je restais inflexible.
«Je suis sûr que ce n’est pas vrai ! Tu cherches juste à m’apaiser la conscience, comme tu sais si bien le faire.» Je refusais obstinément d’y croire malgré les preuves évidentes, haussant les épaules lorsqu’il émit un petit éclat de rire très rare. Je ne pouvais m’empêcher de sourire en retour.
«C’est étrange, mais j’ai souvenir d’un petit étincelant apeuré qui cherchait désespérément à se lier avec un bot. Il aurait pu me choisir, moi, le vieux grincheux qui attache plus d’importance à ses outils qu’à ses patients. Ou encore Ironhide, la tête brulée à la grosse voix et au tempérament un peu rugueux. Pourtant, ce même étincelant a choisi de se lier avec notre Prime. Coïncidence ? Je n’y crois pas. Ça signifie qu’ils étaient bien plus compatibles qu’on ne l’imagine. Qu’ils étaient déjà connectés, d’une certaine manière. Il y a des raisons à tout, et le hasard n’existe pas !» Rappela le médecin en imitant ma posture des bras croisés sur le châssis, son sourire discret ne s’effaçant plus de son visage triomphant.
«Bon, d’accord, je te crois ! Tu as gagné.» Capitulai-je d’un éclat de rire. Je connaissais cette vieille histoire sur le bout des doigts maintenant et à chaque fois, elle me faisait toujours autant rire quand il la racontait ! Je l’adorais… C’était un secret que nous partagions tous les deux, et que je connaissais à l’insu de mon Opiluk depuis environs mes dix vorns.
L’ambiance s’étant largement améliorée dans l’infirmerie, je restais immobile sur ma couchette, observant Ratchet qui enchaînait les tests sur mon protoforme. Il s’attarda particulièrement sur les trous creusés par l’acide, qu’il reboucha méticuleusement avec une étrange mixture mêlant métal fondu et energon en cristaux solides. De mon point de vue, ça ressemblait plutôt à de la mélasse collante… J’avais de la chance qu’il ait désactivé mes capteurs sensoriels pour toute la procédure, autrement j’aurais été torturée par la sensation. Après cette intervention, Ratchet pianotait rapidement sur les touches de son ordinateur holographique, ses optiques rivées à l’écran bleu lumineux tout en surveillant le laser qui scannait mon cadre de haut en bas. C’était ennuyeux. Je n’avais pas le droit de bouger ni même de remuer un doigt durant tout cet examen approfondi. Ratchet voulait être sûr que rien n’avait échappé à sa vigilance, que chaque micro-dégât ait été détecté par son scan, afin que je puisse quitter cet endroit dans les meilleures conditions possibles.
Au bout d’un certain temps, mon impatience me fit cruellement défaut. Il fallait s’y attendre, surtout que je ne supportais pas de rester immobile aussi longtemps dans une position aussi inconfortable... Les deux gros câbles noirs sortant de mon châssis me gênaient, sans parler des pinces qui le maintenaient ouvert. L’atmosphère volontairement froide et stérile de l’infirmerie semblait encore plus glaciale contre mon métal exposé, amplifiant mon malaise. Alors que Ratchet me tournait le dos, concentré sur le monitoring affichant d’étranges symboles, je me penchai en avant pour dégager un câble qui pesait lourd sur ma jambe. Mais avant même que je n’aie pu le toucher, une clé heurta le métal de ma main, me faisant lâcher un glapissement de surprise. Je levai aussitôt mes optiques accusatrices vers Ratchet qui agitait son outil menaçant de gauche à droite.
«Ep ep ep ! On ne touche pas ! Ne gâche pas mon travail.» Râla-t-il.
Je n’allais pas le contrarier davantage, je tenais trop à mes mains ! Autant prendre mon mal en patience et attendre sa permission avant de bouger, si je ne voulais pas ajouter des bosses supplémentaires à ma carrosserie déjà bien amochée. Comme si ça ne suffisait pas, ma pauvre peinture était presque entièrement ruinée… La majeure partie de la couleur de mon armure s’était écaillée. Une fois sortie d’ici, je savais exactement où j’irais me refaire une beauté. D’un soupir ennuyé, je me recouchai en arrière contre la couchette redressée, observant attentivement chacun des gestes du médecin totalement absorbé par son travail. Il trifouillait dans les câbles connectés à ma jambe, cherchant apparemment quelque chose, mais je n’avais aucune idée de quoi il pouvait s’agir. Après tout, je n’y connaissais rien en médecine. Complètement plongée dans mes pensées pour tenter de palier à l’ennui mortel, je faillis ne pas entendre sa question s’il n’avait pas libéré son vocaliser juste avant.
«Toujours les mêmes cauchemars ?» Demanda Ratchet sans lever les optiques de son travail minutieux, cependant son attention était bien tournée vers moi.
«Je ne sais pas d’où ils viennent. Je n’arrive pas à comprendre leur signification. Mais ces derniers temps, ils surviennent de plus en plus souvent, et toujours aux pires moments. Ce fut le cas lors de ce face-à-face avec… Hum, tu sais qui. Je n’ai aucun contrôle dessus et à chaque fois, c’est comme si j’étais pétrifiée. Incapable de bouger ni de me défendre.» Je répondis nonchalamment, presque avec paresse alors que je croisais ses optiques soucieuses à l’autre bout de la couchette. Mais pour une raison qui m’échappait, son regard fuyait le mien.
«Peut-être un traumatisme qui ressurgit, ou une mémoire erronée. Je devrais effectuer un examen approfondi de ton CPU pour essayer de comprendre l’origine de ce dysfonctionnement. Je te fixerai un rendez-vous pour le cycle prochain.» Il parlait plus à lui-même qu’à moi. À peine avait-il terminé qu’il se retourna et rejoignit son grand bureau, probablement pour inscrire ce rendez-vous sur son autre ordinateur. Une fois encore, il me tourna le dos. Était-ce volontaire ? Je l’ignorais. Toutefois, j’avais perçu un léger changement dans le ton de sa voix qui démontrait qu’il avait été plus affecté par ces révélations qu’il ne voulait le montrer.
«Optimus m’a dit que tu étais malade ?» S’exclama-t-il après un moment silencieux à éplucher un datapad récapitulatif sur son bureau, toujours dos à moi.
«Euh… C’est-à-dire que… J’ai peut-être un petit peu abusé sur la haute qualité.» Balbutiai-je nerveusement, mes doigts s’agitant maladroitement sur mes cuisses. Je ne savais pas que mon Opiluk avait partagé cette information ! Quel embarras…
«Mhm, ça expliquerait la quantité exponentielle d’energon concentré que j’ai retrouvée dans tes circuits. Et moi qui ne comprenais pas pourquoi ma pompe s’emballait quand je la branchais à tes câbles ! Un commentaire ?» Ratchet finit par se retourner pour attendre ma réponse, les optiques sévèrement plissées à moi.
«Je ne préfère pas.» Je secouais rapidement la tête, n’aimant pas son regard inquisiteur.
«C’est plus sage, en effet.» Il acquiesça calmement.
«Quand est-ce que je pourrais sortir ?» Demandai-je ensuite, rompant le silence qui s’était à nouveau installé entre nous. Ce n’était pas que sa présence me déplaisait, mais j’avais une envie pressante d’étirer mes engrenages et de retrouver la sensation de marcher librement.
«D’ici quelques groons, approximativement. Quand je serai certain que tu as retrouvé tous tes esprits et que tu ne recommenceras pas à faire de folies ! Parce que si par malheur tu retombes dans les mêmes travers, crois-moi, la colère d’Optimus ne sera rien comparée à la mienne. Et personne ne veut tester la patience du médecin en chef, personne.» M’avertit-il en agitant sa clé fétiche dans une menace muette. Son expression empreinte de sévérité me donna soudainement envie de me recroqueviller sur moi-même.
«Ne t’inquiète pas pour ça, je préfère garder une bonne image de Ratchet. Les rumeurs feraient même peur à Megatron.» Rétorquai-je un peu à la légère. Cependant, un frisson me parcourut en repensant aux nombreux récits palpitants que Sideswipe avait partagés à propos du médecin aux multiples facettes. Notamment une histoire particulièrement effrayante que j’aurais préféré oublier.
«Tu ne crois pas si bien dire !» S’exclama vivement le médecin en connaissance de cause.
Après avoir terminé l’examen initial et rebouché tous les trous superficiels causés par l’acide des balles, Ratchet m’injecta un liquide verdâtre dans les câbles d’alimentation. Un neuro-modulateur, ou quelque chose dans ce genre… Conçu pour me plonger en stase forcée, un mode veille artificiel qui lui permettrait de travailler sur mon châssis en toute tranquillité. C’était la phase la plus délicate de l’intervention, il ne voulait surtout pas que je bouge. Allongée sur la couchette, sous le regard bienveillant et prudent du médecin, j’attendis que la noirceur accueillante m’enveloppe à nouveau, prête à me bercer dans un rêve sans fin jusqu’au prochain éveil.
{==1 Joor plus tard==}
POV Normal
Moonlight était seule, allongée sur sa couchette dans l’infirmerie, à lire un datapad que lui avait apporté Ratchet pour casser l’ennui de ces murs gris et blancs redondants. Il s’agissait d’un rapport détaillé sur leur civilisation qui commençait par la grande histoire des Primes Originels, jadis racontée par la créatrice de Bumblebee, Sunray. Une histoire qui la passionnait depuis son plus jeune âge grâce au talent de narratrice de la fembot jaune et noire. Un petit sourire triste envahit le visage de Moonlight en pleine lecture, à la simple pensée de cette gentille fembot qu’elle avait côtoyée autrefois, avant sa disparition brutale… Une perte tragique qui l’affectait toujours autant, même après tous ces vorns. Elle aurait aimé pouvoir effacer de sa mémoire les hurlements atroces de Bumblebee lorsqu’il avait appris sa mort et ressenti la brusque coupure du lien créateur… Un moment de sa vie qui, malheureusement, restera à jamais gravé dans son processeur telle une marque indélébile.
«Aïe !»
Moonlight sursauta violemment au cri provenant de sa droite, quelque part derrière la cloison coulissante opaque menant à une autre pièce de soins où Ratchet travaillait actuellement sur un bot. Un cri qui lui rappela qu’en réalité, elle n’était pas si seule que ça dans l’infirmerie… Elle avait presque oublié la présence du médecin Autobot tant elle avait été absorbée par son texte. Elle était arrivée au moment où Quintus Prime, le célèbre scientifique perfectionniste, avait créé les Quintessons ! Un passage très important qui parlait de cette civilisation sombre et antique, considérée comme la première forme de vie organique du cosmos. Décroisant les jambes pour les étendre de tout leur long, la petite fembot bleue ciel dévisagea la séparation où elle pouvait voir l’ombre du médecin penché au-dessus d’une table d’opération sur laquelle reposait un patient. Qui ? Elle l’ignorait, jusqu’à l’avoir entendu s’indigner. Elle leva une crête optique, intriguée, au moment où le patient laissa sortir une petite série de cris, ou plutôt une série de plaintes évoquant de faibles pleurnichements.
«Tiens-toi tranquille, nom d’un boulon. Arrête de te comporter comme un étincelant et laisse-moi travailler !» S’agaça Ratchet d’un râlement quand son patient s’éloigna de son soudeur brûlant.
«Fait gaffe où tu mets ce soudeur.» Menaça tranquillement le mecha que Moonlight reconnut instantanément comme étant Stranno.
La fembot allongée sur sa couchette afficha un sourire amusé à cette réponse. Elle connaissait Stranno plutôt bien et savait qu’il était d’une nature très impulsive, voire franchement agressive dans certaines circonstances. Néanmoins, il restait un Autobot loyal, doté d’un véritable sens de la justice en qui Optimus plaçait toute sa confiance. Comme beaucoup d’autres, chaque robot avait ses petits secrets, ses zones d’ombre aussi… Elle repensa aussitôt à son sauveur dans le canyon. Celui qui se prénommait Silver, d’après ses souvenirs. Elle n’avait pas encore eu l’occasion de le remercier pour son sauvetage de justesse, étant donné qu’elle était coincée dans cette infirmerie depuis plusieurs groons, sans avoir la moindre idée du temps qui passait réellement à l’extérieur. Car pour une raison quelconque, Ratchet ne lui disait rien à ce sujet, comme s’il cherchait à prolonger sa punition en la gardant enfermée ici, à l’écart de tout.
Elle fut cependant tirée de ses pensées par l’ouverture fracassante des portes de l’infirmerie, suivie de l’entrée précipitée de quatre robots qui se bousculaient pour passer avant les autres. L’un semblait trop gros pour entrer en même temps qu’un autre plus fin, le coinçant dans le cadre avec ses hanches volumineuses. Trois mechas et une fembot, qu’elle reconnut immédiatement rien qu’à leurs voix, se disputaient pour savoir qui passerait le premier. Leurs regards étaient effrénés tandis qu’ils épiaient la pièce de fond en comble à la recherche de quelque chose, ou plutôt de quelqu’un, jusqu’à ce qu’ils tombent sur Moonlight assise sur sa couchette. Tranquillement étendue, ses optiques étaient écarquillées de perplexité. Le brouhaha de leurs voix et les bruits métalliques de leurs pas résonnaient contre les murs froids, tranchant avec le silence habituel de l’infirmerie. Dès qu’elle posa les optiques sur eux, un sourire sincère illumina son visage argenté.
«Moonlight !» Hurlèrent-ils à l’unisson.
«Salut les gars.» Répondit-elle timidement d’un petit geste de sa main dans leur direction. Moonlight n’avait pas l’habitude de recevoir autant d’attention, ni d’être au centre de tous les regards. Elle préférait passer inaperçue, la plupart du temps... Pourtant elle se sentit réchauffée par la présence de ces visages familiers, un rare baume sur sa solitude.
«Tu ne peux pas savoir comme je suis heureux de te revoir en un seul morceau !» S’écria Bumblebee, soulagé, jetant sa tête en arrière en même temps que ses portes ailes tombaient dans son dos. Le mecha noir à ses côtés s’exprima ensuite.
«Tu nous as fait une de ces peurs ! Je pensais qu’on ne te reverrait plus jamais…» Se lamenta Niltrex qui passa à gauche de la couchette pour prendre la main de son amie dans les siennes tremblantes. Il se coucha sur son bras dans un petit câlin.
«On voulait venir te voir plus tôt, mais tu sais comment est Ratchet avec les visites… Une vraie plaie !» Chuchota Hot Rod en plaçant sa main à côté de sa bouche, pour que le médecin en question ne l’entende pas depuis l’autre pièce.
«La prochaine fois, tu sortiras sous ma garde ! Hors de question que tu recommences ce genre de folie.» Réprimanda Bumblebee, une main à sa hanche et le doigt pointé vers Moonlight qui s’enfonçait plus loin dans sa couchette, gênée.
«En tout cas, pas sans nous !» Rétorqua Hot Rod avec un sourire satisfait.
«Quoi ?!» S’égosillèrent Bee et Niltrex, abasourdis. Leurs visages décomposés étaient très drôles à voir ! Bravo Hot Rod.
«Je plaisante, je plaisante ! On se détend.» L’Autobot orange, rouge et jaune leva les mains en signe de paix quand la fembot bleue foncée dépourvue de la parole lui frappa l’épaule d’un regard assassin.
Isis se tourna alors vers Moonlight et retrouva un sourire éclatant en croisant le regard de son amie blessée, ce qui réchauffa instantanément son Spark. Dire qu’elle était soulagée serait un euphémisme ! La Seeker se jeta avec Bumblebee et Hot Rod sur la couchette, encerclant Moonlight d’une chaleureuse étreinte pleine de rires, mais aussi de plaintes étouffées sous le poids de la fembot muette qui recouvrait tout le monde. Elle n’avait pas toujours conscience qu’elle était la plus grande de la bande, et par conséquent, la plus lourde. La plus petite fembot au centre de cette accolade tapota l’épaule de sa grande amie, remarquant un ajout d’accessoire à cet endroit-là. Une espèce de bouclier, une pièce ovale. Elle se promit de lui poser la question plus tard, car pour l’instant, elle voulait simplement savourer ce moment de tendresse rare. C’était plaisant, c’était doux, mais surtout incroyablement réconfortant pour Moonlight qui n’avait vu personne d’autre que Ratchet depuis son malheureux incident.
Pas même son Opiluk.
«Mais regardez un peu qui voilà ! La fille casse-cou du Prime ! Tu as bonne mine, ça fait plaisir de voir que ce bon vieux Ratchet s’occupe correctement de toi !» Chantonna Jazz qui venait d’entrer dans l’infirmerie stérile, les bras chargés de cubes d’energon. Sa visière masquait ses optiques espiègles et son sourire était si large qu’il disparaissait presque sous cette dernière. Il était suivi de près par Hound, qui peinait à passer la porte.
«La warrior miniature ! Je n’en attendais pas moins d’un petit morceau comme elle au Spark coriace d’un véritable Prime. Tu es bien sa fille ! Tu as plus de courage que tous ces méchas réunis pour tenir tête à un Decepticon, c’est moi qui te le dis.» Reconnut-il dans un rire impressionné, se fiant au rapport que Silver leur avait fait pour se forger l’image qu’il avait désormais de Moonlight.
À cet instant précis, Ratchet sortit en trombe de la pièce d’à côté pour se diriger vers la couchette afin de libérer sa patiente de l’emprise de ses amis. Il n’était absolument pas content de voir autant de monde dans son infirmerie ! Où ils se croyaient, ceux-là ?! Il poussa d’abord Isis, puis Bumblebee, et enfin Hot Rod littéralement étendu sur la pauvre fembot aplatie. Ils allaient avoir de sérieux ennuis si jamais sa couchette était abîmée ! Une seule bosse, la moindre petite égratignure, et il risquait de péter une durite. Un peu sur les nerfs ? Non, carrément sur les nerfs ! Le médecin grincheux jeta un regard d’avertissement aux trois mechas qui se tenaient maladroitement derrière la couchette, préférant fixer leurs pedes plutôt que d’affronter la colère légendaire de Ratchet. L’Autobot rouge et blanc croisa les bras sur son imposant châssis avant de prendre la parole, les optiques plissées, braquées sur tout ce petit monde qui avait envahi les lieux.
«Dois-je vous rappeler que nous sommes dans une infirmerie ici et que mes patients ont besoin de calme, de repos et surtout de tranquillité ? Ce n’est pas une garderie, ici !» Rouspéta ce dernier, soudain pris d’une idée sournoise pour embêter les jeunes robots. Adoptant un petit sourire malicieux, il balaya la pièce du regard de Moonlight à Hot Rod, puis à Niltrex pour finir sur Bumblebee, avant de reprendre sa raillerie ; «Et que vous êtes maintenant tous en âge de vous lier, et qu’un malheureux accident est vite arrivé. Je ne voudrais pas qu’un contact trop rapproché entre deux Sparks ne cause l’irréparable, ce serait fâcheux. Peut-être devrais-je vous faire une piqure de rappel sur notre anatomie...»
Mortifiés par cette annonce, les optiques des cinq jeunes robots s’élargirent tandis que Jazz et Hound se mirent à rire hystériquement. Sacré Ratchet… Il avait un véritable don pour casser l’ambiance, c’était irrémédiable ! Cependant il était très drôle de voir les visages se déconfire à tour de rôle. Même si, pour qu’une liaison se fasse réellement il fallait deux Sparkmates potentiels, au moins cela leur ferait réfléchir à deux fois avant d’enquiquiner leur médecin iconique. Soudainement, les rires se turent à l’ouverture de la porte puis à l’apparition du grand chef des Autobots, Optimus Prime dans toute sa splendeur. L’Autobot impressionnant que tout le monde respectait imposait naturellement sa prestance dans la pièce redevenue silencieuse en une fraction d’astroseconde. Sur sa couchette, Moonlight se raidit.
«Autobots.» Salua le Prime d’un bref hochement de tête dans leur direction avant de se tourner vers le médecin un peu en retrait. Sa voix, teintée de mélancolie, laissait percevoir une rare vulnérabilité.
«Comment se porte-t-elle ?» Lui demanda-t-il sans jamais établir de contact visuel avec sa fille dans la couchette à sa droite. Il préférait garder ses optiques bleues fatiguées rivées sur Ratchet.
«Beaucoup mieux, comme tu peux le constater par toi-même. Elle s’est rétablie plus vite que je ne l’imaginais et pourra sortir d’ici la fin du cycle. Si elle se tient sage jusque-là.» L’Autobot maître des lieux tenta un trait d’humour pour détendre l’atmosphère pesante de l’infirmerie. Il faisait de son mieux pour faciliter le contact entre Optimus et Moonlight, mais son leader semblait obstiné à bouder encore un moment.
Et il y avait de quoi.
«Merci, mon ami. Je repasserai lorsque tu ne seras plus occupé, après ma mission de reconnaissance dans le canyon.» Répondit Optimus d’un hochement de tête poli, évitant toujours de poser le regard sur la petite fembot remplie d’espoir.
Un espoir de courte durée, car le Prime referma la porte derrière lui sans un mot de plus, laissant un silence maladroit après sa sortie. Le sourire de Moonlight s’effaça peu à peu de son visage alors que la tristesse s’emparait méchamment de son Spark. Son ignorance avait été des plus douloureuses… Mais elle l’avait cherché, aussi. Depuis sa première sortie de stase dans l’infirmerie, le lien créateur était rendu au silence quasi complet, ne laissant rien transparaître à part de la colère et de la déception. Elle se sentait négligée par son Opiluk, abandonnée à son sort, sans aucune possibilité de s’expliquer sur ses actes ni de lui offrir ses excuses. Du moins, pas pour l’instant, hypothèse appuyée par Ratchet qui laissa sortir un soupir d’exaspération à cette situation plus compliquée qu’elle ne devrait l’être. Deux têtes dures très attachés l’une à l’autre, mais incapables d’exprimer leurs sentiments ! Ils pataugeaient dans le cambouis.
«Malaise.» La voix de Stranno venue de derrière la cloison trancha ce lourd silence.
«Bon, eh bien je pense qu’il est temps de boire un coup.» Jazz déposa les cubes d’energon sur le chevet, mais son envie de trinquer à la santé de Moonlight s’était envolée. Personne ne se servit, pas même Hot Rod, sans voix devant la scène. Ce fut Hound qui reprit la parole.
«Laisse-lui un peu de temps. Notre Prime est borné, c’est bien connu, mais ça finira par s’arranger. Tu verras.» Rassura gentiment ce dernier d’un gloussement tout en tapotant l’épaule de la petite fembot dépitée sur sa couchette. Il avait de la peine pour elle et trouvait qu’Optimus avait été vraiment cruel sur ce coup… Alors qu’elle avait quand même failli perdre la vie dans ce canyon. Évidemment qu’il souffrait, qu’il n’avait plus confiance en elle et qu’il était déçu, c’était compréhensible. Il avait toutes les raisons de lui en vouloir ! Mais il devrait aussi songer à lever la punition pour passer à autre chose, pour le bien-être de chacun, en commençant par renouer le contact avec sa fille. Tous ici présents savaient à quel point cette tâche serait ardue. Les mots que prononça Moonlight ensuite furent particulièrement déchirants, accentués par cette expression sombre qui remplaçait son visage habituellement jovial, ses optiques remplies de tristesse.
«Non. Il a entièrement raison de me détester. J’ai tout gâché…» Hoqueta-t-elle, aux bords des larmes. Toutefois elle se battait pour ne pas les laisser tomber.
«Moonlight-» S’avança Bumblebee, sauf que la fembot jeta sa tête dans sa direction, le prenant de court face à ce visage ravagé par les regrets.
«Sortez ! Sortez tous ! S’il vous plaît… J’ai besoin d’être un peu seule.» Supplia-t-elle, ne parvenant plus à masquer ses émotions. La tête penchée pour cacher au mieux son visage dévasté, de grosses larmes dévalèrent ses joues métalliques tandis que ses amis, après plusieurs hésitations, finirent par quitter l’infirmerie.
{==Quelque part dans Iacon==}
POV Normal
La vue était magnifique, imprenable.
Perchée sur les restes branlants d’une ancienne tour écroulée aux abords de la ville, Moonlight contemplait le paysage nocturne avec une lueur d’adoration dans les optiques. Devant elle s’étendait la cité restaurée de Iacon, vibrante de vie même à ce groon avancé. Des gratte-ciels flambant neufs, aux structures métalliques élancées, captaient la lumière comme des balises dans l’obscurité. Les néons colorés, les hologrammes et les voies aériennes illuminées formaient un ballet lumineux hypnotisant. L’activité nocturne ne cessait jamais vraiment ici, les drones patrouillaient dans le ciel tandis que quelques véhicules volants traçaient des sillons de lumière sur leur passage. Vue de loin, la ville en pleine renaissance offrait un spectacle d’une rare intensité. De là-haut, elle pouvait l’aimer sans réserve et sans crainte. Ses pedes ballant dans le vide, elle s’appuyait sur ses mains posées de part et d’autre de son châssis pour maintenir l’équilibre. Le vent léger caressait ses câbles, et le ronronnement diffus de la ville moderne montait jusqu’à elle comme un chant mécanique rassurant.
Chaque lumière semblait pulser au rythme d’un Spark collectif, chaque détail témoignait du renouveau de Cybertron. Un monde reconstruit qui avançait malgré les douleurs passées impossibles à effacer, impossible à oublier. Moonlight ferma un instant les optiques pour mieux capter cette symphonie relaxante. Elle n’avait pas besoin de mots. Seulement de silence… Il n’y avait décidément rien de plus beau, pensait-elle, que cette juxtaposition entre anciennes ruines et présent lumineux. Rien de plus apaisant non plus pour une fembot qui évitait les foules et les bourdonnements de l’activité constante quand elle se sentait triste. Quand elle n’avait pas le Spark à rire, tout simplement. Ici, loin de la civilisation parfois trop bruyante, elle retrouvait un semblant de sérénité. Au sommet du monde, elle pouvait ressentir quelque chose qui s’approchait de l’harmonie absolue. Elle savourait le calme, bercée par le cliquetis des câbles tendus dans le vent et les sons lointains de la ville encore vivante malgré les cicatrices laissées par la guerre.
Chaque lueur semblait raconter une histoire, chaque ombre, un souvenir.
Elle ferma les optiques un instant, profitant de cette paix si fugace dans un monde en pleine évolution. Au fond de son châssis fraîchement réparé, son Spark se serrait douloureusement quand des souvenirs remontaient. Elle et Optimus avaient l’habitude de venir ici, à une autre époque… Juste pour contempler la vue ensemble après un cycle de travail de rénovation. Comme Ratchet le disait si bien, ce sont ces petits détails qui font toute la différence. Les crêtes optiques froncées sous le poids de cette douleur sourde nichée dans son Spark, Moonlight cessa de balancer ses jambes d’avant en arrière au moment où les mauvais souvenirs ressurgirent lentement à la surface de son esprit. Notamment la dispute puis la dernière scène dans l’infirmerie. Si seulement elle avait le pouvoir de remonter le temps… Elle aurait tout fait pour changer le cours des événements, ne serait-ce que pour retrouver un peu de son Opiluk.
«Je comprends pourquoi tu aimes tellement venir ici.»
«Je ne me lasserai jamais de cette vue.» Sourit Moonlight sans se retourner vers son interlocuteur surprise.
«Tu m’étonne. C’est vraiment magnifique.» Acquiesça Hot Rod tout en s’approchant du bord de la tour pour rejoindre la fembot assise, ses optiques ne quittant jamais sa silhouette svelte. Moonlight le suivit du regard lorsque l’Autobot orange et jaune prit calmement place à côté d’elle.
Les instants suivants, aucun des deux ne s’exprima, trop absorbés à observer la ville active en contrebas. De temps à autre, un bruit de moteur ou le crissement de pneus venait troubler cette accalmie temporaire, sans doute des jeunes robots utilisant leur mode alternatif pour s’amuser un peu dans les rues. Se reposant sur ses coudes pour adopter une position allongée, Moonlight s’autorisa un petit coup d’optique à son voisin sur sa gauche qui semblait plongé dans ses observations, assis au bord du bâtiment le dos légèrement vouté. Un sourire tendre se dessina sur ses lèvres alors qu’elle l’examinait plus attentivement. Elle repensa à la force de leur amitié, lui qui avait toujours su la faire rire peu importe la situation. Mais ce soir était différent des autres. Pour la toute première fois depuis leur rencontre, elle ne voyait plus le mecha exubérant et insouciant qu’il montrait au grand public, mais un Autobot plus calme et sérieux, avec qui elle pourrait partager des confidences sans craindre ni jugement ni moquerie.
Ses ailettes se raidirent subitement dans son dos quand les optiques curieuses d’Hot Rod se posèrent dans les siennes, prise la main dans le sac à rêvasser.
«Alors ? Contente d’être enfin sortie de ce trou à scraplets avec le vilain méchant pas beau Ratchet ?» Ironisa-t-il d’une voix truquée pour taquiner son amie, lui offrant un sourire en coin lorsque cette dernière ricana. Il n’avait pas manqué la légère couleur bleutée sur ses joues.
«Tu exagères ! Tiens, maintenant que j’y pense, Ratchet m’a demandé de te dire que demain tu as un check-up complet. Prépare ton pot d’échappement.» Conseilla la fembot d’un haussement d’épaules en faisant de son mieux pour ne pas glousser devant le changement d’expression instantané du mecha. Passant de décontracté à terrifié en un nano-klik à peine.
«Ah oui ? Tu es sûre ?» Bégaya-t-il nerveusement.
Au lieu de lui répondre, Moonlight leva les optiques au ciel, amusée. Avec lui, elle n’était jamais certaine de savoir quand il blaguait ou quand il était vraiment sérieux ! Néanmoins, Hot Rod retrouva vite son attitude désinvolte et se coucha dans la même position que la fembot. Appuyé sur les coudes, les pedes flottant dans le vide. Il poussa un long soupir de contentement puis tourna son regard vers le ciel nocturne où des milliers de petites étoiles scintillaient. Un peu comme les optiques de Moonlight, maintenant qu’il y pensait… Son Spark se serra agréablement à cette pensée. Le silence s’installa entre eux, chargé d’une complicité tacite, tandis que chacun se laissait envelopper par la douce immensité de la nuit et l’espoir fragile qu’elle semblait offrir. Hot Rod reprit la parole après un certain temps à admirer le ciel.
«Parfois, je me demande si cette lumière au-dessus de nous ne porte pas en elle un peu de l’espoir qu’on cherche tous.» Dit-il pensivement, la lueur bienveillante des deux lunes se reflétant sur sa carrosserie. À ces mots pleins de sens, Moonlight tourna la tête vers lui avec curiosité. Le mecha resta concentrer sur les étoiles pendant qu’il poursuivait dans ce même ton rêveur.
«Ça doit quand même être très particulier d’avoir un créateur comme Optimus Prime… Assez excitant, non ? D’être la création du plus valeureux de tous les Autobots, bravant chaque danger avec courage, honneur et dignité.» Hot Rod adopta une voix grave pour imiter celle du commandant. Mais manifestement, son interprétation était bancale, si l’on en juge par la tête que faisait son amie. Toutefois, l’amusement quitta rapidement son visage quand elle lui répondit d’un froncement de crêtes optiques.
«Certains disent que c’est un privilège. Que j’ai une chance incroyable de vivre aux côtés d’un dirigeant qui inspire autant de respect chez tous les habitants. Que je devrais prendre exemple sur lui. Tu imagines ? L’ironie du sort… Je ne le vois presque plus, et les rares fois où j’arrive à lui parler, ça finit en dispute ! J’ai de plus en plus de mal à accepter cette idée… Être la fille du Prime. Je suis la honte de cette lignée, je lui fais honte.» Avoua Moonlight, son visage s’assombrissant à mesure qu’elle parlait. À ses côtés Hot Rod se redressa, une expression d’indignation marquant ses traits.
«C’est n’importe quoi ! Tu ne devrais pas vivre dans son ombre. Oui il est admiré de tous, oui il porte un poids immense qui l’oblige à rester ferme en toutes circonstances, et oui, il peut se montrer injuste parfois… Mais ça ne doit pas freiner ta propre route. Vos destins sont différents, c’est tout ! Son but n’est pas que tu suives ses traces, mais que tu forges ton propre chemin. Avec tes choix, tes convictions. Et ceux qui n’aiment pas ça, qu’ils aillent se faire voir ! Tant pis pour eux !» Agacé, Hot Rod jeta ses bras puis s’étendit sur le dos sous le regard compréhensif de Moonlight. Un sourire songeur aux lèvres, la petite fembot se coucha sur son flanc gauche en appuyant sa tête dans sa main pour s’installer à côté du robot boudeur.
«Tu es quelqu’un de bien, Hot Rod.» Lui dit-elle avec sincérité, ses optiques parcourant pensivement son visage renfrogné. En réponse, il soupira dans l’excès.
«Eh oui, je ne suis pas qu’un incorrigible crétin qui passe son temps à faire des farces. Ça m’arrive aussi de réfléchir et de me soucier des autres.» Fit-il remarqué avec humour, même si son regard restait sérieux. Il tourna ensuite la tête vers son amie lorsque cette dernière se confessa sur sa plus grande crainte actuelle.
«Il y a une chose qui me terrifie plus que tout. J’ai peur de me retrouver seule, peur qu’Optimus ne revienne plus d’une de ses missions périlleuses au-delà des remparts… Si ça arrivait ? Qu’est-ce que je deviendrai ? Comment je pourrais surmonter ça ? Je déteste quand il part. J’ai vu à quoi ça ressemblait là-bas. Il n’y a rien pour nous de l’autre côté.» Moonlight commençait à ventiler à cette remarque, la panique lisible dans ses optiques lorsque Hot Rod se redressa pour se pencher au-dessus d’elle.
«Ne dis pas de bêtises ! Tu ne seras jamais seule, voyons. Tu nous as nous, ne l’oublie pas ! Aie donc un peu confiance en les capacités de notre chef ! On parle quand même d’Optimus Prime ! Et puis, le cycle où j’intègrerai sa prestigieuse équipe de guerriers, tu peux être sûr qu’il ne risquera plus rien. Je te donne ma parole. Alors arrête de te torturer l’esprit et profite de la vue !» Il accompagna ses paroles d’un mouvement de vague de ses crêtes optiques, d’une humeur séductrice tout à coup. Ils étaient très proches l’un de l’autre, leurs châssis se touchant presque... En retour il reçut une plainte, suivie d’une frappe sur l’épaule qui le repoussa sur le côté.
Puis tout à coup, sans aucune raison apparente, Moonlight fondit dans un rire incontrôlable. L’écho de ses rires ricochait sur les bâtiments voisins, remplissant la nuit d’une mélodie imprévue. Bien loin de la morosité qui régnait auparavant. Elle riait si fort qu’Hot Rod se demandait si quelqu’un n’allait pas venir enquêter sur le bâtiment abandonné pour savoir ce qui se tramait là-haut en pleine nuit. S’ils n’avaient pas eu une conversation aussi sérieuse avant, il l’aurait sans doute rejointe mais là, il ne comprenait tout simplement pas ce qui lui arrivait. Son cadre vibrait légèrement à chaque éclat de rire, tandis que ses optiques brillaient d’une lumière joyeuse mêlée d’impuissance face à ce flot d’émotions. Presque aux bords des larmes tant son rire était puissant, la fembot peinait à soutenir le regard perplexe de son ami sans replonger dans une nouvelle crise de fou rire. Le pauvre ! Il ne comprenait rien du tout et pourtant, c’était bien lui qui était à l’origine de cet état hystérique.
«Euuuh, j’ai dit quelque chose de drôle ?» S’interrogea-t-il, presque vexé par sa soudaine hilarité.
«Oh, trois fois rien ! Je me suis juste souvenu de quelque chose…» Répondit-elle entre deux rires. Cependant au regard dubitatif du mecha désormais assis en tailleur, elle ne pouvait se résoudre à faire durer le suspense plus longtemps, de peur de le vexer pour de bon. Alors Moonlight se contrôla et finit par lui expliquer la cause de son amusement ; «un certain Autobot orange et jaune qui, après avoir bu beaucoup trop de haute qualité, s’est mis à danser et chanter qu’il voulait changer de couleur de carrosserie !»
«Oh…» C’était tout ce que Hot Rod parvint à dire, trop embarrassé par cette révélation qui risquait de ternir sa réputation. Et bien sûr, il fallait que ses plus proches amis soient là pour assister à cette scène ! Heureusement que son meilleur ami Sideswipe n’était pas présent ce cycle-là… Sinon, il en rirait encore pendant des lustres.
Bientôt, Moonlight retrouva suffisamment son calme pour arrêter de rire comme une folle dingue. Soufflant une rapide excuse au mecha qui affichait une mine légèrement offusquée, elle s’installa de nouveau à ses côtés, décidée à poursuivre la raison qui l’avait menée ici. La beauté du paysage et la tranquillité, en principe. Mais avec cette image en tête, c’était peine perdue ! Cependant, le silence retomba rapidement entre les deux amis perchés sur la tour dominant la ville de Iacon, tous deux profitant des derniers instants de la nuit avant le lever des soleils. Jusqu’à ce qu’Hot Rod brise enfin le calme, partageant une question qui le taraudait depuis cette révélation perturbante.
«Mais… En quelle couleur je voulais changer ?»
«Hum, il me semble avoir entendu rose…»
«AH !»
À suivre…
Les choses se corsent. Petit à petit, l’intrigue principale se dessine sous forme de nuages noirs à l’horizon. Vous savez ce qu’on dit : le calme avant la tempête.
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À bientôt, VP