La Destiné de la Terre des Illusions (DdlTI)
Chapitre 46
L'étranger
Il n'était pas encore vingt-deux heures que tout le monde s'en était allé se coucher. Tous sauf Sanae, la miko des vents, qui, assoiffée, cherchait sans relâche de quoi étancher sa soif. De longues minutes durant, elle arpenta les couloirs et les pièces de cet hôtel, un hôtel très bon marché qui ne voyait plus trop de personnes pour y passer la nuit mais dont l'activité diurne, le bar qui composait le premier étage, marchait à plein régime à certaines heures, étanchant la soif de très nombreux techniciens-employés ou de jeunes gens désespérés par le non-avenir que ce monde réservait à nombre d'entre eux. Les gérants du lieu, un vieil homme et son fils étaient très amicaux, quoique peu au courant de la situation que connaissait le pays depuis peu. Ils semblaient déconnectés de la réalité, ce qui était effectivement le cas car passé les heures de travail, ils se reposaient dans un gigantesque monde virtuel utopique nommé « Earthopian ».
Il s’agissait, d'après les dire du fils, d'un univers utopique où des millions, voire des milliards d'humains s'y réfugieraient car rejetant ce monde réel si peu agréable. La première fois qu'elle avait entendu parler de ça, l'imagination de Sanae ne fit qu'un tour, bientôt suivit par Olivier, dans une moindre mesure. Entre les médias qui n’étaient presque plus que les porte-paroles du gouvernement et de ce monde virtuel, Olivier ne pouvait s'empêcher de faire un rapprochement entre les dystopies écrites durent le vingtième et le début du vingt et unièmement siècle. Alors que Sanae était plus émerveillée par la technologie, Olivier était davantage troublé par la fin de la liberté et de la pensée. Il avait interrogé le fils du gérant afin de savoir ce qu'il pensait de la situation, après l'avoir brièvement décrite.
« Que voulez-vous que je vous dise ? Le gouvernement et l'Impératrice agissent pour notre bien... surtout l'Impératrice. Le gouvernement... bah... j'ai pas trop d'avis dessus mais il doit faire son maximum et l'Impératrice encore plus ! »
Olivier le regarda repartir, l'air décontenancé. Ce monde n'était qu'un monde ayant perdu toute sa liberté, ce qui devait être à l'origine de la perte de l'imaginaire et du caractère aventureux qui faisaient défaut à ce monde d'après Renko. Il toucha les parties de son corps qui lui faisaient encore un peu mal avant de jeter son regard sur sa boisson au goût inconnu à ses papilles mais qui ravissait celles de Sanae.
Elle revint alors à elle et repartit à la recherche de cette boisson qui pouvait étancher sa soif avant de commencer à désespérer, faute de ne pas l'avoir trouvée. C'était à ce moment que le fils du gérant s'était levé, sortant de son univers virtuel où il y dormait. La jeune femme quémanda cette boisson. L'air neutre, il sortit une boisson de sous son comptoir en métal, fausse imitation bois et la servit à la jeune miko. Il fit un léger geste de la main et disparut dans sa « chambre ». Alors qu'elle sirotait sa boisson avec délice en se dirigeant vers sa chambre, elle vit une personne dans l'accueil de l’hôtel. Il s'agissait d'une petite pièce de quatre mètres de large sur dix de long disposant de quatre porte, trois à l'endroit où se trouvait Sanae qui servait de passage entre le bar, la réserve et les chambres. Quant à la dernière porte, c'était l'accès direct vers l’hôtel depuis la rue. Devant cette quatrième porte, se trouvait un homme d'une grande taille et d'une forte carrure. Il portait un trench-coat beige dont les parties métalliques, dorées, semblaient rouillées. Il avait des cheveux marron si foncés qu'ils tendaient vers le noir. Ceux-ci étaient dégagés de son front où y étaient imprimées quelques rides profondes et partaient vers l'arrière descendant jusqu'à la moitié de la nuque. De son manteau fermé, elle ne pouvait voir que le nœud d'une cravate noire. Ce qui la surprit était ses lunettes de soleil, très légèrement teinté, dissimulant légèrement ses yeux. Alors qu'il se rapprochait, elle pouvait sentir qu'il n'était pas humain. Une puissante aura magique semblait l'entourer. Elle en était sûre, il s'agissait d'un youkai, d'un ancien youkai, de plusieurs siècles. Elle se mit en garde, posant sa boisson sur le comptoir de l’hôtel et sortant son onusa de sa manche. En voyant sa réaction, la personne s'arrêta et la fixa. Il enleva ses lunettes en baissant la tête. Quand il la redressa et qu'il ouvrit ses yeux, il révéla deux yeux d'un jaune intense et bestial.
Il afficha un sourire amical. Elle ne répondit pas mais fut surprise de sa réaction. Il chercha alors dans sa poche gauche et en sortie un bout de papier. Il regarda ensuite la miko et lui annonça qu'il ne lui voulait aucun mal. Sur ces mots, il s'avança. Là, elle put sentir qu'il avait une odeur assez forte et peu agréable, semblable à celle d'un chien mouillé. Elle lui ordonna de s'arrêter avec force. Il s'exécuta, la regarda alors qu'ils étaient à moins de trois mètres l'un de l'autre.
– Qui êtes-vous et qu'est-ce que vous nous voulez ?!
– Je suis venu ici pour vous apporter ça, dit-il d'une voix calme et posée mais sur un ton grave.
– Cela ne me répond pas à ma question ?!
– Vous n'avez pas besoin de savoir qui je suis. Je ne sers juste que de messager.
– Qui vous envoie ?!
– Je ne peux pas répondre à cette question. Raison professionnelle.
– Quel youkai êtes-vous ? demanda-t-elle sèchement.
– Je préfère me présenter dans d'autres circonstances. De plus, je ne dois pas le faire, c'est dans mon contrat. Les raisons professionnelles priment dans mon métier.
– Que puis-je savoir ? demanda-t-elle alors qu'elle restât méfiante.
– Rien, juste ce qui est sur cette photo, dit-il en s'avançant si rapidement qu'elle ne put le voir.
– Que...
– Là-bas, vous trouverez vos réponses.
Il fit demi-tour et traversa la pièce avant de quitter l’hôtel, sous le regard rempli d'incompréhension de la miko. L'inconnu s'était déplacé tellement vite qu'il avait parcouru les trois mètres les séparant, poser la photo sous sa canette et revenu à sa place en une fraction de seconde, seul le souffle du vent provoqué par son déplacement l'ayant trahi. Elle resta ainsi quelques instants avant de se reprendre. Elle regarda vers sa cannette et prit la photo avant de l'observer avec attention.
À ce moment, elle entendit une voix qu'elle ne reconnut pas dans l'immédiat. Il s'agissait de Reisen qui avait entendu du bruit en bas et qui était venue voir si tout se passait bien. Elle découvrit Sanae regarder avec attention une photo. Elle l'interpella et ce ne fut qu'au troisième appel que cette dernière leva la tête et vit la Sélénite à côté d'elle, commençant à s'inquiéter. Elle lui demanda si toute allait bien et lui demanda d'où venait cette photo qui semblait tant la captiver. Sanae la regarda et la dévisagea avant de lui annoncer quelque chose.
« Je… je crois que… je sais où nous devons aller... »