Un jour à Gensokyo
Le temps passa. Le mois de janvier venait de commencer. Il prenait appuie sur l’un des piliers extérieurs, observant la neige répandu dans la cour. Il respirait à plein poumon cet air pur et frais, les yeux fixés par-delà l’horizon. Les fées volaient avec joie dans le ciel, les lapins tentaient de déblayer la cour, Reisen revint du village alors de Kaguya alla rejoindre Tom sur le perron.
-Comment vas-tu aujourd’hui Tom ? Demanda la frêle princesse.
-Bien. Depuis que je suis ici je suis plus serein. Répondit le jeune homme alors qu’il regardait le ciel.
-Tu te plais ici ?
-Oui, Gensokyo est depuis longtemps devenue ma terre d’adoption. Je suis heureux de vivre ici.
-Surtout qu’il y a celle que t’aimes.
-C’est vrai. Dit-il en se retournant, l’air gêné mais affichant un grand sourire.
Eirin les rejoignit et demanda à la princesse de la suivre, laissant Tom dans son cadre féérique.
Dans la journée, Eirin déclara qu’il était en pleine forme et qu’il pouvait rentrer chez lui. Il la remercia et commença à préparer ses affaires. Il fit ses au revoir aux habitantes d’Eientei puis passa le porche ceinturant la cour avant de s’engouffrer dans l’épaisse forêt de bambous.
Il marcha pendant plus d’une heure puis vit une silhouette appuyée sur une tige courbée. Celle-ci avait une cigarette dans la bouche et regardait le jeune homme s’avancer vers elle. Elle s’adressa à lui puis lui tourna le dos avant de s’éloigner puis fit un geste de la main, signifiant à Tom de la suivre. Il se demanda ce qu’elle voulait. Il ne tarda pas avant de la suivre, craignant de se perdre dans ce dédale de plante. Il la rattrapa et marcha à côté d’elle. Elle resta silencieuse tout le long du parcourt.
La Lune se levait à l’horizon quand ils arrivèrent chez elle. Une fois à l’intérieur il constat l’état, peu entretenu, de l’endroit. C’était une petite maison japonaise, assez rustique, perdu au milieu de la forêt. Tom se demanda pourquoi il y avait tant de personne vivant si loin, alors que lui-même vivait prêt de la route menant au Manoir du Démon Ecarlate, une route certes peu empruntée mais une route accessible quand même. La jeune femme alluma des bougies et réchauffa la pièce puis invita son jeune ami à s’assoir. Elle sortit un vieux grimoire de la cheminé, celui-ci était recouvert des même sceaux qui couvraient ses vêtements et ses cheveux. Elle souffla dessus et fit voler un véritable nuage de poussière. Il sentait que la dernière fois que ce livre fut sorti s’était bien avant sa propre naissance. Une étiquette était cousu sur le bouquin «Secrets éternelles des possessions». Il fut étonné par le titre du codex. Elle l’ouvrit délicatement après l’avoir posé sur la table. Elle se mit alors à regarder son invité.
-Tom… je t’ai fait venir ici pour une raison bien précise. Enonça-t-elle avec un ton empreint de mystères.
-Laquelle ? Questionna-t-il.
-Je sais ce qui t’arrives. Tu es possédé par une force intérieure.
-Comment ça ?
-Lors de ton combat contre la Grande yokai, tu t’étais transformé toi-même en yokai.
-Oui… c’est exact. Dit-il à demi-mot.
-Cependant, tu as réussi à contenir ce yokai et à le renfermer au plus profond de toi. Il est devenu ainsi un être tentant de te posséder, de prendre le contrôle afin que tu deviennes définitivement un yokai.
-Comment pourrais-je le supprimer ?
-Il te faudrait un exorcisme… cependant, il n’est pas impossible qu’il soit lié à toi et que l’enlever provoque ta mort.
-Si je ne peux pas l’enlever, comment je vais pouvoir résister ?
-C’est pour ça que je te fais venir ici, dit-elle avant de se lever et d’aller chercher un bocal remplit de cendre. Eirin était au courant et m’a demandé de m’occuper de toi.
-Mais pourquoi ?
-Je suis moi-même possédée par l’esprit d’un phénix.
-Un phénix ?
-En partie, c’est un phénix qui s’est créé en moi, ce n’est pas un véritable phénix.
-Et qu’est-ce que tu peux faire pour moi ?
-J’ai appris à combattre puis à vivre avec cet esprit dont je peux désormais me servir pour augmenter ma force.
-C’est… Waouh !
-Je vais t’apprendre à résister aux pulsions du yokai qui sommeille en toi.
-Fort bien.
-Demain, tu connaitras le début d’une renaissance. Dit-elle avant de préparer les deux futons où ils allaient dormir.
Après un rapide diné, ils allèrent se coucher. Tom était encore tout bouleversé par ce qu’avait dit Mokou, il n’avait pas dit un mot durant tout le repas qui se passa dans un terrible silence. Il savait désormais qu’il était possédé par l’esprit d’un yokai, celui qu’il avait failli devenir en combattant Yukari. Il essaya de penser à autre chose, sans grand succès. Il finit par rejoindre le royaume des songes.
Il rêva cette nuit. Il courrait, seul, dans la Forêt des yokai, tentant d’échapper à quelque chose, une chose plus rapide, plus forte, plus intelligente que lui. Il trébucha. Son sabre était planté dans le sol, devant lui. Il posa sa main dessus mais il sentit une chaleur intense le bruler à la main. Il relâcha la poigne de son arme. Une main avec de longues griffes la prit délicatement et la sortit lentement du sol. Tom releva la tête et vit un double de lui mais différent. Ses longs cheveux étaient noirs comme une nuit sans Lune, ses yeux dorés comme l’or et ses canines étaient de véritables poignards. Le double yokai de Tom leva le sabre vers le ciel et, dans un rire provenant du tréfonds des Enfers, abattit la lame sur lui.
Tom se réveilla en sursaut. Il était en sueur. Il sentait que sa main lui brulait légèrement. Il la regarda et vit un étrange symbole inscrit dans sa paume droite. Il se leva en furie et appela son amie, introuvable. Il ouvrit la porte donnant sur l’extérieur et la vit revenir, les bras chargés de bois. Il accourut vers elle et lui montra sa main. Son expression devint plus sérieuse. Elle se tut pendant quelques instants avant de lui dire d’attendre là. Elle rentra dans la maison avant de ressortir presque aussitôt.
-Le yokai en toi s’est manifesté cette nuit. Dit-elle alors qu’elle tournait autour de lui, traçant un cercle avec un bâton.
-Qu’est-ce que c’est ? Demanda le jeune homme inquiet.
-Tu vas apprendre à le maitriser. Pour cela, on doit savoir qu’elle est sa force, si elle est magique, divine ou physique. Etant donné qu’il s’agit d’un yokai, je pencherais pour le physique.
-Que dois-je faire ?
-Devenir plus endurant.
-Comment ?
-Tu vas comprendre. Dit-elle avant de claquer des doigts, faisant embrasser le cercle qu’elle venait de tracer.
Un mur de feu de plusieurs mètres de haut entoura le jeune possédé. Mokou fit ondulée les flammes comme des vagues, les faisant rapprocher de lui. Celui-ci s’écria à plein poumons pour lui dire d’arrêter alors qu’elle continuait de plus belle.
Il cria de douleur. Sa souffrance ne s’arrêta qu’après de longues minutes, quand elle maitrisa les flammes. Tom était légèrement brulé sur quelques endroits du corps. Il se tenait à genoux, souffrant le martyr. Il la supplia de lui expliquer pourquoi elle venait de faire ça. Elle répondit que pour maitriser son yokai, il devait s’endurcir, devenir plus fort physiquement et mentalement. Elle lui tendit la main. Il la prit. Elle l’aida à se relever et lui posa une couverture fraiche sur ses épaules avant de lui dire que son entrainement venait de commencer.
L’entrainement dura une grosse semaine. Il subit les pires exercices possibles, le conduisant au-delà des limites de son enveloppe charnelle. Il dut subir le froid de l’hiver comme la fournaise des flammes. Méditer au milieu de ceux-ci, de jour comme de nuit. Les exercices d’équilibres succédaient aux exercices de forces.
A l’aube d’un jour, il s’était levé plus tôt que son professeur pour s’entrainer. Quand elle sortit voir son élève, il lui demanda s’il était prêt. Elle répondit que seul lui pouvait le savoir. Le jeune homme demanda à la puissante combattante de lui donner son coup de poing le plus puissant dans le torse. Il estimait que s’il parvenait à tenir, cela signifierait qu’il sera prêt.
Ils s’installèrent en face de la maison. Tom était torse nu. Mokou lui demanda s’il souhaitait vraiment cela. Il hocha de la tête. Elle prépara son poing et l’abattit sur le torse du jeune humain. Cela provoqua une terrible déflagration derrière lui. Il poussa un cri de douleur durant celle-ci. Elle cessa. Mokou retira légèrement le poing. La peau de Tom était légèrement brulée. La douleur se lisait sur son visage malgré le fait qu’il ne produisait plus le moindre bruit. Il tomba à genoux. Il estimait qu’il avait échoué. Mokou posa sa main sur son épaule et affirma le contraire.
-Peu de personnes résistent aussi bien à mon coup. Dit-elle.
-Mais… j’ai échoué…
-Non… Ton corps et ton esprit sont devenus bien plus puissants. Tu n’as pas échoué, tu as progressé. Tu peux partir. J’ai terminé de t’apprendre.
-Non… ce n’est pas vrai ! Il me reste tant à apprendre !
-Tu l’as déjà appris, ton combat, tu te bats pour les autres, c’est ça qui te rends plus fort.
Tom se releva et récupéra ses affaires que Mokou était allée lui chercher. Il partit, marchant vers son domicile, l’esprit plus tranquille, capable de maitriser son démon intérieur.