Tomb Raider, une survivante est née

Chapitre 2

2882 mots, Catégorie: K

Dernière mise à jour 08/04/2020 09:50

Se levant péniblement de son lit, les deux yeux dans le même trou, Lara accuse un manque de sommeil, arrivé tard dans la nuit.

Après quelques minutes de flottement, la jeune femme quitte sa chambre et, rituel matinal oblige, commence par se rafraîchir dans la salle de bain. Mais aujourd'hui, quelque chose retient son attention. Un coup reçu la veille, a laissé des traces sur son œil gauche, au toucher la douleur est encore vive et Lara pressent qu'elle va passer sa journée borgne.

Assise sur le rebord de la baignoire, un petit miroir installé face à elle, elle soigne son globe oculaire meurtri.

Rendue dans sa cuisine, Lara s'oblige à manger un peu avant sa matinée de travail, mais ne peut s'empêcher d'éprouver une curieuse sensation en repensant, à sa rencontre d'hier, sa rencontre avec Sam.

Allait-elle revoir cette femme ? Devait-elle la revoir ? Le voulait-elle seulement ? Lara ne comprenait pas exactement ce qui était en train de se produire, et de ce sentiment, découla un frisson qui serpenta dans son dos.

Cependant, son esprit lui rappelle ses priorités et elle se secoue la tête pour chasser ses doutes. Elle a plusieurs courses à faire ce matin et ne doit en manquer aucune, sous peine de perdre son gagne-pain.



*




— Enfin, te voilà Lara !


— Tu sais, si ça t'embête de venir travailler, je trouverai bien quelqu'un pour te remplacer. Les mendigots*¹ ce n'est pas ce qui manque à Londres !


— Excuse-moi Jerry, j'ai perdu du temps sur la route, se renfrogne Lara.


— Tu vas me livrer toutes ces adresses ce matin : le restaurant indien sur Rodney Street, le Caravaggio près du Gherkin et l'agence de mannequins Next Management sur Old Street.


— Tu penses être à la hauteur ? demande Jerry d'un ton méprisant.


Après lui avoir répondu d'un simple signe de tête, Lara va chercher son sac, enfourche son vélo et disparaît dans la rue.

Le restaurant indien livré, Lara n'est pas mécontente de se débarrasser des odeurs de curry et de cumin, plutôt désagréable si tôt le matin.

Sa deuxième course l'amène à proximité du Gherkin, la haute tour en forme de cucurbitacée. Cette dernière, implantée dans un quartier où règnent banquiers et gens d'affaires, incommode Lara qui ne s'y attarde pas.

Son travail presque achevé, la jeune femme n'a plus qu'à livrer la célèbre agence Next Management. Ne s'y étant jamais rendue, Lara se trompe par deux fois de route avant d'arriver enfin en face du bâtiment, pourtant reconnaissable entre mille, avec sa large bannière ornant sa façade et ses quatre étages entièrement en verre.


— Bonjour, j'ai deux colis pour mademoiselle Taylor... Cherchant à ne pas estropier le nom, Lara prend son temps et espère que l'employé va l'aider. Mais elle reçoit pour toute réponse :

— Son agent n'est pas là, attendez qu'il revienne, dit le secrétaire, sans même regarder Lara, avant de désigner une rangée de chaises à quelques pas.


— On a déjà fait plus aimable, marmonne Lara.


Les minutes défilent et Lara ne peut que prendre son mal en patience. Jusqu'à ce qu'enfin, quelqu'un se présente face à elle. Une jeune femme d'une grande beauté, élancée, élégante, mais sans fioriture, des cheveux soyeux descendants derrière ses épaules.


— Bonjour, vous avez quelque chose pour moi je crois ?


— J'ai deux colis pour mademoiselle... C'est vous ? répond Lara en montrant son carnet, intimidée par son interlocutrice.


Consciente de l'effet qu'elle procure chez la coursière, la femme se rapproche et avec un clin d’œil lui dit :

— C'est Taylor Skrtlidj, oui c'est moi.


— Je dois signer ici ?


Lara acquiesce, tend le papier et remarque que le mannequin ne fait pas que signer. Une fois à l'air libre, Lara ouvre le carnet de livraison et découvre un petit mot :

« Je flâne souvent dans le Night club près de Piccadily Circus. Si ça te dit... Taylor. »


Qu'est-ce qui m'arrive ? s'interroge Lara, déroutée. Sam hier, plus aujourd'hui, ça ne me ressemble pas. J'ai l'impression que quelque chose de nouveau arrive dans ma vie et que je ne le contrôle pas.


Obsédée par ses interrogations, elle reprend son vélo et retourne voir son employeur pour toucher sa paie.




*




Son patron n'ayant pas davantage besoin d'elle aujourd'hui, Lara peut enfin ralentir sa cadence de route et profiter de la beauté de la ville.

Il faut dire que malgré un temps maussade, Londres offre d'innombrables beautés à observer :

de Saint James Park à la Tour de Londres en passant par Piccadily Circus, et ce n'est que la façade touristique de la ville, il y a beaucoup d'autres lieux insolites à visiter comme le Cimetière Highgate ou bien le marché aux puces de Portobello, et rouler à vélo permet de les visiter plus facilement.

C'est à proximité du célèbre marché justement que Lara se trouve en ce moment, prenant son temps pour flâner dans les rues, des situations amusantes ou saugrenues, se détachant de la masse des brocanteurs. Des personnes mécontentes de leur achats, qui cherchent à les revendre, des articles a priori anodins, qui font l'objet d'intenses tractations, il y a de quoi passer des journées entières dans ces lieux.

Cependant, obnubilée qu'elle était à regarder les gens, Lara ne fait pas attention à la personne qui passe à pied devant elle au même moment.

Envoyant son guidon d'un coup sec sur la droite, elle évite la jeune femme, mais sa propre chute est inéluctable.

Amortissant celle-ci au maximum avec son sac, Lara ne ressent aucune douleur vive.

Surprise, mais reconnaissant vite la coursière, la jeune femme se presse d'aller la voir pour s'assurer qu'elle va bien :

— Ça va ? Je suis désolée, je n'ai pas du tout fait attention.


Accusant finalement une douleur au poignet, Lara répond tant bien que mal :

— Sam, quelle bonne surprise.


— Tu as l'air mal en point ma pauvre. Je m'en veux...


Pour ne pas faire culpabiliser Sam, Lara se relève le plus normalement possible, cachant au maximum son mal :

— Non ne t'inquiète pas, j'en ai vu d'autres. C'est parce que j'ai jeté un livre sur toi hier que tu cherches à te venger ?


Contente que Lara paraisse indemne, Sam sans réfléchir la prend dans ses bras. Déconcertée, Lara la laisse faire avant de se raviser :

— Cela me gêne un peu, Sam.


— Désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris, dit Sam, honteuse.


Après un moment de flottement, Lara lance avec un sourire :

— Peut être qu'un jour on se rencontrera sans que l'une de nous deux agresse l'autre.


Amusée, Sam propose :

— Oui c'est sûr. Allez, pour me faire pardonner, je t'invite au restaurant. Si tu es libre bien sûr ?


Mal à l'aise, Lara manifeste son hésitation et explique à Sam :

— Je ne travaille pas cet après-midi. J'aurais voulu en profiter pour retourner à la bibliothèque.


— Je comprend, répond simplement Sam, désenchantée, avant de revenir à la charge.


— Allez s'il te plaît, ça me ferait tellement plaisir. Je t'assure qu'il te restera du temps après, je te laisserais tranquille.


Un temps indécise, Lara accepte finalement la proposition de Sam et toutes les deux prennent la route qui mène au centre ville.


Lara ne peut s'empêcher en voyant le luxueux van que conduit Sam, de lui demander :

— Il est à toi ?


— Quoi, le van ? Oui, ça fait quelques années maintenant.


— Ça me laisse assez pantoise à vrai dire.


— Oh mais je ne voulais pas faire étalage de quoi que ce soit, je ne suis pas ce genre de fille. C'est juste que j'ai besoin d'un véhicule spacieux pour faire mes tournages. Sinon je me satisferais de n'importe quel véhicule.


— C'était juste une question Sam, je ne veux pas te mettre dans l'embarras. C'est très confortable en tout cas, tu dois aimer conduire avec je suppose ?


— Je ne m'en lasse pas, répond Sam avec un sourire.




*




— Tu vas voir, c'est excellent ici, lance Sam. Je ne connais pas trop tes goûts, mais si tu n'es pas difficile, tu vas adorer.


— Ça à l'air accueillant et original en tous cas, j'espère juste que tout n'est pas hors de prix. C'est une vraie ruine de sortir à Londres.


— Ne t'occupe pas de ça Lara, c'est moi qui invite, réplique Sam, en cachant subrepticement la carte du menu posée sur la table. Commande ce qui te fait envie, il y a presque de tout au Ledbury.


Ayant rapidement fait leur choix et la préparation s'étant effectuée de même, les deux femmes profitent du repas. Homard rôti au beurre blanc pour Sam et cordon bleu de poisson au poivron pour Lara. Naturellement, la discussion s'enclenche, Sam en profite alors pour poser des questions sur ce que Lara cherchait hier à la bibliothèque.

Embarrassée face au sujet, sans savoir comment débuter son histoire, Lara prend son temps pour répondre :

— Et bien en fait je cherche quelque chose qui me tient particulièrement à cœur, mais aucun livre ou aucune personne n'a été en mesure de m'aider jusque-là.


— Ah oui ? Peut-être que je connais cette chose ? demande Sam.


— De nom peut-être, je cherche le Yamatai.


Sam se rappelle alors du documentaire vidéo, il indiquait que c'était le lieu que cherchait le père de Lara, elle veut lui confirmer qu'elle a déjà entendue ce nom, mais se ravise, se souvenant de la réaction de Lara la veille.


— Non, ça ne me dit rien. Et qu'est-ce que tu cherches là-bas ?


— Rien de particulier en fait, mais je veux trouver cet endroit et le fouler de mes pieds. C'est quelque chose d'assez intime.


— Je vois. Je ne veux pas être indiscrète, tu n'es pas obligée de m'en dire plus.


— Je me heurte simplement au manque de documentation, aucune carte n'est capable de m'aider. Comme si cet endroit n'existait pas.


— Ou bien comme si cet endroit avait été effacé des cartes de la région délibérément, répond Sam.


Lara marque un temps d'arrêt :

— De quoi est-ce que tu parles ?


— Oublie, ce n'est pas important Lara. C'est si excitant, je trouve, de chercher un pays disparu.


— Moi aussi ça me plaît, mais je tourne en rond depuis un moment maintenant, ça commence à être fatiguant.


— Je te comprends, ça ne doit pas être facile à vivre.


— J'ai bien essayé d'en parler à quelques-un de mes professeurs, mais ils me prennent pour une romantique passionnée. Je ferais mieux de m'atteler à mes cours plutôt que de m'accrocher à des chimères selon eux. Si seulement le professeur Cahalane était là, il me guiderait lui.


— Tu es inscrite en faculté d'histoire, je suppose ?


— Oui c'est ça, spécialisation archéologie et histoire des civilisations perdues.


Un moment de flottement s'installe alors entre les deux jeunes femmes et Sam y voit là l'occasion idéale pour poser la question qui l'a taraude depuis la veille :

— Ce qu'il te faudrait c'est quelqu'un pour te changer les idées quand tu bloques comme ça. Quelqu'un pour te rassurer, te réconforter... Un mec par exemple ?


— Oh non, ce n'est pas vraiment dans mes préoccupations en ce moment, si tant est que ça l'a été un jour.


— Je vois, se contente de répondre Sam, cachant sa joie.


Profitant de parler à une fille, Sam ajoute :

— Tu es très belle pourtant, tu dois te faire draguer souvent je suppose ?


— Non pas vraiment.


— Ça arrive peut-être plus souvent que tu ne le crois.


— Je peux t'assurer que non Sam.


— Tu es sûr ? Tu as du charme, tu es attachante, peut-être que tu ne remarques pas quand on te drague ? dit Sam d'un sourire enjôleur.


— Tu penses ce que tu dis ?


— Oui, ça me paraît évident.


Un peu gênée, Lara répond :

— Arrête, c'est complètement faux. Et puis un petit ami, je ne sais pas, ça ne me plaît pas. Le couple classique avec le garçon viril et protecteur, le mariage, les enfants puis petit à petit la relation décline, mais perdure quand même pour les protéger... Tu vois ce que je veux dire ?


— Oui, ce n'est pas très joyeux comme vision, mais je la comprends.


— Et qu'est-ce que tu penses des filles ? demande Sam.


— Des filles ? Comment ça ?


— Et bien tu dis qu'un garçon ne pourrait pas t'intéresser, mais une fille ? Tu te verrais engagée dans une relation amoureuse avec une fille ?

Décontenancée par la question, Lara répond :

— Ça ne m'a jamais traversé l'esprit. Je ne sais pas, c'est un peu étrange, non ?


— Pas forcément, répond son interlocutrice avec un regard aguicheur.


Au grand désespoir de Sam, cependant, Lara ne remarque pas son manège et continue la discussion.


— Mais toi sinon ? Tu es seule ?


— En ce moment oui, enfin j'ai beaucoup de relations mais ce n'est pas dans le concret ou le long terme, tu vois ? On se voit un jour ou deux puis on s'oublie pour le reste de l'année. Je passe de bons moments quand même, mais jusqu'ici jamais suffisamment pour que ça dure vraiment.


— Je ne pourrais pas moi, je crois... Avoir ce genre de relation, enfin sans vouloir te juger.


— Il n'y a pas de prise de tête comme ça, j'aime bien être assez indépendante dans la vie, après je ne dis pas qu'un jour je ne préférerais pas une vraie relation, quelque chose de plus sérieux.


Sur cette dernière phrase, Sam essaye de capter le regard de Lara. Celle-ci, mal à l'aise, cherche rapidement quelque chose à dire.


— Je ne veux pas t'embêter avec ça, mais je me suis fait mal à l’œil hier, et comme ça ne désenfle pas, je ne serais pas contre une poche de glace.


— Oui bien sûr, on peut aller en acheter une tout de suite si tu veux ?


Finissant rapidement ce qui restait de leurs repas, les deux femmes quittent l'établissement et se rendent à la pharmacie la plus proche.


— Je ne sais pas comment tu t'es fait ça, Lara, mais tu as dû avoir vraiment mal ! On dirait même que quelqu'un t'a frappée.


— C'est arrivé hier au sport, répondit Lara en appliquant la glace sur son œil. Je suis tombée sur beaucoup plus forte que moi.


Un sourire provocateur se dessine sur le visage de Sam et Lara réplique :

— Mais tu te moques de moi là, je rêve !


Avec un rire à peine caché, Sam répond :

— Oh non je n'oserais pas me moquer de toi.


Consciente de l'évolution positive de sa relation avec Lara, Sam cherche à accélérer les choses et propose :

— Ma sœur est rentrée de Milan, il y a deux jours, à l'occasion je voudrais organiser une fête, en petit comité tu vois, mon autre sœur, mon frère et quelques amis, ça te dirait de venir te joindre à nous ?


Quelque peu gênée par la situation, Lara cherche ses mots pour ne pas décevoir Sam et tente de gagner du temps.

— Vous êtes nombreux chez vous, les réunions doivent être animées ?


— Et oui, il y a mon petit frère Chase, ma grande sœur Mackinley et mon autre grande sœur Logan, si en plus on compte les relations de tout ce beau monde, on arrive effectivement à une belle assemblée.


— Tiens c'est amusant, comme toi, tes frères et sœurs ont des prénoms à consonances occidentales. Vous êtes japonais pourtant ?


— C'est assez paradoxal en fait, car nous sommes tous nés aux États-Unis, nos parents nous ont de ce fait, donnés à tous des noms américains, mais pourtant, mon père, coincé dans les traditions nippones archaïques, refuse systématiquement, lors des retrouvailles, de mêler famille et couple, si chez ce dernier, le mariage n'est pas clairement évoqué. Va comprendre !


— Je vois, ce n'est pas simple comme situation, et ta sœur, elle faisait quoi à Milan ?


— Elle est défilait pour Prada*², à la Fashion Week.


— Elle a du y rencontrer les plus beaux Anges de Victoria's Secret*³ : Stella Maxwell, Sara Pereira, Taylor Skrtlidj et j'en passe, ajoute Sam, tout émoustillée.


Le manège de Lara ne lui ayant cependant pas échappé, Sam finit par dire à Lara :

— Tu sais, ce n'est pas grave, on aura d'autres occasions de se voir, tu peux avancer tes recherches, vas-y.


— La prochaine fois, promis, lance Lara.


— Magnifique, ça me fait plaisir... Attends ! lance cependant Sam. Mon père a réussi à m'avoir des places en backstage pour le prochain show Victoria's Secret et je voulais en profiter pour interviewer les tops models. J'ai une place supplémentaire, tu viendrais avec moi ? Avant même de laisser à Lara le temps de répondre, elle ajoute, c'est à Londres cette année, c'est une chance exceptionnelle ! Tu es d'accord ?


— J'en serais ravie, déclare Lara avec sourire.



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