Tomb Raider, une survivante est née

Chapitre 1

2411 mots, Catégorie: K

Dernière mise à jour 07/04/2020 16:06

1


— British Library... C'est la seule bibliothèque de Londres que je n'ai pas encore faite. Vu sa réputation, j'aurai sûrement plus de chance ici.

Entrée par l'imposant portail à double battant qui garde le passage de la prestigieuse bibliothèque, Lara part aussitôt vers le secteur « Sciences Humaines ».

Se mouvant dans les larges allées du bâtiment, la jeune femme se met en quête d'une période à même de faire se décaniller le plus endurci des étudiants, une période sacrifiée à l'occident : celui du Japon féodal.

Après de longues minutes de recherches, Lara exulte quand elle tombe enfin sur ce qui l'intéresse.

À sa grande déception cependant, les étagères ne sont pas aussi fournies qu'elles ne le sont pour les autres nations asiatiques et compte tenu du nombre de livres que s'enorgueillit de posséder la bibliothèque, la jeune femme s'attendait à un peu plus. Arrachant quand même à la poussière tous les ouvrages présentés, elle les étale ensuite sur une table.

La Société Japonaise de l’Époque Sengoku à Nos Jours en deux volumes, L'Age d'Or de Kyoto, Naissance et Déclin des Shoguns en trois volumes, Invasions Mongoles du XIIIème siècle et Restauration Meïji, se dit-elle. Ça devrait tout de même m'aider dans mes recherches.

Le calme et le vide qui se dégagent de cette allée étant propice au travail, Lara s'installe confortablement sur le seul fauteuil à disposition et commence à lire.


Quelques heures s'écoulent et Lara ne peut que constater :

Évidemment, j'aurais du m'en douter... Il n'y a rien de plus ici que dans les autres bibliothèques. Les mêmes écrits classiques que j'ai déjà trouvée partout ailleurs.

Yamatai, Himiko, Reine solaire, à croire que tout ça n'existent finalement pas.


De manière impulsive, Lara jette alors un des livres sans même remarquer qu'une jeune femme passait au même instant dans l'allée.

Après avoir reçu le volume de plein fouet, la femme réagit sans tarder, oubliant au passage les formules de politesse :

— Mais qu'est-ce qu'il te prend ?

Cherchant à voir qui l'agresse, la femme arrête son regard sur le visage de Lara et change subitement de ton :

— «L'Age d'or de Kyoto»... lit-elle en prenant le livre, moi aussi j'aurais ragé si j'avais dû apprendre des choses sur cette période.


— Je me présente, ajoute l’inconnue avec un sourire, je m'appelle Sam !


Lara cherche de suite à s'excuser et se lève pour aller voir la jeune femme. D'origine asiatique, pourvue de cheveux bruns au carré, vêtue d'un marcel seyant et décolleté, d'une courte jupe noire plissée sertie d'une ceinture, et de bottes noires. Celle-ci arborait une mine avenante.


— Oh je suis désolée, je ne vous avais pas vue, je suis vraiment confuse.


— Ce n'est rien, je ne suis pas aussi fragile que j'en ai l'air.


— C'est ce livre, enfin non pas vraiment, c'est plutôt ces livres. Je pensais enfin tomber sur quelque chose d'intéressant.


— C'est que ce n'est pas un sujet facile à cerner en même temps, dit Sam, compatissante.


— Oui, d'où la poussière d'ailleurs.


Esquissant un sourire à sa propre réponse, Lara croise le regard de Sam. Aussitôt gênée par la situation, Lara détourne le regard, non sans rougir quelque peu.


Amusée, Sam propose alors à Lara :

— Je vais probablement paraître un peu indiscrète ou malpolie, mais j'ai remarquée que tu étais seule depuis un petit moment... Peut-être que tu aimerais sortir ? Je ne sais pas, boire un verre par exemple.


Sans s'offusquer davantage qu'une inconnue ait pu l'épier, Lara répond sans tarder :

— Oui pourquoi pas, ça va me changer. Merci pour la proposition, on y va quand tu veux.


— Super, ça me fait plaisir ! Tu m'as dit que tu t'appelais...


— Lara.




*




— Ça fait du bien de profiter de la ville et du soleil... Et de lâcher prise aussi.

S'affaissant dans sa chaise comme pour illustrer ses propos, Lara pousse un soupir de soulagement.


— Évidemment que ça fait du bien, personne ne peut passer sa vie enfermée dans une bibliothèque, c'est inhumain.


Alors que Lara s'apprête à héler un des serveurs, Sam plus prompt qu'elle, l'appelle en premier :

— Une bière s'il vous plaît. Tu veux quelque chose Lara ? Je te l'offre.


— Oh ça me gêne un peu, je préfère payer... Une eau gazeuse s'il vous plaît.


— Très bien mesdemoiselles, je vous apporte ça tout de suite, dit le jeune homme.


La déception à la suite de la réaction de Lara vite oubliée, Sam demande :

— Alors dis-moi Lara, qu'est-ce qui te plaît dans la vie ?


— Tu y vas sans sourciller toi. En fait, je ne suis pas très à l'aise à parler de moi, je préfère te retourner la question, si ça ne te dérange pas ?


— Pas de soucis, je comprends.


— Je suis dans une école d'audiovisuel, ajoute-t-elle, après avoir pris un temps de réflexion, comme pour hiérarchiser ses centres d'intérêts. J'apprécie tout particulièrement cet art, évidemment, tu vas me dire, sinon je n'en ferais pas mes études, dit Sam en rigolant.


— Après j'adore sortir aussi, faire la fête, rencontrer des gens.


Traversée par un éclair de lucidité, Sam interroge Lara :

— Mais attends j'y pense, tu ne serais pas Lara Croft par hasard ?


— Oui, c'est moi, qu'est-ce qui m'a trahie ?


— Une intuition, répond Sam avec un petit sourire malicieux. Ou peut-être que j'ai fouillé dans ton sac quand tu étais absente...


Adoptant une posture plus défensive, Lara lui jette un regard interrogateur.


— Mais non je plaisante. Je fais des courts-métrages amateurs dans mes temps libres et je cherche des conseils sur Internet. Il n'y a pas très longtemps, j'ai vu un reportage sur la famille Croft, c'est pour ça que je t'ai reconnue.


— Attends, tu as vu un reportage sur moi ? Sur Internet ? Il y a vraiment quelqu'un que ça intéresse et qui s'est décidé à perdre son temps avec ma famille ?


— Tu sais, on trouve vraiment de tout sur la toile.


— Oui je vois ça. Tu me connais déjà bien alors que l'on vient de se rencontrer, c'est un peu déroutant.


— Mais non ne t'en fais pas, je t'assure c'était assez succinct comme documentaire, ton intimité ne sera pas violée avec cette vidéo.


— J'espère, lui répond simplement Lara, peu rassurée.


Devant le ton plus froid que prend la conversation, Sam décide de changer de sujet, avant que ne s'installe un silence pesant.


— Je ne t'ai pas dit que je voyageais beaucoup également, c'est une de mes passions.


— Ah oui ? répond Lara, curieuse. Raconte-moi, quels pays as-tu déjà visités ?


— Ma mère est portugaise et mon père japonais, alors je connais assez bien ces deux pays. Et grâce au travail de mon père, on a beaucoup déménagé : aux États-Unis, en Angleterre...


— C'est impressionnant ! Quoi qu'il en soit ça fait vraiment envie.


— Ça n'a pas que des bons côtés non plus. Enfin, je ne veux pas t'embêter avec ça, je dois être ridicule à ne parler que de moi comme ça.


— Non, ne t'en fais pas, j'aime bien écouter les gens parler, rassure Lara.


Souriante, Sam continue :

— Ce que je préférerais, c'est faire un film, quelque chose de dépaysant dans un lieu exotique et inexploré, un peu comme Carl Denham sur l'Île du Crâne. Si tu connais cette référence...


— Oui bien sûr je la connais, après ça reste une œuvre purement fantastique qui ne s'appuie sur aucune vérité scientifique. J'aime moi aussi les mythes, mais je préfère quand ils ont une base réelle tout de même.


— Oui tant qu'à faire moi aussi, répond Sam.


— Après je te dis ça, mais mes recherches actuelles tournent tellement en rond que j'ai l'impression d'avoir à faire à une œuvre fantastique sortit tout droit de l'esprit d'un auteur, plutôt que d'une histoire véridique. Et pourtant ça occupe complètement mon esprit, dit Lara.


— En tous cas c'est amusant, j'ai l'impression que l'on partage des passions communes : voyage, mythes et histoire...


Sam lui sourit en guise de confirmation. Un silence s'installe entre les deux jeunes femmes, chacune plongée dans le regard de l'autre.

L'instant semble éternel, jusqu'à ce que Sam soit tirée vers la réalité par la sonnerie de son téléphone.


— Oh, excuse moi, j'avais complètement oubliée que je devais voir quelqu'un cet après-midi, je vais devoir te laisser.


Un peu prise de court, Lara balbutie sa réponse :

— Ou... Oui d'accord. C'était sympa en tout cas, merci à toi.


— Je peux te laisser mon numéro si tu veux, s'empresse d'ajouter Sam, voyant la timidité mal cachée de Lara.


Sans attendre de réponse, Sam écrit rapidement ses coordonnées sur un papier, qu'elle tend :

— Tiens, le voilà, appelle-moi quand tu veux si l'envie te prend de vouloir ressortir.


Les deux jeunes femmes se séparent après s'être dit au revoir. Accompagnant du regard comme par réflexe, le départ de Sam, Lara finit par s'étonner elle-même de son geste. Reprenant ses esprits, elle envisage un temps de retourner à la bibliothèque puis se ravise, préférant se rendre à la salle de son club de sport.




*




— Allez Lara, bouge ! Mais esquive bon sang !


Plantée comme un piquet au milieu du ring octogonal, Lara souffre. Son adversaire, plus rapide et manifestement plus expérimentée, lui assène coup sur coup, sans lui laisser le temps de répliquer.

Après un temps de souffrance, la jeune Croft se trouve cependant une énergie nouvelle et esquivant un premier coup, part à l'assaut de son adversaire. Insuffisamment vive, Lara subit néanmoins de plein fouet, un coup dans le ventre, qui la met aussitôt à terre. Les yeux presque révulsés, le corps tremblant, Lara se relève avec difficulté.


— T'es ailleurs Lara, tu vas te faire démolir ! reprend l'entraîneur de Lara.


Un coup en plein visage envoyé avec une grande violence manque de faire perdre connaissance à Lara. Titubante, le visage en sang, la jeune femme cherche un point d'appui pour recouvrer ses esprits. Fair-play, sa rivale lui laisse quelques secondes de répit.


Au prix d'un immense effort pour oublier ses douleurs, Lara repart au charbon et commence à esquiver les coups de son adversaire. Elle parvient à placer quelques attaques, sans qu'elles aient une quelconque utilité, du fait de la carrure impressionnante de son opposante.

Après un agile jeu de jambes, Lara parvient à déséquilibrer son adversaire, qui chute. Rapidement, Lara saisit l'occasion pour l'agripper et faire une tentative de soumission.


— Oui c'est bien ça Lara, continue. Plaque-là au sol !


L'adversaire ayant le physique et l'expérience pour elle, la soumission de Lara est toutefois vite défaite et inversée. La prise étant dès lors plus efficace, Lara commence à mettre un genou au sol. Voyant la situation clairement au désavantage de son élève, l'entraîneur de Lara lui intime l'ordre d'abandonner.

Après de longues secondes de résistance, Lara décide d'obtempérer en tapant au sol, l'adversaire casse alors la prise, pour permettre à Lara de se remettre. Le souffle coupé, elle met plusieurs minutes à reprendre ses esprits.

Une fois sur pied, frustrée d'une telle issue, Lara regagne rapidement les vestiaires pour se doucher et se changer.


Tenant à ne pas partir en de mauvais termes, l'ennemie d'un soir de Lara accourt vers elle pour s'excuser :

— Lara ! Je suis désolée... Sans rancune ?


— Non pas de problème.


— Très bien, on remettra ça une prochaine fois ?


— Oui, bien sûr.


Au moment où Lara s'apprête à partir, elle est stoppée par son entraîneur :

— Tu es là, je te cherchais.


— Qu'est-ce que tu voulais me dire ?


— Oh, rien de très urgent.


Agacé, l'homme désigne une affiche sur le mur avec son doigt. Voyant l'embarras de son élève, il ajoute :

— Écoute Lara, je t'aime bien je t'assure, mais je ne peux pas faire de traitement de faveur, si je veux éviter les histoires, je dois être juste. Tu paies pas, tu combats pas. Tu comprends ?


— Oui je comprends bien, je t'amène ça la prochaine fois, promis.


— Ça va pour cette fois. Allez sauve-toi, il commence à faire noir.


En effet, le soleil déjà bien bas dans le ciel contraint Lara à se dépêcher.

Habitant le quartier de Tottenham, dans le nord-est de Londres, Lara a près d'une heure de vélo à faire depuis son club de sport jusqu'à son appartement. Passant les nombreux quartiers qui la séparent de chez elle, Highbury et sa célèbre enceinte sportive, Harringay et ses Yummies Mummies, Duckett's Green... Lara ne s'accorde aucune pause, l'heure tardive, ajoutée à l'insécurité de certains lieux, rend les arrêts assez hasardeux.

De retour à son domicile, après avoir gravi les trois étages de son immeuble, vélo sous le bras, Lara peut enfin se détendre sur son lit et savourer un moment de repos.

L'appartement qu'elle habite est sombre, des briques noires apparentes courent le long des murs et seul deux lampes, clignotants de façon irrégulière, ainsi qu'une grande vitre, lui apportent un peu de clarté. De nombreux bâtiments la privant de luminosité.

Ce soir, comme nombre de soirs depuis qu'elle a emménagé dans l'immeuble, Lara s'approche de sa fenêtre, bras croisés, elle s'appuie sur la vitre et observe les immeubles voisins.

La famille Khan dans l'immeuble d'en face, des réfugiés de Lahore, monsieur Cameron, juste au-dessus, submergé de travail, la lumière n'est jamais éteinte chez lui.

De tous les appartements, il en est un qui retient toujours l'attention de Lara, c'est celui de Monsieur et madame Davies, deux étages plus bas que les Khan. Lui, assit sur son siège, elle dans son fauteuil roulant. Les années passées ne les avaient pas épargnés, mais, main dans la main, ils profitent encore chacun de la présence réconfortantes de l'autre, l'amour profond de leur jeunesse encore intacte.













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