Kami Stray Cat [Baji Keisuke x OC]
Le hurlement des freins fit grincer des dents et tous virent l'énorme locomotive s'arrêter à quelques mètres seulement du champ de bataille.
Taromaru ne regardait pas le train. Elle regardait l'homme au manteau blanc qui courait vers Takemichi, un sabre à la main, et surtout, elle regardait la silhouette translucide qui se tenait derrière l'épaule de Takemichi.
Baji remarqua alors sa présence.
– La mioche ? Dit-il. Qu'est-ce que tu fous là ? Je t'avais dit de rester en arrière !
Il semblait fou d'inquiétude. La fillette ne le regardait pas. L'homme au manteau blanc était le deuxième – l'ombre derrière lui le prouvait – mais où était le troisième ? Elle le découvrit non loin de Mitsuya, Chifuyu et Atsushi, un des amis d'enfance de Takemichi. Lui aussi était suivi d'un fantôme translucide. Ce garçon-là portait un manteau blanc, comme l'autre, il était plus grand que tous les humains qu'elle avait croisés durant sa vie et il avait des tatouages sur les mains.
Taromaru abandonna le lieu de l'affrontement pour se diriger vers Takemichi et son fantôme souriant. Baji lui emboîta le pas sans comprendre. La petite tendit la main et elle prit celle de Shinichiro. Ce dernier baissa les yeux, surpris.
– Tu peux me voir ? Dit-il.
Elle hocha la tête.
– Alors tu peux les voir aussi ? Reprit-il, plus grave.
Taromaru jeta un œil aux deux hommes en manteaux blancs et aux silhouettes qui paraissaient s'être solidifiées derrière eux.
L'une d'elles affichait un sourire dément qui lui fendait le visage, dévoilant des dents aiguës. Le second semblait plus terne, presque éteint. Mais plus dangereux.
– Ils sont en train de jouer, lui apprit Shinichiro. C'est à celui qui détruira le plus. J'ai beau essayer de les arrêter, je n'y arrive jamais. Ils sont toujours là. Je ne sais plus quoi faire.
Derrière elle, Baji plissa les yeux, incrédule.
– La mioche... qui parle ? Dit-il.
– Tiens Baji, dit Shinichiro. Ça faisait longtemps.
Un instant Baji ne réagit pas, puis il écarquilla les yeux, comme si le message lui était parvenu avec du retard. Shinichiro baissa les yeux vers la gamine.
– Il a passé trop de temps avec toi, dit-il. Il peut presque me voir.
Mais Taromaru ne l'entendait plus. Toute son attention était tournée vers la plus imposante des silhouettes, qui s'avançait vers eux.
– REGARDEZ UN PEU CE QUE NOUS AVONS LÀ ! Rugit-il sans que personne ne l'entende. UNE MIOCHE ! C'EST AVEC CETTE DEMI-PORTION QUE TU COMPTES NOUS ARRÊTER ?
Il regarda Shinichiro et l'autre éclata de rire.
– Essaie ! Dit-il d'une voix étrangement aiguë, désagréable. Essaie encore ! C'est drôle !
Taromaru lâcha la main de Shinichiro. Elle ne s'était pas aperçue que Baji dévisageait les deux nouveaux venus comme s'il avait l'impression de vivre un cauchemar.
– Qu'est-ce que... c'est que ça ? Dit-il.
Elle se dirigea vers la silhouette la plus imposante et Baji ramena les yeux vers elle.
– La mioche, dit-il, reste ici. Je les sens pas ces deux-là.
La fillette ne l'écouta pas, elle continua d'avancer et sa silhouette parut s'étirer, grandir, jusqu'à atteindre celle d'un adulte. Elle avait au moins retrouvé assez de force pour reprendre son apparence. Le sweat de Baji lui battait les cuisses et elle s'immobilisa à quelques pas de la créature qui la surplombait toujours d'une bonne tête et leva les yeux.
– ET MAINTENANT ? Gronda-t-il. TU VAS FAIRE QUOI ? UNE PAUVRE PETITE DÉESSE DÉCHUE COMME TOI RISQUE PAS DE ME FAIRE GRAND MAL !
Il rit et son compagnon l'imita.
– On sait qui tu es Taromaru ! Dit-il. Et on sait que tu ne peux rien contre nous !
Derrière elle, Shinichiro fronça les sourcils. Taromaru leva alors les mains et les joignit.
– Je ne peux pas vous arrêter, dit-elle, c'est vrai...
L'air parut se condenser autour d'elle et un choc sourd, comme un bruit de verrou, retentit. Cette fois, tous l'entendirent et ils levèrent les yeux.
– Mais, reprit-elle, je peux au moins vous fermer les portes du temps.
La plus grande des silhouettes ouvrit des yeux stupéfaits.
– QUOI ? NON ! QU'EST-CE QUE TU AS FAIT ?
Taromaru ne l'entendit pas. Toutes ses forces étaient à présent épuisées. Elle se mit à rétrécir et tomba à la renverse. Baji se précipita et il la rattrapa.
– NON ! NON ! Rugit la créature. TU N'AS PAS LE DROIT DE FAIRE ÇA ! TU N'AS PAS LE DROIT !
– Nous, dit l'autre, tout ce qu'on voulait, c'était s'amuser !
Shinichiro lui jeta un regard dégoûté.
– C'est fini pour vous à présent, dit-il. Allez-vous-en.
Il ne remarqua pas le garçon désemparé qui s'était approché.
– Shinichiro ? Nii san ? Dit Mikey. C'est toi ?
Shinichiro se tourna et il ouvrit des yeux stupéfaits. Puis il sourit.
– Salut Manjiro, dit-il. ça faisait un bail. T'es sourd comme un pot ma parole ! J'avais beau hurler dans tes oreilles, tu ne m'entendais pas !
Les deux frères se regardèrent et Shinichiro reprit.
– Je suis désolé pour tout ce que tu as traversé petit frère, dit-il. Mais je n'étais jamais très loin tu sais. On se retrouvera tôt ou tard, ne t'en fais pas, alors fais-moi plaisir et vis ta vie comme tu l'entends. Comme ça on aura plein de choses à se raconter !
Autour d'eux, la scène se figea, le temps suspendit son vol et l'air parut devenir gris. Tous s'étaient immobilisés, comme pétrifiés en plein mouvement. Une femme vêtue d'un kimono noir apparut et elle s'approcha de Baji et de la petite silhouette qu'il tenait toujours contre lui.
– Je suis venue te chercher Taromaru, dit Izanami. Il est l'heure à présent. Je suis désolée que tu aies échoué.