Mon Sorceleur : au-delà du jeu
Chapitre 13 : Prédateurs et un Baiser fulgurant
5164 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour il y a 25 jours
Le chemin qui menait aux hauteurs était escarpé, rocailleux, et à peine praticable. Geralt montait avec une agilité déconcertante, même avec sa blessure pansée.
Je peinais à le suivre, mes poumons brûlant à chaque pas, mes jambes menaçant de me lâcher. Le silence était tendu, rompu seulement par le vent qui sifflait entre les rochers et le battement frénétique de mon propre cœur.
"Un Griffon… qu'est-ce qu'on fait ?", demandai-je, à bout de souffle, ma voix à peine audible.
"On le trouve. On l'attire. On le tue," répondit Geralt, sa voix grave, sans ralentir son pas. Sa concision était à la fois rassurante et exaspérante. C'était comme si je lui demandais une recette de cuisine et qu'il me répondait "ingrédients, feu, manger".
Nous atteignîmes finalement un plateau rocheux, balayé par les vents. Quelques arbres tordus s'accrochaient à la roche, défiant la nature. C'était un endroit isolé, parfait pour un nid de bête. L'odeur du guano et de la charogne flottait dans l'air, âcre et repoussante.
Geralt s'arrêta brusquement, ses sens en alerte. Il sortit une petite fiole d'une de ses sacoches. "Potion d'Hirondelle. Si tu as besoin de te soigner." Il me la tendit. Son regard était intense, sans blague cette fois. "Ne te lance pas. Reste couverte. Quand il sera au sol, tu pourras te montrer."
Je pris la potion, le verre froid contre ma paume. C'était un signe de confiance inattendu. "Et si… et si vous avez besoin d'aide ?"
Il ne répondit pas tout de suite, son regard balayant le ciel au-dessus de nous. Puis, il plissa les yeux. "Je gère." Le classique Geralt. Un "Hmm" pour dire "oui", un "je gère" pour dire "ne t'inquiète pas, mais ne me gêne pas non plus".
Soudain, une ombre gigantesque passa au-dessus de nos têtes. Le vent se fit plus fort, chassant les feuilles et la poussière. Un cri strident déchira l'air, un mélange de rugissement de lion et de hululement d'aigle.
Le Griffon ! Il tournait en cercles au-dessus de nous, ses serres gigantesques déployées, son bec crochu prêt à frapper. Sa carapace dorée et ses plumes sombres brillaient sous le soleil naissant. Il était magnifique et terrifiant.
Geralt dégaina son épée d'argent. Le son du métal contre l'air fut le seul à s'élever face au cri du monstre. Il prit une position d'attente, sa main libre prête à lancer un signe.
"Reste derrière le rocher !", ordonne-t-il, sa voix grave et pleine d'autorité.
Je me jetai derrière un rocher massif, me faisant aussi petite que possible. Mon cœur battait la chamade, mes mains tremblaient. Ce n'était plus un jeu. C'était réel.
Le Griffon plongea. Une masse de muscles et de plumes. Geralt esquiva le premier assaut avec une agilité incroyable, sa lame s'élevant pour parer les serres. Le choc fut violent, le métal grinça contre le cuir. Le Griffon passa en trombe, créant un appel d'air qui me décoiffa.
Geralt enchaîna avec un signe d'Aard, une puissante poussée télékinétique qui frappa le monstre en plein vol. Le Griffon fut déstabilisé, ses ailes battirent frénétiquement pour reprendre le contrôle, mais il fut forcé de se poser lourdement à quelques mètres de Geralt.
Il poussa un cri de rage, ses yeux brillants de fureur.
Le combat au sol fut encore plus intense. Le Griffon, bien que moins agile, était une masse de puissance brute. Ses serres labouraient le sol, son bec cherchait à embrocher, et ses ailes, même repliées, pouvaient projeter Geralt au loin.
Geralt, lui, dansait autour de la bête, sa lame cherchant les points faibles sous la carapace. Chaque coup était précis, chaque esquive un chef-d'œuvre.
Je voyais Geralt saigner, ses mouvements se faisant plus lents. La blessure de l'Arachas le gênait, c'était évident. La frustration montait en moi. Je voulais l'aider. Mais que pouvais-je faire ? J'étais une civile du 21e siècle, sans aucune compétence de combat. Je pouvais à peine courir sans m'essouffler !
Le Griffon lança un puissant coup de patte, projetant Geralt contre un rocher. Il tomba lourdement, son épée roulant à quelques mètres de lui. La bête s'apprêtait à lui porter le coup de grâce, son bec s'abaissant lentement vers lui.
Mon cerveau hurla. L'instinct de survie, non pas le mien, mais le sien, prit le dessus. Mon regard balaya le sol. Une pierre. Une grosse pierre, juste à côté de moi.
Sans réfléchir, je me saisis de la pierre. Elle était lourde, trop lourde. Mais la rage, la peur et une détermination inattendue m'envahirent. "Hé ! Le volatile !" criai-je, ma voix aussi forte que possible.
Le Griffon leva la tête, ses multiples yeux se posant sur moi. J'étais une petite silhouette sans défense, mais j'avais fait du bruit. J'avais attiré son attention. Je savais que c'était stupide. Complètement suicidaire. Mais je ne pouvais pas le laisser mourir.
Je lançai la pierre de toutes mes forces. Elle tomba lamentablement à quelques mètres du Griffon, sans l'atteindre. Mais le bruit, le geste, suffirent à le distraire. Il pivota sa tête vers moi, son corps se tendant pour un assaut.
C'était l'ouverture. Geralt, qui s'était relevé avec difficulté, saisit son épée. Avec un cri de ralliement, il se jeta sur le Griffon, sa lame scintillant dans la lumière du matin.
Il frappa avec une force décuplée par la fureur, visant le cou exposé de la bête. Un son déchira l'air, un mélange de chair déchirée et de plumes brisées.
Le Griffon laissa échapper un hurlement de mort, une dernière convulsion, puis s'effondra lourdement, son corps massif ébranlant le plateau.
Un silence assourdissant. Seule ma respiration haletante et le gémissement du Griffon agonisant brisaient le calme. Geralt se tenait là, son épée à la main, sa poitrine se soulevant rapidement. Il était couvert de sang, le sien et celui du monstre. Sa blessure saignait davantage.
Il se tourna lentement vers moi. Ses yeux dorés, habituellement si contrôlés, brillaient d'une nouvelle intensité. Un mélange de colère et… de soulagement ? Il fit quelques pas, sa démarche lourde, et s'arrêta juste devant moi.
"Tu... Tu as fait du bruit," dit-il, sa voix basse, tendue.
"Je... je voulais aider," balbutiai-je, sentant les larmes de soulagement et de peur me monter aux yeux. "Je... je ne pouvais pas vous laisser…"
Il me regarda, puis son regard glissa vers ma main sur laquelle la potion d'Hirondelle était encore serrée. Il tendit sa main, son pouce effleura mes phalanges, puis il me retira la potion. Il la déboucha d'une main, et la porta à ses lèvres. Il but une gorgée, puis la retira.
"Tiens," dit-il, me tendant le reste. "Pour le choc."
Je pris la fiole, mes doigts tremblants. Nos regards se croisèrent. Dans ses yeux, je perçus une nuance. Pas de gratitude, pas de reconnaissance, mais quelque chose de plus profond. Un lien. Un courant sous-jacent qui disait : tu es folle, mais tu n'es pas inutile. Et le fait qu'il partage sa potion, même la sienne, était une preuve,
Si on était dans un Kdrama, on aurait crié au baiser indirect !
La frustration était toujours là, cette envie folle de le secouer et de le faire parler. Mais au fond de moi, je savais qu'une nouvelle ligne avait été tracée. Une ligne beaucoup plus fine, beaucoup plus personnelle. Et cette fois, il l'avait tracée aussi.
Le silence retomba sur le plateau rocheux, épais et chargé du poids du combat. Le corps massif du Griffon gisait, un amas de plumes, de serres et de sang. L'odeur du monstre mort était écœurante, mais l'adrénaline qui pompait encore dans mes veines m'empêchait d'y prêter attention.
Geralt se tenait là, ses épaules s'affaissant légèrement. La coupure sur son flanc saignait toujours, de manière plus marquée maintenant que la tension du combat était retombée.
"Il faut le dépouiller," dit-il, sa voix rauque. Il regarda le Griffon, puis moi, comme s'il évaluait ma capacité à supporter la vue.
Je hochai la tête, la gorge sèche. "Je... je peux vous aider." La potion de Hirondelle avait laissé un goût amer dans ma bouche, mais une chaleur réconfortante commençait à se diffuser dans mon corps, apaisant le choc.
Geralt ne répondit pas, se contentant de sortir ses outils. Il commença par les griffes, puis les serres, détachant les trophées avec une précision chirurgicale. Je restai à ses côtés, essayant de ne pas détourner le regard, malgré la vue.
Son professionnalisme était impressionnant. Chaque geste était calculé, efficace. Il était le Sorceleur, dans son élément.
Quand il arriva aux plumes, il se pencha avec un grognement de douleur. Sa blessure le gênait visiblement davantage.
"Laissez moi faire," dis-je, m'agenouillant à côté de lui. "Je peux les arracher. Ça ne demande pas de force brute, juste de la méthode."
Il me regarda, un sourcil levé, mais ne protesta pas. Il me tendit un petit couteau. J'hésitai, puis le pris, sentant son poids étrange dans ma main. Je commençai à tirer les plumes les plus grandes, celles de la queue et des ailes, avec une délicatesse inattendue.
Geralt observa mes gestes, un mélange de surprise et de curiosité dans ses yeux. J'étais peut-être une "princesse tombée du ciel", mais je pouvais aussi être utile.
Le travail fut long et salissant. Quand nous eûmes fini, le soleil était déjà haut dans le ciel. La carcasse de l'Arachas et celle du Griffon étaient des témoignages de leur passage. Geralt rangea les plumes et les autres composants dans sa sacoche, visiblement satisfait de la récolte.
"On ne reste pas plus longtemps ici," dit-il, sa voix redevenue forte. "Les odeurs vont attirer."
Nous reprîmes la route, cette fois en descendant. Le chemin était moins ardu, mais la fatigue me submergeait. La chaleur de la potion s'estompait, et la douleur dans mes muscles commençait à se faire sentir. Geralt marchait un peu plus lentement qu'à l'aller, sa blessure le rappelant à l'ordre.
Quand la nuit commença à tomber, nous nous trouvâmes dans une petite grotte, à peine plus qu'une anfractuosité dans la roche, mais qui offrait un abri. Geralt alluma un feu, plus petit cette fois, pour éviter d'attirer l'attention. La lumière dansante projetait des ombres vacillantes sur les parois rugueuses.
Il se tourna vers sa blessure. Le pansement était maculé de sang. "Il faut le changer."
Je m'approchai, prenant un autre de mes pansements et un nouveau morceau de tissu avec de l'alcool. Cette fois, il ne protesta pas quand je lui demandai d'enlever son plastron. Il le fit sans hésitation, révélant la coupure qui avait repris à saigner.
Je nettoyai la plaie avec précaution. Ses muscles étaient tendus sous mes doigts, mais il ne bougea pas, ses yeux fixés sur les flammes. J'appliquai le nouveau pansement, le fixant avec soin. Quand j'eus fini, nos visages étaient à quelques centimètres. Je sentais son souffle chaud sur mon visage. Ses yeux dorés, si proches, étaient comme deux soleils.
"Mieux ?" demandai-je, ma voix à peine audible.
"Oui," répondit-il, un souffle. Son regard quitta le mien et se posa sur mes lèvres, puis remonta vers mes yeux. La tension était palpable, un courant électrique qui traversait l'air entre nous.
Il ne bougea pas. Il ne dit rien. Mais il resta là, son corps si proche du mien, dans la lumière vacillante du feu. Cette fois, ce n'était pas juste la survie. Ce n'était pas juste le froid. C'était autre chose. Une question non posée. Une invitation silencieuse.
Mon cœur battait à tout rompre. La frustration était encore là, une bête rugissante, mais elle était tempérée par l'espoir, par cette proximité. Le Sorceleur, d'habitude si distant, semblait hésiter. Mon regard glissa vers ses lèvres. Elles étaient si près.
Il prit une profonde inspiration, son souffle effleurant mon visage. Je fermai les yeux, attendant. Puis, il s'écarta lentement, brisant le contact visuel, puis le contact physique. La chaleur de son corps s'éloigna, me laissant un sentiment de vide.
"Dors," dit-il, sa voix redevenue son ton habituel, neutre et grave. Il s'allongea sur les peaux de bête, dos au feu, dos à moi.
Mon Dieu. Le presque. Il m'avait regardée, il avait hésité, et il avait reculé. La frustration, le dragon, cracha une nouvelle bouffée de feu. Il ne cèderait pas.
Pas si facilement. Mais j'étais là, dans la même grotte, sa chaleur persistant sur ma peau. Et ce regard. Cette hésitation. C'était plus qu'un "Hmm". C'était une promesse, non formulée, d'un avenir possible. Et je n'allais pas lâcher.
Le feu crépitait doucement dans la grotte, la seule source de lumière dans l'obscurité dense. Je me sentais gelée, non pas par le froid de la nuit, mais par le presque de Geralt. Il était là, à quelques centimètres, son dos un mur impénétrable de discipline.
La frustration était devenue une boule de feu dans ma poitrine. Je venais de me blottir contre lui toute une nuit, de l'aider à tuer un Griffon, et sa réaction était... un "Hmm" et un retour à la neutralité. Mon cerveau de femme du XXIe siècle, habituée à un minimum de réaction (même négative), était à bout.
Je me tournai sur le côté, le fixant. Je pouvais sentir son odeur, voir la tension dans ses épaules. Il ne dormait pas. Je le savais. Et cette absence de réaction, cette barrière constante, m'exaspérait au-delà du concevable.
Très bien. S'il voulait jouer à ça, j'allais jouer aussi.
Je me dégageai des peaux de bête avec une discrétion exagérée, essayant de faire comme si sa proximité m'était devenue insupportable. Je me relevai, m'éloignant du feu, et m'assis dos à lui, contre la paroi froide de la grotte.
La chaleur de son corps s'éloigna. Le froid me mordit de nouveau, mais je ne bronchai pas. Je fixai l'entrée sombre de la grotte, agissant comme si le silence et la solitude me convenaient parfaitement.
Je me sentais stupide, mais je ne pouvais plus supporter l'idée d'être si proche et si loin à la fois.
Le silence s'étira, lourd. Le seul son était le crépitement du feu. Je m'attendais à ce qu'il ne dise rien, qu'il reste indifférent à mon petit mouvement de rébellion.
Mais Geralt n'était pas aveugle. Ses sens de Sorceleur captaient le moindre changement.
Au bout de quelques minutes, je sentis un mouvement derrière moi. Un grognement bas, puis la chaleur de son corps qui se rapprochait.
Mon cœur fit un bond, mais je ne bougeai pas. Je continuai à fixer le vide, jouant mon rôle à la perfection.
Il s'assit juste derrière moi, si près que je pouvais sentir l'air qu'il déplaçait. La chaleur de son corps irradiait dans mon dos.
Le froid me sembla soudain moins intense. Puis, une voix grave et rauque, juste derrière mon oreille, brisa le silence.
"Tu as froid." Ce n'était pas une question. C'était une constatation.
Je ne répondis pas, continuant de fixer le vide.
"Je suis une statue de glace, Geralt. Tu ne peux pas me décongeler avec un simple 'Hmm' ou une constatation !"
Un léger soupir s'échappa de ses lèvres. Je sentis sa main se poser sur mon épaule, un contact ferme et inattendu. Il ne me serra pas, ne me tira pas. Juste la chaleur de sa paume à travers mon vêtement.
"Pourquoi tu t'es éloignée ?" Sa voix était basse, sans le moindre jugement, juste une curiosité brute.
Je déglutis. Sa question était directe, perçant ma petite tentative d'indifférence. La frustration accumulée explosa en moi, non pas en mots, mais en une tension palpable. Il fallait qu'il le comprenne.
"Parce que…"
Je pris une grande inspiration, puis je me tournai lentement vers lui, nos visages à quelques centimètres dans la pénombre.
"Parce que je ne peux pas faire semblant que tout va bien. Que ce n'est qu'une mission. Que vous êtes juste mon escorte. Je… je ne suis pas un sac de couchage, Geralt."
Ma voix était basse, empreinte d'une amertume mêlée de désir.
Son regard d'or s'intensifia. Il lut en moi la colère, la blessure, la frustration. Il ne se détourna pas. La main sur mon épaule se resserra légèrement, un contact rassurant et électrisant à la fois.
"Je n'ai pas dit que tu l'étais," murmura-t-il, sa voix plus douce que je ne l'avais jamais entendue. Il y avait une hésitation, une vulnérabilité à peine perceptible dans ses yeux, un déchirement.
"Non, vous ne l'avez pas dit. Vous l'avez montré," continuai-je, le cœur battant à tout rompre. "Cette nuit... cette proximité... et puis au matin, ce... 'bien'. C'est une torture. Vous ne pouvez pas faire ça et puis... rien. Je... je ne peux pas faire ça."
Mes mots montaient, un flot de frustration et de désir incontrôlable.
"Je suis tombée dans votre monde, j'ai vu des choses horribles, j'ai failli mourir mille fois, et vous êtes la seule chose... la seule chose qui me raccroche à quelque chose de... réel, ici. Et vous mettez un mur. Un mur si épais que je pourrais me cogner la tête dessus !"
Geralt ne dit rien. Son regard, habituellement si impénétrable, se posa sur mes lèvres. Il n'y eut pas d'hésitation, pas de lenteur. Juste une décision fulgurante.
D'un mouvement rapide et inattendu, il attira ma nuque d'une main puissante, tirant mon visage vers le sien. Ses lèvres s'écrasèrent sur les miennes dans un baiser sauvage et urgent.
Ce n'était pas tendre, pas doux, mais passionné, empli de toute la retenue qu'il avait accumulée. Le choc de ses lèvres sur les miennes me coupa le souffle.
J'ai répondu avec la même ferveur, mes mains s'agrippant à ses épaules, ma bouche répondant à la sienne dans une danse brûlante. Le goût de la terre, du sang, et de son propre parfum enivrant m'envahit.
Quand il se sépara, nos fronts étaient pressés l'un contre l'autre, nos respirations saccadées. Ses yeux dorés, sombres de désir, me fixaient.
Le masque était tombé.
Il n'y avait plus d'indifférence, plus de barrière. Juste l'intensité brute de Geralt de Riv.
"Hmm," souffla-t-il, ses lèvres à quelques millimètres des miennes. Mais ce "Hmm" n'était plus une fin de discussion.
C'était une affirmation. Une question. Un début.
Et juste au moment où je pensais que mes fantasmes les plus fous venaient de se réaliser, et que mon cerveau était sur le point de fondre, un bruit lointain résonna dans la forêt. Un hurlement, un peu trop proche. Un hurleur. Ou pire.
Geralt se raidit, son regard redevenant alerte, son instinct de Sorceleur reprenant le dessus. Son bras autour de moi se resserra un instant, avant de me relâcher doucement pour qu'il puisse saisir son épée.
La réalité du monde de sorceleur revenait toujours nous rattraper. Mais cette fois, le silence entre nous était différent. Il était rempli de ce baiser, et d'une promesse non dite.
Le hurlement résonna à nouveau, plus proche cette fois, déchirant la fragile bulle que Geralt et moi venions de créer. L'écho mourut lentement dans les bois sombres, laissant derrière lui un silence lourd et une anticipation glaciale. Geralt s'était redressé, son corps tendu comme une corde d'arc. Le baiser, la révélation, tout semblait s'effacer sous la priorité de la survie. Typique.
Je me sentis une fois de plus ramenée à la réalité, comme une gifle froide. Un instant, je planais sur un nuage de romance inespérée, l'instant d'après, je devais faire face à une menace concrète qui voulait probablement nous déchiqueter.
Mon cerveau n'avait pas le temps de faire la transition entre "conte de fées" et "film d'horreur".
Geralt dégaina son épée d'argent. Le son du métal fut le seul commentaire à la situation. Son regard scruta l'entrée de la grotte, ses sens de Sorceleur en alerte maximale. Il était déjà en mode combat, son visage à nouveau un masque impénétrable, à l'exception d'une intensité nouvelle dans ses yeux dorés.
"Reste là," dit-il, sa voix grave, un ordre sec.
Je hochai la tête, incapable de dire un mot. Mon cœur battait toujours la chamade, mais cette fois, c'était un mélange de peur et d'adrénaline. Le baiser était encore brûlant sur mes lèvres, mais la menace était palpable.
Il s'avança silencieusement vers l'entrée de la grotte, sa silhouette massive se découpant sur l'obscurité. Il n'y avait pas de fanfaronnade, pas de grand discours. Juste le Sorceleur à l'œuvre. J'étais encore à moitié sous le choc, tentant de comprendre ce qui venait de se passer.
"Ce… ce hurleur… c'est dangereux ?" demandai-je, ma voix tremblante, le besoin de communication reprenant le dessus sur ma stupeur.
Il ne se retourna pas. "Plus qu'un loup. Moins qu'un griffon. Mais ils chassent en meute."
Ma gorge se serra. Une meute. Bien sûr. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Geralt se posta juste à l'entrée de la grotte, son épée prête. L'air était immobile, le silence pesant. On n'entendait plus le hurlement. Le piège classique. Je serrai les poings, prête à tout, même si "tout" se résumait à prier très fort et à espérer que mes connaissances de jeux vidéo puissent m'être utiles.
Quelques instants passèrent, qui me parurent une éternité. La tension était insoutenable. Et puis, un mouvement. Une ombre rapide traversa l'entrée de la grotte. Un grognement féroce.
Geralt réagit au quart de tour, son épée s'abattant avec une vitesse fulgurante. Un cri de douleur retentit, suivi du cliquetis de griffes sur la roche. Il avait frappé.
"Merde," grogna Geralt, un son plus familier à mes oreilles de fan.
Un autre hurleur se jeta dans la grotte, suivi d'un troisième. Ils étaient rapides, leurs silhouettes sombres à peine visibles dans l'obscurité, leurs yeux rouges brillants comme des braises.
Le combat éclata. Le bruit du métal sur la chair, les grognements des bêtes, et les sifflements occasionnels de Geralt alors qu'il utilisait ses Signes. Il était incroyablement agile, ses mouvements une danse mortelle, même dans cet espace restreint.
Je restais accroupie, serrant mes genoux, le souffle coupé. Je pouvais à peine distinguer ce qui se passait, juste les éclairs de l'épée, les silhouettes floues, et les sons horribles.
C'était terrifiant. Ma vie de "fan de fantasy" n'avait pas inclus ce niveau de réalisme gore.
Soudain, un hurleur, plus rapide que les autres, tenta de contourner Geralt, se dirigeant droit sur moi. Ses yeux rouges me fixèrent, ses crocs apparents. Je sentis la panique monter à ma gorge. Je n'avais pas d'épée, pas de potion de sorceleur.
"Geralt !" criai-je, mon instinct de survie primaire prenant le dessus.
Geralt réagit sans hésitation. Il lança un Quen, un bouclier d'énergie magique, qui me protégea juste au moment où le hurleur me sautait dessus. La bête rebondit contre le bouclier invisible avec un couinement de surprise, puis Geralt la frappa d'un coup puissant.
Le hurleur s'effondra. Mais le danger n'était pas écarté. Geralt, visiblement énervé, me regarda un instant.
"Reste derrière le bouclier," dit-il, sa voix rauque. "Et ne crie pas. Ça ne sert à rien." Il se replongea dans le combat avec les deux autres créatures, ses mouvements plus agressifs que jamais.
Je me sentis stupide, mais aussi incroyablement protégée. Le Quen autour de moi était une barrière invisible, un rappel de sa puissance et de son engagement à me protéger, même quand j'étais une "distraction" bruyante.
La frustration n'avait pas disparu, mais elle était momentanément remplacée par un sentiment de sécurité et une admiration sans bornes pour cet homme.
Le combat ne dura pas longtemps. Les deux hurleurs restants tombèrent sous la lame d'argent de Geralt. Le silence revint, seulement brisé par sa respiration haletante et le gémissement occasionnel des bêtes mourantes. L'air était imprégné de l'odeur du sang et de la sueur.
Geralt se retourna, son épée toujours en main, son regard fixant l'obscurité à l'extérieur de la grotte, s'assurant qu'il n'y avait plus de menace. Puis, il me regarda. Ses yeux dorés, sombres, se posèrent sur moi. Il n'y avait pas de reproche pour mon cri. Juste une intensité silencieuse, qui disait "tu es en sécurité".
Il fit un pas, rangeant son épée. Il me regarda, puis il prit une profonde inspiration. Son regard glissa vers mes lèvres. Le souvenir du baiser, si brutal et si passionné, était toujours là, flottant dans l'air entre nous, même au milieu de la mort et du danger.
"La nuit va être longue," dit-il, sa voix basse, un soupçon de quelque chose de plus que de la simple pragmatique dans ses mots.
Je ne répondis pas, mon cœur battant la chamade. La réalité de ce monde était brutale, mais la réalité de ce qui venait de se passer entre nous l'était tout autant. Et pour l'instant, c'était cette deuxième réalité qui occupait toutes mes pensées.
Le silence de la grotte n'était brisé que par le crépitement du feu et le lointain souffle du vent. Les hurleurs gisaient, inertes, leurs corps sombres à peine visibles dans l'obscurité.
Geralt se tenait là, son épée reposant contre la paroi, son regard figé sur moi. Ce n'était plus le masque habituel d'indifférence. Ses yeux dorés brûlaient d'une intensité que je n'avais jamais vue, reflétant le feu ardent et la confusion qui s'agitait en lui. Le baiser, le choc, le danger – tout s'était entremêlé, et la barrière, pour la première fois, semblait véritablement brisée.
Je me sentis une fois de plus ramenée à la réalité, mais cette fois, ce n'était pas une gifle. C'était une caresse brûlante. J'étais sous le regard direct du Loup Blanc, et il me voyait. Vraiment.
Il fit un pas vers moi, puis un autre, ses mouvements lents et délibérés. Chaque pas était une éternité. L'odeur de lui – sang, sueur, et ce parfum indomptable qui m'enivrait – devenait plus forte. Il s'arrêta juste devant moi, sa silhouette massive projetant une ombre sur mon corps.
Il ne dit rien. Il se contenta de me regarder, ses yeux fouillant les miens comme s'il cherchait une réponse à une question qu'il ne pouvait pas formuler.
Mon cœur battait la chamade, une folle danse de terreur et de désir. La frustration avait été remplacée par une attente insoutenable. Que ferait-il ? Que dirait-il ? Je sentais mes joues rougir.
Lentement, sa main se tendit. Pas pour saisir, pas pour tirer. Juste pour effleurer ma joue, ses doigts rugueux mais doux traçant une ligne de feu sur ma peau. Son pouce caressa le coin de mes lèvres, là où le baiser était encore brûlant. Ses yeux ne me quittaient pas, une profondeur inédite dans leur regard.
"Tu n'es pas comme les autres," murmura-t-il, sa voix rauque, un son que je n'avais jamais entendu de lui. C'était un aveu, un constat, presque une plainte.
Je déglutis. "C'est un compliment ?"
Un muscle tressaillit à peine à sa mâchoire. Ce n'était pas un sourire, mais une expression qui s'en approchait dangereusement.
"Je n'ai pas dit que c'était mauvais."
Le silence retomba, mais cette fois, il était différent. Il était chargé d'une électricité palpable, d'une communication tacite qui dépassait les mots. Geralt, l'homme de peu de mots, parlait avec ses yeux, avec ses mains. Et je comprenais.
Sans un mot de plus, il se pencha. Son souffle effleura mes lèvres. Mon cœur s'emballa. Il ne m'embrassa pas de nouveau. Au lieu de cela, il posa ses lèvres sur mon front, un baiser doux, protecteur, presque sacré. Un geste qui disait mille fois plus que n'importe quel "je t'aime". Puis il glissa son bras autour de moi, m'attirant doucement contre son torse, sa tête reposant contre la mienne.
Je sentis son corps se détendre contre le mien. Ce n'était plus une étreinte pour se réchauffer. C'était une étreinte pour se rassurer, pour se connecter. Son odeur m'enveloppa, me tirant un soupir de pur contentement. J'entendis le rythme lent et puissant de son cœur, une mélodie apaisante et excitante à la fois.
"Reste," murmura-t-il, sa voix à peine audible, mais d'une force inébranlable. C'était un ordre, une requête, une promesse.
Je fermai les yeux, blottie contre lui. La chaleur de son corps, la sécurité de son étreinte, la révélation de ses sentiments – tout s'imbriquait pour former une bulle de paix au milieu de ce monde hostile. La frustration n'avait pas disparu, mais elle était devenue une douce attente. Il n'y aurait peut-être pas de grandes déclarations, pas de mots doux. Mais il y avait ça. Et pour l'instant, c'était suffisant.
La nuit passa. Je ne sais pas si j'ai vraiment dormi. Chaque respiration de Geralt était une mélodie, chaque battement de son cœur, une symphonie. Au petit matin, quand le soleil commença à percer, il se détacha de moi.
Son regard s'attarda un instant, puis il se leva, son visage reprenant une partie de son masque. Mais ses yeux… ses yeux brillaient différemment.
"On doit bouger," dit-il, sa voix redevenue son ton habituel, mais avec une douceur sous-jacente. "Vesemir dois s'inquiéter."
Je me redressai, me sentant revigorée, mon corps étonnamment léger. Le monde de sorceleur était toujours dangereux, mais maintenant, j'avais un allié. Un partenaire. Et un Sorceleur qui, contre toute attente, m'avait laissé entrer.
La route vers Kaer Morhen était encore longue, mais je n'étais plus seule.