Mon Sorceleur : au-delà du jeu

Chapitre 11 : La Traque et l'Épreuve du Grincement

2893 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 30 jours

Le soleil avait à peine percé la cime des arbres que Geralt était déjà debout, ses mouvements aussi silencieux et efficaces que la nuit précédente. Il éteignit le feu avec quelques jets d'eau, rangea les peaux de bête et vérifia le fil de ses épées.

Je me sentais encore engourdie par le froid et le manque de sommeil, mais surtout par la révélation matinale.

Le fait que Geralt n'ait pas réagi à ma quasi-fusion nocturne était à la fois rassurant et profondément frustrant. Il me traitait comme un sac de couchage supplémentaire, ni plus ni moins.

Ma dignité de fan-girl était à plat, mais mon défi intérieur, lui, était en mode turbo.


"Prête ?" Sa voix me tira de mes pensées. Il était déjà sur pied, sa silhouette massive se découpant contre la faible lumière.


Je hochai la tête, essayant de paraître plus vaillante que je ne l'étais. "Oui." Mes muscles protestaient, mais l'adrénaline de la situation commençait à prendre le dessus.

Et puis, être en tête-à-tête avec Geralt, même si c'était pour chasser un monstre, avait son charme.


Nous nous enfonçâmes plus profondément dans la forêt. Le silence était encore plus pesant qu'hier. Geralt avançait avec une prudence méthodique, ses sens de Sorceleur en alerte.

Il s'arrêtait parfois, penchait la tête, écoutant les craquements lointains, ou flairant l'air comme un chien de chasse.

Je tentais de faire de même, mais ma seule perception était l'odeur persistante de l'humus, de l'humidité et, bien sûr, de lui.


"Il est passé par ici," murmura-t-il, désignant une toile collante, à peine visible entre deux troncs d'arbres. Des feuilles mortes y étaient emprisonnées.


"Comment vous savez ?" demandai-je, intriguée.


"Toile. Et l'odeur. Les Arachas dégagent un musc particulier. Et ça sent la sève d'arbre. Ils aiment s'en nourrir." Il ne détourna pas le regard de la toile.


Ah, le super-nez de Sorceleur. Pratique pour la chasse, moins pour les rendez-vous galants. Je m'efforçais de suivre ses observations, me sentant un peu comme le Dr Watson à côté de Sherlock Holmes, mais sans le chapeau et le violon.

La tension montait à chaque pas. L'atmosphère de la forêt semblait changer, devenir plus sombre, plus oppressive.

Les arbres étaient plus noueux, les branches plus entrelacées. Le sol était tapissé de racines épaisses, comme des veines monstrueuses sous la terre.

J'avais l'impression que la forêt elle-même nous observait.


Soudain, Geralt s'immobilisa. Ses sens étaient tendus. Je le regardai, mon cœur s'emballant. Il était devenu une statue, une lame prête à frapper. Puis il leva lentement la main, me faisant signe de m'arrêter.


"Qu'est-ce qu'il y a ?", murmurai-je, ma voix à peine audible.


"Écoute."


J'écoutai. Au début, rien. Puis, un son. Un grincement. Un frottement lourd, répétitif, comme des pattes innombrables sur le bois et la terre, suivi d'un cliquetis métallique de carapace.

C'était un son mécanique et organique à la fois, qui résonnait dans mes os et me glaça le sang. Le genre de bruit qui vous dit qu'il y a trop de pattes pour que ce soit un animal amical.


"C'est… quoi ça ?" demandai-je, ma voix tremblante.


"Un Arachas. De taille imposante, à en juger par le bruit. Sa toile est fraîche." Sa voix était grave et tranchante. "Ils sont robustes. Et leurs mandibules découpent le métal."


Super. Ma journée allait être passionnante. Je me retins de murmurer : "Oh génial, suivez les araignées... pourquoi des araignées… Pourquoi ça ne pouvait pas être suivez les papillons, comme si ça avait déjà bien fini dans une autre histoire !"

Geralt dégaina son épée d'argent. Le son métallique résonna étrangement dans le silence. Son visage était une image de concentration. Il était dans son élément, le prédateur face à sa proie.


"Reste derrière moi. Et ne fais aucun bruit," ordonna-t-il, sa voix basse, mais impérieuse. "Si ça t'attaque, cours. Ne regarde pas en arrière. Et ne t'arrête pas."


Mon cerveau hurlait une dizaine de questions : Cours où exactement ? Dans cette forêt pleine de quoi d'autre ?! Comment ne pas regarder si une araignée géante me poursuit ? Qu'est-ce que je fais concrètement si ça me fonce dessus ?

Mais sa détermination ne laissait aucune place aux questions.


Il avança lentement, pas à pas, son corps tendu et prêt. Le grincement devint plus fort, plus clair. Je pouvais presque sentir les vibrations du sol. C'était une sensation de pure terreur, de perte de contrôle total.


"Concentration, Luna ! Pense à autre chose ! Pense à la lessive ! Aux impôts ! Aux... aux abdos de Geralt ! Non, ça, c'est une mauvaise idée, ça va me déconcentrer dans le mauvais sens !"


Je serrai les poings, me forçant à me focaliser sur le dos large et musclé de Geralt. Sa présence, aussi irritante que fascinante, était ma seule ancre dans cette terreur rampante.

Il était là, ma seule protection contre ce que je ne pouvais même pas voir. Et le fait qu'il ne se soucie pas de mes fantasmes me semblait, en cet instant, une bénédiction.


La survie avant tout.


Le grincement se fit plus fort, plus distinct, se transformant en un claquement régulier et menaçant. L'air vibrait autour de nous. Geralt avança encore de quelques pas, se frayant un chemin à travers les sous-bois denses.

Je le suivais, mon cœur cognant à mes tempes, le souffle court. Chaque fibre de mon corps criait de fuir, mais ma fascination, mêlée à une peur panique et à l'incroyable assurance de Geralt, me tenait clouée derrière lui.

C'était comme regarder un film d'horreur en direct, mais en sachant que le héros était juste devant moi.


Puis, nous le vîmes. Une masse sombre et trapue, aux multiples pattes articulées, se détachant à peine de l'ombre des vieux arbres.

L'Arachas. Il était immense, sa carapace luisante et noduleuse semblait faite de roche et de chitin. Ses yeux multiples brillaient d'une lueur glauque, et ses mandibules, épaisses comme des haches, claquaient l'une contre l'autre dans un son terrifiant.

Il était en train de tisser une toile entre deux arbres gigantesques, ses pattes avant déplaçant des fils épais et collants avec une dextérité macabre. L'odeur de sève et de musc était écœurante.


Geralt ne perdit pas un instant. Il tira son épée d'argent de son fourreau avec un sifflement sec. La lame capta la faible lumière, brillante et mortelle. Il inspira profondément, l'odeur du monstre emplissant ses poumons, un signe pour lui d'entrer en mode combat.

"Reste là. Quoi qu'il arrive," murmura-t-il, sa voix basse et tendue, sans même me regarder. C'était un ordre. Un ordre que j'avais bien l'intention de suivre, pour une fois.


L'Arachas nous sentit. Ses yeux multiples se tournèrent brusquement vers nous, ses mandibules cessèrent de claquer, puis il émit un cri strident, un sifflement aigu qui me transperça les tympans. Ses nombreuses pattes commencèrent à taper le sol, un rythme lourd et sinistre.


Geralt se précipita. Il était une blur, un éclair d'acier et de muscles. Son attaque fut rapide, inattendue. Il visait les pattes articulées, sa lame fendant l'air avec une précision chirurgicale.

Le premier coup sectionna une patte, et un jet de sang verdâtre jaillit de la blessure. L'Arachas hurla, un nouveau sifflement de rage, et se lança sur Geralt.

Le combat fut brutal et rapide. L'Arachas était rapide, ses pattes griffues fouettaient l'air, ses mandibules cherchaient à broyer. Geralt esquivait, pirouettait, et frappait.

Ses mouvements étaient une danse mortelle, fluide et puissante. Il utilisait Aard, une poussée d'énergie qui déstabilisait la créature, lui permettant de porter des coups supplémentaires.

Le claquement du métal sur la carapace, les sifflements de la bête, et les grognements de Geralt remplissaient la forêt.


Je restais figée, cachée derrière un tronc d'arbre, les mains plaquées sur ma bouche pour étouffer le moindre son. Chaque fois que l'Arachas fonçait sur Geralt, mon cœur s'arrêtait.

Chaque fois qu'il esquivait de justesse, je lâchais un soupir que seul le vent pouvait entendre. Je voyais la force du monstre, la vitesse de ses attaques. Je voyais aussi l'incroyable maîtrise de Geralt, sa concentration totale.

Il était un loup dans la forêt, né pour ce genre de moment.


Une patte griffue de l'Arachas balaya l'air, atteignant le flanc de Geralt. Je vis son armure de cuir craquer, et une traînée de sang sombre apparut sur son côté. Mon souffle se coupa.


"Geralt !" J'avais crié sans réfléchir, ma voix brisant le silence tendu.


L'Arachas tourna une partie de ses yeux vers moi, ses pattes remuant. Geralt, pourtant blessé, réagit instantanément. Il se lança en avant, enfonçant son épée dans la jonction d'une des pattes massives de la créature.

L'Arachas hurla à nouveau, un son de pure agonie, et ses mouvements devinrent désordonnés. Geralt saisit l'occasion, tourna sur lui-même et, d'un coup puissant et précis, trancha la tête du monstre.


La masse gigantesque s'effondra lourdement, le sol trembla. Un silence épais retomba sur la clairière, seulement rompu par ma respiration haletante et le gémissement du monstre agonisant. L'odeur âcre de son sang et de son musc remplit l'air.


Geralt se tenait là, son épée dégoulinante, sa poitrine haletante. Il avait une coupure profonde sur le flanc, le cuir de son armure déchiré. Il resta immobile quelques instants, comme pour s'assurer que la bête était bien morte, puis il se tourna lentement vers moi.


Ses yeux dorés me fixèrent. Il n'y avait pas de remerciement, pas de reproche immédiat. Juste un regard intense qui semblait traverser mon âme.

Je sentis une nouvelle vague de chaleur monter à mes joues. J'avais crié son nom. Je l'avais distrait. J'avais risqué de compromettre le combat.


"Je... je suis désolée," balbutiai-je, sentant les larmes me monter aux yeux. "Je... je n'aurais pas dû..."


Il ne dit rien. Il fit quelques pas vers moi, sa démarche un peu raide à cause de sa blessure. Il s'arrêta devant moi, son regard toujours rivé sur le mien. Puis, sans un mot, il tendit sa main, la même main qui venait de tuer un monstre, et la posa sur ma joue.

Son pouce effleura ma peau, un contact brûlant et inattendu. La surprise me laissa sans voix. Son regard, habituellement si impénétrable, sembla s'adoucir, à peine, une fraction de seconde. Il lisait en moi la peur, le soulagement, et une confusion intense.


Puis il retira sa main, aussi vite qu'il l'avait posée. Le contact disparut, me laissant une sensation de froid sur ma peau. Il se tourna vers l'Arachas, repoussant le moment de vérité sur ma "distraction".


"On n'a pas tout le temps. Il faut le dépouiller."


Ma frustration était revenue, plus forte que jamais. Ce contact, si bref, si intime, après le danger ! Mais sa capacité à repousser toute émotion était un mur. Il venait de tuer une bête gigantesque, était blessé, et il était toujours aussi… Geralt.

Et je savais que ma tâche, le percer, allait être bien plus difficile que n'importe quelle chasse au monstre.


Geralt se détourna de moi pour se pencher sur la carcasse de l'Arachas. L'odeur du sang frais s'ajoutait au musc déjà présent. Il sortit un couteau de sa ceinture et commença à dépouiller la bête avec une expertise déconcertante.

Les morceaux de carapace cliquetaient au sol, et le sang verdâtre s'étalait. Je regardais, fascinée et un peu nauséeuse. Il était incroyablement efficace, concentré sur sa tâche comme si le combat et ma "distraction" n'avaient été qu'une formalité.


Mon regard ne put s'empêcher de glisser vers sa blessure. La coupure sur son flanc était profonde, le cuir déchiré révélant une entaille rouge qui saignait doucement.

Il semblait l'ignorer, comme s'il était fait d'une matière indestructible. Mais je savais que même les Sorceleurs n'étaient pas invincibles.


"Vous… vous devriez vous soigner," dis-je, ma voix un peu plus assurée cette fois.


Il grogna, sans lever les yeux de l'Arachas. "Je gère."


"Non, vous ne gérez pas. C'est profond. Et ça pourrait s'infecter." Je m'approchai, oubliant ma peur, animée par un instinct plus fort. "Laissez-moi voir."


Il s'arrêta, son couteau en l'air, et tourna lentement la tête vers moi. Ses yeux dorés me fixèrent avec un mélange d'irritation et d'une curiosité à peine voilée. "Tu sais comment faire ?"


"J'ai… des notions de premiers secours," mentis-je à moitié. En réalité, j'avais surtout regardé des vidéos sur YouTube et lu des bouquins de survie post-apocalyptique. Mais bon, ça comptait, non ? "Dans mon monde, on est obsédé par la désinfection et les pansements."


Il hésita un instant, puis laissa tomber son couteau. "Bien. Fais vite." Son ton était celui d'un homme qui accordait une faveur, pas d'un blessé.


Je m'agenouillai à côté de lui, mon cœur battant la chamade. Être si proche de lui, dans cette situation de vulnérabilité (la sienne, pas la mienne, pour une fois), était... intense.

L'odeur de son corps, de son sang, était encore plus prégnante. Je sentis une chaleur monter à mes joues.


"Enlevez votre armure," ordonnai-je, essayant d'être professionnelle.


Il fit un "Hmm" dubitatif, mais s'exécuta, défaisant les attaches de son plastron de cuir. Il révéla une chemise déchirée et, en dessous, le muscle tendu de son torse. La coupure était nette, mais pas trop large, et ne semblait pas avoir touché d'organes vitaux.

Une chance. Mais la vue de son torse, même blessé, fit vaciller mon professionnalisme.


"Il faut nettoyer ça," dis-je, cherchant dans ma petite sacoche de voyage. "J'ai quelques trucs... du désinfectant."


Il fronça les sourcils. "Désinfectant ?"


"Oui, pour tuer les petites... bêtes invisibles qui causent des problèmes." Je sortis une petite fiole d'alcool à 70° que j'avais glissée dans mes affaires "au cas où". C'était une relique de mon monde, qui sentait fortement le solvant.


Geralt inspira profondément, le nez plissé. "Ça sent fort."


"C'est fait pour ça," répliquai-je, versant un peu de liquide sur un morceau de tissu propre que j'avais aussi eu la présence d'esprit d'emporter.


J'appliquai le tissu imbibé sur la blessure. Geralt tressaillit, un grognement bas s'échappant de sa gorge.


"Ça va piquer un peu," prévins-je.


"Je sais," répondit-il, serrant les dents. Mais il ne bougea pas, ses muscles se contractant sous mes doigts. Il me laissa faire, ce qui était un signe de confiance inattendu.

Je nettoyai la plaie avec soin, essayant d'être la plus douce possible. Mes doigts frôlaient sa peau chaude, et je sentais la tension de ses muscles sous mes phalanges. C'était incroyablement intime.


Une fois la blessure nettoyée, je sortis quelques bandages adhésifs. "Ce sont des pansements. Ça va la maintenir propre et la protéger."


Geralt les observa avec curiosité. "Pas de mousse ? Pas de cataplasme ?"


"Non, ça, c'est mieux. Ça tient plus longtemps et ça ne fait pas de feuilles qui collent à la plaie." Je fixai les bandages sur sa peau, mon visage penché sur son torse. Son odeur m'enveloppait.


"Hmm," fit-il. Ce "Hmm" était différent. Moins dubitatif, plus... contemplatif. Ou peut-être que je me faisais des films.


Quand j'eus fini, je reculai un peu. La blessure était proprement bandée. Il la regarda, puis leva ses yeux sur moi. Son regard était intense. Il y avait une pointe d'interrogation, de surprise face à cette technique étrangère, mais aussi une forme d'acceptation silencieuse.


"Bien," dit-il enfin. Le compliment, venant de Geralt, était l'équivalent d'une déclaration d'amour de trois pages. "Utile."


Je sentis un frisson de satisfaction parcourir ma colonne vertébrale. J'avais été utile ! J'avais géré une situation, et il l'avait reconnu. C'était une petite victoire sur son indifférence.


Il se pencha pour ramasser son couteau. "Maintenant, on finit le dépouillement. Et on trouve un endroit sûr pour la nuit."

Son ton était redevenu son habituel mélange de pragmatisme et de neutralité. Le contact, la blessure, le "Hmm" contemplatif... c'était déjà du passé.


Je soupirai intérieurement. L'indifférence de Geralt était une force de la nature. Mais ma détermination à briser son mur était tout aussi tenace.

Il pouvait se soigner comme un Sorceleur, mais il ne pouvait pas ignorer le fait que j'étais là, et que je commençais à faire partie de son monde, même si c'était pour des raisons purement "utiles".

Et cette nuit, j'étais sûre que la chaleur de son corps serait encore plus agréable, même si ce n'était que pour "éviter les infections".

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