Soleil Couchant

Chapitre 2 : Chapitre 1:Une soirée si ordinaire

Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:08

Louise décroisa les jambes et s’étira, le voyage n’était pas très long depuis Nantes : à peine trois quart d’heure.

Cependant la jeune femme avait eu une semaine particulièrement éprouvante, aussi se réjouissait-t-elle à l’idée de pouvoir décompresser un peu lors de la petite fête qui allait avoir lieu dans la soirée.

Il était bien entendu étrange de se dire que sa meilleure amie, qu’elle connaissait depuis six ans, allait devenir maman…

Si Julia lui avait dit cela cinq ans plus tôt, Louise aurait certainement bien ri, croyant à une bonne blague.

 

Aujourd’hui, cependant, cela était à l’évidence très sérieux. Depuis l’année dernière, la jeune femme savait qu’elle et Anthony, avec qui elle était en couple depuis deux ans, essayaient d’avoir un enfant. Julia lui en avait beaucoup parlé et lui avait souvent confié ses appréhensions : la crainte de ne pas être prête, que quelque chose ne se passe pas bien ou tout simplement d’échouer dans sa tentative de grossesse.

Louise comprenait bien sûr l’inquiétude que ressentait son amie. En effet sa première tentative pour avoir un bébé, un an auparavant, s’était soldée par une fausse couche.

Cette période avait été vraiment très dure pour elle.

Louise avait tout fait pour essayer de la réconforter pendant de longues soirées passées au téléphone ou sur msn, ou bien encore de vive voix lorsqu’elles se rendaient visite, mais Julia était plutôt de nature anxieuse et ne pouvait s’empêcher de penser au pire : Etait-t-elle stérile ? Ne serait-t-elle jamais mère ?

Et puis finalement, elle avait effectué un test de grossesse deux semaines plus tôt et son désir s’était enfin réalisé : elle était enceinte !

 

Louise se souvenait encore de l’émotion dans la voix de son amie, au téléphone lorsqu’elle lui avait annoncé. Elle semblait prête à éclater en sanglots et tout comme Anthony, tenait absolument à fêter l’événement avec leur groupe d’amis proches.

Si elle avait voulu être tout à fait honnête, Louise devait bien avouer qu’elle ne comprenait pas vraiment cet engouement pour la vie de famille que Julia semblait avoir développé au contact de son amoureux et qu’ils leur arrivaient de l’agacer un peu avec leurs petites habitudes de couple. Cela-dit,  se souvenant de cette période si sombre et si douloureuse qu’elle venait de traverser, la jeune femme ne pouvait que se sentir sincèrement heureuse de voir à présent Julia nager en plein bonheur.

Oui, elle était vraiment contente que son amie se sente mieux car, quelques mois auparavant et en dépit de tous ses efforts pour lui remonter le moral, Louise la sentait s’enfoncer dans une légère déprime et n’aimait vraiment pas la voir dans cet état, indépendamment de leurs désaccords sur la vision du couple et de la famille.

 

 

 

Louise sourit malgré elle, les contours du Nord de cette ville qu’elle connaissait si bien se dessinaient tandis qu’elle regardait par la fenêtre et filaient à toute vitesse sous ses yeux alors que le train s’approchait de plus en plus du centre-ville et de la gare ferroviaire.

 

Elle se rappelait parfaitement les discussions qu’elle avait très souvent eu avec Julia à ce sujet : les petits amis, les couples, la famille…

Les deux amies n’étaient certes pas d’accord sur tout, loin de là. Mais en son for intérieur, Louise trouvait tout de même qu’Anthony, qui attachait une grande importance à ces choses-là, avait eu une certaine influence sur Julia par rapport à certains choix de vie.

 

Elle l’avait d’ailleurs plusieurs fois évoqué avec son amie, sans jamais la juger, mais en lui disant tout de même ce qu’elle en pensait et elle ressentait toujours un amusement mêlé d’une petite pointe d’exaspération lorsqu’elle se souvenait d’une Julia un peu sur la défensive lorsqu’il était question du rôle de son amoureux dans ses choix personnels. Elle semblait alors souvent un peu piquée, tout en reconnaissant cependant qu’il y avait du vrai dans tout cela.

 

Les deux jeunes femmes s’étaient connues six ans plus tôt dans le même atelier de théâtre et avaient vu naître très vite une forte amitié entre elles. Louise n’aurait alors jamais pensé que quelques années après, Julia l’inviterait pour fêter une naissance à venir.

Les deux amies avaient en commun, à cette époque, une certaine lassitude par rapport aux petits amis tous plus décevants les uns que les autres ou à la vie de famille étouffante…

Combien de fois, en refaisant le monde dans la piaule de l’une ou de l’autre, avaient-elles évoqué le sujet, pesté, ri aux larmes en se parlant de leurs ex, combien de théories avaient-elles alors élaboré sur la relation amoureuse idéale…

Louise était émue et un peu nostalgique en repensant à cette période de leurs vies. Il était sûr qu’elles avaient alors une vision des choses similaire sur beaucoup de points tandis que l’une était en formation DAEU pour repasser le Bac et l’autre terminait ses études d’anglais en LLCE pour devenir prof.

 

Et puis Julia avait rencontré Anthony dans une fête chez des amis étudiants et le coup de foudre s’était produit ! Ce souvenir n’était pas toujours très agréable à Louise car elle avait, à cette époque, vraiment eu peur que son amie ne s’éloigne pour de bon.

Il est vrai que dans l’euphorie des débuts de sa relation amoureuse elle passait énormément de temps avec lui et ainsi elles se voyaient moins souvent toutes les deux.

Mais par la suite, Julia avait tout fait pour ne jamais perdre contact avec elle et respectait toujours son point de vue lorsque Louise lui faisait part de ce qu’elle ressentait. Julia était une véritable amie et c’était une qualité que personne et surtout pas un petit copain ne lui enlèverait.

Elle avait d’ailleurs fini, elle aussi, par se rendre compte que cette situation risquait de beaucoup l’éloigner de Louise et que sa relation avec Anthony prenait peut-être une place trop importante. Il est vrai que les deux amies parvenaient alors difficilement à trouver un moment pour se voir et toutes deux souffraient de ce constat. Elles en avaient finalement discuté longuement et bien des choses avaient été exprimées, leurs craintes réciproques de l’éloignement, l’exaspération de Louise devant certaines attitudes qui lui rappelaient beaucoup les minauderies de certains petits couples obnubilés par leur bonheur mièvre et dégoulinant.

La jeune femme se souvenait également avoir confié à son amie qu’il lui était vraiment difficile de voir deux personnes filer le parfait amour alors qu’elle-même était seule et un peu triste de l’être au même moment. Oui beaucoup de choses avaient été dites et Louise avait même eu un peu peur que Julia ne se braque et que leur amitié ne s’en retrouve brisée.

Mais les choses, fort heureusement, ne s’étaient pas passées ainsi et preuve de la solidité de leur amitié, les deux jeunes femmes avaient mutuellement consenti à faire des efforts chacune de leur côté : Julia avait mis les points sur les i avec son jules à propos de sa possessivité et de sa fâcheuse habitude de la vouloir sans cesse auprès de lui sans la laisser respirer et Louise avait accepté de mettre de l’eau dans son vin avec le jeune homme en question même si le courant ne passait pas toujours très bien.

 

En effet à maintes reprises, les tensions entre Anthony et elle avaient pu se faire sentir, voire dégénérer carrément en bataille rangée. Cela s’était surtout produit lorsque le jeune homme témoignait d’une attitude parfois à la limite du chantage affectif et de la jalousie maladive quand Julia exprimait le désir de faire certaines choses sans lui : Passer du temps avec ses amis par exemple.

Louise qui avait vraiment un fichu caractère ne s’était alors pas privée pour le prendre entre quatre yeux et lui dire qu’il dépassait vraiment les bornes. Elle avait cependant toujours évité de faire du scandale et si elle avait alors exprimé ce qu’elle ressentait elle-même, par rapport à la situation, elle s’était toujours interdit de parler au nom de Julia, elle avait d’ailleurs toujours tenu dans la mesure du possible à ce que son amie ne soit pas présente lors de ces discussions plutôt animées avec Anthony.

 

Il était d’ailleurs assez curieux pour la jeune femme de repenser au passé et de se souvenir qu’à l’époque elle ne pouvait vraiment pas l’encadrer ce mec avec toutes ses petites convenances, sa vision mielleuse et un peu niaise du couple et de la vie de famille, sa détestable tendance à être sans cesse jaloux, à vouloir Julia près de lui tout le temps.

Mais il s’était trompé en pensant que Julia le suivrait docilement dans ce petit délire qu’il s’était construit car cette dernière avait très vite remis les pendules à l’heure en lui expliquant qu’elle voulait faire partie de la vie d’un homme et non pas être tout dans sa vie. Elle lui avait également signifié qu’ils ne pourraient pas continuer ensemble s’il ne comprenait pas ce point de vue et leur couple s’était alors retrouvé au bord de l’implosion.

 

C’est à ce moment-là que Louise avait du partir à Nantes pour entrer à la fac, elle avait donc été, pour l’essentiel, mise au courant de la suite des événements par Julia lorsqu’elles se revoyaient à certaines occasions ou qu’elles se téléphonaient.

Cette époque, il faut le dire, avait été tendue pour tout le monde : Julia nageait en pleine incertitude quand à l’avenir de son couple et Louise refusait d’interférer dans la résolution de leurs conflits et de se mêler directement de leurs problèmes personnels mais voyait bien que son amie allait mal sans pouvoir faire grand-chose pour y remédier. On se serait alors véritablement cru dans un feuilleton télévisé du genre de « Plus Belle La Vie » même si les choses s’étaient passées ainsi dans la réalité jusqu’à ce que finalement tout ne se calme un peu : les tensions du couple s’étant nettement apaisées, Anthony lui-aussi avait fait des efforts considérables pour lutter contre sa possessivité et sa jalousie et le résultat en était visible.

 

Et s’il avait visiblement fini par transmettre à Julia son ardent désir d’avoir un enfant, il avait également accepté le fait de ne pas pouvoir être tout dans sa vie.

Louise devait bien admettre que le jeune homme avait changé en bien et que ses propres relations avec lui s’étaient aussi nettement améliorées : pour elle il était clair qu’à présent Julia et Anthony était un couple d’amis, chose qu’elle n’aurait jamais pu prétendre quelques années auparavant tout comme il aurait été totalement impossible à cette période d’envisager une soirée comme celle qui se profilait si lui avait été présent. Certes des désaccords subsistaient car Louise ne partageait toujours pas sa vision de la vie de famille, mais les choses étaient quand même bien plus faciles qu’autrefois et s’il lui arrivait parfois de blaguer sur le sujet avec eux, elle savait que dorénavant Anthony réagirait avec humour et que Julia ne se vexerait pas car les deux amies avaient l’une pour l’autre un profond respect mutuel.

 

Louise se réjouissait d’ailleurs de constater que malgré tout ce qui avait bien pu se passer ce principe demeurait intact entre elles. Leur complicité avait su traverser tout cela sans jamais faiblir et c’était là, la vision que la jeune femme avait d’une vraie amitié, ainsi bien qu’elle

n’adhéra pas à tous les choix de vie de Julia elle était très heureuse de lui rendre visite ce soir et de faire la fête avec elle.

 

La train commençait à ralentir et le crépuscule gagnait peu à peu la ville au dehors. Les barres d’immeubles qui se profilaient à présent et qui étaient familières à l’ancienne yonnaise qu’était Louise annonçaient l’arrivée presque imminente en gare.

La jeune femme s’étira de nouveau et quitta son siège pour descendre son sac à dos du porte-bagages collectif. Elle ressentait une petite pointe de fatigue après ces 45 minutes de voyage.

Cela n’avait certes rien d’étonnant car elle dormait plutôt mal ces temps-ci : l’inactivité liée au chômage n’était pas la meilleure des situations même en ayant la chance de ne payer qu’un loyer relativement modeste et de bénéficier d’une aide RSA en attendant de retrouver autre chose.

Louise sourit malgré elle en sentant son téléphone vibrer dans la poche de son jean. C’était toujours comme ça que ça se passait quand elle venait à La Roche et il était certain que son amie allait encore être trop flemmarde pour traverser la passerelle ou trop frileuse pour sortir de sa voiture….Je vous jure !

 

-Eh bien fringante cavalière, tu as toujours la flemme de gravir trois marches, ou alors tu as peur de geler sur place en mettant le nez dehors ? Louise n’avait pas pu s’empêcher, en répondant à son appel, d’ironiser gentiment. Mais elle savait bien que Julia ne le prendrait pas mal : c’était un petit délire entre elles depuis bien des années cette histoire de cavalière et la jeune femme était sûre qu’elle ne manquerait pas, de son côté, de lui rétorquer quelque chose du genre.

-Ah ben oui c’est vrai ! J’avais oublié que Mademoiselle la Princesse des Grandes Cités est une aventurière endurcie !

Tout cela n’avait vraiment jamais rien eu de méchant : juste des petits pics qui étaient en fait autant de clins d’œil amicaux à leur vécu commun, de petites références à certaines choses qu’elles s’étaient mutuellement fait découvrir, qu’il s’agisse de cinéma, de jeux vidéo, de sketchs humoristiques, d’animés et de mangas….

Cela faisait partie des raisons pour lesquelles Louise attendait toujours avec la même impatience fébrile le moment de revoir sa meilleure amie. Il s’agissait toujours du même bonheur, de la même allégresse à chaque fois, comme-ci elles ne s’étaient quittées que la veille.

 

Se frayant tant bien que mal un passage au beau milieu de la troupe imposante de voyageurs qui descendaient du wagon, sacs et valises à la main, la jeune femme se dirigea d’un pas enjoué en direction de l’escalier menant à la passerelle qui enjambait les voies ferrées et permettait d’accéder à la rue derrière la gare. Julia, comme à son habitude devait l’y attendre sur le parking aménagé ici.

 

-Hé mademoiselle ! On vous dépose quelque part ? La voix masculine avait retenti d’un coup, comme scandée à l’aide d’un porte-voix. Ce mec avait du coffre c’était certain.

Par réflexe, Louise tourna la tête un bref instant pour apercevoir trois jeunes garçons de quinze ou seize ans tout au plus : de véritables caricatures, à ce qu’elle pouvait voir, qui avaient l’air de sortir tout droit d’un magazine publicitaire pour Nike ou Reebok. Ils portaient leurs casquettes à l’envers ou de côté, des écouteurs géants autour du coup pour certains d’entre eux, l’air goguenard ils se murmuraient des choses à voix très basse en jetant parfois un coup d’œil furtif dans sa direction et en la désignant par de brefs mouvements de tête en essayant lamentablement de se montrer discrets.

Aucun doute, ils devaient sûrement fantasmer à l’idée de faire monter une fille ayant une vingtaine d’années dans leur bagnole et de frimer ensuite avec le dernier morceau de rap de Skyrock à fond pour rythmer le trajet. Cependant Louise détourna le regard et les entendit à peine s’esclaffer car elle avait des pensées bien plus réjouissantes en tête à cet instant. De plus ils n’avaient finalement pas l’air  bien méchants, juste un peu bêtes comme pas mal de mecs à cet âge !

 

A vrai dire, elle avait tout de même une certaine habitude que les garçons se retournent sur son passage et sans avoir la prétention d’être un canon, elle savait par expérience qu’elle pouvait plaire. Même si elle-même était loin de se considérer comme extraordinaire elle reconnaissait qu’il  y avait pire que d’être une petite brune d’une mètre soixante quinze avec des cheveux châtains foncés tombant jusqu’à mi-dos.

Certes, ceux-ci étaient raides mais ne gâchaient rien de son charme et bien qu’elle n’ait jamais pour autant été la plus belle fille de son lycée, ni celle qui faisait fondre tous les garçons de la classe comme du beurre au soleil, on lui disait assez souvent qu’elle était plutôt mignonne malgré son foutu caractère et qu’elle avait toutes ses chances avec la gente masculine.

 

Il était certain, en revanche, que sa susceptibilité d’écorchée-vive avait à coup sûr, calmé plus d’une fois bien des ardeurs. Elle le savait très bien mais ce n’était pas ça qui allait l’empêcher de vivre même si elle devait bien reconnaître qu’il était parfois dur d’être seule sur le chemin. Louise avait depuis longtemps acquis la certitude qu’il valait mieux être soi même et que si cela gênait les gens ce n’était pas un problème. Si quelqu’un était prêt à l’accepter telle qu’elle était c’était parfait et sinon tant pis et voila tout ! Aucune importance si on lui répétait sans arrêt qu’il était dommage qu’une jolie fille comme elle ne mette pas plus ses atouts naturels en avant.

 

Parvenue au bas de l’escalier, de l’autre côté de la passerelle, la jeune femme adressa un signe joyeux en direction de l’une des voitures garées sur le parking. Elle venait en effet de reconnaître la Clio noire de Julia qui, furtivement, venait de lui faire un appel de phares.

Le cœur léger, Louise s’avançait à présent vers elle en mimant avec une belle exagération comique une démarche évoquant vaguement une aventurière peinant à avancer au beau milieu de la jungle avec son lourd sac à dos.

 

-Hey ! Salut ma belle, ça fait du bien de te revoir ! Julia venait d’ouvrir sa vitre et débloquait maintenant la portière arrière afin que son amie puisse poser son sac sur la banquette arrière.

Celle-ci, après avoir installé ses affaires, se hâta de prendre place à l’avant à côté d’elle, s’engouffrant dans la voiture. Julia amorça un joli petit démarrage bien caractéristique des bagnoles qui vieillissent un peu mais qui en ont encore dans le bide.

 

-Ca faisait longtemps, fringante cavalière ! Alors comme ça, il paraît que tu poses ton sac, que tu décroches tes pieds des étriers,  pour une prison d’amour et son charmant geôlier…Une petite vie bien tranquille et un heureux événement à l’horizon ? Toutes deux s’esclaffèrent tandis que la voiture quittait le parking pour s’engager brièvement sur le Boulevard du maréchal Leclerc et gagner ensuite directement la rue de Saint André d’Ornay.

-Ben ouais ! Et je dois bien te l’avouer : ça me fait drôle à moi aussi quand j’y pense ! Parfois j’ai bien du mal à réaliser et quand j’y réfléchis un peu ça me paraît à la fois magnifique et complètement dingue, tu vois le truc ?

Louise eut un petit sourire amusé et un brin nostalgique.

-Ca fait combien de temps maintenant, cow-girl, six ans, hein c’est ça ? Six ans qu’on a débarqué ensemble dans cette troupe de théâtreux et qu’on est devenues amies….ça aussi, ma vieille, quand on y songe !

-Je te reconnais bien là, ma p’tite Princesse des Grandes Cités, nostalgie quand tu nous tiens ! C’est sûr, l’une comme l’autre on a vachement changé, mais ce qui est chouette, tu vois, c’est qu’on a su garder notre âme, malgré les apparences on est toujours aussi déjantées, pas vrai ?

Louise lui adressa un sourire radieux et complice

-Ah ça, ma jolie ! Mais bon pour ce qui est du changement parles pour toi ouais ! C’est toi la plus bluffante dans cette histoire tout de même.

-Comment ça ? Les sourcils de Julia s’étaient arqués dans un mouvement de surprise mais lorsqu’elle répondit elle ne semblait pas vexée du tout, elle paraissait même plutôt amusée. J’ai toujours su que j’étais bluffante…et si modeste comme tu peux le voir ! Mais pourquoi, diable, serais-je donc la plus surprenante de nous deux ?

Louise semblait tout aussi hilare.

-Tu ne vois vraiment pas ? Tu vas devenir maman, ma belle ! Si on m’avait dit il y a cinq ans que toi, tu voudrais avoir un môme avant la prochaine décennie, je n’aurais jamais voulu le croire.

-Hé oui tout arrive hein ! Faut croire que je cachais bien mon jeu. Répondit son amie en envoyant, d’un geste théâtral, ses longs cheveux blonds coiffés en queue de cheval derrière sa tête. Les deux jeunes femmes recommencèrent à pouffer de rire.

-Enfin, sérieusement, si ça peut te rassurer, tu m’aurais prédit ça cinq ans plus tôt je t’aurais certainement prise pour une vraie cinglée. Mais qu’est ce que tu veux, je ne saurais pas vraiment l’expliquer, ce sont les aléas de la vie quoi !

-Et de l’amour non ? Louise n’avait pas pu s’en empêcher et de toute façon elle était certaine que son amie savait ce qu’elle avait en tête.

-Ouais bon…peut-être je n’en sais rien ! Peut-être bien que tu as raison lorsque tu dis qu’Anthony a un peu déteint sur moi là-dessus. Enfin bon on s’aime vraiment tu sais ! Ca ne veut pas dire pour autant qu’il m’a pris mon âme, je suis toujours la Julia que tu connais et pas une zombie décérébrée à qui on aurait brouillé le cerveau.- elle avait dit ces derniers mots sur le ton de la plaisanterie comme si elle se sentait malgré tout un peu gênée- Je sais qu’on en a déjà causé souvent et qu’on est pas toujours d’accord par rapport à ça mais je t’assure que tu n’as pas à t’en faire : c’est pas demain la veille que je vais devenir la bonne petite ménagère des années 50 qui passe la serpillère et prépare des bons petits plats à son gentil petit mari en attendant qu’il rentre du travail. Ca, ma vieille, je t’assure qu’il n’est pas né le bonhomme qui me transformera en bonne-femme soumise ! En attendant on est bien l’un avec l’autre et on a vraiment envie d’avoir un enfant ensemble.

 

Louise posa un bref instant une main compatissante sur l’épaule de son amie.

-Je le sais bien Julia, ne t’inquiète pas ! Je ne me permettrais jamais de te juger là-dessus et ça n’enlève en rien l’estime que j’ai pour toi en tant qu’amie. Tu peux me croire, même si ça n’a pas toujours été simple entre ton mec et moi et même si j’aime bien te charrier un peu avec ça de temps en temps, je suis vraiment heureuse pour toi je t’assure ! Et je te souhaite tout le bonheur possible avec toute ta petite famille. D’ailleurs, au fond, s’occuper d’enfants c’est vraiment génial, super enrichissant même je dirais. Ca c’est sûrement pas moi qui vais prétendre le contraire !

Julia paraissait extrêmement touchée par ce que son amie venait de lui dire, elle lui adressa un sourire ravi.

-Louise, merci vraiment ! C’est ça qui est super dans notre amitié : même si on a parfois des divergences on arrive toujours à discuter et à s’apprécier pour ce qu’on est. C’est une qualité qui n’est pas si fréquente qu’on pourrait le croire et je trouve ça vraiment précieux.

-Bien d’accord avec toi : c’est précieux et j’apprécie tout autant que toi de t’avoir pour amie, ma future petite Maman ! » Les deux jeunes femmes se remirent à rire de plus belle tandis que Julia allumait machinalement son autoradio.

-Quoi qu’il en soit je savais bien que pour ce qui est d’aimer s’occuper de gamins ce n’est pas l’anim’ périscolaire que tu es qui allait m’en faire le reproche.

-Ouais, bien entendu ma belle. Mais bon pour moi et l’animation périscolaire, en ce moment tu devrais rajouter le qualificatif « au chômdu », pas terrible quoi ! Enfin c’est sûr que si je n’avais pas fait la conne comme ça aussi ! Surtout avec l’autre fouille-merde qui cherchait le moindre prétexte…

 

« RTL2 Le Flash : En direct des Etats-Unis, le président Obama devrait dans quelques instants prendre la parole en conférence de presse pour s’exprimer sur les nouvelles vagues de violence qui secouent en ce moment le Proche-Orient. Il semble malheureusement que nous ayons un problème de retransmission avec notre correspondant à Washington. La communication a été interrompue il y a tout juste quelques minutes, nous vous prions de bien vouloir nous en excuser. Nous faisons notre possible pour rétablir la liaison.

 

En attendant, voici un petit retour sur la mystérieuse agression de Besançon : On se souvient de ce médecin d’hôpital de 42 ans, apparemment sans histoires, qui a sauvagement agressé sa femme et ses deux enfants. D’après nos sources cet homme avait été hospitalisé d’urgence la veille, présentant de sévères symptômes infectieux et nous avons pu recueillir plusieurs témoignages affirmant qu’il avait été pris de fièvres et de nausées en terminant sa journée de travail précédente.

D’après les ambulanciers envoyés à son domicile, l’infection aurait fortement empirée en l’espace d’une journée, période pendant laquelle il n’avait évidemment pas été travailler et se serait finalement soldée par une paraplégie. Les secours auraient également pu constater que le sujet était en proie à des délires de plus en plus violents et que ses propos étaient de plus en plus incohérents et confus. Sa fièvre semblait également être de plus en plus aigüe à mesure que le temps avançait. La petite enquête menée par notre équipe nous fait penser qu’il aurait ensuite sombré dans le coma au cours de son transfert à l’hôpital mais qu’il se serait réveillé le lendemain soir, tandis que sa famille se trouvait à son chevet, en proie à une crise de démence. Il aurait alors attaqué et blessé son épouse et ses deux jeunes enfants ainsi qu’une infirmière qui, alertée par le bruit, aurait pénétrée dans la chambre pour tenter de le calmer, apparemment sans succès. Il semble que la sécurité soit ensuite rapidement intervenue pour maîtriser le sujet mais nous n’avons aucune information supplémentaire pour le moment.

Nous supposons que la direction du Centre Hospitalier de Besançon a dû imposer des consignes drastiques de non-divulgation sur la suite des évènements, à moins bien sûr qu’il ne s’agisse là de recommandations de la Police qui semble avoir ouvert une enquête…

Rappelons également que cet événement ne semble pas être un fait isolé, en effet, dans plusieurs autres régions de France mais également dans certains pays frontaliers tels l’Allemagne, la Belgique ou l’Italie on dénote d’autres…

 

-C’est vraiment chelou comme histoire hein ! repris Julia d’un air pensif, Ils en avaient déjà parlé hier aux infos sur France 3. C’est quoi le problème exactement, un nouveau truc genre vache-folle ? Avec cette histoire de crise de démence et tout le tintouin on en jurerait. A moins que ce ne soit encore un gros coup d’intox du style Grippe A que nous pond le ministère de la Santé pour écouler le trop-plein de vaccins des labos pharmaceutiques, va donc savoir avec eux ! Son amie soupira.

-Ouais c’est sûr !

Louise qui avait à peine écouté le flash-info était plongée dans ses pensées. Le fait d’avoir reparlé un instant plus tôt de son boulot de l’année dernière et du chômage qui avait suivi lui faisait remonter de nombreux souvenirs à la conscience et la rendait un peu triste mais également furieuse contre la bêtise de certaines personnes.

Elle l’avait vraiment aimé ce job d’animatrice périscolaire et il lui avait redonné confiance en elle à une époque ou elle sortait tout juste d’une longue période de brouillard, d’incertitude et de flou total. Elle avait repris goût à de nombreuses choses mais ensuite il y avait eu cette histoire : une très belle aventure, ou du moins un très beau début d’aventure. Quelque chose d’intense et de fort mais également de plutôt dangereux dans la société actuelle. Louise n’était pas idiote et savait parfaitement que ce sujet était pour l’heure un des plus gros tabous qui puissent exister. Les idées reçues et les amalgames faciles étaient la plupart du temps monnaie courante lorsque cela était évoqué.

Foutue psychose collective à cause de laquelle de merveilleuses histoires ne verraient sûrement jamais le jour et qui, contrairement à ce que de nombreuses personnes pensaient, ne rendait certainement service à personne et encore moins aux véritables victimes des horreurs que l’on mettait souvent dans le même sac. Une chose était sûre : la bêtise humaine et l’étroitesse d’esprit des gens et ici de deux ou trois personnes bien précises, lui avaient couté son travail, un boulot qu’elle adorait et dans lequel elle s’épanouissait : Une bien belle aventure là-encore ! Une belle aventure qui aurait pu continuer sans ces abrutis, mais bon !

 

-Hé ho ! Princesse des Grandes Cités, t’es encore avec nous ? Ici la Terre !

-Hein ! Ah…ouais ! Louise semblait émerger d’un profond sommeil. Excuse moi Julia j’étais ailleurs. Je repensais à….enfin tu sais.

-Ah ! ouais bien sûr ma belle. Ne t’inquiète pas va, je comprends ! A son tour, lâchant sa main droite du volant un bref instant, Julia tapotant l’épaule de son ami dans un geste réconfortant.

-Ca va aller ne t’en fais donc pas, je suis sûre que tu finiras par repartir du bon pied.

Louise n’en avait pas l’air totalement convaincue mais elle appréciait tout de même les efforts de son amie pour la réconforter et lui sourit gentiment.

-Tu sais ma jolie, les gens sont cons. Cons-ditionnés même je dirais ajouta t’elle en lui lançant un petit clin d’œil complice. Zombifiés par un système qui leur assène des vérités révélées, un dogme bien-pensant de merde à grands coups de discours moralisateurs. Tu n’y es pour rien et il faut bien faire avec pour le moment mais il ne faut pas que tu désespère ma vieille ! Même si t’es grillée là-bas ça ne veut pas dire grand-chose et tu auras sûrement d’autres opportunités ailleurs. Tu m’avais dit que ça ne fonctionnait pas avec eux pour les communes avoisinantes par exemple, non ? Louise soupira de nouveau.

-Oui c’est vrai. C’est toi qui as raison ma petite cavalière, il ne faut pas que je me laisse abattre même si c’est vachement dur. –Louise, une fois de plus caressa amicalement l’épaule de son amie avec reconnaissance- C’est vraiment cool que tu sois là pour me remonter le moral, cow-girl ! Je me doute bien que toi aussi tu connais ce sentiment de vide, cette impression qu’on arrivera jamais à rien dans la vie, que ce sera toujours le chaos pour toi, que tu ne réussiras jamais qu’à merder continuellement dans tout ce que tu entreprends, que quoi que tu fasses tu vas te planter lamentablement, bref : que tu es nulle et incapable de faire quoi que ce soit de bon. Julia détourna un court instant la tête de la route sur laquelle elle se concentrait pour adresser à son amie un sourire compatissant.

-Pour sûr que je connais ça ! Je peux te dire que j’ai connu cette sensation plus d’une fois, ma p’tite princesse. Mais il y a toujours un moment ou tu sors les rames et ou tu traverses le brouillard. Allez ça va bien finir par s’arranger tout ça, ne te mine pas trop et pense plutôt à la petite fête de ce soir, ça va te changer les idées. Courage ma vieille ! Louise lui rendit son sourire.

-Tu as raison ma future maman ! Je ne gagne rien à m’apitoyer comme ça sur mon sort. Il faut que j’arrête ça tout de suite hein, après tout ne suis-je pas la Princesse des Grandes Cités ?

Les deux amies éclatèrent de rire une fois de plus et Julia donna un léger coup de volant sur la droite pour s’engager dans le passage qui permettait aux voiture d’accéder à la cour arrière de son immeuble.

Louise se sentait un peu mieux, le cœur bien plus léger en tout cas. Julia avait raison bien entendu. La jeune femme se prit à penser qu’elle avait été stupide de se laisser aller comme ça car bien évidemment les choses finiraient forcément à s’éclaircir devant elle-même si cela devait prendre plus de temps que prévu. Ce qu’il lui fallait c’était ne pas perdre espoir et garder confiance en ses capacités.

Mais malgré tous les soucis personnels qu’elle pouvait avoir en ce moment, elle était heureuse d’être là pour une bonne petite fête entre amis. Il était clair en tout cas que pour l’instant cette soirée promettait d’être vraiment géniale.

 

(Un grand merci à mon bêta-lecteur Argethlam qui a eu la patience et la gentillesse de me relire, me corriger et me conseiller.)^^

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