Le Convoi de la dernière chance (Vol. 1.)

Chapitre 12 : Chapitre 11 : Le chemin de la liberté

Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:33

Chapitre 11 : Le chemin de la liberté

Ferza se tenait devant une fenêtre située à l’étage de la mairie. Il contemplait le chaos régnant dans le reste de la ville. Il voyait sa communauté partir en fumée et il ne pouvait rien faire. Il s’était donné tant de mal pour construire ce petit monde et voir que tout avait basculé en quelques minutes, à cause de l’évasion de déchets humains capturés quelques jours plus tôt, le rendait furieux. L’évasion spectaculaire des prisonniers avait non seulement laissé sur le carreau plusieurs gardes mais avait également déclenché un mouvement de panique dans toute la zone.
Il ne lui restait plus qu’une poignée de ses gardes, ceux dont il était le plus proche. Les autres se battaient entre eux dans la rue ou bien contre les cadavres ambulants qui se promenaient librement. Certaines de ces créatures étaient des gardes tués dans l’évasion et les autres étaient les zombies entrés avec la destruction de la porte principale. Le pasteur pouvait distinctement entendre le crépitement des armes automatiques dans la ville, des hurlements de terreur. De la fumée s’élevait au-dessus des toits.
Il se croyait revenu plus d’un an en arrière, lorsque l’humanité avait perdu la bataille qu’elle livrait contre sa propre nature. Les civils étaient attaqués à la fois par les zombies et par ceux qui les protégeaient quelques instants auparavant.

-Chef, on doit partir, lança quelqu’un dans son dos. On est trop peu nombreux pour sécuriser les environs plus longtemps.

-Laisse-moi encore un peu de temps.

Deux véhicules blindés arrivèrent en ouvrant le feu sur tout ce qui bougeait sur le trottoir d’en face et stoppèrent au pied de la mairie.

-Faut vraiment y aller chef, les véhicules sont là, répéta avec insistance l’interlocuteur.

Ferza dégaina le pistolet à barillet, se retourna et tira sur l’homme qui commençait sérieusement à l’énerver. Celui-ci s’effondra en se tenant la gorge, aspergeant le sol et les murs de son sang.

-Je t’avais demandé de me laisser du temps imbécile, dit-il en s’approchant du mourant. Si tu m’écoutais et que tu te comportais en homme, tu n’en serais pas là. Tu comprends que je doive te laisser ici maintenant, ajouta-t-il en  surplombant sa victime. Tu ne valais pas grand-chose de toute façon et les munitions sont trop précieuses pour que je t’achève. Bon courage où tu vas, ajouta-t-il en enjambant l’homme qui convulsait violemment à terre.

Le pasteur enjamba le cadavre et franchit la porte sans prêter attention aux gargouillis produits par le garde à l’agonie. Deux de ses hommes arrivèrent en courant et stoppèrent net en le voyant.

-Ah c’est vous chef, on a cru un instant que vous aviez des ennuis, expliqua l’homme de tête.

-Non tout va bien, on se casse d’ici, répondit-il en passant à côté de son interlocuteur et en commençant la descente des marches.

Les deux hommes en armes le suivirent. Il pouvait distinctement entendre le fracas des mitrailleuses lourdes situées dans les tourelles des véhicules stationnés dans la rue. Ses derniers gardes s’étaient regroupé la pièce du rez-de-chaussée qui avait servi à l’accueil des évadés. Ferza traversa rapidement la pièce en faisant signe aux hommes de le suivre et ils sortirent ensemble de la mairie.
Les blindés étaient toujours là, les portes arrières grandes ouvertes, sécurisés par trois hommes en position de tir. Les armes lourdes continuaient de cracher leurs salves mortelles, arrosant la rue.

-Répartissez-vous dans les camions, on part sur le champ, commenta le pasteur en se dirigeant vers le blindé de tête.

Il arrivait à son niveau lorsqu’une série de déclics retentit dans son dos. Ferza se retourna d’un bloc : les gardes n’avaient pas bougés et le tenaient en joue. La rage le gagna et il sentit un rictus lui déformait le visage. Les imbéciles, c’est donc ainsi qu’ils le remerciaient. Ils firent feu en même temps. La douleur l’irradia de toute part lorsque les projectiles traversèrent son corps et un voile noir s’abattit devant ses yeux. Les gardes ne cessèrent pas de tirer lorsque le corps sans vie du pasteur toucha le sol. Ils mitraillèrent le cadavre jusqu’à ce que celui-ci ne ressemble plus qu’à une bouillie difforme puis ils s’embarquèrent dans les blindés. Ceux-ci démarrèrent, dès que le dernier homme fut monté, et s’enfoncèrent dans la nuit en laissant là le cadavre de celui qui les dirigea pendant plus d’un an.

OOooOO

Driss et Lydia se trouvaient dans un vaste champ envahit d’herbes folles lorsqu’ils décidèrent d’arrêter leur course. Ils s’effondrèrent tous les deux côte à côte, à bout de souffle. Tout son corps faisait souffrir le policier, il semblait protester énergiquement contre le traitement qu’il venait de lui infliger sans attendre la guérison. Lydia n’en menait visiblement pas très large non plus. Ils étaient tous les deux pantelants au sol à tenter de reprendre leur souffle glacé par l’air frais de la matinée s’infiltrant dans leurs poumons. Il suffoqua à plusieurs reprises sous l’effet de cette fraîcheur qui lui enserrait la poitrine comme un étau.
Le stress respiratoire provoqué par celle-ci accentuait les lancements de ses blessures et les rendaient insupportables. Après plusieurs minutes difficiles, il sentit que sa respiration se faisait plus calme et se détendit. Le fond de l’air restait cependant très froid. Il se redressa et jeta un coup d’œil aux affaires du sac qu’il portait mais il ne parvint pas à mettre la main dessus. Driss se souvint alors de l’avoir laissé dans le blindé en flammes en fuyant. Ils étaient désormais perdus dans un monde hostile tous les deux, sans nourriture, boisson, carte, boussole ou médicaments.
Il sentit Lydia se rapprocher avant qu’elle ne l’enlace. Il la laissa faire et la serra contre lui. Ils avaient tous les deux besoins d’un peu de chaleur et de réconfort.

-Tu as bien fait, lâcha Lydia à brûle-pourpoint.

-Pardon ?

-Je dis, t’as bien fait tout à l’heure, répéta-t-elle. Tu sais… en fuyant le camion en flammes.

-Ah, je ne vois pas ce que j’ai fait de bien à ce moment-là, répondit-il en laissant son regard se perdre dans le vide.

-T’as bien fait de descendre Bill, t’as pris un coup sur la tête toi ou quoi? fit-elle en faisant mine de s’emporter.

-Je sais pas si j’ai bien fait …

-C’était pourtant la bonne décision, reprit-elle en se blottissant un peu plus contre lui. Il aurait pu être un danger si on l’avait laissé vivre. Ils étaient tous malades là-bas.

-J’en sais foutre rien si c’était bien. J’ai agis d’instinct, sans réfléchir, s’expliqua-t-il en caressant distraitement les cheveux de la jeune femme.

-C’est quand même bizarre, tu avoueras, que le véhicule qu’il a choisi pour notre évasion soit tombé en carafe direct.

-Oui … acquiesça-t-il. Mais peut-être avons-nous tous manqué de chance cette nuit-là, ajouta-t-il pensivement.

Il revit distinctement Bill s’approcher de lui en descendant du camion. Quelque chose dans son attitude et ses traits avaient alors trahis sa peur. Oui, cet homme avait eu l’air catastrophé, un bref instant, alors qu’il avançait vers sa mort. Le regard du gardien était fixé sur les flammes se dégageant du camion et il n’avait pas remarqué que Driss avait brandit son arme à mi-hauteur, le doigt sur la gâchette, attendant qu’il soit suffisamment prêt pour ne pas lui laisser de chance. Le policier avait tiré alors que Bill ouvrait la bouche, seuls deux mots avaient franchis les lèvres. Cependant, ce qui l’avait surpris, c’est l’incompréhension totale qui s’était peinte sur les traits de sa victime avant qu’elle ne s’effondre. Peut-être que Bill avait pensé les avoir déjà roulé et avait été surpris de ce retournement de situation mais ce n’était pas une certitude.

-Peut-être en effet… soupira Lydia.

Peut-être que le gardien avait vraiment voulu les libérer, peut-être que celui-ci avait tout simplement voulu les envoyer à leur mort. Il ne saurait jamais. Une décision de plus qu’il allait devoir assumer, une qui allait encore lui peser sur la conscience. Il écarta ces pensées. Il lui fallait se concentrer sur l’instant présent, sur leur survie et la démarche à suivre pour retrouver le groupe.

-On ferait mieux de bouger… dit doucement Driss en faisant mine de se relever.

La douleur arrêta son mouvement. Il souffla un peu pendant que Lydia se mettait debout. Elle lui tendit la main avec un petit sourire et il l’attrapa avant de se relever avec son aide. Ils reprirent ensuite leur progression à travers les champs à l’abandon, sans trop savoir où ils se dirigeaient. Les herbes folles qui n’avaient pas été coupées depuis bien longtemps leur arrivaient à la taille. Il allait leur falloir être vigilants car des zombies pouvaient très bien se trouver allongés quelque part dans cette étendue herbeuse. Ils marchèrent donc un moment sans dire un mot, sous un soleil blafard peinant à réchauffer le fond de l’air.

-J’admire ce que t’as fait dans l’arène, lança brusquement Driss tout en marchant.

-De quoi tu parles ? fit-elle interloquée sans ralentir.

-Le fait que t’aies exécuté ce mec qui te suppliait pour abréger ses souffrances…

-Je ne l’ai pas fait par compassion, il me faisait pitié à chialer comme une lavette, grogna Lydia.

-Peut-être mais je n’aurai pas pu moi, je l’aurai laissé crever et se transformer avant de le tuer, reprit Driss en fixant le sol devant lui.

-Bien sûr que t’aurais pu, tu l’as déjà fait. Tu fais toujours ce qu’il faut lorsque c’est nécessaire, ni plus ni moins. C’est ce qui fait de toi un bon chef.

-Tu parles, j’aurai été incapable d’exécuter Brad. C’est Banon qui aurait été un bon chef.

-Banon était violent et irréfléchi lorsque la situation lui échappait, s’emporta Lydia. T’es un mec bien Driss, on a besoin d’une personne calme et calculatrice à la tête du groupe pour pas faire paniquer les gens inutilement.

-Je suis pas si bien que ça, tout ce que je fais c’est assurer ma survie et celle de ma famille.

-C’est un bon début …

Ils n’ajoutèrent pas un mot jusqu’à ce que le soleil soit au zénith. Ils progressèrent en silence, avec prudence, à l’affût du moindre bruit trahissant la présence d’un cadavre itinérant dissimulé dans les hautes herbes.  Ils tombèrent sur un chemin de terre et le suivirent un moment jusqu’à ce qu’une maison se dessine devant eux. En se rapprochant, ils se rendirent compte que c’était en réalité une maison à laquelle était accolée une grange.
Ils firent un rapide tour du propriétaire, aucun zombie ne traînait aux alentours. La plupart des fenêtres étaient barricadées et les engins agricoles se trouvaient dans la cours. Il y avait fort à parier que les propriétaires se trouvaient encore dans le coin, restait à savoir dans quel état.
Driss renonça à l’exploration de la grange, il y faisait trop sombre et sans lampe-torche c’était un risque trop important à prendre. Il se contenta donc de bloquer la porte solidement en l’entravant avec une pelle et un râteau à manche métallique abandonnés dans la cours pendant que Lydia faisait le guet. Ils se dirigèrent ensuite vers la maison tous les deux. Celle-ci était un petit bâtiment carré en brique rouge comprenant un seul un seul étage et complété par un toit de tuiles ocres.
Le policier s’approcha prudemment de la porte et frappa plusieurs coups à la porte avec la crosse de son arme afin de vérifier si quelqu’un était présent.

-Y a quelqu’un ? cria-t-il.

Ils se tinrent tous deux aux aguets mais aucune réponse n’arriva. Il frappa à nouveau et, cette fois, il entendit distinctement des pas précipités sur le plancher et un heurt contre la porte. Il fit signe à Lydia de reculer et tint en joue la porte. Il ne savait pas encore si c’était un zombie ou bien la personne pas très réveillée qui avait trébuché en venant leur ouvrir. Les grognements et les grattements insistants qui suivirent lui confirmèrent qu’il y avait bien un mort-vivant derrière cette porte.
Driss tenta d’actionner la poignée mais la porte était verrouillée ou bloquée de l’intérieur. Il tira deux balles dans la serrure et tenta de répéter l’opération mais il n’y avait rien à faire, quelque chose la bloquait bien. Le policier tenta alors de l’enfoncer d’un coup de pied, le coup d’épaule risquant de le jeter dans les bras du zombie se trouvant derrière, mais la douleur qui se répercuta dans tout son corps au premier coup l’en dissuada. Il dut alors se résigner à démolir la porte pour de bon, les grognements avaient gagnés en intensité.
Il vida son chargeur en faisant les contours intérieurs de la porte et avant de tirer quelques balles en son centre, dans l’espoir de tuer le zombie au travers. Celui-ci continua de manifester sa présence et Driss tenta à nouveau d’enfoncer de la porte en faisant signe à Lydia de se tenir prête à descendre ce qui sortirait de la maison. L’obstacle céda au premier coup, le policier se plaqua contre le mur et un zombie se précipita hors du bâtiment. La créature était un homme de faible corpulence dans un état de décomposition avancé et engoncé dans une vieille salopette. Il avait le visage mangé par une barbe et une chevelure en décrépitude et le corps troué par les nombreuses balles qu’il venait de recevoir à travers la porte. Le mort-vivant n’alla pas plus loin car il fut stoppé dans sa course d’une balle qui répandit sa cervelle sur le cadrant de la porte.
Lydia baissa son arme et Driss lui adressa un petit signe de tête reconnaissant. Ils entrèrent prudemment dans la maison. Les planches laissaient filtrer la lumière, ils avaient donc une bonne visibilité. Le couloir d’entrée dans lequel ils se trouvaient était à moitié obstrué par un escalier montant à l’étage. La première porte à droite donnait sur le salon tandis que celle de gauche donnait sur un bureau. Les deux pièces semblaient vides de tout occupant. Ils avancèrent mais le policier retint Lydia.

-Je serai plus rassuré si tu restais à l’entrée et que tu surveillais que rien ne sorte des pièces adjacentes ou de l’escalier, murmura-t-il à sa camarade.

-Bien chef, ronchonna-t-elle en reculant d’un pas.

Driss avança seul, il n’y avait qu’une porte entrouverte sur la gauche au fond du couloir. Il la poussa du canon de son arme avec prudence. Celle-ci était presque ouverte lorsqu’elle buta contre quelque chose de mou. Le policier n’eut pas le temps de comprendre ce qui n’allait pas car un grognement sauvage retentit et la porte se referma violemment devant lui, lui renvoyant par la même occasion la crosse de son arme en pleine figure. Complètement sonné, il recula et buta contre quelque chose se trouvant au sol avant de s’écraser contre la paroi de l’escalier. Les grondements sauvages continuèrent et il entendit quelque chose traîner derrière la porte. Driss porta une main à son nez et la retira, le gant de sa tenue antiémeute était poisseux de sang et son visage douloureux mais tout semblait en place.

-Driss ! Ça va ? s’informa Lydia.

-Oui, je crois ! pesta-t-il. La saloperie qui est derrière a bien failli me fracasser tous les os du visage avec la crosse de mon propre fusil.

-Sacrée farceuse hein ? fit-elle d’une voix moqueuse.

Le policier se releva et enfonça la porte d’un coup de pied, repoussant la chose se trouvant derrière par la même occasion. Il s’agissait d’une vieille dame à forte corpulence habillée d’une robe rose à fleur couverte de saletés grisâtres. Ses cheveux gris foncés sales et graisseux étaient encore entortillés en un chignon. Elle lui évoquait la vieille mégère passant son temps à crier sur tous les gens qui lui tombaient sous la main. Le zombie qu’elle était devenu se trainait par terre et pour cause, un fauteuil renversé gisait dans un coin de la pièce qui s’avérait être une cuisine spacieuse.
Il empoigna son arme en tenant la crosse en avant, s’approcha de la créature et lui éclata le crâne d’un seul coup puissant.
Driss vérifia ensuite si d’autres surprises ne les attendaient pas dans cette pièce mais il n’y avait rien d’autre. Une atroce odeur de moisissure régnait dans l’endroit et il ne savait pas dire si elle provenait de la vieille ou bien d’autre chose. Il chercha dans tous les placards et le frigo mais la nourriture était périmée depuis bien longtemps et empestait autant que la pièce. Ces gens ne s’étaient procuré que des choses périssables avant de s’enfermer, peut-être étaient-ils morts de faim. Le policier quitta la cuisine et rejoignit Lydia.

-Il n’y a rien à bouffer dans la cuisine, commenta-t-il.

La jeune femme garda le silence et ils inspectèrent le reste de la maison en détail. Ils trouvèrent finalement deux boîtes de conserve, un grand sac de toile, une carte de la région, une hachette, un pied-de-biche,  une carabine vingt-deux long rifle ainsi que deux boîtes de cartouches pleines. Ils fourrèrent tout dans le sac avec le contenu d’une caisse à outil et du papier-toilette.
Le policier se proposa de porter le sac mais la jeune femme refusa en arguant qu’elle n’était pas une faible femme et qu’il devait être un macho fini pour penser qu’elle ne pouvait pas se débrouiller avec son colis. Il n’insista pas et ils repartirent à travers champs, laissant la petite ferme loin derrière eux.
Leur voyage se poursuivit dans le silence et la carte ne les aida pas à s’orienter car il aurait fallu qu’ils sachent tout d’abord à quel endroit ils se trouvaient. Le soleil avait déjà bien entamé sa descente vers l’horizon lorsqu’un petit village encaissé entre deux collines boisées s’offrit à eux.
Ils l’atteignirent alors que l’astre du jour baignait les environs d’une douce lumière orangée. Ils allaient devoir se dépêcher de trouver un abri pour la nuit s’ils ne voulaient pas se retrouver piégés dans l’obscurité.
Ils entrèrent dans la ville en passant par la route principale qui la traversait de part en part. Le panneau indiquant le nom de l’endroit était barré d’un grand signe rouge représentant le risque biologique, rendant toute lecture impossible. Ils s’aventurèrent donc prudemment dans le village, prêts à tirer. Comme dans de nombreuses villes, les traces d’un vent de panique général brusque et soudain étaient partout visibles. Voitures accidentées, vitres et portes brisées, poubelles renversées, déchets et matériel en tout genre répandus au sol, traces d’incendies.
Les reflets rougeâtres du soleil se couchant ajoutaient une touche sinistre à la scène. Driss ne voyait aucune trace de cadavres ambulants pour l’instant mais il fallait rester prudent car ceux-ci pouvaient très bien errer dans des recoins sombres et rappliquer au moindre bruit.
L’attention du policier fut finalement attirée par un magasin d’alimentation situé entre deux maisons, la vitrine semblait intacte et la porte de celui-ci était grande ouverte. Il fit signe à sa camarade de s’arrêter et de lui passer le sac. Il se saisit de la machette avant de lui passer le pied-de-biche.

-La meilleure arme anti-zombies pour moi ? Vous êtes trop aimable mon cher, murmura-t-elle d’un ton moqueur en rajustant le sac dans son dos.

-C’est bien la moindre des choses, fit-il à voix basse en lui adressant un clin d’œil complice.

 Ils se dirigèrent ensuite tous deux vers le magasin et s’y engouffrèrent. Un escalier partait sur la droite et montait vers une porte semblant fermée. Les vastes rayons du magasin étaient à moitié vides ou leur contenu était répandu au sol. Une ouverture au fond du magasin permettait sûrement d’accéder à la réserve et elle n’était pas condamnée. Une odeur infâme de décomposition flottait dans l’air.
Les deux compagnons commencèrent à inspecter les rayons, après s’être assuré que la porte de l’étage était bien verrouillée,  mais il ne restait plus grand-chose. Une grande partie de la nourriture n’était déjà plus consommables. De nombreux paquets de nourriture en plastique ou en carton étaient éventrés, probablement par de quelconques rongeurs.
Des bruits métalliques de boîtes tombant à terre les firent sursauter, des grondements suivirent. Le vacarme provenait de la réserve du magasin. Driss resserra sa prise sur sa hachette et s’avança, il était suivit de Lydia qui agrippait son pied de biche à deux mains. Ils se tinrent quelques secondes à l’ouverture. La pièce était éclairée grâce aux fenêtres situées sur le mur du fond, la pièce était baignée d’une lumière rouge-orangée sous l’effet des rayons du soleil couchant.
Le policier chercha des yeux l’origine du bruit. Les raclements métalliques accompagnés de grognements provenaient d’un rayon sur la gauche. Il fit un pas et buta dans une boîte de conserve qui traînait à l’entrée. Le vacarme qu’elle fit en allant rouler dans les rayons provoqua l’arrêt des autres bruits, il entendit des cliquetis se rapprocher. Il brandit sa machette et s’apprêta à frapper mais ce qui sortit de l’ombre n’avait rien d’un zombie.
Un jeune border terrier se tenait devant lui, une boîte de conserve dans la gueule. Il agitait frénétiquement la queue, visiblement content de voir quelqu’un qui soit vivant et semblait attendre qu’ils fassent le premier pas. Il avait le museau, les oreilles et les pattes noirs et le reste du corps marron foncé.
Driss s’approcha et le chien leva la tête vers lui, il lâcha la boîte qu’il tenait dans sa gueule et resta à attendre. Le policier comprit rapidement que l’animal attendait de lui qu’il ouvre la conserve. Le chien errant poussa la boîte vers lui et leva le museau dans sa direction en battant l’air avec sa queue de plus belle.
Driss se demanda avec quoi il pourrait ouvrir cette boîte de nourriture pour chien mais se baissa tout de même pour la ramasser et l’ausculter. Lydia ne bougeait pas et le regardait faire. Il tourna les talons pour se mettre en quête d’un ouvre-boîte et le chien le suivit. La bête semblait très contente d’avoir de la compagnie bien qu’elle ne devait pas avoir vu d’humains vivants depuis bien longtemps, elle semblait comprendre que seuls ces derniers savaient ouvrir un récipient de ce type.
Le policier trouva finalement ce qu’il cherchait et ouvrit la conserve dont il répandit le contenu  dans une assiette abandonnée sur une étagère avant de la tendre au chien. Celui-ci se mit à manger goulûment sa pitance en manifestant son contentement par de petits grognements satisfaits. Driss ne put s’empêcher de sourire mais son ventre lui rappela qu’il n’avait toujours pas mangé de la journée.

-J’ai trouvé notre repas du soir, chuchota Lydia dans son dos en lui fourrant une boîte de conserve dans les bras. Pour l’eau, je sais pas trop, mais j’ai trouvé des filtres et des purificateurs.

-Bien, reprit Driss. On va remplir le sac avec toutes les boîtes et je pense que le petit père va nous indiquer son point d’eau quand il aura mangé et qu’il devra se désaltérer, ajouta-t-il en désignant le chien.

Comme il l’avait deviné, le chien finit de manger et s’éloigna en passant par la sortie de livraison restée ouverte. Ils suivirent l’animal alors que l’obscurité tombait doucement et celui-ci les mena à un petit cours d’eau dans lequel il se désaltéra. Le policier sortit les bouteilles en plastiques qu’il avait récupérées et vidées avant de les remplir d’eau une fois que celle-ci fut filtrée et purifiée.
Le chien ne sembla pas faire mine de s’en aller lorsqu’il eut finit de boire et se contenta de les regarder, assis sur son postérieur. Lorsque Driss et Lydia se mirent en quête d’un endroit où passer la nuit, le chien les talonna en remuant joyeusement la queue.
Les deux compagnons échouèrent finalement dans un cabanon construit en parpaing situé à l’écart de la ville, il possédait une lourde porte métallique. Celui-ci comportait seulement un vieux matelas poussiéreux dont ils se débarrassèrent. Le sol de terre battu était relativement sec et ne semblait pas avoir été souillé. La nuit était tombée lorsqu’ils s’enroulèrent dans leurs couvertures. Ils allaient fermer la porte lorsque le chien se glissa dans la petite pièce exiguë et alla se rouler en boule dans un coin.

-Je crois bien qu’on s’est fait un pote, commenta Lydia avec amusement. Il a l’air propre et il nous a bien rendu service, je pense qu’on peut le garder avec nous non ?

-Oui, je pense, répondit Driss. Je n’ai de toute façon pas la force d’aller le jeter dehors ce soir.

Il barra la porte avec plusieurs barres de fer qu’ils avaient ramassé sur le chemin afin de ne pas avoir de visiteurs indésirables pendant la nuit. Ils s’allongèrent ensuite tous les deux dans le coin opposé à celui du chien. Lydia se trouvait contre le mur et se blottit contre le policier qui l’enlaça également. Le froid se faisait de plus en plus mordant et il espérer sérieusement qu’ils ne gèleraient pas tous les deux dans la nuit. Le chien les regarda un moment et s’approcha timidement des deux camarades.
Driss tendit la main et le chien la lui lécha, il lui gratta le menton en réponse et l’animal s’approcha un peu plus. Le policier finit par céder et ouvrit les bras au chien qui vint se blottir dedans et entreprit de lui rincer le visage avec sa langue.

-Non ça suffit, fit Driss en rigolant et en repoussant doucement le chien. Je sais que j’ai pas pris ma douche depuis un moment, inutile de me le rappeler.

-Si ta femme apprend que ta nouvelle maîtresse est un chien, elle va se sentir mal, se moqua Lydia.

Ils pouffèrent de rire tous les deux, arrachant un gémissement d’incompréhension au chien. Le policier le caressa et la bête vint se coucher le long de son flanc. Il veilla un petit moment, guettant le moindre bruit extérieur et finit par décider de se fier à l’instinct du chien pour les prévenir de l’approche de rôdeurs. Le sommeil l’emporta à son tour.

OOooOO

Driss sortit de sa chambre et se pencha au-dessus de la balustrade. Cela faisait deux mois qu’ils s’étaient installés dans ce motel de deux étages. Les trois bâtiments qui constituaient celui-ci formaient un « U », le parking se trouvait au centre et un haut grillage encerclait l’ensemble de la propriété. Ils avaient renforcés celui-ci avec tout ce qu’ils avaient pu trouver. Un car de touristes abandonné à sa place servait de point de guet afin de surveiller les alentours immédiats des bâtiments. Les autres véhicules étaient garés sur la droite. En s’installant, ils avaient eu peu de ménage à faire : l’hôtel était alors presque vide et seuls trois zombies s’y trouvaient.
De nombreux éléments avaient indiqués qu’un groupe de survivants s’était déjà occupés du nettoyage mais Driss n’avait vu personne depuis leur arrivée. Peut-être que les trois créatures étaient ces gens. Derek était assis sur le toit du bus dans sa tenue d’intervention du Swat qu’il n’avait jamais pu se résoudre à abandonner. Il discutait avec la jolie Stacy qui se trouvait assise sur une chaise à côté de lui. Stacy était une jolie jeune femme aux longs cheveux roux et bouclés, elle devait bien avoir la trentaine. Elle portait un short de jean moulant ainsi qu’un pull de laine verte.
Un peu plus loin, Lydia et Eugene faisaient une partie de football contre Brad et John. John était un jeune homme aux longs cheveux blonds et au visage mangé par une barbe assez fournie. Ils avaient trouvés le ballon quelques jours plutôt en prospectant dans une école abandonnée. Banon se trouvait à côté du camion militaire qu’ils avaient récupéré la veille et qu’ils avaient stationné au niveau de l’entrée principale. Le camionneur était en grande discussion avec Jim, qui était lui-même occupé à inspecter le moteur du véhicule.
Le policier était content d’avoir trouvé cet endroit, ils étaient à portée des magasins du coin et il n’avait pas observé beaucoup de zombies jusqu’à présent. Les enfants jouaient dans la chambre avec ce qu’il leur avait ramené d’une exploration des environs. Il pensait qu’ils pourraient rester à cet endroit encore un moment, tranquillement, en attendant que l’orage passe, mais il savait qu’il faudrait du temps avant que tout ne rentre dans l’ordre, si c’était encore un jour possible.
La cohésion du groupe était bonne et l’entente correcte, cela lui faisait du bien de se trouver dans une zone connue et de ne pas avoir à en changer en permanence. Il avait pu instaurer une routine, ce qui lui permettait ainsi de se soulager de la pression qu’il avait en tant que chef de groupe. Ce séjour dans le motel sonnait donc un peu comme des vacances pour lui.
Driss leva les yeux vers le ciel. Il faisait un temps magnifique, il n’y avait pas un seul nuage mais quelque chose manquait. En effet, cela faisait des mois qu’il n’avait pas vu un seul avion en vol. Pour lui, ils étaient le symbole de la maîtrise de son espace par l’humanité. Même dans les endroits les plus paumés, on pouvait apercevoir à l’occasion la trainée d’un avion filant vers de lointains horizons mais là il n’y avait rien à voir dans le ciel en dehors de quelques oiseaux et des nuages.

-Driss ! Faut qu’on parte à la chasse avec Stacy ! lança Derek. Ça nous fera du bien de manger de la viande fraîche.

-Allez-y ! Lydia va vous remplacer pour faire le guet et je vais rester au balcon.

-Impeccable !


Derek quitta le toit du car et aida Stacy à faire de même. Ils enlevèrent la chaine cadenassant le portail et la remirent une fois dehors. L’ami de Driss garda la clé et ils s’enfoncèrent dans le bois situé sur la gauche de l’enceinte du motel.

-Lydia ! appela Driss. Va remplacer Derek et Stacy !

L’intéressée fit signe qu’elle avait compris, quitta la partie et alla chercher son fusil avant d’escalader le véhicule et de s’installer sur le toit de celui-ci. Les trois autres joueurs continuèrent leur jeu, Eugene affrontant seul Brad et John. Plusieurs minutes s’écoulèrent sans qu’il ne se passe rien, le policier se délecta du calme régnant sur les lieux. Quelques échos lointains retentirent mais il n’y prêta pas attention sur le moment. Ce n’est qu’au bout de quelques dizaines de secondes, qu’il réalisa que quelque chose n’allait pas. Il pouvait entendre des cris ainsi que quelques détonations.

-Alerte ! cria Driss en allant chercher son arme dans sa chambre. Derek et Stacy ont des problèmes !

Il fouilla l’appartement mais ce fut Tara qui lui tendit l’arme au moment où il s’aperçut qu’il n’arrivait pas à mettre la main dessus. Quand il revint sur le balcon, tout le monde avait ramassé son arme et se tenait prêt à toute éventualité. Les deux chasseurs sortirent du bois, Derek soutenait Stacy qui boitait difficilement.

-On est tombés sur un groupe de zombies et elle s’est blessée à la cheville dans la panique, expliqua l’ami de Driss lorsqu’il fut à portée de voix. Ils sont vraiment nombreux.

Derek laissa la jeune femme appuyée contre le grillage et inspecta ses poches à la recherche de la clé. C’est alors que les premiers zombies sortirent de la forêt. L’ami de Driss ne s’aperçut pas tout de suite de leur présence, il semblait ne pas réussir à retrouver les clés du cadenas. La panique commençait à transparaître sur son visage. Stacy étouffa un cri et lui secoua la manche de son compagnon d’infortune afin qu’il se retourne. Les tireurs postés derrière le grillage ouvrirent le feu mais les créatures étaient vraiment très nombreuses. Lydia se coucha sur le camion et commença à faire le ménage méthodiquement. Elle était très douée avec son fusil, ce qui lui avait valu devenir rapidement la tireuse d’élite du groupe.
Derek tira sur plusieurs zombies à son tour mais les cadavres ambulants parvinrent à la hauteur des deux personnes piégées à l’extérieur. Stacy se battait avec son pied-de-biche en essayant de garder son équilibre, rendu instable par sa cheville blessée, et abattit ainsi plusieurs zombies trop aventureux. L’ami de Driss jeta son arme et s’empara d’une machette. Il se défendit un moment et les zombies tombaient au fur et à mesure mais cela ne les empêcha pas d’encercler leurs proies.
L’une des créatures agrippa finalement Derek qui se débattit pour ne pas se faire mordre. La détonation caractéristique du fusil de précision résonna une fois de plus, Derek bouscula le zombie et son crâne fut disloqué. Stacy fut aspergée de liquide céphalique et de sang, elle hurla d’horreur puis de douleur lorsqu’un des cadavres ambulants planta les dents dans son avant-bras.

-Non ! hurla Driss en vidant son chargeur dans la masse grouillante des morts.

Lydia lâcha son fusil et lui jeta un regard horrifié, elle sembla vouloir parler mais aucun son ne sortit de sa bouche. C’était un accident, Driss le savait mais il avait tout de même envie de la frapper jusqu’à ce qu’elle le supplie de l’achever. Il lâcha son arme, tourna les talons et laissa les autres tuer les derniers zombies. Derek l’avait aidé à porter secours à Tara et Jill, celui-ci lui avait permis de continuer à vivre et à espérer par l’intermédiaire de ce sauvetage. Pourtant, son ami venait de mourir sous ses yeux, tué par un de ses compagnons d’infortune.

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Tara gara son véhicule devant la cabane. Le capitaine était déjà rentré cette fois et le soleil touchait l’horizon. Elle était rentrée juste dans les temps cette fois-ci. C’était déjà le deuxième jour de recherche, ils avaient parcouru une bonne partie des environs et des zones sûres indiqués sur la carte. Il allait évidemment de soi qu’elles ne l’étaient plus depuis longtemps.
Plusieurs villages s’étaient révélés inaccessibles en raison de la quantité trop importante de zombies. Ils n’avaient réussi à faire que quelques rapides reconnaissances avant de devoir battre en retraite précipitamment. Ethan se révélait être un très bon duo, sûr de lui et n’hésitant pas à prendre des risques inconsidérés pour enquêter dans des zones infestées. Le jeune homme n’était guère bavard mais il arrivait tout de même à la réconforter.
Travis et Dean ne parlaient pas vraiment non plus et n’essayaient pas et se faisaient distants. Les deux soldats ne prenaient aucune décision ni ne faisaient de suggestions, ils se contentaient de leur servir de guetteur ou d’arrière-garde. En revanche, ils excellaient dans leurs rôles et avaient tout de même sauvés plusieurs fois la mise aux deux compagnons. Leur présence, bien que silencieuse, s’avérait très rassurante et la vision de leur treillis suffisait à procurer la vague impression que la situation était sous contrôle, même lorsque c’était complètement faux.
Tara coupa le moteur et se prit le visage dans les mains. La jeune femme commençait à fatiguer et à désespérer. En dehors des quelques traces de leurs passages occasionnels, ils n’avaient pas vu l’ombre d’un Rédempteur. Elle se demandait désormais si elle reverrait un jour son mari et s’il n’était pas déjà mort depuis le temps. Peut-être poursuivait-elle une chimère, son cœur pouvait très bien la tromper sur le sort de Driss.
La jeune femme sentit quelques larmes lui monter aux yeux. Passer des journées entières à explorer la moindre maison rencontrée, le moindre village, à tuer les créatures s’y trouvant, c’était épuisant. Ethan posa une main réconfortante sur son épaule et elle lui adressa un petit sourire reconnaissant. Elle descendit du véhicule et claqua la portière. Travis et Dean s’étaient déjà éloignés pour aller se présenter à leur chef. Jill et Sam jouaient ensemble dans l’herbe sous la surveillance d’Eugene et de Rob. Leslie se tenait à l’écart et semblait être en grande discussion avec Kim pendant que Jim, Ted et Rodolph parlaient avec trois soldats assis autour des restes du feu de la veille. Ethan partit de son côté et Tara se dirigea vers le capitaine.

-Bonsoir, fit-elle en arrivant à la hauteur de celui-ci.

-Bonsoir, répondit-il. On m’a rapporté que vous n’avez toujours aucune piste ?

-En effet…

-Eh bien je vous laisse jusqu’à demain soir pour retrouver vos amis et votre mari, après ça nous devons repartir. Vous aurez alors deux choix : nous suivre ou rester sur place avec le matériel que vous possédiez quand nous vous avons trouvé, à vous de voir.

-Parfait capitaine, acquiesça-t-elle.

-Bien, conclut celui-ci en s’éloignant pour discuter avec le mécano qui inspectait déjà le 4x4.

C’était une routine chez ces soldats : à chaque fois qu’ils rentraient de mission, les mécaniciens inspectaient les véhicules et effectuaient de petites réparations si nécessaires. Elle devait leur concéder que l’idée était bonne. Cela leur évitait de tomber en carafe d’une minute à l’autre à cause d’un joint qui se serait décollé la veille.
L’obscurité prenant le pas sur le jour, Tara se rendit auprès de Jill. Elle serra la petite dans les bras et lui fit un bisou. Cette dernière la repoussa, désirant de toute évidence continuer de jouer avec Sam.

-Est-ce qu’il va revenir Papa ? lâcha Jill à brûle-pourpoint.

-Je ne sais pas chérie, je n’en sais rien, répondit la jeune femme en essayant de masquer le tremblement de sa voix.

Elle s’assit à côté du basketteur et de Rob, elle regarda les deux enfants jouer. Ceux-ci s’amusaient à empiler des boîtes de conserve le plus haut possible sans les faire tomber. Une lumière orangée accompagnée de quelques crépitements leur apprit que le feu était allumé. Le froid se faisant plus intense, ils décidèrent de ramener les petits vers la chaleur du feu de camps. Ted et Jim avaient pris sur eux de faire la cuisine ce soir, afin de rendre service aux soldats qui les avaient placés sous leur protection.
Ils mangèrent rapidement et en silence puis Tara alla coucher Jill dans la cabane, elle fut imitée par les autres. La petite protesta au début mais finit par se calmer et s’endormir. Pendant ce temps, les autres s’étaient couchés aussi. Tara fit un bisou à sa fille, se leva, attrapa sa lampe-torche et ressortit. Elle passa devant les gardes en faction qui l’arrêtèrent avant de la laisser passer en lui recommandant de ne pas trop s’éloigner du camp.
La jeune femme s’assit contre un arbre, à l’écart, et contempla l’astre lunaire brillant haut dans le ciel, il y avait peu de nuages. Elle frissonna un peu dans l’air frais et sursauta en voyant une forme sombre approcher. Elle braqua la lampe sur l’arrivant et reconnu Eugene.

-Eh mais c’est moi, protesta-t-il en mettant sa main droite devant les yeux pour se protéger de la lumière.

-Ben je pouvais pas savoir, tu débouches de nulle part aussi, grogna-t-elle en éteignant l’appareil.

-Je t’ai vu sortir et je m’inquiétais pour toi, expliqua-t-il. Tu tiens le coup ça va ?

-Oui t’en fait pas, j’ai pas envie d’en parler.

-Ok j’insiste pas alors, je suis là en tout cas si tu veux.

-Je sais je sais, répondit-elle avec exaspération.

Le Basketteur s’assit juste à côté d’elle. Un coup de vent très froid la fit frissonner une nouvelle fois. Eugene s’en aperçut, l’enlaça et la serra contre lui. Elle posa la tête sur l’épaule de son ami et le laissa la bercer. Cela lui faisait du bien d’avoir à nouveau une présence masculine bienveillante à côté d’elle. Elle sentit le regard d’Eugene peser sur elle et releva la tête vers lui. Les yeux de celui-ci brillait dans l’obscurité, elle s’y perdit et releva un peu plus la tête tandis que la bouche d’Eugene approchait doucement de la sienne. Leurs lèvres se rencontrèrent et ils s’embrassèrent.
Tara la douce sensation qu’il envahit et enlaça le basketteur. Alors que leur baiser se prolongeait, elle commença à revenir à elle et le repoussa doucement. Ce n’était pas bien, elle ne pouvait pas, ils étaient amis.

-Je suis désolé, fit-elle avec gêne. Il faut qu’on retourne au camp sinon on va rendre les sentinelles nerveuses.

-Je comprends… murmura Eugene d’une voix lointaine.

Elle se leva, alluma sa lampe, aida Eugene à se redresser et ils rentrèrent tous deux au camp sans ajouter un mot. Les soldats les laissèrent passer et le capitaine referma verrouilla la porte de la cabane derrière eux sans un mot. La jeune femme dormit mal cette nuit-là, elle se sentait tout de même coupable bien que ce baiser ne signifia rien pour elle.
C’est de mauvaise humeur et fatiguée qu’elle reprit l’exploration des environs. Elle avait passé la matinée à éviter le regard du basketteur et à se tenir le plus loin possible de lui. Eugene semblait distant et distrait et elle espéra ne pas avoir fait de bêtises en l’embrassant impulsivement.
Ce fut un soulagement pour elle se remonter dans cette voiture et de le laisser loin derrière. Elle avait décidé d’entreprendre l’exploration d’une zone de la carte qu’ils n’avaient pas encore parcourue en raison de son éloignement avec le camp de base.
Le premier village qu’ils visitèrent était envahi par les zombies et ils ne trouvèrent aucun signe d’êtres vivants dans les parages. C’est en se dirigeant vers le deuxième village qu’ils aperçurent le blessé. Celui-ci se déplaçait tel un somnambule au bord de la route en agrippant son épaule ensanglantée.
Tara avait tout d’abord pensé à un zombie en l’apercevant mais elle n’avait jamais vu de zombies faire de point de compression sur leurs blessures, ni leur faire signe. Elle avait pilé à hauteur de l’homme, était descendue du véhicule et s’était approchée en compagnie d’Ethan en le tenant en joue. Travis et Dean le visait depuis la plate-forme du véhicule.
Le blessé était tombé à genoux en les voyants et avait commencé à pleurnicher en tenant des propos incompréhensibles et décousus. Il était habillé d’un treillis aux couleurs passées ainsi que d’un polaire sale et d’un gilet pare-balle. Lorsque la jeune femme s’était énervée, il avait fini par leur dire qu’il venait d’une ville située plus au nord et qui avait basculé dans le chaos en quelques minutes. Il avait été laissé pour mort, par des camarades qui s’étaient enfuis dans deux véhicules blindés avec lui, après une violente dispute sur la direction à prendre.
Tara avait alors insisté en demandant s’il faisait partie de ceux qui se faisaient appeler les Rédempteurs. Sous les coups de crosse qu’elle lui avait porté pour l’inciter à répondre devant son premier refus, il avait avoué que oui. Elle avait alors voulu savoir ce qu’il était advenu des trois personnes capturées quelques jours auparavant et avait dut appuyer sa requêtes de plusieurs coups pour obtenir sa réponse. Un des prisonniers était mort et les autres s’étaient évadés la veille dans la nuit en tuant plusieurs gardes et avaient filés dans la campagne. Voyant qu’elle ne pourrait rien tirer de plus de cet homme, elle l’avait laissé sur le bas-côté et ils étaient repartis en l’abandonnant à son sort.
Pendant tout l’échange, Ethan, Travis et Dean n’avaient rien dit et l’avaient laissé faire. Ils n’avaient même pas protesté quand elle avait décidé de laisser le blessé derrière eux. Ils roulaient désormais à vive allure dans la direction indiquée par l’homme. Il devait être presque midi lorsque quelque chose dans les champs en friche bordant la route attira son attention.
Deux silhouettes couraient vers eux en faisant de grands signes de bras, un animal qu’elle n’arrivait pas à distinguer de là où elle se trouvait les accompagnait. Elle ralentit et s’arrêta sur le bas-côté.

OOooOO

Driss fut réveillé le lendemain par le chien qui s’agitait en jappant craintivement. Il pouvait distinctement entendre des gémissements gutturaux provenant de l’extérieur. Il réveilla Lydia en la secouant doucement, celle-ci grogna et finit par se lever. Elle sursauta en entendant les bruits à son tour. Il lui fit signe de se tenir à l’écart de la porte et de retenir leur compagnon afin qu’il n’aille pas se jeter au milieu des zombies. Il regarda dehors par une petite fenêtre située au niveau du toit et distingua trois créatures rôdant près de l’entrée.
Le policier respira un grand coup, alla prendre le pied-de-biche de Lydia, tendit la hachette à la jeune femme et débarra la porte. Il raffermit sa prise sur son arme et enfonça la porte. Le coup violent envoya rouler dans l’herbe un zombie mais la main décomposée d’un autre tenta de s’agripper à lui alors qu’il franchissait le pas de la porte.  La créature, un adolescent, eut aussitôt le crâne fracassé par l’arme de Driss et s’effondra le long du mur. Il s’attaqua ensuite à la créature qui se relevait, la troisième étant assez loin et semblant à peine se rendre compte que le policier faisait la peau à ses camarades.
L’adversaire de Driss ne fit pas long feu et retomba au sol. Il tint ensuite le pied-de biche à deux mains en avançant vers le dernier et le brandit telle une batte de baseball. Le cadavre ambulant sembla le remarquer et approcha en tendant les mains vers lui.
Le policier fit comme s’il frappait une balle au baseball et le coup fut d’une telle violence que le crâne du rôdeur éclata et que le corps de celui-ci fut projeté dans l’herbe trois mètres plus loin. Il se sentit mal et vomit instantanément le contenu de son estomac. Il resta un moment les jambes tremblantes avant de se ressaisir complètement et de retourner vers le cabanon. Sur le chemin, il vit que l’un des cadavres portait une paire de jumelle autour du cou. Il s’en empara en détachant la courroie pour éviter de la salir et entra dans la bâtisse. Le chien s’était calmé et Lydia rassemblait leurs affaires.

-Ça serait une mauvaise idée de rester ici non ? s’enquit-elle. T’as quand même fait pas mal de bruit avec tes exercices matinaux.

-Ouais, allons-y, répondit-il en attrapant le sac avant que la jeune femme n’ait le temps de le mettre sur son dos.

Ils retournèrent tous deux au magasin, suivis de leur compagnon, et s’emparèrent de trois sacs supplémentaires qu’ils remplirent de conserves. Ils nourrirent ensuite le chien et prirent soin de placer de la nourriture adaptée pour l’animal dans les sacs. Lydia et Driss allèrent ensuite faire le plein en eau et laissèrent boire le chien.
Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu’ils reprirent leur progression à travers champs, en restant parallèle à la route. Le border terrier ne les quittaient pas d’une semelle et Driss envisageait de lui donner un nom lorsqu’ils entendirent le ronflement d’un moteur en provenance de la route. Une voiture noire se déplaçait à vive allure.
Driss s’empara de ses jumelles et les porta à ses yeux. La voiture était un gros 4x4 noir surmonté d’une mitrailleuse, deux passagers en treillis et casque militaire y étaient assis. Il ne voyait aucune trace des insignes des Rédempteurs et deux personnes se trouvaient dans l’habitacle. Le policier sentit son cœur faire un bond en reconnaissant sa femme au volant. Elle portait un gilet pare-balle et Ethan se trouvait à la place passager.
Driss s’élança vers la route en adressant de grands signes au véhicule. Il devina que Lydia s’était élancée pour le rattraper. Le chien courait à sa hauteur et semblait follement excité par la petite course surprise. Ils coururent tous les trois jusqu’à la route alors que le 4x4 ralentissait progressivement. C’était un coup de chance inespéré, il venait de retrouver sa femme. Le véhicule se gara sur le bas-côté  et s’arrêta complètement au moment où ils atteignirent l’asphalte.

 

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