Le Convoi de la dernière chance (Vol. 1.)
Chapitre 10 : Porte de sortie.
Driss s’accroupit à côté du cadavre de Banon. Son ami semblait dormir paisiblement, il n’avait aucune trace des morsures sauvages qui l’avaient déformé et sa poitrine se soulevait doucement au rythme de sa respiration.
Le camionneur était pourtant mort. Le policier n’aurait pas su dire pourquoi ni comment mais il le savait mort. Son instinct lui criait qu’il n’avait devant lui qu’un corps sans vie qui ne serait plus jamais lui-même mais il continuait à regarder celui-ci respirer doucement dans son long sommeil.
Il approcha sa main pour le réveiller et en l’espace d’un instant l’aspect du cadavre changea. Il avait de nouveau devant lui un corps déchiqueté ruisselant de sang. Banon se redressa brusquement, attrapa la main que Driss tendait, et la mordit sauvagement. Une vague de douleur et d’horreur submergea Driss alors que le cadavre le poussait en arrière. Il tomba sur le dos et Banon planta ses dents dans sa carotide.
Les dents du camionneur déchirèrent sa gorge et le policier se mit à suffoquer en s’étranglant dans son propre sang.
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Driss se réveilla en sursaut. Il était en nage. Il avait très chaud et mit quelques minutes à reprendre ses esprits et à réaliser qu’il se trouvait à nouveau dans sa cellule.
Il entreprit de palper sa gorge afin de vérifier qu’elle n’avait pas été déchirée et fut rassuré de ne sentir aucune cicatrice sous ses doigts. Ce n’était donc qu’un mauvais rêve ; cependant il semblait bien réel. Le policier frissonna et appliqua de nouveau ses doigts sur sa gorge, par réflexe.
Une violente douleur lui assaillit le ventre et la réalité lui retomba dessus, Banon était bien mort. Il avait pris lui-même les mesures nécessaires afin qu’il ne soit pas réanimé.
Il aurait dû rentrer plus tôt dans l’arène, il le savait. Il aurait pu le sauver mais son instinct de survie l’en avait empêché, le camionneur était mort par sa faute.
Driss constata qu’on lui avait appliqué un bandage mais il ne voyait pas de trace de Lydia, ils l’avaient sûrement remise dans sa cellule. La sienne avait été nettoyée, comme il put le constater, le cadavre en décomposition avait disparu et seul restaient les traces sanglantes.
Une nouvelle douleur le lança dans les côtes et il suffoqua à moitié. Le coup de machette semblait avoir fait plus de dégâts qu’il ne l’avait cru. L’adrénaline retombée, il sentait son corps endolori et vidé de ses forces. La moindre douleur était devenue un supplice.
Il lui fallait désormais réfléchir à un moyen de se tirer de cet endroit au plus vite. Il ne savait pas dans quel état était Lydia mais il était presque certain qu’elle était toujours en vie, dans sa cellule. La vie serait plus dure sans Banon, sa puissance physique et sa capacité à conduire facilement des camions étaient un atout auparavant. Il allait falloir repenser l’organisation du groupe en prenant en compte cette perte.
En plus de tout ça, Banon était également un homme bien sur lequel le policier pouvait se reposer de temps en temps pour prendre des décisions difficiles. Même si cela pouvait s’avérer dangereux pour l’unité des membres du convoi, cette franchise et cette autonomie avaient toujours été un plus. Driss savait qu’en cas de problème, le camionneur aurait fait le nécessaire pour assurer la survie de tout le monde.
Il avait eu une mort horrible qu’il ne méritait pas, personne ne mérite de mourir ainsi. Dans ce cas, Banon avait été assassiné par des hommes, comme bien d’autres avant et après le cataclysme. Le monde n’avait pas changé au fond. Il était toujours aussi dur et froid.
Le bruit que fit la trappe centrale en s’ouvrant tira Driss de ses sombres pensées. Trois gardes en descendirent.
-Salut, nous venons vous remplacer les gars ! Y a du bon steak à la cafète ce soir ! lança joyeusement un des nouveaux arrivants.
-T’as intérêt à ce que ça soit vrai cette fois Bill ! gronda agressivement un des gardiens en se levant. La dernière fois, la viande était pourrie et j’ai été malade toute la semaine.
-T’en fait pas, cette fois les cueilleurs ont ramené de la viande fraîche et l’ont laissée aux cuisines. Puis de toute façon, vu ton embonpoint, une nouvelle diarrhée te ferait pas de mal à toi.
-Fais pas le malin, enfoiré ! répondit l’intéressé d’un ton menaçant. Tu sais bien qu’un accident est vite arrivé par ici. Si le gouverneur ne punissait pas aussi sévèrement les meurtres des rebus de la société, tu serais déjà mort.
Les trois gardiens sortirent en laissant les nouveaux venus s’installer. Cependant, au lieu de sortir leurs cartes comme le faisaient d’habitude les autres, ceux-ci se mirent à chuchoter entre eux en regardant dans la direction de Driss.
Le policier commença à se demander ce qui lui valait ce gain d’attention brutal de la part des gardes. Il ne faisait que végéter dans un coin de sa cellule sombre en attendant que le temps passe, il ne faisait rien de spécial et il n’avait jamais vu ces trois personnes depuis son arrivée.
Le manège des trois hommes dura un moment, puis le dénommé Bill s’approcha. Celui-ci était plutôt maigrelet, vêtu d’un justaucorps et il avait de courts cheveux châtains coiffés en hérisson.
-Tu sais que toi et ta copine vous avez vraiment été impressionnants à voir dans l’arène ? commença-t-il. Vous êtes les premiers à avoir survécu depuis l’initiation de ces jeux, vous êtes sacrément balèzes hein ?
-Peut-être, moi je ne faisais que me battre pour ma survie, grogna Driss.
-Votre pote aussi a été impressionnant, dommage pour lui. J’aimerais pas connaître son sort, c’est pas très enviable pas vrai ?
L’homme semblait attendre une réponse de lui mais le policier se refusait à lui en donner une, car elle n’aurait pas arrangé sa situation. Il avait une furieuse envie d’attraper ce mec à la gorge à travers les barreaux et de lui écraser doucement la carotide afin qu’il se taise.
-Ouais, pas très causant toi, hein ? reprit Bill devant le mutisme de son interlocuteur. Je te comprends, je serai pareil dans ta situation…
-Qu’est-ce que t’en sais toi ? T’es de l’autre côté des barreaux... mais je veux bien échanger ma place avec toi si c’est ce que tu veux.
-Ouais, j’en sais rien et je n’ai pas la moindre foutue envie d’échanger ma place mais on se posait une question avec les potes. Ce que j’en sais par contre, c’est que Ferza était furieux de vous voir survivre et d’être contraint de vous gracier. Vous devrez donc rejouer la semaine prochaine et on se demandait si ça vous tenterez de vous faire la belle avec nous avant, toi et ta copine.
Driss eut du mal à réaliser que Bill venait de prononcer ces mots. Cela ne pouvait être qu’un piège, un moyen de le torturer psychologiquement en lui faisant miroiter une porte de sortie. Il valait mieux jouer la carte de la prudence. Il voulait bien admettre avoir impressionné par sa capacité de survie mais de là à susciter la sympathie des gens à ce point, il en doutait sérieusement. Il allait devoir être prudent.
-C’est une blague c’est ça ? Vous ne pensez pas vraiment que je vais marcher dans votre combine, si ?
-Non, c’est pas une blague. On est sérieux mais on comprend ta méfiance. A ta place, il en serait de même pour nous, c’est pas le …
-Pour commencer, arrêtez de dire que si vous étiez à ma foutue place vous feriez ça ou ça, coupa sèchement le policier. Vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’on a dû endurer ici donc n’essayez pas de vous identifier à nous.
-Ok ok, t’énerves pas, se défendit Bill. Je veux dire, on n'en peut plus de ce dictateur de merde. Ses jeux deviennent de plus en plus sales et il nous fout la trouille avec ses idées. On n'est pas impliqués dans toutes ses combines, on s’est toujours tenu le plus loin possible de tout ça mais maintenant, on veut se casser, tu comprends ?
-Non, je ne comprends pas. Vous avez tout : eau, abris, nourriture, armes, sécurité, organisation. Je ne vois pas ce que vous pourriez vouloir faire dans les terres désolées s’étendant au-delà de vos murs.
-Eh bien comment dire, on veut partir de cet endroit. On trouve que les pratiques du gouverneur sont trop malsaines.
-Vous m’en direz tant. Mais d’un autre côté, vous pourriez vous faire la belle ou le renverser en compagnie d’autres personnes.
-Eh bien on est surveillés, le pasteur a des balances dans la ville, expliqua rapidement Bill. Ce sont des gens auxquels il accorde des avantages en sous-main et la force armée principale lui est dévouée, quoiqu’il en coûte. Je n’ai confiance en personne d’autres que mes deux acolytes, ajouta-t-il en se retournant avec un sourire complice.
-C’est pas trop mon problème ça, s’obstina Driss. Mon problème c’est votre proposition, elle me semble très alléchante mais je persiste à la trouver étrange.
-On te comprend, on va rester là un petit moment donc tu nous dis quand t’es décidé, conclut Bill en s’éloignant en compagnie de ses compères.
Ils s’installèrent autour de la table et sortirent leurs cartes. Driss se mit à penser : la proposition de ces hommes était très alléchante et lui et Lydia ne pourraient pas s’échapper de cet endroit sans une aide interne. Ses personnes semblaient sincères, mais il pouvait très bien tomber dans un piège issu de l’esprit tordu du pasteur s’il marchait dans leur combine et il n’avait aucune envie de se retrouver dans ce cas de figure.
Si ces gens étaient vraiment nets, il avait ainsi la possibilité de se faire la belle avec Lydia et de rejoindre sa famille, à supposer que ses membres soient toujours en vie et qu’il puisse les retrouver dans ce vaste monde désormais hostile.
Cependant, leurs intentions après l’évasion étaient toujours aussi floues. Il n’avait pas confiance en eux, il ne les connaissait pas et il n’avait aucune raison de croire en leur bonne foi. Ces gardiens avaient été trop longtemps au contact de cette société violente pour ne pas en être affecté.
Le policier réfléchit encore. Dans les deux cas, elle serait bénéfique. Si ces gens étaient au service du pasteur cela le mènerait à une mort peut-être plus rapide, sinon, il serait libre. Il ne voyait qu’une solution pour résoudre le problème des gardes qui les accompagneraient à l’extérieur : il devait les tuer au moment de l’évasion. Il ne voulait pas le faire mais il n’avait pas le choix. C’était un mal nécessaire pour protéger sa famille et le reste du groupe. Il ne pouvait pas se permettre de prendre un risque quelconque, il ne pouvait qu’éliminer les complices.
C’était la solution logique, Driss devait le faire pour assurer la survie du plus grand nombre. Banon aurait sûrement approuvé cette décision pour une fois. Il n’était pas dit de toute façon qu’ils parviendraient à quitter leur lieu de détention. Le policier décida qu’il n’avait pas grand-chose à perdre à faire temporairement confiance à ces hommes, il n’avait plus grand-chose à perdre à ce stade.
-Hey, Bill, lança-t-il dans un murmure. C’est d’accord, je vais vous faire confiance et on va se tirer ensemble de ce trou à rats.
-Parfait, répondit le concerné en se retournant. Je suis content que tu aies pris cette décision, c’est la bonne. Je t’assure que tu fais bien. Par contre, on va pas te laisser t’évader dans cet état. Les médecins de l’arène sont de vrais bouchers.
Bill ponctua ses mots d’un geste et se leva pendant qu’un de ses camarades sortait un grand sac noir. Ils s’approchèrent tous les deux et Bill ouvrit la porte de la cellule. Le gardien portant le sac entra, s’approcha de Driss et s’accroupit à côté de lui.
Il défie les bandages, le policier grimaça en voyant l’état des blessures. L’homme sortit du sac plusieurs bombes de désinfectant, des compresses et des bandages et s’occupa de désinfecter soigneusement les plaies. Le policier fut contraint de serrer très fort les dents afin de ne pas crier sous l’effet de la douleur. Finalement, le soigneur refit les bandages et s’en alla. Bill referma la grille derrière l’homme.
-Repose-toi bien, lâcha celui-ci. On a encore quelques trucs à régler donc on devrait pouvoir te faire sortir en fin de semaine et tu vas avoir besoin de tes forces. On prendra encore quelques tours de garde pour nous assurer que tout se passe bien.
-Merci, c’est parfait, conclut Driss.
Les gardiens retournèrent à leurs jeux et ne dirent plus un mot jusqu’à ce qu’une nouvelle équipe prenne le relai. Les nouveaux venus reprirent leur jeu de cartes sans se soucier des prisonniers.
Peut-être allait-il revoir sa famille au final. Le problème qui allait se poser était le chemin à suivre pour la retrouver car il n’avait vraiment aucune idée de l’endroit où il était détenu. Ses pensées devinrent floues et l’emportèrent dans un sommeil agité.
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-On est arrivés ! lâcha Driss pour détendre l’atmosphère.
Tara ne répondit pas et garda le silence dans lequel elle s’était plongée depuis la fin de la cérémonie. Le policier manœuvra et gara la voiture dans l’allée. Dès qu’elle fut à l’arrêt, la jeune femme quitta la voiture et entra dans la maison en claquant la porte. Il devinait ce qui n’allait pas et appréhendait comme toujours ce genre de discussions. Il avait horreur de la voir souffrir et de ne rien pouvoir faire pour y remédier.
Driss éteint le moteur. Il aimait ce job, il comprenait ce qu’elle ressentait mais il désirait ardemment qu’elle l’accepte. Il avait cru qu’elle le ferait à leur mariage mais elle n’avait pas changé d’avis. Evidemment elle admirait ce qu’il faisait ainsi que le travail de la police en général, elle aimerait seulement le voir prendre un boulot qui le mettrait moins en danger.
L’évènement de la journée ne pouvait que justifier son point de vue. La vision de ces familles en pleurs, les visages durs et fermés des autres. Il n’était jamais facile d’assister à la cérémonie funéraire d’un collègue, d’un équipier faisant parti du même service, d’un ami souvent venu dîner.
Le policier ouvrit la porte et sortit de la voiture en claquant la porte derrière lui. Il redoutait ce qui allait se passer au moment où il franchirait l’entrée. Il décida de faire les cent pas dans le jardin en respirant un grand coup. L’éclairage secondaire du salon s’enclencha et il devina la silhouette de sa femme passant dans la lumière, il arrangea son costume de cérémonie.
Il allait devoir l’affronter tôt ou tard, autant que ça soit au plus vite. Heureusement que Jill était chez ses grands-parents maternels, elle n’aurait pas à assister à ça au moins. Il décida d’arrêter de repousser inutilement l’échéance et franchit la porte d’entrée.
Driss se dirigea directement vers le salon faiblement éclairé et s’arrêta sur le pas de la porte. Tara était assise dans un fauteuil en face de la porte, courbée, le visage dans ses mains gantées de noir et agitée de quelques soubresauts. Il avait horreur de la voir dans cette état, elle qui était toujours si forte et si déterminée. Elle était magnifique dans son tailleur noir agrémenté d’une fine voilure noire. Il nota qu’elle avait enlevé ses chaussures et qu’elle tenait ses jambes serrées et légèrement inclinées. Il s’approcha doucement, n’osant pas trop se manifester.
Elle sembla deviner sa présence à proximité et releva vivement la tête, les yeux encore humides.
-Je ne veux pas te voir à sa place… commença-t-elle.
-Et je ne le veux pas non plus, répondit-il du tac-au-tac.
-C’est trop dur, chéri, tu le sais que c’est dur pour moi de te voir partir le matin ou le soir sans savoir si je te reverrai vivant. Tous les jours, c’est trop dur.
-C’est dur pour moi aussi, je vous aime énormément toi et Jill et je pense tout le temps à vous deux. Je refuse de vous perdre mais j’aime ce travail, même s’il pourrait me coûter la vie. Si je le fais c’est pour protéger les gens de la folie des autres, faire ce qu’il faut pour que le dénouement soit le meilleur po…
-Je le connais ton discours, coupa-t-elle brusquement. Ils peuvent bien trouver quelqu’un d’autre, il y a d’autres moyens de mener à bien ce genre de missions, tu n’es pas obligé de risquer ta vie. Je ne veux pas te voir finir comme ton ami. Il a été touché par une balle en plein visage à quelques mètres de toi, t’imagines si tu t’étais trouvé à cette place au même moment ? s’énerva-t-elle, des larmes perlant à ses yeux.
-Je … Je ne sais pas quoi te dire … dit-il doucement.
-Si tu le sais, insista-t-elle. Dis-moi que tu vas démissionner demain et chercher un autre travail, un où tu ne mettras pas ta vie en danger.
-Tu sais bien que je ne peux pas, je suis lié à ce travail, il représente beaucoup pour moi.
-Et nous deux, on ne représente rien pour toi peut-être ? renchérit-elle en se levant brusquement.
-Ne dit pas ça, tu sais que ce n’est pas vrai…
-Je sais, mais je te veux à mes côtés pendant que notre fille grandira et vivra sa vie.
-Je le serais, fais-moi confiance. Je sais que c’est dur pour toi et pour la petite, s’attrista-t-il en se rapprochant de sa femme et en l’enlaçant tendrement. Ce n’est pas contre toi ni contre la petite que je reste dans l’unité d’intervention, c’est tout simplement moi.
Elle n’ajouta rien et le laissa la bercer doucement en sanglotant légèrement. Il ne put lui-même retenir quelques larmes. Il l’aimait tellement… Il s’en voulait de la faire souffrir alors qu’il lui serait si simple de quitter le Swat, mais c’était justement trop simple et il ne le désirait pas.
Tara le savait, il était trop buté pour changer aussi brusquement de position sur son métier. Elle allait devoir se montrer forte et patiente, comme toujours avec lui. Il était si heureux qu’elle soit ainsi, il avait beaucoup de chance de l’avoir avec lui.
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Un violent élancement au niveau des côtes réveilla le policier. Il se mit à suffoquer sous l’effet de la douleur, sa blessure le lançait très douloureusement. Il resta paralysé par la crise une à deux minutes avant d’oser bouger un peu pour trouver une position plus confortable.
Driss se demanda si ses nouveaux amis ne l’avaient pas empoisonné au lieu de le soigner et commença à paniquer. La douleur s’estompa après un petit moment, dissipant ses craintes. Il se rendormit et ne fit pas d’autres rêves.
Il émergea bien plus tard. Evidemment, il était impossible de savoir s’il faisait jour ou nuit dans cet endroit car il n’y avait aucune ouverture sur l’extérieur. En se tournant, il distingua une silhouette se tenant devant les barreaux et reconnu Bill.
-Ah, ça y est tu te réveilles enfin, chuchota celui-ci. Je voulais te dire que tout se passe bien niveau préparatif mais qu’on doit partir plus tôt que prévu. Sûrement dans la nuit.
-Bien, répondit le policier. Mais je sais pas si je serai en état, ma blessure m’a fait atrocement mal pendant mon sommeil…
-Ouais on a pensé à ça, on a pris de la morphine et des antidouleurs pour faciliter votre transport à tous les deux. On s’est occupé de ton amie, elle va bien. Ce qu’elle a fait était très courageux, exécuter le gladiateur contaminé sur demande… Fallait en avoir du courage, surtout sous la menace des armes. Le gouverneur éructait de rage, il avait bien besoin d’un nouveau zombie pour remplacer les morts celui-là.
-Parfait parfait… grogna Driss.
-Venez, il a besoin d’un petit remontant, murmura Bill à l’attention de ses coéquipiers.
Ceux-ci s’approchèrent et ouvrirent la porte avant de venir s’agenouiller à ses côtés en sortant une trousse médicale d’un sac de toile grise.
Ils défirent les bandages et désinfectèrent une nouvelle fois les plaies. Ils refirent les bandages et s’emparèrent d’une petite seringue. Ils lui injectèrent le contenu d’un geste vif et se retirèrent.
-Ça devrait calmer les douleurs un moment, commenta Bill. Profites en pour te reposer encore parce que tu vas avoir besoin de tes forces, on va injecter une dose à ta copine également et on vous en réinjectera avant de partir. On se voit ce soir.
Bill s’éloigna et retourna à sa partie de carte avec ses camarades. Driss se laissa aller. Les douleurs causées par ses blessures s’estompèrent, ces gars semblaient honnêtes mais cela ne changerait rien à leurs destins. Le policier ne pouvait pas se permettre de mettre en danger le reste du groupe s’il venait à leur amener ces gens. La fatigue l’emporta à nouveau.
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-Debout les civils ! C’est l’heure du petit déjeuner ! cria quelqu’un à l’extérieur de la cabane.
Tara ouvrit les yeux et se redressa en parcourant la salle du regard. Les militaires les avaient laissés dormir seuls dans la cabane et s’étaient installés à l’extérieur. Jill dormait paisiblement à côté d’elle, blottie contre Sam. Elle la secoua doucement pour la réveiller. Les autres avaient entendu l’appel et se levèrent au fur et à mesure. Lorsque tout le monde fut prêt, ils sortirent et se trouvèrent devant un bon feu au-dessus duquel était suspendu une énorme casserole. Plusieurs soldats prenaient leur café assis en cercle, les autres faisaient les cent pas autour du périmètre de la cabane.
-Bien dormi ? s’informa le capitaine en les invitant à s’asseoir.
-Oui, nous vous en remercions, répondit Tara en parlant pour tout le monde.
-Nous avons un peu de café, une cuillère à café par personne, pas plus. L’eau est bouillante, vous pouvez vous servir directement dans la casserole. Pour les petits, nous avons des barres chocolatées, ajouta-t-il en lui en tendant deux.
La jeune femme les répartis entre Sam et Jill. Ceux-ci attaquèrent goulument leur repas, ce qui lui arracha un sourire. Elle alla chercher une tasse et se servit en café et en eau chaude. Elle dégusta ensuite l’amer breuvage en se demandant comment elle allait pouvoir mener l’exploration afin de trouver le repère des Rédempteurs au plus vite.
Ses pensées dévièrent lorsque Eugene s’approcha et lui posa une main réconfortante sur l’épaule, elle l’attrapa et la pressa avec un bref sourire. Si les choses s’avéraient avoir mal tournées pour Driss, elle était sûr qu’il ferait un bon père de substitution. Elle se retourna lorsqu’il s’éloigna et elle se surprit à reluquer la musculature saillante du basketteur.
Lorsqu’elle s’en rendit compte, elle détourna rapidement les yeux en pestant contre elle-même. Elle devait se concentrer, son mari n’était pas encore mort et enterré et elle allait faire le nécessaire pour que cela n’arrive pas.
Le capitaine s’éloigna et commença à organiser le campement tout en préparant au départ deux des trois véhicules. En finissant son café, elle aperçut Ethan qui contemplait la route en contrebas et se décida à aller lui parler. Elle se leva et s’approcha de lui. Le jeune afro-américain tourna la tête vers elle au moment où elle se positionnait à ses côtés. Il avait de courts cheveux bouclés et était de taille moyenne.
-Bonjour Tara, dit-il en la fixant de ses yeux marrons.
-Bonjour Ethan, lança-t-elle en guise de réponse. Bien dormi ?
-Mieux que depuis le début de l’épidémie, savoir qu’on se trouve avec des militaires ça aide.
-Je suis d’accord, mais nous ne devons pas trop relâcher notre garde, nous ne les connaissons pas vraiment. J’aurai voulu te demander un service.
-Je t’écoute… répondit-il en détournant les yeux vers la route.
-J’ai le feu vert du capitaine pour mener des reconnaissances avec deux de ses soldats et j’aimerai que tu m’accompagnes. Tout ceci dans le but de retrouver Driss. M’accompagneras-tu ?
-Bien sûr, je ne vois pas de raison de refuser… Je commençais justement à m’ennuyer, ajouta-t-il avec un sourire carnassier.
-Contente de pouvoir compter sur toi, conclut-elle. Je viendrais te voir quand nous serons prêts à partir.
Tara laissa l’ancien étudiant en informatique à sa contemplation et alla à la rencontre du capitaine toujours occupé à donner des ordres.
-Capitaine, je voulais savoir quand je pourrais partir et quels hommes j’aurai avec moi.
-Eh bien, vous allez prendre le 4x4 qui se trouve en haut du chemin, lâcha l’intéressé en désignant du doigt le véhicule concerné. Il a le plein et j’étais justement en train de réfléchir mais je pense que Travis et Dean sont tout indiqués pour votre escorte, ajouta-t-il en lui désignant deux soldats à l’écart. Qui avez-vous choisit ?
-J’ai choisis Ethan, le jeune à l’écart. Il est fiable.
-Bien faites-le venir, je vais vous filer de l’équipement. J’aimerai que vous soyez rentré avant que le soleil ne soit trop près de l’horizon si vous voyez ce que je veux dire, continua-t-il en la retenant alors qu’elle avait commencé à s’éloigner.
-Bien ! Ethan ! appela-t-elle d’une voix forte. Viens !
Le jeune adulte se tourna et arriva au trot.
-Parfait, commenta le capitaine. Vous pouvez vous faire remettre un casque et un gilet pare-balles chacun en vous adressant au gars qui fait l’inventaire des munitions dans la cabane. Pour les armes, vous avez ce qu’il faut. Je vais en mission de collecte avec les deux autres voitures et quelques hommes. Bien entendu, je n’emmène pas vos amis mais je vais laisser quelques soldats pour veiller à leur sécurité donc ne vous en faites pas.
-Okay, on est …
-Dégagez, j’ai d’autres chats à fouetter avant mon départ, coupa le capitaine.
Tara ravala les paroles qui menaçaient de lui échapper, l’officier avait été suffisamment généreux avec elle et elle ne voyait pas de raison de se battre avec lui. Elle reviendrait à la charge plus tard.
La jeune femme fit signe à Ethan de la suivre et entra dans la cabane. Elle y trouva le soldat faisant l’inventaire et lui demanda le matériel qui lui était alloué ainsi que celui d’Ethan.
Ils s’équipèrent tous deux et elle se fit aider pour fixer correctement le gilet pare-balle. Elle se sentit un peu à l’étroit une fois qu’elle en fut équipée, ce genre de choses n’était pas vraiment adapté pour les femmes.
Elle ressortit de la cabane et alla chercher un fusil d’assaut qu’ils avaient sauvé, Ethan s’empara du sien et la rejoignit au 4x4. Les deux soldats qui allaient les accompagner s’y trouvaient déjà.
-Vous allez sur la plateforme, leur dit-elle. Je vais conduire et Ethan sera en cabine.
-Bien m’dame.
Ils allèrent tous deux s’installer à la place qui leur avait été assignée pendant que Tara et Ethan prenaient les leurs. Ils démarrèrent mais le capitaine leur fit signe de s’arrêter.
-Faites pas de bêtises, ne prenez pas de risques. Je veux ce véhicule et mes soldats de retour ce soir ou je ne répondrai pas de mes actes, avertit-il.
-Compris, capitaine, répondit-elle.
Celui-ci s’éloigna et la jeune femme démarra doucement, laissant la voiture prendre un peu de vitesse dans la côte par elle-même avant d’appuyer sur l’accélérateur.
Par réflexe, elle freina en arrivant à l’intersection avant de s’engager sur la route et de se diriger vers le lieu de l’attaque du convoi. Si elle pouvait espérer retrouver la trace des Rédempteurs c’était bien à cet endroit qu’elle devait commencer à chercher. Ils roulèrent en silence. Ethan observait le paysage sans dire un mot. La jeune femme regardait de temps en temps par la vitre arrière par l’intermédiaire du rétroviseur intérieur mais leurs deux passagers ne semblaient pas bavards non plus.
Ils roulèrent assez vite et arrivèrent rapidement sur les lieux de l’attaque. Tout était comme hier, à la différence que les carcasses noircies des véhicules ne fumaient plus. Elle ralentit à peine et continua le long de la route en réduisant l’allure. Elle cherchait un indice, n’importe quoi qui pourrait lui indiquer le passage des rédempteurs.
Cette mission revenait à cherchait une aiguille dans une botte de foin mais elle continuait à croire qu’elle trouverait quelque chose. Un détail attira son attention, la route semblait défoncée sur le bas-côté et la partie centrale. C’était comme si des véhicules lourds avaient fréquemment roulé par ici, au point de fendre le revêtement. Les rédempteurs possédaient justement des véhicules suffisamment lourds pour provoquer ce genre de dégâts mais ils pouvaient avoir été causés par d’autres passages.
Tara décida tout de même de s’engager sur les routes montrant le plus de signes d’usure de ce type. Elle arriva finalement dans un petit village en apparence désert. Elle arrêta le véhicule aux abords de celui-ci et observa les environs. Différents types de bâtiments allant de la maison à l’échoppe étaient dispersés de long des rues, parfois séparés de petits parcs.
Tout semblait calme, il n’y avait aucun signe d’activité. La jeune femme repéra une paire de jumelle sur le tableau de bord et s’en empara. Avec leur aide, elle observa les fenêtres plongées et différents coins mais elle ne distinguait rien.
Elle décida d’avancer en faisant tourner le moteur au ralenti. Tous les magasins de la rue dans laquelle elle se trouvait avaient visiblement été pillés. Leurs devantures étaient explosées, de nombreuses marchandises sans doute périmées jonchaient le sol de devant. Cela indiquait de toute évidence que, soit une grosse communauté venait se fournir dans le coin, soit des groupes mobiles étaient passés. Des survivants quittant le village dans la panique n’auraient pas eu l’occasion de faire le tri. Les quelques véhicules abandonnés avaient été repoussés le long des maisons, de toute évidence pour laisser un champ de manœuvre assez large pour d’imposants véhicules au rayon de braquage réduit. Un autre élément troublant était les impacts épars sur les façades ou les voitures, comme si on s’était déjà battu par ici.
Ils roulèrent encore un peu et arrivèrent devant un grand bâtiment de style victorien jaune et blanc. Plusieurs drapeaux américains y flottaient et on pouvait apercevoir les lettres formant le mot « mairie » au-dessus de la porte. Quelques véhicules de police étaient garés devant et les battants de bois de la porte d’entrée gisaient au sol.
Tara coupa le moteur et descendit de la voiture, Ethan et les militaires l’imitèrent.
-Travis et Dean, vous restez à l’extérieur et vous vous dissimulez un minimum. Ethan m’accompagne, on va inspecter la mairie à la recherche d’une carte de la région.
Les soldats ne répondirent pas et s’exécutèrent. La jeune femme épaula son arme et entra en tête, Ethan la suivit. Elle avait de la chance, les fenêtres auxquelles étaient fixées quelques planches laissaient passer suffisamment de lumière pour éclairer la pièce de façon correcte.
Ils se trouvaient dans un vaste hall, face à un escalier de pierre se séparant en deux branches après quelques marches.
La jeune femme s’engagea prudemment dans l’escalier et sentit que le jeune adulte la suivait. Elle avança en prenant garde à ne pas rater de marches et à faire le moins de bruit possible. Elle ne voulait en aucun cas que les possibles résidents de l’endroit ne soient alertés. Elle choisit la branche d’escalier de droite et se retrouva face à une porte à double battant entrouverte.
Tara resta un moment à l’écoute, tentant de détecter le moindre son en provenance de la pièce. Elle n’entendit rien et poussa la porte brusquement. La pièce était largement éclairée, un vaste bureau trônait au centre et une vaste carte était accrochée au mur se situant derrière celui-ci. Celle-ci représentait le monde et de nombreux sigles représentant le risque biologique figuraient sur la majorité des pays. Un téléphone et une radio était abandonnés sur le bureau et en s’approchant elle constata qu’une grande carte représentant la région y était déroulée.
De nombreux sigles et annotations y avaient été placés. Une croix rouge entourée de bleu semblait indiquer l’endroit où ils se trouvaient actuellement. Les villages des alentours portaient les sigles biologiques vus sur la carte, ou les initiales « ZS ».
La jeune femme en déduisit qu’il s’agissait des zones sûres puisque le symbole recouvrant une bonne partie des deux cartes était gribouillé par-dessus en plusieurs endroits. En examinant la carte, elle décida d’éliminer tous les villages marqués comme étant contaminés et de se concentrer sur ceux qui étaient indiqués comme sûrs.
Cela restreignait pas mal les recherches mais la zone était très étendue et ça pourrait prendre quelques jours pour trouver les Rédempteurs. De plus, elle ne savait pas quand la carte avait cessée d’être mise à jour et la situation pouvait avoir énormément évolué entretemps.
Tara roula la carte située sur le bureau et fit signe à Ethan qu’il était temps de partir. Ils descendirent rapidement les marches et franchirent la porte sans se presser afin de ne pas prendre les deux sentinelles par surprise. Dean se situait un peu plus loin, derrière une voiture de police et Travis était à moitié couché sur la plateforme arrière du 4x4.
-On a trouvé une carte les gars, dit-elle doucement. On y va.
-Bien, répondit Dean en allant rejoindre Travis à l’arrière. La jeune femme et le jeune adulte remontèrent en voiture et démarrèrent. Elle avait repéré un village situé pas trop loin qui était indiqué comme sain et elle tenait à commencer l’exploration par celui-ci avant de rentrer à la base.
OOooOO
-Debout, on doit y aller ! chuchotait avec insistance quelqu’un à côté de lui.
Driss s’extirpa de son sommeil et se frotta les yeux afin d’identifier son interlocuteur. Bill se tenait penché au-dessus de lui.
-Ah enfin, c’est l’heure. On s’est débrouillé pour droguer discrètement les gardiens se trouvant à l’étage, faut y aller au plus vite. Tends ton bras.
Le policier s’exécuta et Bill lui injecta une dose de morphine. Il se sentit bizarre, ce n’était pas vraiment l’effet de la morphine qu’il ressentait.
-Qu’est-ce que tu m’as injecté là ? s’enquit-il d’un ton brusque.
-De l’adrénaline, expliqua le gardien. La morphine c’était pas une bonne idée pour une évasion.
-T’aurais pu prévenir, grogna-t-il en réponse en se levant.
-Peut-être, attrape cette arme en attendant, lança-t-il en lui passant un fusil d’assaut équipé d’un silencieux avant de tourner les talons.
Driss suivit Bill, Lydia était déjà debout en compagnie des deux autres gardes portant de gros sacs, elle portait le même équipement que lors de sa capture. Elle avait le même fusil que lui en possession. Les gardiens lui indiquèrent son armure dans un coin de la pièce. Il la ramassa et retourna s’équiper dans sa cellule avant de revenir.
-Vous allez nous suivre en toute discrétion, on va devoir passer par l’entrée principale afin de dégager au plus vite. Je tiens à vous avertir qu’il y a quelques zombies qui traînent de l’autre côté de l’enceinte donc il va falloir être prudent. On y va.
Le gardien alla ouvrir la trappe qu’il avait bloqué, déplia l’escalier et le gravit. Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’il ne réapparaisse en leur faisant signe de suivre. Les deux autres gardiens grimpèrent d’abord et les deux prisonniers suivirent ensuite.
Ils se retrouvèrent dans une petite pièce dans laquelle était disposée de nombreuses tables et chaises, plusieurs gardes se trouvaient endormis autour des tables.
Bill leur fit signe de le suivre en silence et ils quittèrent le bâtiment tous les cinq. Le gardien prit la tête du groupe en compagnie de ses camarades et s’engagea sur le trottoir, Driss et Lydia restèrent en retrait.
La nuit était relativement calme, il n’y avait personne dans les rues. Les noires ouvertures des maisons semblaient les écraser sous leurs poids et l’asphalte défoncé par les nombreux passages des blindés luisait doucement sous la lumière laiteuse de la nuit. Celle-ci était plutôt fraîche et le ciel était dégagé à l’exception de quelques bandes nuageuses d’altitude.
Il n’y avait pas un bruit et le policier se demanda quelle heure il pouvait être. Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent à un croisement. Bill leur fit signe de rester en arrière et emprunta la route partant sur la gauche avec ses compagnons.
Driss entendit un bref appel dont il ne comprit pas la signification et passa la tête afin de voir ce qu’ils trafiquaient dans la rue.
Il vit que celle-ci se terminait en cul-de-sac à quelques mètres. Un grand bâtiment, qui devait être auparavant une caserne de pompier, l’obstruait. Le volet métallique de la large ouverture percée dans la façade était en partie relevé et deux hommes se tenaient en faction devant. Les cinq hommes échangèrent de brèves paroles à distance pendant quelques secondes.
Le policier épaula son fusil par précaution, se tenant prêt à toutes éventualités, et fit signe à Lydia de faire de même.
La suite des évènements se déroula en accéléré : les deux sentinelles épaulèrent leurs armes et ouvrirent le feu sur Bill et les deux autres gardiens. Bill parvint à se jeter à terre et à rouler à l’abri derrière des marches d’escalier mais ses potes n’eurent pas cette chance et furent fauchés par les tirs.
Driss jura et tira sur la sentinelle de gauche. L’homme s’effondra et le policier aligna immédiatement le suivant avant que celui-ci ne réalise qu’il était désormais seul. Les deux cibles éliminées, il courut en direction de Bill.
-Continuez ! leur lança-t-il. Ramassez un des sacs et prenez le deuxième véhicule sur la droite, c’est celui prévu pour la fuite. Je vous rejoins.
Driss ne se fit pas prier et s’empara du sac désigné en dégageant rapidement les bretelles de celui-ci du gardien qui le portait précédemment. Des lumières s’allumaient un peu partout dans les maisons aux alentours et des éclats de voix résonnèrent dans la nuit. Il ne se demanda même pas si cet homme était vivant ou mort, le crâne perforé était une réponse suffisante. Lydia courait déjà vers la caserne et il la rejoignit devant le véhicule en question.
C’était un véhicule blindé lourd comme ceux qui les avaient attaqués. Les sinistres décorations étaient toujours en place.
Il était garé dans l’alignement de plusieurs blindés garés sur trois rangées à l’entrée. La jeune femme le regarda et il lui montra la mitrailleuse située dans la tourelle du véhicule avant de monter à la place du chauffeur.
Les clés étaient bien sur le contact, comme leur compagnon d’évasion le leur avait indiqué. Il démarra et sursauta lorsque Bill sortit de nulle part et s’installa à la place de passager à ses côtés.
-Ils sont tous les deux morts, je vais te guider jusqu’à la sortie, lâcha celui-ci.
Le policier écrasa l’accélérateur et le blindé s’ébranla au moment où des hommes en armes surgissaient à l’entrée du bâtiment. Un bruit d’enfer le fit sursauter et les premiers arrivants furent balayés par une rafale de mitrailleuse lourde. Lydia n’avait pas attendu pour mettre le paquet.
Driss sortit du hangar en allumant les feux de l’engin à pleine puissance tout en faisant rugir le moteur.
La lourde masse de métal s’élança à plein régime dans la ville, plusieurs gardes qui n’eurent pas le temps de s’écarter furent broyés sous les roues de l’engin.
-Gauche ! cria Bill tandis qu’une nouvelle rafale de mitrailleuse fauchait un groupe en arme situé au milieu de la route.
Driss braqua autant qu’il le put le volant tout en maintenant l’accélération et ressentit d’intenses vibrations au niveau du tableau de bord et du plancher du véhicule. Il se dit que c’était normal et reporta son attention sur la route.
-Droite !
Le policier s’exécuta et l’engin dérapa en abordant le virage. Il se retrouva ainsi à rouler à cheval sur le trottoir de la file d’en face et remit, d’un coup de volant, le blindé sur la route. Ils filaient à travers la ville qui débordait maintenant d’agitation, les vibrations du moteur s’accentuèrent et il sentit l’inquiétude le gagner.
-Qu’est-ce que c’est que ce foutu véhicule que tu nous a trouvé ? pesta-t-il à l’attention de Bill. Il va nous péter à la gueule si on continue à ce rythme !
-T’occupes et roules ! répondit agressivement celui-ci. Si on ne franchit pas bientôt l’enceinte, le moteur sera bien le dernier de nos soucis !
Des tirs impactèrent le pare-brise et lui firent ravaler les paroles qui lui venaient à l’esprit. Lydia ouvrit le feu sur le groupe armé en réponse, les quelques survivants prirent la fuite.
-Gauche et on y est ! hurla Bill.
Driss fit déraper le véhicule et franchit le virage. Le gardien n’avait pas mentit : la porte d’enceinte se trouvait un peu plus loin. Deux blindés étaient en train de se garer en travers de la route pour bloquer le passage et deux mitrailleuses situées dans les tours de guet ouvrirent le feu.
Le policier appuya sur la pédale de l’accélérateur à en transpercer le plancher et Lydia répondit aux tirs. Le blindé fit un bond en avant et fonça droit sur les deux autres véhicules qui tentaient de s’interposer.
-Fonce ! s’égosilla Bill. C’est notre seule chance !
A quelques mètres des blindés, Driss sentit Lydia quitter précipitamment la tourelle pour se retrouver à l’abri dans le blindé. L’instant précédent la collision, une forte détonation retentit et une vague de chaleur parcourut le plancher.
Le choc fut d’une grande violence. Un atroce bruit de métal tordu résonna dans tout l’habitacle et le véhicule trembla. Le pare-brise explosa, aspergeant Driss d’un certain nombre de morceaux de verre aussi coupants que des lames de rasoir.
Le policier se protégea tant bien que mal en plaquant ses mains sur son visage. Le lourd véhicule emporté dans sa course folle ne fut nullement stoppé net et Driss devina qu’il continuait de rouler. Il y eut un nouveau choc assez léger accompagné d’un bruit de métal fracassé et trainé au sol.
Il comprit qu’ils venaient de franchir la porte d’enceinte et découvrit son visage, le véhicule roulait dans une section de ville abandonnée. Il perdait de la vitesse de plus en plus vite et l’accélérateur ne fonctionnait plus.
-C’est normal cette chaleur qui irradie du plancher avec cette fumée ? s’inquiéta Lydia.
-Sortez ! cria Driss en serrant le frein à main pour stopper net le véhicule.
Dès que le véhicule fut arrêté, il ouvrit sa portière et sauta à terre pour constater les dégâts. D’énormes flammes sortaient de sous le blindé et en dévoraient l’arrière. Le moteur avait visiblement rendu l’âme. Bill le rejoignit et Lydia sauta à partir du toit.
-Ah ben …
Bill ne finit pas sa phrase. Driss venait de lui tirer une balle de son fusil d’assaut en plein ventre. Le gardien le regarda comme s’il le voyait pour la première fois et souffla des bulles de sang en s’affaissant. Le policier regarda autour de lui. Il aperçut de nombreux cadavres ambulants qui se dirigeaient dans leur direction, d’autres allaient vers la ville. De nombreux coups de feu en provenaient.
Il décida de ne pas perdre de temps et entraîna Lydia derrière lui, les zombies se rapprochaient trop dangereusement et le véhicule pouvait exploser à tout instant.
Le crépitement des armes les accompagna tout au long de la course qui s’ensuivit, leur évasion avait dut causer un sacré bordel. Les deux compagnons quittèrent la route à la sortie de la section abandonnée pour aller se perdre dans les champs et ils ne firent une pause qu’au petit matin.