The Legend of Zelda : Le dernier Cataclysme

Chapitre 14 : Une aide inattendue

5360 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/05/2024 16:11

Après être sorti des catacombes, les deux élus s’étaient écroulés avant de s’endormir. Leur nuit avait été riche en émotion, ils firent donc le choix d’installer leur tente pour se reposer l’entièreté de la matinée. Après un repas frugal, le jeune homme s’allongea de tout son long, et se sentit perdre connaissance. Le sommeil était à la fois réconfortant et réparateur, malgré l’inconfort de son matelas de fortune. Matelas qui était d’ailleurs inexistant puisqu’il consistait en une petite couverture posée à même le sol.

 Link reprit connaissance plusieurs heures plus tard. Il enfila ses bottes en vitesse, attacha sa sacoche et son fourreau, puis sortit de la tente. Il remarqua que le soleil était déjà à son zénith. Il n’avait plus de temps à perdre : ses bras étaient toujours engourdis, mais ce n’était rien qui pourrait l’empêcher d’aller inspecter les environs pour préparer la suite du voyage. Zelda était toujours endormie, il la laissa donc en paix et partit explorer seul.

Comme ils s’étaient éloignés des sentiers battus en passant par le passage secret, la nature foisonnait. L’herbe grasse s’épanouissait autour d’un petit point d’eau, et des arbres servaient de maisons pour des écureuils qui s’agitaient, probablement effrayés par la lourdeur du pas de Link. Une douce odeur de pin porté par le vent vint aux narines du jeune homme. Il sentit l’air frais caresser son visage, ce qui acheva de le réveiller. Il avait à présent qu’une envie : celle de partir à l’aventure dans la petite forêt, un peu comme quand il était petit et qu’il jouait à Toal. Il s’avança vers des arbres et des parterres de fleurs proche de lui, marchant en toute tranquillité, sifflotant avec les oiseaux, profitant du décor de rêve dans lequel il avait la chance de se promener.

« J’ai l’impression qu’au milieu de la nature, mes problèmes deviennent lointains, les menaces moins concrètes. »

Malgré ses pensées positives, la situation était encore grave. Il lui fallait se recentrer, il devait à tout prix localiser la faille, afin de pouvoir prendre la route dans les prochaines heures. Heureusement que la Montagne de la Mort n’était pas compliquée à repérer : Link leva la tête, vit le cratère trônant à des kilomètres de sa position et marcha dans cette direction. En route vers le mont, le dénivelé se faisait de plus en plus abrupt, et la forêt plus dense aussi. Le terrain devenait tellement impraticable qu’il devait s’accrocher entre les rochers et les arbres par moment. Le jeune homme grimpa avec dynamisme, puis atteignit un plateau. Il s’était bien enfoncé dans le bois.

« Heureusement que j’ai un bon sens de l’orientation, je me suis déjà éloigné du camp. »

Link s’inquiétait. Il espérait que tout allait bien du côté de Zelda, même s’il était improbable qu’elle soit attaquée par des montres alors qu’il n’en avait croisé aucun jusqu’à présent. Plus il progressait, plus des doutes l’assaillaient, au point qu’il s’arrêta hésitant à opérer un demi-tour. Les arbres étaient tellement resserrés entre eux que la lumière de plus en plus filtrée peinait à trouver une place dans le bois. C’est cette pénombre inquiétante qui permit à Link d’apercevoir du coin de l’œil une lueur anormalement forte. Il se tourna, immédiatement sur ses gardes. Il s’attendait à se trouver face à une créature agressive et son cerveau réfléchissait déjà à comment il allait se battre sans être gêné par ce qui l’environnait. Mais à la place d’une montée d’adrénaline, il ressentit de l’étonnement.

Un animal le fixait. Ce n’était aucune bête que Link connaissait, elle était tout droit sortie d’un conte de fées. Son corps et sa taille étaient celles d’un lapin, mais sa peau brillait d’une lumière étrangement bleutée. Quant à sa tête, elle ressemblait à celle d’une chouette, mais avec des petits yeux orangés et des cornes dorées en forme de fleur de lys sur le haut de son crâne. Le jeune homme ne savait comment réagir, cependant au vu de la taille de l’animal, il ne risquait rien. La curiosité l’emporta, et il fit tout doucement un pas vers la créature, qui prit immédiatement la fuite. Sans qu’il ne sache pourquoi, Link se lança à sa poursuite. Il s’élança et courut pour ne pas se faire semer par la petite bête très agile, qui était en plus avantagée par le terrain très irrégulier et semé d’embûche.

« Mais qu’est-ce que je suis en train de faire ? Je n’ai aucune raison particulière de poursuivre cette chose. Est-elle réelle ? Vais-je me réveiller dans quelques minutes et découvrir que je suis toujours sous la tente ? »

Link slalomait entre les arbres, sautait au-dessus des roches, enjambait les ronces et les fougères sans faiblir. Le petit animal semblait irrattrapable, mais d’un autre côté, il l’avait toujours dans son champ de vision, et parvenait à en rester à une distance raisonnable. Link ne comprenait pas pourquoi il s’était mis à partir en chasse d’une petite bête mignonne, mais il décida de laisser toutes ses inquiétudes derrière lui, pour se concentrer uniquement sur sa course et sa respiration. Il éprouvait de plus en plus de difficultés à garder la cadence. Il se prit des feuillages en pleine figure, ne fut pas loin de trébucher sur une pierre. Il mit tant bien que mal les bras devant son visage pour se protéger, mais la fatigue s’accumulait. Soudainement, la créature s’arrêta et se tourna vers Link dressée sur ces deux pattes arrière. Le jeune homme ne comprit pas la manœuvre, et ne sut plus quoi faire devant l’animal.

« Il n’est plus qu’à quelques mètres de moi, immobile, alors que je suis toujours à pleine vitesse. Est-ce que je l’attrape ? À moins que je l’évite pour minimiser les risques de le blesser ? »

Ce court instant de réflexion déséquilibra Link, dont le pied percuta une grande branche légèrement dissimulée. Cette dernière fit l’équivalent d’un croche-pied au jeune homme qui fut projeté devant lui, ses pieds ne touchant plus le sol. Link savait comment tourner cette situation désavantageuse pour en faire un moyen pratique de mettre fin à cette course-poursuite insensée. Il mit ses bras devant lui, dans le but d’agripper la petite créature dans sa chute. Il n’était plus qu’à quelques centimètres de cette dernière, qui se montrait étrangement calme. Puis au moment où Link crut qu’il allait enfin l’attraper, elle disparut dans un nuage de fumée bleu.

Il s’étala par terre de tout son long. Ses bras et son menton percutèrent le sol en premier. Il glissa avant de se rendre compte que derrière l’endroit où se tenait l’animal, il y avait une clairière située plusieurs mètres plus bas. Ne pouvant arrêter sa glissade, Link tomba, fit une chute de plusieurs mètres, culbuta, et se stabilisa. Sa tête tournait, et bouger le moindre de ses muscles lui faisait ressentir une douleur lancinante. Il se releva tant bien que mal, se recoiffa pour faire tomber les feuilles et les brindilles dans ses cheveux, et épousseta sa tunique verte.

Sa vision s’éclaircissant, Link se rendit enfin compte dans quelle drôle d’endroit il était tombé : une magnifique clairière dans laquelle bourgeonnaient des dizaines d’espèces de fleurs différentes au moins. Malgré ses faibles bases en botanique, il reconnut des fleurs silencio, des roses et des fuchsias, mais plus étonnant encore une grande quantité de Princesse de la Sérénité. Cette fleur bleu et blanche très délicate était réputé très rare, car en voie de disparition. Outre une grande variété de fleurs, il fut surtout impressionné par un détail, tout au fond de la clairière : un grand cocon floral, haut d’au moins une demi-douzaine de mètres de hauteur. Entre l’animal fantôme et le bourgeon géant, Link en était désormais sûr : ce bois était tout sauf normal. D’une manière ou d’une autre, quelque chose de magique était à l’œuvre.

« Ma curiosité m’a mené jusqu’ici. Ce serait bête de décamper une fois arriver devant un tel point d’intérêt. En plus, je suis parti depuis à peine une demi-heure, je suis sûr que Zelda ne s’est même pas réveillée. »

Il s’avança lentement vers le cocon. Aucun bruit ou mouvement n’en émanaient. Une fois devant, Link approcha sa tête afin d’essayer de voir si quelque chose se trouvait à l’intérieur. Il se stoppa net, tendit l’oreille et fut surpris d’entendre une voix étouffée gémir.

« - Y a-t-il quelqu’un ? » demanda Link avec force pour être sûr de se faire entendre.

Une voix féminine à la fois faible et plaintive lui répondit :

« - Oh, un voyageur en ce lieu laissé à l’abandon ! Si la forêt t’a guidé jusqu’à moi, ce n’est certainement pas un hasard. 

- Qui êtes-vous ? Etes-vous coincé ici ? »

Le jeune homme se méfiait, mais une partie de lui s’inquiétait qu’une hylienne est pu se retrouver emprisonnée dans une fleur géante.

- Si je suis coincé ? Non, ce n’est que ma fontaine. Mon véritable chez moi n’est pas physique, je vis en des terres défendues aux humains.

- Etes-vous ici depuis longtemps ? Vos propos sont incohérents. »

La voix lui répondit en riant à la manière d’une mère qui s’amuse d’une sottise dite par son enfant.

« - Voyageur, ton incompréhension face à ce qui t’entoure ne m’étonne guère. Il y a des mythes auxquels plus personne ne crois aujourd’hui. Des faits que tout le monde avait pour acquis il y a des siècles et qui sont de nos jours tombés dans l’oubli. Tel est le fardeau des êtres magiques tel que moi.

Le jeune homme se recula lentement.

« - Non ne fuit pas ! Je t’ai assez importuné comme ça, je vais me présenter, ne part pas je t’en prie. »

Son ton implorant attisa la pitié de Link qui accepta de rester pour écouter le récit de son interlocutrice.

« - Je suis la grande fée Cotura. Je me manifeste ici depuis des millénaires, j’ai connu la terre à une époque où cette contrée ne s’appelait même pas Hyrule. La déesse m’a confié une mission, celle de protéger la forêt et d’aider les hyliens. Avant, des gens comme toi venait me faire des offrandes et je leur rendais service en échange. Mais les temps ont changé. Hyrule connaît à nouveau un Cataclysme. Ce n’est pas la première fois, le mal finit toujours par se réveiller, plus puissant que jamais.

Link n’était qu’à moitié étonné. Il avait toujours cru que les grandes fées n’existaient que dans les histoires de grand-mère, mais il pensait aussi la même chose des darknuts la veille. De plus, ça expliquait en partie les phénomènes étranges auxquels il avait assisté. Sans être superstitieux, Link était intimement persuadé qu’Hyrule était une terre de magies et de mystères. Un détail piquait néanmoins sa curiosité, la fée avait l’air d’en connaître plus que lui sur la situation actuelle du royaume.

« - Vous me parlez de Cataclysme. Vous faites référence au réveil des Triforces ?

- Exactement. Vous êtes bien renseigné pour un hylien, cela faisait longtemps que je n’avais pas tenu de discussion avec un homme aussi savant que vous.

- Connaissez-vous l’identité du détenteur de la Triforce de la Force ?

La fée eut un moment d’hésitation. Elle répondit finalement à Link sur un ton grave.

« - Si je le connais ? Peu importe le nom qu’on lui a donné au fil des millénaires, il reste Ganon le grand Fléau d’Hyrule. Je ne pourrais pas le localiser, il est trop puissant pour moi. Cette question n’est pas anodine et tu as l’air de le rechercher, rends moi service et j’aurai la possibilité de t’aider autrement. »

Cette proposition était inespérée. Le jeune homme ne connaissait pas la puissance de cette prétendue fée, mais si ce qu’elle disait était vrai, alors peut-être aurait-il une chance d’arriver chez les Gorons à temps. Link s’approcha à nouveau de la fontaine.

« - Dites-moi ce qu’il faut que je fasse. Si votre service est à ma portée alors je vous viendrai peut-être en aide. 

- Je vois que tu ne me fais pas encore confiance. Ce n’est pas grave, je suis convaincu que tu feras le bon choix. Comme je te l’ai expliqué, on me faisait jadis des offrandes. Grâce à celles-ci, ma magie était une source intarissable de merveilles. Seulement, sans voyageur, je n’ai plus d’offrande. Et sans ça, je deviens faible. Maintenant que je suis au plus bas de ma puissance, un rituel doit être fait pour que la fleur où je suis éclose.

- Un rituel… De quoi ai-je besoin pour le mettre en place ?

- Tout simplement des rubis. J’arrive à sentir ces petites pierres précieuses, tu en as une bourse bien remplie. Donne-la-moi, et tu acquerras un objet qui t’aidera dans tes objectifs quel qu’il soit.

Link trouvait sa situation bien étrange. Il avait l’impression de faire affaire à un arnaqueur. Il commençait à se dire que s’il donnait ses rubis, un humain allait sortir de derrière la fleur et s’enfuir avec son argent.

« Si c’est bien un humain qui essaye de me rouler, alors il ne sait pas à qui il essaye de s’attaquer. J’ai une meilleure forme physique que la plupart des gens de mon âge, je le rattraperai sans mal. »

« - Ai-je la garantie que vous n’essayez pas de me tromper, prétendue fée ? »

La voix s’offusqua de la remarque de Link.

« - Moi qui pensais que vous étiez un homme savant, vous n’êtes rien de plus qu’un impoli. Tendez cette bourse de rubis et mes services sont votre, impétueux jeune homme. »

Link capitula et fit ce qu’on lui demanda. De toute façon, la princesse aussi possédait des rubis, ils ne seraient pas sans argent pour le reste du voyage. Il tendit donc le bras. Le bourgeon s’entrouvrit, laissant s’échapper un gaz d’une singulière couleur violette. Puis, une main gigantesque en sortie, et arracha la bourse de la main de Link qui n’eut même pas le temps de réagir. Tout de suite après, il entendit un son perturbant : la voix anciennement plaintive gagnait en force. Le germe brilla et commença à éclore, puis le gaz violet en fut violemment éjecté, aveuglant momentanément Link qui fut pris d’une quinte de toux.

Quand il rouvrit les yeux, il crut nager en plein rêve. Les pétales d’une gigantesque fleur rouge s’étaient épanouis là où ne se trouvait qu’un bourgeon quelques secondes auparavant. Au milieu de la fleur, entre les grands pétales, se trouvait un petit bassin rempli d’une eau calme et limpide. Mais les flots se mirent soudainement à bouillir, à s’agiter, et une forme gigantesque se jeta hors de la fontaine. Il vit une femme adulte, qui faisait environ trois fois la taille de Link que ce soit en longueur ou en largeur. Cette femme était d’une beauté surnaturel. Elle avait des traits nobles et élégants, sans compter sa peau d’une teinte éclatante mettant en valeur la forme de son visage. Ses cheveux d’un blond très clair formaient une masse capillaire très imposante, et elle était parée de bijoux assorti à une fine robe elle aussi d’une couleur d’albâtre. Link en avait perdu la parole, il ne s’attendait pas à voir une vraie fée et n’arrivait plus à articuler quoi que ce soit. Ce qui l’impressionnait, c’était surtout la grande taille de cette femme. L’eau lui arrivait jusqu’à la taille, pourtant elle était déjà plus imposante que les grands chênes qui cernaient la clairière.

« - Tu as perdu la parole, beau jeune homme ? »

La fée lui fit les yeux doux, ce qui mit Link extrêmement mal à l’aise. Devant l’embarras de ce dernier, elle ne put s’empêcher de rire.

« - Faisons des présentations plus sérieuse. Je suis Cotura, la grande fée d’Ordinn. Tu as de la chance d’être tombé sur moi et je te suis infiniment reconnaissante de m’avoir aidé.

Link hésita avant de prendre la parole, mais se décida à exposer sa situation de la manière la plus claire et concise qu’il soit.

« - Je m’appelle Link. Je vagabonde à travers Hyrule dans le but d’accomplir un pèlerinage dans les trois grandes sources, et ainsi sauvé le royaume du retour du Roi Démon. »

Cotura n’avait même pas l’air étonné, comme si elle entendait ce genre de récit tous les jours.

- Tu es l’un des élus ? Mais que fait tu ici alors ? Pourquoi ne t’es-tu pas rendu chez les Gorons où se trouve la source du courage ?

- C’est que je nous essayons de faire, la princesse et moi. Mais une gigantesque faille nous empêche de prendre la route. Nous sommes donc obligés de faire un détour à travers le relief de Cocorico, pour ensuite escalader la Montagne de la Mort.

- Mes pauvres. Il est bien naïf de croire que vous aurez la capacité de survivre à une telle ascension. »

Link ne sut quoi répondre. La grande fée avait raison, il n’avait aucune idée de comment escalader la montagne efficacement.

« - Mais c’est pour ça que le destin t’a amené jusqu’à moi. Je peux t’aider dans cet objectif. Et comme je te dois une fière chandelle, je vais évidemment le faire gratuitement. »

Avant que Link ne puisse lui demander comment comptait-elle lui venir en aide, Cotura leva un de ses bras duquel s’échappa une vive lumière. Puis elle attrapa Link qui se retrouva emprisonné dans sa grande main. Le jeune homme voulut protester, mais s’interrompit quand il sentit une puissante énergie envahir son corps. Un flash de lumière l’aveugla et il reprit connaissance quelques secondes plus tard, allongé face à la fontaine. Il se remit sur ses coudes avant de se relever. Il remarqua un petit grappin accroché à sa ceinture. L’objet se constituait en une corde très solide fixée à une forme métallique au bout qui allait être parfaite pour accrocher à la roche.

Link regarda la fée avec beaucoup de reconnaissance.

« - Merci à vous, grande fée. Je n’en attendais pas tant de votre part, et je tiens à m’excuser d’avoir douté de vos qualifications.

- Je n’aurais pas pu me résoudre à te laisser mourir dans ton voyage. C’aurait été un sacré gâchis. »

Cotura le reluquait sans la moindre gêne, ce qui l’embarrassa une fois de plus.

« - Je ne suis pas la seule grande fée d’Hyrule. Si tu te montres chanceux et que tu y mets les moyens, peut-être que mes sœurs accepteront de t’aider elles aussi. Adieu beau guerrier ! »

Cotura s’enfonça dans la fontaine et disparut sous les flots, qui retrouvèrent leur tranquillité. Link était à nouveau seul au milieu des bois. Il était plus que temps pour lui de rentrer au campement. Il repartit de la fontaine en trottinant, pressé d’annoncer la bonne nouvelle à sa partenaire de voyage.

 

Zelda s’était éveillée entre temps. Se doutant que Link serait de retour tôt ou tard, elle s’était occupée de plier les tentes et ranger le campement. Au retour du jeune homme, tout était prêt pour reprendre la route. La princesse avait deviné que Link était parti en repérage, elle s’était tout de même montrée surprise de le voir disparu après avoir repris connaissance à son tour.

« - Toi qui est plutôt du genre à me surveiller en permanence. C’est bien, tu deviens de plus en plus indépendant, je suis fière de toi Link ! »

Le jeune homme supporta tant bien que mal les railleries de la princesse, après quoi il prit la parole à son tour pour lui relater toute l’histoire de la fontaine. Zelda s’étonna de la découverte de Link. Elle haussa notamment les sourcils quand il lui parla de la course-poursuite.

« - Un petit animal brillant, faisant la taille d’un lapin ? Ce que tu m’as décrit ressemble fortement à un rumy, un esprit de la forêt. Tous les humains ne sont pas capables de les voir, et même comme ça, ces créatures se manifestent très rarement. Tu l’as poursuivi… Le pauvre a dû avoir la peur de sa vie. Que comptais tu faire si tu l’attrapais ? Le cuisiner peut-être ?

- Non, évidemment. Cuisiner un animal sans savoir s’il est digeste ou non, je ne suis pas fou non plus. S’il ne brillait pas comme un fantôme, là, je me serais senti en capacité de le chasser pour le manger.

- Tu as vraiment un côté goinfre par moment.

- Mais pour en revenir à mon récit, la grande fée m’a donné de quoi faciliter notre escalade. Ils ne nous restent plus qu’à trouver un accès où la faille ne nous bloquera pas et l’ascension devrait bien se passer. »

Link mena la marche, plus familier que Zelda à la forêt. C’était au tour de la princesse de s’émerveiller de la beauté de cette Hyrule sauvage. La journée suivait son cours, et l’air se réchauffait au fur et à mesure que l’après-midi avançait. Heureusement, les arbres les préservaient en partie de la chaleur. Cette fraîcheur permettait aux animaux de s’épanouir un peu partout autour d’eux. La jeune femme vit même une biche se rafraîchir dans un étang. La biche redressa la tête à leur passage, prête à fuir à tout moment. Puis, voyant que les humains devant elle ne la poursuivait pas, elle baissa la tête et se remit à boire avec beaucoup de flegme.

 Après plusieurs heures de marche calme et contemplative, les deux élus arrivèrent enfin au pied de la Montagne de la Mort. Les montagnes du relief de Cocorico n’avaient pas du tout la même apparence que ce mont qui se trouvait pourtant juste à côté. Cela s’expliquait par un fait géologique tout simple : la Montagne de la Mort était en réalité ce qu’appelaient les géologues hyliens un volcan. Ce genre de mont est plus dangereux que les autres, car du magma peut s’en échapper. À cause de cette particularité, la couleur des roches qui le constituait virait petit à petit du gris clair et moussu de Cocorico à un rouge terne. Zelda pointa du doigt devant elle.

« - Nous y sommes enfin arrivé, la faille s’arrête juste ici. »

Ils étaient pile à l’endroit où s’arrêtait le gouffre. Le contourner ne devrais pas poser de problèmes. En passant à côté, Link se sentit écrasé par la profondeur du trou. Il était légèrement moins profond qu’au village, mais une chute de cette hauteur restait mortelle. Le plus étrange, c’était de voir la gigantesque fissure s’étendre encore des kilomètres plus loin, l’étroit canyon qui s’était formé en contrebas se perdait dans l’horizon. La terre avait été mutilée, cet abysse n’aurait jamais dû voir le jour. Elle était une nouvelle preuve qu’Hyrule et tous ces habitants étaient en péril, ce que Link ne pouvait supporter.

« - Le terrain reste assez régulier par ici, commençons-y notre ascension. »

Il n’y avait aucune route à laquelle se fier, cependant la montagne ne grimpait qu’en pente douce pour l’instant. Un endroit plus plat que les autres se démarqua et servit de chemin aux deux jeunes élus. La flore foisonnante avait été remplacée en quelques minutes par quelques troncs d’arbres morts par-ci par-là. Ces terres désolées contrastaient fortement avec le paradis naturel dans lequel ils avaient évolué durant tout le début de l’après-midi.

La pente se faisait plus raide. Le jeune homme perdait progressivement son souffle à chaque pas, et rien ne pouvait les protéger du soleil. Zelda était déjà rougi par l’effort en à peine une heure de marche, et ils n’étaient toujours pas parvenu au véritable premier palier de hauteur de la montagne. Le chemin de fortune qu’empruntèrent les deux jeunes gens les menèrent finalement dans une cuvette, dont les pourtours étaient situés une vingtaine de mètres en haut. En face d’eux, un cul-de-sac. Link soupira et laissa glisser son sac par terre.

« - Notre chemin s’arrête ici. Il est plus que temps d’essayer le matériel. 

- Je me demandais, comment comptes-tu nous faire escalader avec un seul grappin ? 

- La corde est suffisamment longue pour nous deux. Tout l’enjeu sera de savoir si le grappin va tenir le coup de nos poids réunis. »

Zelda n’eut pas l’air satisfaite de la réponse de Link qu’elle jugeait trop incertaine. Elle s’adossa à un rocher derrière elle, et réfléchit.

« - Pour minimiser les risques, on pourrait passer chacun notre tour en prenant notre sac avec nous.

- Ton idée me paraît faisable à une condition : je passe en premier pour vérifier si la corde est bien fixée.

- Tu ne me crois pas capable d’escalader ça toute seule ? En plus, je te rappelle que c’est toi l’épéiste surdoué dans notre duo. Si tu te blesses, nous devenons vulnérables aux attaques de monstres. »

Link fit mine de ne pas l’écouter et sortit son grappin pour préparer son lancer. Peu habitué à cet objet, il en testa d’abord le poids en le faisant tournoyer, puis la rigidité en tendant la corde autant que possible. Il eut une mine satisfaite. Il jeta alors le grappin de toutes ses forces, qui vint s’accrocher aux rebords de la cuvette après un premier essai infructueux. Link tira un bon coup sur la corde pour voir si tout était bon, le crochet ne bougea pas d’un pouce.

« - Ce n’est même pas négociable, j’escalade en premier. Si j’arrive en haut sans aucun problème, je te ferais signe pour que tu le fasses à ton tour. »

Zelda accepta à contrecœur, agacée par le comportement protecteur de son chevalier servant. Link remit son sac de voyage sur son dos avant de se diriger vers le cordage qu’il empoigna avec force. Il plaça ses jambes perpendiculairement à la paroi, puis commença à grimper.

Il fit les cinq premiers mètres sans éprouver la moindre difficulté. Son allure était bonne, il trouvait facilement des renfoncements où positionner ses pieds, rien ne pouvait le gêner dans son ascension. Ou tout du moins c’est ce que Link pensa dans un premier temps. Car il n’était encore qu’au début de son parcours, il lui restait une grande distance à traverser. Arrivé une dizaine de mètres au-dessus du sol, il se sentit en difficultés. Cette impression continua d’empirer par la suite : deux mètres plus hauts encore, chaque centimètre gagné n’était que souffrance. La corde brûlait la paume de ses mains, la chaleur l’accablait, des gouttes de sueurs coulaient très lentement, en partant de son front pour passer tout le long de son corps. Le pire était la douleur qu’il ressentait au bras. Il lui semblait que cette dernière ne cessait d’enfler, comme si elle n’avait aucune limite. Pourtant il continua, puisque même dans ces conditions terribles, sa détermination n’avait pas cessé de grandir.

« Je n’ai pas le droit de tomber. Je suis à maintenant à une quinzaine de mètres au-dessus du sol, je pourrais même mourir à cause d’un mauvais atterrissage. Je n’ai pas le droit d’échouer. Pas maintenant. Pas non plus dans un futur qu’il soit proche ou lointain. Ce n’est pas une option, seul sauver Hyrule et venger Toal compte. »

Link savait ses pensées quelque peu idiotes, cependant il en avait besoin pour éloigner la douleur au maximum.

« Bien sûr que l’échec n’est pas souhaitable. Mais plein de facteurs peuvent faire basculer une situation avantageuse en un désastre. »

Il hocha la tête pour chasser cette petite voix dans sa tête afin de se concentrer pleinement sur ses efforts. Il était pratiquement arrivé, quand il fit un faux mouvement. En montant sa jambe pour trouver un dernier appui, son pied dérapa contre la paroi ce qui lui fit perdre équilibre. Il glissa le long des roches qu’il escaladait, mais dans un réflexe de survie parvint à agripper le rebord. Link tanguait dangereusement au-dessus du vide. En regardant sous ses pieds, il aperçut brièvement Zelda qui retenait son souffle. Il ne lui restait qu’une seule option, se hisser au-dessus du rebord afin de regagner la terre ferme. Link se força à bouger ses bras. Même s’il n’arrivait plus à les sentir à cause de la douleur, il continua.

Sans qu’il n’en ait un souvenir net de comment il s’était retrouvé là, le jeune homme était maintenant allongé par terre, haletant. Il avait réussi. Toutes les conditions étaient défavorables, que ce soit la température, la hauteur du relief qu’il avait escaladé, ou son lourd sac de voyage qui l’encombrait. Il y était tout de même parvenu de justesse.

« Ça va être plus compliqué que prévu. » se dit Link en se relevant lentement.

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