The Legend of Zelda : Le dernier Cataclysme

Chapitre 13 : Un bien morne cimetière

6975 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/04/2024 16:52

Link était fou de rage. Le gouffre devant lui allait être infranchissable. Le jeune homme faisait avec des villageois l’état des lieux, et sans surprise Cocorico s’était fait dévasté par le tremblement de terre. La plupart des maisons avaient tenu, mais trois d’entre elles s’étaient engouffrées dans la gigantesque fosse, et plusieurs autres menaçaient de s’écrouler. Quant au soldat qui gardait la grille, son corps n’avait pas été retrouvé, mais ce n’était pas utile pour le déclarer mort. L’abîme en question était gigantesque. On pouvait en distinguer le fond, mais la chute était mortelle et Link estimait que la profondeur était d’environ cent-vingt mètres. C’était aussi très large, et pour couronner le tout, l’autre côté était surélevé. Impossible d’accéder à la route en sautant, et construire une passerelle mettrait plusieurs jours vu comment le sol était instable. Le village Goron allait être inaccessible en passant par Cocorico, et Link n’avait aucune idée de jusqu’où la faille s’étendait.

« Encore un village dévasté, et l’auteur de ces odieux crimes continue de se cacher. »

Mais Link commençait à avoir des doutes. La destruction de Cocorico n’était pas anodine et devait être liée de près ou de loin au Roi Démon. Mais dans ce cas, qu’était la créature qu’il avait entendu rugir ? Son grand ennemi était probablement un homme, et le son en question était tout sauf humain. Quelque chose se trouvait dans cette montagne. Ou alors essayait de s’en échapper.

Link hocha la tête. Non, pas le moment de penser à ce genre de chose, il avait plein d’autres préoccupations bien plus concrètes qu’un pseudo-monstre dans le volcan. Il se mit en marche d’un pas décidé vers Alban, probablement le seul homme susceptible d’avoir des réponses à ses questions.

Le maire du village était justement avec Zelda et tentait comme il pouvait de rassurer la population. Il se tenait proche des restes de l’estrade qui s’était partiellement écroulé car peu solide.

« - Il n’y a pas d’inquiétude à avoir ! Nous sommes encore en vie et le danger est passé ! »

Les villageois ne l’écoutaient pas. Quelques familles pleuraient leurs biens disparus, et d’autres étaient en état de choc.

« - La princesse et son chevalier sont encore avec nous ! Vous ne risquez rien ! »

Alban s’agitait, mais il offrait un spectacle bien pitoyable. Les habitants partirent les uns après les autres pour aider leurs pairs à faire l’inventaire de ce qui avait été détruit, ou pour coucher les enfants puisque la journée touchait à sa fin.

« - Tu ne réussiras pas à les rassurer. Nous n’avons plus d’accès à la Montagne de la Mort, alors si tu veux te montrer utile j’aurai des questions à te poser. »

Link s’était surpris à prendre un ton agressif. Zelda le remarqua et prit la défense du maire.

« - Link, Alban n’est pas responsable de cette catastrophe.

- Si nous étions partis plus tôt no…

- Nous serions peut-être morts ! Parce que personne ne sait à l’heure actuelle ce qui se passe dans cette montagne. »

Encore une fois, Link savait qu’il y avait une part de vérité dans ce que disait Zelda, mais il restait malgré tout persuadé qu’ils avaient perdu trop de temps en ces lieux. La princesse montrait des signes certains d’irritation et le jeune homme ne tenait pas à aggraver la situation. Il prit une grande inspiration, et s’adressa au maire avec beaucoup de calme.

« - J’ai maintenant besoin d’une carte. Et de vous Alban, allons discuter ailleurs. »

 

 

Ils étaient de retour dans la maison du maire, cette fois-ci installés dans la salle de réception. Sur une grande table mal rangée, Alban avait installé en précipitation une carte de la région d’Ordinn et ses environs. Le maire leur avait expliqué sur le chemin qu’il existait peut-être une solution à une partie de leurs problèmes, suite à quoi ils les avaient emmenés chez lui sans plus de précision.

« - Votre problème est donc le suivant. Vous voulez accéder à la Montagne de la Mort afin de visiter les Gorons et la source du courage. Mais l’accès est à présent bloqué.

- Vous ne faites qu’énoncer des faits.

- Et plus important encore, il vous est impossible de déterminer jusqu’où la faille s’étend. »

Link s’impatientait de plus en plus. Quant à Zelda, elle compléta le résumé d’Alban :

« - Le plus embêtant, c’est que nous allons être obligés de contourner toute la chaîne de montagne autour de Cocorico pour pouvoir ensuite longer la Montagne de la Mort, et peut être espéré tomber sur un endroit dans lequel l’abîme n’est pas présent. »

- Et ce détour risque de nous prendre plusieurs jours de plus alors que des choses anormales ont l’air de se passer dans cette région. » acheva Link. « Mais pour la énième fois, quelle est votre suggestion ? »

Alban prit une expression faciale très grave.

« - Et si je vous disais qu’il existait un moyen de traverser le relief autour Cocorico, ce qui pourrait vous épargner des jours entiers de voyages ?

- Je vous répondrais probablement que nous sommes intéressés, et qu’à titre personnel, je ne comprends pas l’intérêt de faire tout ce cérémonial pour nous parler d’un accès caché. »

Alban fut surpris de la perspicacité du jeune homme.

« - Si j’hésite à vous en parler, c’est parce qu’il y a bel et bien un accès caché, mais il se situe dans le cimetière.

- Un accès dans le cimetière ? Et alors, vous ne croyez tout de même pas aux histoires de fantômes Alban ? » répliqua Link sur un ton incrédule. 

« - Personne ne sait vraiment ce qu’il se cache dans les recoins de notre village. La seul chose clair c’est qu’il s’y est passé de drôles d’événements. À l’heure actuelle, seul Igor le fossoyeur y vit, et il nous avait mentionné plusieurs disparitions il y a maintenant quelques années. S’enfoncer trop loin au milieu des tombes, c’est prendre le choix de mettre sa vie en péril. »

« - Votre accès caché se situe-il à l’intérieur d’un tombeau ? »

Le silence coupable du maire était une réponse on ne peut plus clair. Link et Zelda se regardèrent. Ils ne faisaient aucun doute, l’un comme l’autre se fichait bien de passer par un cimetière la nuit si ça pouvait permettre de gagner de précieuses journées de voyages. Zelda dit à Alban sur un ton rempli de détermination :

« - Nous ne sommes pas à une histoire de fantômes près. Dans notre quête, il ne fait aucun doute que nous aurons tôt ou tard à affronter des dangers, nous ne pouvons pas nous permettre un détour par peur de l’inconnu. »

Alban eut l’air lassé de cette histoire et s’affaissa l’air de dire « Je vous aurais prévenu. »

« - Alors suivez-moi à nouveau, partons faire une petite visite nocturne du cimetière. »

 

 

C’était un soir de nouvelle lune. L’obscurité était complète, seul une petite lanterne tenu par Alban servait de rempart aux ténèbres environnantes. Les arbustes ainsi que les tombes défilaient devant les yeux de Link, formant un véritable dédale de pierres tombales et de végétations. Sur les épitaphes de quelques sépultures, le jeune homme apercevait même des caractères en Hyrulien ancien, démontrant ainsi l’âge plus que vénérable de ce morne cimetière. Link ne s’estimait pas facilement impressionnable, mais il était pourtant loin de rester stoïque devant ce qu’il voyait, où plutôt ce qu’il ne pouvait voir. L’atmosphère était lugubre, et ce n’étaient pas les bruits environnants qui aidaient. Entre les craquements de branches, les hululements d’une chouette, les croassements de quelques corbeaux… La faune et la flore locales offraient tout un panel de sons invitant les imprudents voyageurs à faire machine arrière.

En plus de cet étrange décors, les deux jeunes gens étaient escortés par un drôle de personnage. Igor avait un crâne chauve et allongé, et il lui manquait une grande partie de sa dentition. C’était un homme trapu de taille moyenne, il tenait une pelle dans sa main et n’était qu’en partie éclairé par la lanterne du maire. Ce fut d’ailleurs le fossoyeur qui prit la parole de sa voix étrangement perçante :

« - Nous approchons de votre destination. »

Link regardait si la princesse allait bien. Comme lui, elle devait se sentir oppressé par les lieux, mais elle avait en apparence nullement perdu sa détermination. Ils faisaient le bon choix, c’était ça ou faire un détour et avoir la certitude d’arriver trop tard chez les Gorons.

Le petit groupe s’arrêta sur un geste d’Igor. Ils étaient dans un cul-de-sac. Devant eux, une grande tombe dans un renfoncement de la montagne. Alban fit passer la lampe proche d’inscriptions, et Zelda lut à haute voix :

« - Ci-git le Roi Ulric III d’Hyrule et tous les infidèles. »

La tombe d’un roi, et pas de n’importe lequel. Link avait enfin compris la raison de toutes les réticences d’Alban.

« - Ulric III comme le roi d’Hyrule ?

- Oui, c’est bien lui. Ou plutôt c’était. Quoique personne ne sait s’il est mort ou s’il hante encore les lieux. Tous les pilleurs de tombes présent en Ordinn ont fini par trépasser à l’intérieur de son tombeau. »

Ulric III faisait partie des rois d’Hyrule les plus tristement célèbre. Il était à l’origine d’une grande trahison envers les autres peuples du royaume et avait comploté afin d’asservir les Zoras, Gorons et Gerudos. Sa tentative resta heureusement infructueuse, et il fut destitué. Il devait être condamné à l’exil d’après la sentence d’un tribunal populaire mené par son propre frère. Mais il ne se résigna pas, au contraire il prit les armes avec ses partisans causant alors une guerre civile qu’il eut perdu. Traitre ou pas, son corps et celui de ses partisans furent enterrés, ou plutôt entassés dans de sombre catacombe située sous Cocorico. Il était le seul roi à ne pas avoir été enterré dans la région du centre d’Hyrule en punition pour ses méfaits. Ce lieu n’avait pas été construit pour se recueillir, il l’avait été pour garder souvenir des erreurs passés.

« - En dessous, ce sont des catacombes. Et les architectes à l’origine de ce petit bijou ont laissé un accès caché ici même. »

Igor parlait de sépultures avec une note d’admiration et d’amour dans sa voix. Cette passion aussi étrange fut elle était ce qui animait le fossoyeur. Alban ajouta aux explications d’Igor :

« - Le fait le moins connu et qui nous intéresse dans le cas présent, c’est qu’il existe un autre accès caché à l’extérieur de Cocorico. Autrement dit, si vous traversiez les catacombes, vous finiriez par trouver un passage qui vous mènerait au pied de la Montagne de la Mort. Il ne vous restera plus qu’à trouver un moyen de faire l’ascension sans passer par la route. »

Les chevaux étaient restés à Cocorico puisque inutilisable pour escalader un mont. Même s’il n’en était pas encore à l’ascension de la montagne, Link calculait mentalement s’ils auraient assez de vivre pour tenir. Quant à Zelda, elle prit la parole et posa la grande question évidente qu’Alban semblait étrangement attendre pour continuer sa présentation.

« - Comment trouve-t-on cette sortie ?

- Je n’en sais rien, personne ne connait sa localisation exacte, et personne n’a jamais fait de voyage aller et retour dans les catacombes depuis maintenant bien longtemps. Ces informations, nous les tenons de livres écrits par les bâtisseurs de ces lieux eux même, en des temps où les mauvais esprits ne pullulaient pas dans les cimetières. Tout ce que je suis en mesure de faire, c’est vous dire comment ouvrir ce passage, combien de temps ça vous prendra de le traverser, et vous assurez qu’il existe une sortie. »

Zelda se montrait de plus en plus captivé par cette affaire. Quant à Link, son scepticisme était flagrant et pleinement assumé. Suite à ces quelques vagues explications, Alban posa la lanterne et se plaça droit face à la gravure. Il prit dans sa main un petit livre où d’étranges dessins y étaient représentés. Il mit ensuite ses doigts sur plusieurs lettres du mur et appuya dessus. Dans un premier temps, rien ne se passa. Puis, un long crissement perçant se fit entendre : de derrière eux venait un bruit de chaines et de rouages. Une trappe cachée sous le sol s’ouvrit très lentement, laissant apparaitre une longue et étroite cage d’escalier en pierre.

Link et Zelda réajustèrent leur sac de voyage sur leur dos et se tournèrent pour saluer la petite escorte. Alban avait visiblement quelques frissons devant l’entrée obscure, et Igor était resté extasié face à l’ouverture des catacombes. On donna aux deux élus de quoi s’allumer des torches, puis le maire de Cocorico mit sa main sur l’épaule de Link et Zelda en leur souhaitant bonne chance. Suite à quoi, les deux élus s’engouffrèrent dans le passage qui se referma de lui-même quelques secondes plus tard, laissant Link et Zelda avec pour seule source de lumière une torche allumée à la va-vite. Le jeune homme soupira.

« - Je ne sais pas si tout ce cérémonial était nécessaire, mais en tout cas Alban sait comment ménager le suspense. »

Zelda ria de bon cœur. Le dernier éclat de rire qu’ils allaient entendre de la nuit.

 

 

Cela faisait maintenant de longues minutes qu’ils descendaient l’escalier. L’architecture de ce dernier était plus qu’hasardeuse avec le plafond bas et les marches extrêmement irrégulières. Link faisait donc attention, il ne tenait pas à se rompre le cou ou perdre la torche. Après encore de longues secondes de tâtonnements et de galères, ils aperçurent enfin une source de lumière : elle venait de devant eux, à un endroit où les escaliers semblaient s’arrêter. Ils continuèrent leur avancée. Le chemin les firent déboucher sur une salle un peu plus large, éclairée par d’étranges crânes incrustés dans les murs desquels s’échappaient une inquiétante lueur bleutée. Zelda et Link s’avancèrent et se retrouvèrent bloqués par une imposante porte sur laquelle était gravé d’autres inscriptions en Hyrulien ancien. Le jeune homme y passa sa torche et Zelda lut d’une voix lente et modulée :

« - Si vous payez le prix de la cendre aux morts, de vos yeux vous apercevrez les ossements et les trésors. »

Link se montrait une fois de plus perplexe. Il comprenait qu’ils devaient effectuer certaines actions pour activer à nouveau un mécanisme caché, mais les indications étaient plus que vague.

« - C’est sans aucun doute possible une énigme. Comment la résoudre, c’est une autre histoire.

- Je pense avoir une idée. Retourne-toi Link ! » s’écria Zelda.

Il n’y avait pas prêté attention mais se trouvait au centre de la pièce un drôle d’objet : un genre de grand brasero en pierre. Link se pencha et remarqua qu’à l’intérieur se trouvait un mélange de bois séchés, d’ossements humains et de cendres.

« - Le prix de la cendre… Ça pourrait être en lien avec le feu.

- Surtout qu’il y a des os, ce qui expliquerait pourquoi il faut le ‘'payer aux morts’’. »

Link empoigna la torche et mit le feu au brasero tout en s’assurant de pouvoir garder leur seule source d’éclairage fiable au cas où. Des flammes s’élevèrent et presque instantanément la porte se mit à bouger, faisant tomber la poussière qui s’y était accumulée.

« - Bien trouvé Zelda. Heureusement que vous avez appris à lire des langues mortes. »

La jeune femme ne fit pas spécialement attention à la remarque, elle s’était déjà engouffrée dans l’ouverture pour voir ce qui se trouvait de l’autre côté. Elle lui dit d’une voix assurée :

« - Point de fantômes ici. »

Tout de même curieux, Link fit quelques enjambés et traversa la porte. Devant eux, encore le même genre de couloirs en pierre grise et froide, éclairé par les même types de crâne incrusté dans les murs. Seulement, il y avait pleins croisements ce qui leur laissait un grands nombres d’itinéraires possibles. Le jeune homme se concerta avec Zelda.

« - Nous ne pouvons pas perdre trop de temps à errer dans des couloirs. Nous sommes limités en vivre et pressés par le temps.

- Malheureusement je ne connais aucun moyen sûr de traverser un labyrinthe. »

Link eut un instant de réflexion. Il était hors de question qu’ils s’éparpillent et s’éloigne du point par lequel ils étaient entrés avant d’avoir un moyen de se repérer. Ils fouillèrent les couloirs avec frénésie dans le but de trouver une solution à leur problème, tout en faisant en sorte de rester à proximité de la salle du brasero. Les chemins se ressemblaient tous en plus d’être nombreux. Tout l’endroit avait été conçu pour perdre les intrus dans un long dédale aux couloirs claustrophobes. Mais la chance sourie aux deux élus. Link aperçut sur le sol au détour de l’un des corridors une petite forme marron et ovale. Un gland, suivi d’un autre, et encore un autre…

« - Venez, quelqu’un a laissé des traces ! »

Zelda accourut et put faire le même constat que Link. Une autre personne était passée avant eux et avait probablement laissé des glands pour se repérer. La princesse croisa les bras et dit :

« -Nous ne perdons rien à suivre leur trace. Dans le pire des cas, nous ferons demi-tour avant de revenir à notre point de départ»

Le jeune homme acquiesça et ils reprirent leur route en suivant la traîné végétal, qui faisait tache dans ses souterrains. Le passage était interminable, mais Link remarqua un changement progressif dans l’architecture. Les plafonds s’élevaient en voûte, et les gravures ainsi que les crânes devenaient de plus en plus courant. L’odeur se faisait de plus en plus putride aussi, et les glapissements des rats de plus en plus fréquents. Link préférait rester sur ses gardes avec ce genre de bestioles. En se faisait mordre, il risquerait d’attraper quelque maladie mortelle au vu de la dégradation des catacombes et de l’hygiène de vie des rongeurs. Sa main était en permanence sur le pommeau de son épée accroché à sa ceinture. Le jeune homme jeta un œil sur la princesse. Elle aussi était sur ses gardes, prête à dégainer son glaive à tout moment. Elle n’avait pas l’air totalement rassuré, mais restait tout de même très sereine pour une princesse qui avait vécu sa vie dans un château, et qui se retrouvait coincée dans un tombeau géant presque du jour au lendemain.

« - Je me posais une question qui risque de vous paraitre étrange. Vous ne vous sentez pas un minimum effrayé par la présence d’ossements humains ? 

- Absolument pas. Pour tout te dire, j’ai même déjà vu un cadavre, ce ne sont pas quelques crânes qui vont m’impressionner. »

Link ralenti, étonné par la réponse de Zelda. Il se tourna vers cette dernière.

« - Et dans quelle circonstance vous auriez pu vous retrouver face à un cadavre ?

- Hum... C’est une drôle d’histoire.

- Nous avons du temps pour la raconter, le chemin n’a pas l’air de prendre fin. »

Zelda toussota pour s’éclaircir la voix.

« - Si tu insistes. Cet événement remonte à quand j’avais sept ans. Je me suis levée comme chaque matin, puis dans l’espoir de manger une sucrerie, je me suis rendue aux cuisines. Dans ces dernières travaillait une servante qui m’aimait bien. Elle avait pris l’habitude de me donner une petite part de gâteau avant que ce ne soit l’heure du déjeuner, ce qui était bien sûr interdit. Mais elle ne savait pas me résister et finissait toujours par craquer à un moment. »

Zelda eut un léger rire, puis redevint plus grave.

« - Puis un matin pas fait comme un autre, je l’ai retrouvée morte, baignant dans son sang. »

L’anecdote de Zelda jeta un froid dans la conversation durant quelques secondes.

« - Elle a été assassiné j’imagine.

- On pense qu’il devait s’agir d’une histoire de vengeance. Une enquête a été mené, on s’est rendu compte qu’avant de servir notre famille, cette servante avait eu un passé mouvementé. Mais à l’heure actuelle on ne sait toujours pas qui l’a tué, et pour quelles raisons précises.

Link se gratta le menton. Un détail le gênait dans cette histoire.

« - Absolument personne ne s’est inquiété de votre sécurité ? C’est une histoire de meurtre au sein d’un château, votre vie aurait pu être mise en danger.

- Malgré le traumatisme que ça a été, je n’étais pas concernée par cette histoire. Le meurtrier n’en voulait pas à la famille royale.

- Donc vous allez me dire qu’il est possible de rentrer dans le palais comme dans un moulin, tué qui ont veux et s’en sortir indemne ?

- Non, bien sûr que non. En-tout-cas, il n’est pas aisé de s’attaquer à un membre de la noblesse, les gardes royaux sont très efficaces. Cependant, les serviteurs sont bien plus vulnérables.

Link s’en trouvait indigné. Il voyait bien que les gens de la cours ne s’intéressaient pas toujours au peuple. Il se souvenait encore nettement de son arrivé à Bourg Hyrule et comment il lui avait été difficile de se faire entendre.

« - Le traumatisme que ça a dû être pour une enfant...

- J’étais comme paralysée et c’est un soldat qui me retrouva dans la pièce à côté du cadavres des heures plus tard. Je n’ai que peu de souvenirs du long moment d’attente devant le corps sans vie de la servante. C’est comme si mon inconscient ne voulait pas que je puisse me remémorer un tel souvenirs. »

Zelda regarda le jeune homme avec compassion.

« - Toi aussi tu t’es retrouvé seul face à la mort.

- Oui, et plus d’une fois. Il y a eu d’abord ma famille décimée suite à une épidémie. Puis le fameux soir ou j’ai tout perdu à nouveau. 

- Link, je sais que c’est un peu facile de dire ça, mais j’espère que tu réussiras à te construire une nouvelle vie heureuse en tant que chevalier.

Link lui sourit en retour, et dit d’une voix sûr :

« - Je l’espère tout autant. Mais avant de se reconstruire une vie, je vais tout faire pour me trouver en paix avec moi-même, et débarrasser ces terres de notre grand ennemi. 

- C’est vrai que le vagabondage à travers les terres sauvages d’Hyrule n’est peut-être pas un idéal. À ce propos…

Link l’interrompit d’un signe de la main, l’intimant de faire silence. Zelda s’exécuta et le jeune homme sorti lentement l’épée de son fourreau. Les glands disparaissaient peu à peu, laissant place à une longue traînée de sang. Les deux héros avancèrent furtivement. Les traces n’avaient que quelques jours d’anciennetés dans un lieu pourtant sans activité humaine. Le couloir devant eux formait un angle droit, bloquant totalement leur vue sur ce qui pourrait se cacher derrière. Link prit son bouclier en main, se mit en garde, fit plusieurs pas rapides pour aller voir où s’arrêtait la traînée pourpre. Puis il se détendit d’un seul coup. Zelda le rejoignit et eut une moue de dégoût. Un humain mort et en putréfaction gisait dos au mur juste en face d’eux. Dans ses mains, il tenait une carte et un couteau, et au sol se trouvait un sac de gland qui avait laissé tout son contenu s’échapper. Mais le plus étrange était ce qui se trouvait juste à côté : un autre cadavre. Ce dernier semblait être une momie décharnée, à la peau terne et rugueuse. Sa tête s’était affaissée, mais Link devinait un genre de masque en bois aux motifs étranges qui couvrait partiellement le visage du mystérieux défunt. Seule une bouche d’une forme rectangulaire était visible.

« - Qu’est-ce donc que cette chose ? 

- Qui sait ? Moi la première question qui me viendrait à l’esprit, c’est ce que ça fait à côté d’un autre cadavre.

- Peut-être est-ce un pilleur de tombe qui pour une quelconque raison a voulu emporter avec lui une dépouille vielle de plusieurs siècles ?

- Non, ça ne tient pas debout. Ce genre de bien n’a normalement aucune valeur pour un voleur. Mais concentrons-nous, car ce qui devrait nous préoccuper à l’heure actuelle, c’est qu’un humain est mort récemment et que la chose qui l’a tué est peut-être proche. »

En disant cela, Link remit très lentement son épée dans son fourreau et partit en direction du cadavre le plus récent pour l’examiner. Une fois devant, il s’accroupit. La carte que possédait l’homme était belle et bien celle des catacombes. Le jeune élu la plia et la mit dans sa sacoche. Puis il inspecta plus en détail le cadavre. Ils devaient dater d’au moins quelques jours et dégageait une odeur répugnante. La cause de la mort était difficilement déterminable. Des lésions au cou montraient qu’il avait été étranglé. Puis le cœur de Link cessa de battre l’espace de quelques secondes. Au cou du pilleur de tombe, il y avait un autre détail, une plaie. Comme si un montre avait sucé son sang. Un monstre avec exactement la même forme de bouche que la dépouille masqué à côté de lui.

Link entendit un cri effroyable. Un son inhumain, à la fois aigu et rauque qui semblait venir de partout autour de lui. Son cœur cessa de battre. C’était comme si son sang s’arrêtait de circuler, il ne pouvait même plus esquisser le moindre geste. Sa tête bourdonnait, le cri résonnait. Link concentra toute ses forces pour se tourner vers le corps décharné. Il était maintenant debout, les bras en avant très proche de son cou. Puis il commença à l’étrangler. Malgré son apparence frêle et squelettique, il possédait une force insoupçonnée. Sa main froide broyait le cou de Link qui n’arrivait plus à respirer. Le jeune homme voulait se débattre, appeler à l’aide, utiliser son épée pour se défendre, mais tout cela lui était impossible. Dès qu’il essayait de former une pensée cohérente, le cri revenait en force pour le malmené mentalement. Son champ de vision se brouillait. Ses pieds décollèrent du sol, la chose entreprit d’approcher son horrible visage masqué proche de ses veines. Tout semblait se noircir autour de Link, il crût voir la mort en face puis reprit conscience d’un coup. On l’avait lâché, il était étendu face contre terre, et devant lui, la chose était plaquée contre le mur avec le glaive de la princesse planté dans son flanc. Zelda l’avait sauvé ! Mais elle risquait sa vie seule contre un monstre qui était encore prêt à en découdre. La momie se tourna cette fois-ci vers la princesse. Mais Link ne lui en laissa pas la temps. Il s’était déjà relevé, s’était rué vers le monstre, et d’un moulinet d’épée tout as fait maitriser, il lui avait tranché sa tête qui retomba mollement sur le sol dur.

Link et Zelda étaient pantelants, le jeune homme notamment essayait de reprendre son souffle.

« - Je ne sais pas trop ce qu’était cette chose. Cependant, il va falloir se montrer beaucoup, beaucoup plus prudent à l’avenir. »

Zelda acquiesça, mais elle paraissait distante, et même choquée. Ils préférèrent s’éloigner rapidement du couloir où ils étaient et aucun des deux n’osa vérifier l’état du monstre de peur qu’il ait encore la capacité d’attenter à leur vie. Puis Link sorti la carte de sa sacoche. Tout le plan du labyrinthe était devant ses yeux, ils leur étaient dorénavant impossibles de se perdre. Malgré tout, il ne se sentait pas en sécurité, et ce sentiment avait aussi l’air d’être partagé par la princesse.

Les heures de marches continuait de défiler, les murs de se dégrader. Link se sentait de plus en plus oppressé dans ces longes salles basses de plafond, et il accélérait inconsciemment le pas. Zelda suivait la cadence sans se plaindre, et se faisait même plus hâtive que lui par moment. Ils apercevaient couramment des sarcophages très vieux posé par terre, ainsi que d’autres de ces mort vivants masqués. Link et Zelda comprirent que tant qu’ils en restaient éloignés, ils ne risquaient rien. Cela n’empêchait pas le cœur de Link de battre à cent à l’heure de peur que le cri retentisse à nouveau dans sa tête.

Après des heures à errer sans qu’il ne se passe rien, ils atteignirent finalement le bout du chemin. Le jeune homme savait grâce à la carte qu’ils étaient proches de la sortie, mais ils leur faudrait pour y accéder pénétrer le tombeau du roi Ulric III. Cette salle un peu spéciale se trouvait séparée du reste de l’édifice par une lourde porte peu accueillante. Link et Zelda poussèrent l’un des battants de toute leur force. Ce dernier leur opposa de la résistance avant de s’ouvrir d’un coup, presque par magie, dans un grand fracas sinistre. Avec l’ouverture de la porte, une odeur de renfermé vint aux narines de Link, comme si le lieu n’avait pas été visité depuis des siècles. La salle était circulaire et étonnamment haute comparée au reste des catacombes. Elle était éclairée par quelques flambeaux dont s’échappaient d’inquiétantes flammes bleu, et au centre se trouvait un très grand cercueil de marbre serti de pierres précieuses. Mais le plus étonnant se trouvait derrière le sarcophage : une imposante armure de chevalier d’un noir de jais, qui tenait un long espadon.

« - Link, regarde les inscriptions au mur ! »

Le jeune homme se retourna et posa la torche devenue inutile. Comme l’avait dit Zelda, il y avait des inscriptions, mais aussi des dessins représentants toutes les espèces qui cohabitaient en Hyrule.

« - Ces gravures représentent la trahison du roi. Toute cette pièce a été créée dans le but de dénoncer ses odieux actes. »

Link regardait partout autour de lui et en avait le tournis : un pan entier de l’histoire du royaume tenait sur un mur d’une dizaine de mètres. Toutes les inscriptions et les gravures se combinait pour former une œuvre admirable. Les deux élus firent progressivement le tour de la pièce et finirent par retourner à l’entrée. Il n’y avait pas la moindre porte de sortie.

« - Tu ne t’es pas trompé d’emplacement ?

- Non, il est indiqué qu’il faut atteindre la salle du tombeau du roi.

- Peut-être s’agit-il d’une nouvelle énigme. Nous n’avons pas tout fouillé. »

En disant cela, Zelda jeta un regard au cercueil et s’y dirigea pour l’examiner. Link suivit. Arrivé devant, il regarda la princesse s’agiter autour.

« - Plutôt que de me regarder, aide-moi à l’ouvrir.

- Etes-vous sûr qu’il s’agisse d’une bonne idée ?

- Tu ne vas quand même pas te mettre à croire aux histoires de fantômes d’Alban ?

- Un mort-vivant a failli me tuer aujourd’hui. Alors oui, je me montre un peu plus méfiant quand je me tiens devant le sarcophage d’un antique roi maudit.

Au lieu de l’écouter, Zelda se mit à pousser de toutes ses forces pour faire basculer le socle. Link comprit qu’il n’arriverait pas à résonner la princesse et l’aida. Le lourd couvercle finit par s’entrouvrir, et presque aussitôt, un genre de matière noir s’en échappa. Link mit les bras devant son visage pour se protéger et Zelda se baissa. Le jeune homme était déboussolé. Qu’est-ce qui était sorti ? Était-ce dangereux ? Il regarda à gauche et à droite mais ne remarqua rien. Zelda fit de même et il croisa son regard surpris. L’étrange matière sombre c’était évaporé comme par magie. Link entendit soudainement un crissement métallique. Il regarda devant lui plus attentivement et comprit ce qui n’allait pas. L’armure devant le sarcophage prenait lentement vie. Aussitôt sur ces gardes, le jeune homme dégaina son épée et empoigna son bouclier.

« - Zelda, éloignez-vous ! »

 Ses réflexes les sauvèrent tout deux : des yeux d’un rouge vif se mirent à luire derrière le casque de l’armure, et cette dernière se rua immédiatement sur Link en lui assénant un coup très puissant de son espadon. Le jeune épéiste para grâce à son bouclier, mais il sentit une onde de choc traverser tout son corps. La charge avait été tellement puissante que Link avait été propulsé plusieurs pas en arrière.

« Je ne pourrais pas tenir un 2ème coup de cette puissance » pensa-t-il en sentant l’adrénaline montée en lui.

Des souvenirs des cours d’Orco lui vinrent. On lui avait déjà parlé d’armure fantôme qui s’attaquait aux humains. Ce genre de monstre se nommait darknut, il s’agit d’un mauvais esprit prenant possession d’une armure de chevalier. Mais ces monstres étaient censés existés uniquement dans les légendes populaires d’Hyrule, alors que Link était sûr d’en avoir un devant lui.

Pas le temps de réfléchir, le darknut face à lui n’avait pas besoin de reprendre son souffle, et il chargeait à nouveau sur Link. Le jeune homme se prépara, plutôt que parer, il allait esquiver. Quand l’épée ne fut plus qu’à quelques mètres de son corps, il se laissa tomber et fit une roulade avant de passer derrière le monstre. Il profita de l’ouverture en frappant de toute ses forces, mais son épée rebondit contre la lourde cuirasse en métal. Rien n’y faisait, son ennemi n’avait aucun point faible.

Le darknut se retourna et Link failli se prendre un coup de coude qui aurait pu le sonner. Il était déséquilibré et risquait de se faire empaler à n’importe quelle moment, mais Zelda vint l’assister. Elle s’était placée plus loin pour tirer une flèche qui vint rebondir contre la cuirasse. L’attaque n’eut aucun effet, mais elle réussit à déconcentrer le monstre, ce qui permit à Link de partir se mettre à une distance raisonnable de celui-ci.

« Impossible de trouver une ouverture, et je n’arriverai à rien avec mon épée si je me contente de frapper fort. »

Link ne savait pas s’il existait un moyen de blesser les fantômes. Il pensait tout de même avoir une idée. Il lui fallait trouver comment passer outre la cuirasse de son adversaire et frapper d’une manière ou d’une autre ce qui s’y cachait. Il chargea le darknut à son tour, qui se contenta de balayer l’air devant lui avec son espadon. Le jeune homme se stoppa pour ne pas se faire empaler, reprit ses appuis et sauta pour asséner un puissant coup d’estoc. Il avait espoir d’au moins déséquilibrer le monstre mais rien n’y fit. Le darknut était toujours stable et tenta même de mettre un coup de pied au jeune héros qui esquiva à nouveau de justesse. Link commençait à avoir le souffle court. Il tentait maintenant de provoquer le monstre qui continuait de l’attaquer sans faiblir. Le jeune héros parait, esquivait, mais devenait de plus en plus lourd et maladroit.

Zelda décocha à nouveau une flèche qui se logea cette fois-ci avec un bruit mat dans l’un des interstices de l’armure. Le darknut émis pour la première fois un genre de plainte, prouvant à Link qu’il était bien possible de blesser la chose. Le jeune homme attendit que la créature reprenne ses esprits et le frappe bêtement sous le coup de la colère. Comme il l’avait prévu, c’est ce que fit le monstre. Link se baissa avant d’asséner un coup puissant dans un autre interstice de l’armure situé au bras. Le morceau d’armure sauta, et le darknut se retrouva incapable de brandir son épée. Ce dernier se prit une autre flèche à l’arrière de la jambe cette fois ci. Il tomba à genoux devant Link. Le jeune héros prit une grande inspiration, concentra sa force, et d’un grand coup circulaire blessa la créature au niveau de la jugulaire. La fumée noire s’échappa de l’armure, et les pièces de la cuirasse se désassemblèrent, ne laissant dans la pièce que les deux jeunes élus, tous deux vidé de leur force.

La salle était à nouveau plongée dans un silence qui parut assourdissant pour Link. Les bruits d’entrechocs métalliques entre son bouclier et l’épée de son défunt adversaire résonnaient toujours dans sa tête. Soudainement, il entendit le son de l’activation d’un mécanisme ce qui le sortit de sa torpeur. Il leva brusquement la tête et vit une entrée s’ouvrir devant lui. Des rayons de soleil affluèrent et vinrent réchauffer les deux élus d’une lumière pure et rassurante. Zelda commençait déjà à s’avancer d’un pas pressé vers la voix de leur salut, et Link ne tarda pas à l’imiter. Il marchait avec empressement, il était à la limite de courir tant il désirait retrouver la nature et se sortir de ces sordides souterrains. Les parois du tunnel qu’ils traversaient s’éclaircissaient de plus en plus jusque à ce que les deux jeunes gens s’extirpent enfin des catacombes. Le passage débouchait dans un petit coin de verdure à flanc de montagne. Link leva les yeux et prit une grande inspiration pour profiter de l’air frais. Jamais il ne s’était senti aussi vivant devant les premiers rayons de l’aube.

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