Cure for Mankind (Book One : Winter)
Trois fois. Trois. Putain. De fois. Que ce cerf de merde esquive mes flèches, comme un perso sortant tout droit d'un jeu vidéo de baston pourri. A part la première flèche, que j'ai perdue dans la nature, je réussissais toujours à les récupérer, mais quand même. Cerf ninja à la con.
Je me dis que je faisais peut-être un peu de bruit, mais essaie de ne pas faire de bruit quand le sol est couvert de feuilles et de début de neige. Circonstances de merde. Je tentai de lui tendre une autre embuscade, un peu plus loin dans la forêt, mais, encore une fois, il me vit venir de loin. Merde !
Je me rendis compte que je m'éloignais un peu trop de Joel, alors j'essayai de pousser le cerf vers le patelin duquel je venais. Je fis feu sur le cerf, bloqué entre deux ruines de maisons, et je réussis à lui tirer dans la jambe. Un bon début. Seulement, une détonation d'arme à feu retentit, et le cerf s'écroula. Quelqu'un venait d'achever ma prise.
J'encochai une flèche, et restai prudente, en entrant dans les ruines. Je regardai à droite et à gauche, et ne vis que le cadavre du cerf. Mais, alors que je m'apprêtai à le ramasser, j'entendis un bruit d'arme qui se recharge.
-Qui est là ? dis-je, en visant un peu partout
-Le croque-mitaine, répondit une voix
Je m'étonnai à penser que j'aurais presque eu envie de rire, si la vie de Joel n'était pas en jeu, et si le mec qui sortait des ruines ne me mettait pas en joue avec un gros flingue. Il m'offrit un regard étonné, avec ses beaux yeux bleus, mais ne baissa pas son arme. Je ne me démontai pas pour autant. Ouais, il faisait deux fois ma taille, et sa cicatrice sur la gueule lui donnait un air de warrior qui en avait vu d'autres. Mais moi aussi, connard. Moi aussi j'en ai vu d'autres. Alors tu ne me fais pas peur.
-Qu'est-ce que tu fous là ? me demanda-t-il d'un ton déjà plus sérieux
-J'essaie de m'en sortir. Et toi ?
Je décidai de rester courtoise, mais sans perdre ma méfiance pour autant. J'étais prête à accepter de l'aide, mais, honnêtement, je n'y croyais pas trop.
-Comme tu vois, finit-il par répondre d'un ton sarcastique. Je vens des muffins.
-Très drôle, enfoiré, grimaçai-je
-Tu me cherches petite conne ? me provoqua-t-il
Alors que j'allais le piquer à mon tour, un groupe de Clickers fondit sur nous. On s'est regardés, et, avec un air entendu, nous passâmes à l'attaque contre les dégueus.
Malheureusement, je n'avais pas beaucoup de flèches, et en plus, je préférai les économiser. Mais heureusement, j'avais toujours sur moi le petit calibre que Joel m'avait donné, ainsi que mon couteau. Alors je rangeai mon arc, et dégainai mon arme à feu. Mon chargeur se vida plus vide que celui de mon nouvel ami, et j'allais attaquer les monstres au couteau lorsque mon équipier de fortune me lança un chargeur. Je lui balançai un vague merci et nous reprîmes notre office.
Une fois le dernier monstre à terre, je me penchai en avant, les mains sur les genoux pour reprendre mon souffle. Lorsque je me ressaisis, je vis l'autre se pencher sur les cadavres pour les fouiller. Putain, pourquoi je n'y ai jamais pensé avant ? Je me sentais vraiment conne sur le coup... J'allai voir le cerf, malheureusement les dégueus avaient vomi sur lui. Chiotte.
-Comme je suis sympa, je te laisse cette moitié-là, dit le type en me montrant un tas de dégueus
-J'ai tué ceux-là, notai-je
-Grâce à qui, hein ? ricana-t-il
-Oh ta gueule, marmonnai-je
Je crus l'entendre rire, alors que je commençai à fouiller. Finalement, cette journée avait pris une tournure inattendue, mais pas totalement désagréable.
Je fus étonnée de tout ce qu'on trouvait dans les poches de ces saloperies. En y réfléchissant bien, c'était logique. C'étaient des humains, avant. On trouvait de la bouffe, de l'argent - pour ce que ça servait, maintenant... - et même des munitions si on avait de la chance. Mais en fin de compte, ce que je voulais le plus, c'est-à-dire les médocs, personne n'en avait jamais sur eux. Je grimaçai.
-Quel est le problème, sale gosse ? Tu t'attends encore à des bonnes choses dans ce monde de merde ? dit l'autre avec un rire sans joie
-Si c'est pour faire ce genre de commentaire, tu peux la fermer aussi, grinçai-je
Honnêtement, je ne sais pas ce qui m'empêchait de le frapper un bon coup. Oh, si je sais. Le fait que mes efforts contre un type pareil semblaient sans surprise. Il m'aurait étalée à terre avant même que je ne le touche.
-Oh mais c'est qu'elle est charmante, la demoiselle, ricana-t-il
-Comment penses-tu qu'on puisse être charmant quand on doit progresser seule dans un monde pourri ?
-Tu es seule ? dit-il, moins insolent d'un seul coup
Tiens donc ? Monsieur gros malin a un cœur, finalement ?
-Ouais. Enfin, pas exactement. Mon ami est blessé, et je m'occupe de lui comme je peux. Le cerf, c'est pour nous deux.
-Moi aussi, je suis avec quelqu'un. Enfin, j'ai une amie qui est blessée aussi, ajouta-t-il d'un ton rapide. Peut-être qu'on pourrait mettre nos efforts en commun ?
Il me surprit, encore une fois. En fin de compte, il avait sans doute un bon fond. C'était juste qu'il avait une manière bien à lui de l'extérioriser. Et je ne suis pourquoi, sa façon de parler me rappelait quelqu'un d'autre. Fallait que j'aille me faire soigner...
-Ouais, tu as raison, concédai-je. J'ai établi un quartier général dans un quartier pas loi, tu m'aides à prendre le cerf ?
-Moi aussi je suis pas loin, dit-il. On transporte ton cerf et je vais retrouver mon amie.
-Ça roule, concédai-je
Il prit le cerf par les bois, et moi je soulevai son gros cul comme je pouvais, en demandant à Callus de suivre. Bon cheval. J'ignorai la remarque de mon 'nouvel ami' concernant le fait que je pourrais bouffer le cheval au lieu de perdre mon temps à chasser ces enculés de cerfs. Il n'avait pas tort pour les cerfs, mais sérieux, bouffer mon cheval ? Quel tordu ce mec...
Nous arrivâmes finalement au petit patelin, et l'autre regardait autour de lui d'un air intrigué. Je lui adressai un regard inquisiteur, et il se contenta de hausser les épaules. Je soupirai un bon coup. Il ne pouvait pas être encore moins précis ?
Lorsque je posai le derrière du cerf devant la maison devant laquelle Joel était enfermé, au sous-sol, mon camarade se figea devant la porte.
-Quoi ? dis-je finalement, d'un ton impatient
-C'est là que toi et ton pote vous êtes installés ?
-Ouais. Pourquoi ?
-C'est là que j'ai laissé ma copine. Et la porte était fermée, quand je suis parti.
Je tournai le regard dans la même direction que lui, la porte était défoncée. Oh non...
-Joel ! m'écriai-je en rentrant
-Sherry ! s'écria l'autre en me suivant
Alors que je fonçai vers le sous-sol, mon poto se dirigea vers le salon. Le cadenas de la porte du sous-sol était enlevé, bon sang... Je compris que c'était sans doute sa copine qui l'avait enlevé, et je n'étais qu'à moitié rassurée. N'y tenant plus, je dévalai l'escalier de la cave. Je mis ma main devant ma bouche par réflexe en voyant ce que j'y trouvai.
A mes pieds au pied de l'escalier, il y avait un cadavre de Clicker, et, un peu plus loin, un cadavre de Stalker. Je retrouvai Joel, toujours comateux sur son matelas - après tout, j'avais fait en sorte qu'il ne bouge pas - et m'agenouillai près de lui. De l'autre côté du matelas, allongée n'importe comment, il y avait une blondasse qui semblait pioncer. C'était sans doute la copine de mon nouveau camarade de jeu, qui avait tué les dégueus qui avaient réussi à entrer. Enfin, les remerciements, ce sera pour plus tard.
-Joel, je suis là, dis-je en posant ma main sur son front
-Ellie, murmura-t-il
-Ouais, c'est moi.
Alors que je remarquai à moitié l'autre con qui descendait l'escalier de la cave, Joel tourna la tête vers l'autre qui dormait près de lui.
-Sherry, déclara-t-il
-Bon, au moins, elle s'est présentée, ricanai-je
-Ce qui n'est pas ton cas, dit une autre voix
Je levai finalement la tête vers le rouquin, qui était accroupi près de sa copine, la main derrière sa tête. Joel le regardait, aussi, et je crus voir l'autre ricaner.
-Je m'appelle Jake, dit-il. Lui, c'est Joel, dit-il en montrant mon ami. Et toi tu es Ellie, c'est ça? me demanda-t-il
-Ouais, dis-je d'un ton mou. Je n'ai pas pensé à me présenter. Ce n'est pas un réflexe, quand un taré me cherche des noises alors que je n'ai pas que ça à foutre.
-Ouais, mea culpa, dit Jake. Je suis un sale gosse, que veux-tu ? ricana-t-il
Je ne pus réprimer un rire nerveux, et, sous la couette, j'aurais juré que Joel aussi avait ricané. Il ne manquait plus que ça, tiens...
-Mais il vous est arrivé quoi à tous les deux ? reprit Jake
-C'est une longue histoire. Que je te raconterai quand tu m'auras raconté la tienne.
-Ouais soit. Je préférerais que Sherry soit réveillée, m'enfin...
Je regardai le visage endormi de la blondinette, et, au moment où Jake ouvrait la bouche, elle ouvrit les yeux.