Cure for Mankind (Book One : Winter)
Cela faisait une éternité que je courais avec Jake dans la forêt, car nous étions poursuivis par des espèces d'armes biologiques, mais différentes de toutes celles qu'on avait vues. Il y en avait plusieurs sortes, certes, mais même celles qui semblaient les plus basiques étaient capables de courir. Et nos munitions étaient descendues relativement vite. Alors voilà, on s'était mis à courir.
Au bout d'une longue dizaine de minutes, les bruits de zombies s'éloignaient. J'en profitai pour m'appuyer contre un arbre
-Tu sais où on va, supergirl ? me demanda Jake entre deux courses
-Je n'en sais rien, dis-je en le regardant. L'important, c'est de survivre, pour l'instant.
-Finement observé, agent Birkin, dit Jake avec un rire amer
-Ne sois pas méchant, Jake, dis-je d'un ton presque amusé. Il faut trouver où s'abriter de ces choses, et vite. Et des provisions, aussi. On ne fera pas long feu, sinon.
-Ouais, faisons comme ça.
Je lui adressai un regard furieux, et il se contenta de hausser les épaules, alors je soupirai. Je savais qu'il ne perdrait pas son caractère de sale gosse aussi, vite, même si une partie de moi l'espérait. Alors que l'autre trouvait ça attirant... Hum. Bref.
Nous reprîmes donc la route, en marchant cette fois. Vu le nombre de feuilles qu'il y avait par terre, nous devrions être capables d'entendre une personne, ou autre chose, qui nous suivait. Du moins, j'essayais de me rassurer en me disant que Jake, lui, y arriverait. Je lui jetai des petits regards de temps en temps, il marchait derrière moi, les mains dans les poches, et en shootant dans les feuilles. Dans des rares moments comme ça, il paraissait vraiment faire son âge. Et dès qu'il me regardait, je tournais le regard. Il devait se poser des questions sur ma santé mentale, j'en étais persuadée.
-Y a un blème Sherry ? finit-il par me demander
Je sursautai. C'était la première fois qu'il m'appelait par mon prénom.
-Non, ça va. Regarde, y a une sorte de village là-bas. On devrait allez voir.
-Ouais. Je t'emboite le pas.
J'avais envie de lui répondre, mais rien ne vint, sur le coup. Nous marchâmes dans la forêt, et j'entendais Jake râler de temps en temps. Moi aussi, j'en avais un peu marre. Avec mon portable qui s'était arrêté de capter, comme par hasard. Décidément, dans un monde de monstres, les problèmes s'enchaînaient à une vitesse effarante.
Au moment où je pensais ça, une flèche se planta dans mon épaule, et je poussai un cri de douleur.
-Sherry ! s'exclama Jake
Je tombai à genoux, tenant mon épaule là où la flèche s'était plantée, et regardai autour de moi, pour essayer de voir d'où ça venait. Je vis même Jake faire de même, avec un air plus qu'énervé.
-Qui est le connard qui a fait ça ? beugla-t-il
-Je vais bien, Jake, dis-je d'un ton aussi convaincant que possible
-Tu es sérieuse ? sourcilla Jake. Il faut te soigner. Mais attends.
Avant que je ne réponde, Jake me hissa sur son dos et se mit à trottiner dans une direction aléatoire, toujours en regardant autour de lui furieusement, des fois que celui qui ai fait feu soit encore dans les parages. Je ne pus réprimer un petit sourire en imaginant Jake tabasser quelqu'un pour moi. Je trouvais ça romantique.
-Où comptes-tu aller ? demandai-je
-Ailleurs, dit Jake d'un ton sérieux. A l'abri. Des fois que ces enfoirés veuillent tenter le headshot.
-Je vois. Tu as raison.
Je fis une petite grimace, que Jake ne vit pas, heureusement. Je me dis simplement, avec une petite rougeur, que ça l'énerverait encore plus.
Après quelques minutes de marche, nous arrivâmes dans ce qui semblait être un village. Enfin, un pâté de maison, dont toutes les habitations étaient plus ou moins ravagées. Sans doute les monstres du coin avaient-ils déjà fait le ménage. En parlant de ça, je me demandais sincèrement d'où ils venaient, d'ailleurs. Sans doute un autre virus, qui avait affecté seulement cette région.
Jake sélectionna dans une maison au pif, en défonçant la porte avec le pied. Il entra brutalement, en faisant attention toutefois à la flèche dans mon épaule. Il me posa sur un fauteuil, encore à peu près en bon état dans le salon, et se mit à genoux devant moi.
-Qu'est-ce que je suis censé faire ? me demanda-t-il d'un ton inhabituellement attentionné
-Retire la flèche.
-Tu as des soins dans son sac magique ?
-Juste... Fais-le, répétai-je en fermant à moitié les yeux
-Comme tu veux.
Jake se pencha vers moi, et prit la flèche d'une main, en mettant son autre main sur mon épaule. Je grimaçai de nouveau lorsqu'il retira la flèche, et je visai son expression lorsque ma blessure se referma.
-C'est quoi ce bordel ? demanda Jake en montrant mon épaule
-Longue histoire. Je te raconterai. Pour l'instant, il faudrait plutôt qu'on...
-On rien du tout, me coupa-t-il. Toi tu restes là, et moi je vais chercher du bordel.
-Je vais bien, Jake, dis-je en soupirant
-Ah mais tu n'as pas le choix. Tu as beau guérir, qui nous dit que la pointe n'était pas empoisonnée ?
-Tu abuses un peu, là, non ?
-Et des morts qui marchent, ce n'est pas abusé peut-être ? dit Jake d'un ton sarcastique
Je poussai un autre soupir. C'était vraiment dur d'avoir le dernier mot avec ce gosse.
-Tu as gagné, Jake. Je t'attends ici.
-Bien. Je reviens bientôt. Ne fais pas de bêtises, hein ? ricana-t-il
-C'est plutôt à moi de te dire ça...
Jake m'ébouriffa les cheveux en me faisant un petit sourire, qui me fit rougir violemment, et sortit de la pièce, puis de la maison. Je le regardai partir, et commençai à fixer le plafond, mettant ma main sur mon épaule anciennement blessée, comme par réflexe. Peut-être que Jake avait raison, peut-être qu'il y avait une toxine quelconque dans la pointe de la flèche. Malheureusement, je ne pouvais pas le vérifier, car la pointe était cassée. Et en plus, le reste ne me paraissait pas suspect. Mais sincèrement, je commençais à avoir mal au crâne. Je me dis qu'il fallait que je pense à autre chose, et surtout pas à Jake. Alors j'allais faire un tour dans la maison, la main sur mon arme. On ne sait jamais.
Le salon, je le connaissais déjà. Alors je décidai d'aller voir à l'étage. Je n'entendais rien, mais il valait mieux être prudent. Les lits dans les deux chambres étaient vides, et l'armoire de la salle de bains était vide et grande ouverte. Sans doute quelqu'un avait-il pris tout ce qu'il y avait et était parti. Ce n'était pas impossible qu'il y ait d'autres survivants, après tout. J'espérais juste que, si nous les rencontrions, ils ne seraient pas hostiles, voire amicaux. J'en avais sincèrement assez de tuer tout ce que je rencontrais, au fond.
Ne trouvant rien à l'étage, je décidai de redescendre. Dans ce genre de maison, il y a toujours une porte dans la cuisine, qui mène à une sorte de cave/garage, et je me dis que, peut-être, quelqu'un avait caché quelque chose dedans. Qui pourrait nous être utile. Mais, en arrivant devant la porte, je constatai qu'il y avait un cadenas. Cela me donna encore plus envie de l'ouvrir. Je cherchai dans la cuisine, si par miracle il n'y avait pas quelque chose qui me permettrait de l'ouvrir. Je n'avais vraiment pas envie de gâcher une balle sur un cadenas, alors que, si ça se trouvait, il n'y aurait rien dans la pièce à l'étage inférieur.
Par chance, je trouvai une espèce de cisaille dans un des tiroirs sinistrés de la cuisine, et l'essayai sur le cadenas. Après quelques tentatives, il finit par céder, et j'ouvris la porte. Elle ne grinça pas, j'en déduis que quelqu'un l'avait bel et bien empruntée il y a peu de temps. Cela augmenta mes chances de trouver quelque chose d'utile dans la cave. Enfin, à mon humble avis. Cela m'étonnait que quelqu'un se donne du mal pour verrouiller une pièce qui ne contenait rien. Surtout que je compris très vite pourquoi cette pièce était verrouillée : dans la cave, sur un matelas, il y avait un homme allongé.
Je manquai de me casser la figure dans l'escalier, saisie d'une autre migraine, et je réussis à m'approcher de l'homme. Je compris, au teint de son visage, qu'il était très mal en point. Je posai la pince près du matelas pour m'agenouiller près de lui, et regardai rapidement dans le sac qui était derrière sa tête : il y avait un revolver, un magazine et une boîte de pilules. Je regardai son visage de plus près, il avait les yeux fermés - il devait être en train de dormir, mais il respirait difficilement. Du moins je le croyais, jusqu'à ce qu'il entrouvre les yeux.
-Ellie ?
Sa voix était étonnamment fatiguée, ça me fit énormément de peine. J'allais lui répondre que je ne savais pas de qui il parlait, mais il me prit de court. Il tourna la tête vers moi, et, malgré son teint blafard et son ton fatigué, je crus voir de l'étonnement sur son visage.
-Sarah...
-Je m'appelle Sherry, dis-je d'un ton attendri
-Sherry, répéta l'homme
-C'est ça. Ne parlez pas, vous avez l'air mal en point.
-Ellie...
-Je ne sais pas de qui vous parlez. Il n'y a personne d'autre dans cette maison.
Je crus le voir essayer de bouger, mais il n'y arriva pas. Je vis que la couette était coincée sous le matelas, du coup elle était assez serrée pour l'en empêcher. Je compris donc que Ellie était la personne qui avait cadenassé la porte de la cave et fermé toutes les portes de la maison pour le protéger. Et à la manière dont il s'agitait pour sortir de sa prison de tissu, je compris que, lui aussi, tenait beaucoup à elle. Je me demandais encore qui était Sarah, par contre, mais j'estimais que ce n'était pas le moment de poser la question.
-Essayez de ne pas bouger, dis-je en essayant de limiter ses mouvements
Mais je fus interrompue par un bruit venant de l'escalier. Un de ces monstres avait réussi à entrer. Bon sang. J'attrapai mon pistolet par réflexe, mais je me souvins à ce moment-là qu'il était vide depuis le passage dans la forêt avec Jake. Je le jetai sur l'abomination, et plongeai ma main dans le sac de l'homme pour attraper le revolver. Ma vue se troublait de plus en plus, mais je réussis à faire feu en plein dans la poitrine du monstre, qui tomba à la renverse dans l'escalier. Mais je vis qu'il bougeait encore. Je repris mon souffle, ainsi que ma paire de minces coupantes, et je me concentrai pour me lever et aller planter mon arme tranchante dans la tête de la créature, qui émit un cri strident. Je mis un deuxième coup, pour le geste, et le "zombie" arrêta définitivement de bouger. Je soufflai un coup, étonnée de perdre mon souffle aussi vite, et je tournai la tête vers l'homme allongé. Il avait arrêté de bouger, ce qui me fit m'inquiéter, bien sûr, mais le mouvement de sa poitrine était rassurant. Je remontai quand même l'escalier pour refermer la porte, et revint au chevet du blessé.
-Ne vous en faites pas. Je veillerai sur...
Un vertige coupa ma phrase net, et mes yeux se fermèrent avant même que je ne m'en rende compte, faisant que je me suis effondrée à côté du matelas.