Les enfants de Bordeciel
Chapitre 34 : Le goût des jours meilleurs
3550 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour il y a 6 jours
Chapitre 34 – Le goût des jours meilleurs
La pluie tapait doucement contre les vitres embuées du dortoir. L’après-midi touchait à sa fin, et déjà l’obscurité grignotait les murs, tandis que le vent faisait gémir les volets. L’air sentait le linge humide, le vieux bois et la poussière mouillée. François était assis en tailleur sur son lit, une couverture jetée sur les épaules. Il observait le petit Elrik, recroquevillé au pied de la couche voisine, dos contre le mur, les mains serrées autour d’un vieux guerrier de tissu auquel un bras manquait.
Le garçon n’avait pas dit un mot de la journée. Ni même de la veille, d’ailleurs. À vrai dire, François ne se souvenait pas avoir entendu sa voix depuis son arrivée. Il se contentait de regarder le sol, ou parfois la fenêtre, sans rien dire, sans jamais répondre.
Constance changeait ses draps tous les matins, discrètement, sans rien dire. Mais tout le monde savait pourquoi. François, lui, ne disait rien non plus : il avait vécu ça, lui aussi, au début, quand il était arrivé ici. Sauf qu’à l’époque, c’était Grélod qui s’occupait du dortoir. Et elle, elle ne changeait rien discrètement. Elle criait, elle punissait.
François serra un peu la couverture contre ses épaules, puis secoua la tête, comme pour chasser ce mauvais souvenir. Il en avait eu sa part, et ce n’était pas le moment de s’y replonger. Il fouilla dans la poche intérieure de son manteau, en sortit un petit carré de tissu noué à la va-vite. Il l’ouvrit sur ses genoux, révélant quelques tranches brunes, ridées, à l’odeur sucrée. Elles collaient un peu, mais elles étaient encore bonnes.
« Tu veux un morceau de pomme séchée ? » demanda-t-il, sans hausser la voix.
Elrik ne réagit pas. Pas un clignement d’œil, pas un mouvement de tête. Il regardait toujours le sol, ses petits doigts crispés sur le guerrier de tissu.
« J’les ai eues au marché hier, reprit François après une courte pause. Ça réconforte pendant les jours de pluie. Et là… ben… »
Il fit un signe de tête vers la fenêtre et décrocha un sourire un peu bancal.
« On peut difficilement faire plus jour de pluie, hein ? »
Il tendit une des tranches vers le garçon, bras tendu mais pas trop près, comme s’il essayait d’apprivoiser un animal blessé.
Rien.
François attendit quelques secondes, puis déposa la tranche sur le lit voisin, juste à portée de main. Il referma doucement le reste dans le tissu, le replaça dans sa poche, et poussa un soupir silencieux.
« J’ t’oblige pas, hein. C’est juste que… c’est sucré. Et c’est pas souvent qu’on a du sucré, ici. »
Hroar, depuis son lit, avait levé les yeux. Il ne disait rien, mais il observait. Son regard passait de François au petit, de l’offrande au silence.
« Il t’écoute, dit-il enfin. Même s’il n’a pas l’air. »
François haussa un sourcil, regarda à nouveau Elrik. Toujours immobile, mais ses yeux avaient quitté le sol. Ils fixèrent la tranche, juste un instant. Cela n’avait duré qu’une seconde, juste assez pour que le plus grand le voie.
François détourna doucement son regard d’Elrik, pour éviter de l’intimider. Il sentait que quelque chose avait légèrement bougé entre eux, mais il savait qu’il ne fallait pas trop insister. Un petit qui avait peur, ça ne s’apprivoisait pas en insistant.
Hroar avait repris sa sculpture, tournant lentement un petit morceau de bois dans ses doigts. Le bruit régulier de la lame sur la matière sèche rythmait le silence. François finit par s’allonger sur le dos, bras croisés sous la nuque, contemplant le plafond.
« Tu crois qu’elle a cru à notre histoire ? » demanda-t-il à voix basse, sans regarder son ami.
Hroar s’arrêta un instant, la lame suspendue dans l’air, avant de reprendre tranquillement son geste.
« Constance ? J’en sais rien. Elle avait son air habituel.
— Lequel ? Celui où elle dit rien mais a l’air de penser très fort ?
— Ouais, sourit Hroar. C’est ça, exactement celui-là ! Mais je crois qu’on se le serait entendu dire, si elle avait compris… »
François laissa son regard dériver sur les vieilles poutres du dortoir, parcourant du regard les marques d’humidité qui dessinaient de drôles de formes sur le bois noirci.
« Je m’attendais quand même à ce qu’elle pose plus de questions…
— Peut-être que c’était convaincant !
— Ou alors elle en avait rien à faire. Ça l’arrange peut-être, après tout, de ne plus être après nous pendant quelques jours.
Hroar fronça les sourcils, interrompant encore une fois son geste.
« C’est pas vrai et tu le sais très bien, énonça-t-il calmement. Elle est pas comme ça. »
François se mordit la lèvre, gêné par ses propres mots.
« Je sais, murmura-t-il finalement. Je voulais pas dire ça. »
Le silence revint s’installer, lourd, un peu coupable. François tourna doucement la tête vers Elrik. Le garçon ne bougeait toujours pas, serrant toujours contre lui son guerrier abîmé. Mais quelque chose avait changé.
La tranche de pomme avait disparu.
François se redressa légèrement, essayant d’avoir l’air le plus naturel possible. Il retint un sourire en voyant les joues du garçon bouger discrètement. Elrik mâchait lentement, silencieusement, comme s’il essayait de ne surtout pas attirer l’attention. François détourna très vite les yeux, espérant que le petit n’avait pas remarqué qu’il avait vu.
C’était une victoire minuscule, mais une victoire quand même.
François tira un peu plus sa couverture autour de lui. Le vent s’était levé dehors, faisant frémir la fenêtre. Il resta silencieux quelques secondes, à écouter le bois grincer et les pas lointains dans le couloir. Puis il reprit, la voix basse, comme s’il voulait parler sans réveiller quelque chose de fragile.
« Brynjolf devrait pas tarder. »
Hroar leva les yeux, encore concentré sur le museau pointu de son animal de bois.
« Tu crois qu’il réussira à faire croire à tout ça ?
— J’espère… On a bossé assez dur pour tout rendre crédible. Le vieux menuisier à qui on rend service et qui veut nous embaucher pour un petit chantier… Franchement, ça tient debout, non ?
— Tant qu’on n’entre pas trop dans les détails… Comme pourquoi c’est pas payé…
— C’est payé. Un peu », rectifia François en pointant sa poche, celle où il avait rassemblé leurs économies, avec lesquelles ils avaient prévu de faire croire à un salaire à leur retour.
Hroar souffla doucement, sans lâcher son morceau de bois.
« Ouais… De toutes façons, c’est pas nous qui allons finir de la convaincre, c’est lui. Et il est bon menteur, non ?
— Il l’a toujours été… »
Un silence. Puis François reprit, plus doucement :
« Tu crois que Mercer était sérieux ? Si ça foire… »
Il ne termina pas sa phrase. Il en avait pas besoin. Le souvenir de leur entrevue avec le chef de guilde était encore bien trop présent. Après l’incendie incontrôlé du Lumidor, Mercer les avait convoqués pour ‘réparer’ le préjudice. Il ne les avait pas frappés, certes non, mais désormais, ils étaient condamnés à effectuer cette fichue mission gratuitement. Il leur avait en outre suggéré, les yeux brillants comme des éclats de couteau, de réussir parfaitement le travail, sans quoi Un sac, une pierre, et au fond du lac. François frissonna.
« On n’a pas intérêt à rater. »
Hroar ne répondit pas. Il s’était redressé, rangeant enfin son couteau dans la petite boîte cachée sous le matelas. Il frotta ses mains pleines d’échardes sur son pantalon, puis se leva.
« Viens, on va voir s’il est arrivé. »
François hocha la tête, se préparant à le suivre, repoussant doucement la couverture de ses épaules. Mais à peine avait-il posé un pied au sol qu’il sentit une résistance : quelque chose retenait sa manche. Il baissa les yeux.
C’était Elrik.
Le petit le fixait. Pas franchement, pas directement. Plutôt comme on regarde quelque chose qu’on voudrait garder, sans savoir comment le dire. Ses petits doigts serraient le tissu, pas fort, mais avec une détermination étrange, silencieuse, immobile.
François resta figé. Il sentit une chaleur bizarre se répandre dans sa poitrine. Comme si un oiseau minuscule s’était posé sur lui, sans prévenir, fragile et confiant. Il n’osa pas bouger, de peur que tout s’envole. Il regarda Elrik, puis la main, puis Hroar, qui avait vu aussi.
« Je… j’crois que je vais rester là encore un peu, dit-il, presque à mi-voix.
Hroar acquiesça, sans un mot.
« J’reviens vite, répondit-il simplement avant de sortir dans le couloir, refermant la porte doucement derrière lui.
François s’assit à nouveau sur le bord du lit, lentement, sans tirer sa manche. Il laissa la main du petit là où elle était. Elrik ne disait rien, ne le regardait même plus. Mais il ne le lâchait pas. Alors François attendit. Une pluie plus fine avait remplacé les coups secs sur les vitres, comme si le ciel lui-même retenait son souffle.
Des pas se firent entendre dans le couloir. D’abord deux, rapides et légers – Hroar. Puis un autre rythme, plus assuré. Plus lourd. Brynjolf.
Il ferma les yeux une seconde. C’était maintenant.
Dans l’autre pièce, il entendit les voix se mêler, assourdies par le bois humide de la cloison.
« Ah, vous devez être monsieur Brynjolf ! fit Constance avec un ton qui semblait accueillant. Je vous attendais.
— Désolé du retard. La pluie… »
Depuis le dortoir, François n’entendait pas chaque mot, mais il en devinait assez pour comprendre le ton, le théâtre bien rôdé. Brynjolf jouait son rôle, le vieux roublard des marchés devenu artisan honnête. Il n’avait pas besoin de dire grand-chose. Il suffisait d’un ton sincère, d’un sourire franc, et tout le monde le croyait. Même lui, parfois.
« Et nous, madame Constance, on peut pas aider ? » fit une voix plus aiguë – Runa.
« J’peux porter les seaux, moi ! » lança Samuel.
François esquissa un sourire : ils jouaient bien leur rôle, eux aussi. Même si Hroar et lui partageaient de moins en moins les récits de leurs exploits dans le secret du dortoir, les deux autres savaient pertinemment que Brynjolf n’avait jamais été très familier avec l’idée de travail honnête. Et pourtant, ils les couvraient.
« Un jour peut-être. Si vous êtes aussi courageux que vos camarades. Le travail honnête, ça demande de la patience », répondit la voix du roublard sur un ton enjoué.
François ferma les yeux. Il imaginait parfaitement le sourire en coin que le voleur affichait à cet instant. Ce demi-sourire rassurant, presque paternel. Une farce bien huilée.
Des pas approchèrent. Un froissement discret. Hroar passa la tête dans l’entrebâillement de la porte, et leva le pouce en signe de victoire. François acquiesça sans un mot.
Derrière Hroar, la voix de Constance s’éleva :
« Très bien, suivez-moi, monsieur Brynjolf. Nous allons voir tout cela dans mon bureau. »
Les pas s’éloignèrent. Le grincement d’une porte, puis un claquement étouffé.
Le dortoir retrouva son calme. Seul le tambour de la pluie contre les vitres répondait encore à leurs pensées.
François baissa les yeux. Elrik, la tête posée contre le mur, gardait sa main sur sa manche. Il respirait calmement. Il ne dormait pas, mais il n’était plus tendu. François leva les yeux vers Hroar, resté dans l’encadrement de la porte. Ce dernier esquissa un sourire bref, fatigué, mais satisfait.
Ça avait marché, du moins, pour l’instant.
oOo
La porte se referma dans un claquement feutré, étouffé par l’humidité des boiseries. La pièce sentait la cire et l’encre séchée. Quelques bougies à moitié consumées étaient plantées dans des chandeliers irréguliers, projetant une lumière vacillante sur les murs tapissés de registres. Leurs flammes dansaient doucement, comme au rythme d’une respiration lasse. Constance resta un instant immobile, les bras croisés, le regard planté dans celui de Brynjolf.
« Vraiment, Bryn’ ? Toi, en honnête artisan ? »
Un rictus amusé fendit les lèvres du voleur. Il retira sa capuche avec lenteur, comme s’il posait un masque.
« Les autres gamins ont l’air d’y avoir cru. C’est ce qui compte, non ? »
Constance pinça les lèvres. Elle traversa la pièce, attrapa une tasse sur l’étagère sans rien dire, la remplit d’eau chaude, puis s’assit derrière son bureau avec une lenteur mesurée. Son dos droit, son menton haut. Elle le scruta par-dessus la vapeur.
« Même François et Hroar avaient l’air convaincants quand ils m’ont parlé de ce vieux menuisier qui avait besoin de deux bras pour réparer un hangar. »
Un silence, lourd.
« Après tout, ils ont un très bon professeur en la matière, non ? »
Brynjolf haussa légèrement les épaules, sans arrogance, juste une lassitude tranquille dans le geste.
« Ils avaient déjà commencé à me chercher avant que j’aie quoi que ce soit à leur apprendre. Quand j’les ai croisés la première fois, ils fuyaient Grélod. Comme nous tous, autrefois. »
Constance baissa les yeux vers sa tasse. Elle fit tourner l’eau d’un geste lent, puis releva la tête.
« Grélod est morte, Bryn'. On en avait toujours rêvé, et c’est arrivé. Et tu sais quoi ? Ça a été ridicule. Elle a encore voulu frapper un des enfants, elle a trébuché et s’est ouvert le crâne. Fin de l’histoire. Nous qui rêvions d’un vengeur, ou d’un châtiment divin, ça n’a finalement été qu’un pitoyable retour de bâton. »
Un soupir.
« Enfin… Depuis, on respire, ici. L’orphelinat est devenu un bon endroit. Les enfants peuvent grandir sainement. Ils n’ont plus à fuir, à trouver refuge dans la Guilde ou ailleurs ! Mais toi, tu les as quand même entraînés là-dedans, et je ne m’en suis rendu compte que trop tard. »
Brynjolf se contenta d’un hochement de tête, les mains croisées sur ses genoux.
« Peut-être, Connie. Mais François et Hroar avaient déjà trop goûté à l’autre monde pour faire machine arrière. Ils ont l’entourloupe dans le sang, ces deux-là. »
Constance serra la mâchoire, les doigts crispés sur la tasse.
« Tu sais que les dons à l’orphelinat ont augmenté ces jours-ci ? Argent, nourriture, vêtements. Au début, je croyais à un miracle, et puis j’ai vu. Ce sont eux, Bryn’ ! Ils se procurent toutes sortes de choses et les laissent sur le perron. Ils savent très bien qu’une fois la ‘bonne surprise’ découverte, ils pourront en profiter, avec leurs camarades ! »
Brynjolf émit un éclat de rire bref, surpris. Une lueur de fierté passa dans son regard.
« Les petits malins ! Je me demandais où passait leur argent. Ces gosses ont réinventé le blanchiment ! »
Constance leva les yeux. Ses traits étaient devenus tristes, son regard perdu dans les années passées.
« Ils ont bon cœur, Bryn’. Toi aussi, à l’époque, quand tu voulais tous nous faire sortir de là, tu te souviens ? Tu disais que t’apprendrais à voler, que tu deviendrais assez riche pour nous acheter une maison. »
Un soupir passa dans sa voix.
« Tu es parti à quatorze ans. On ne t’a pas revu. Moi, je suis restée, pour faire ce que je pouvais, pour empêcher la vieille de finir par en tuer un. »
Brynjolf baissa les yeux. Il se frotta la nuque.
« J’ai cru que si je devenais assez doué, je pourrais comprendre. Et c’était vrai, j’ai compris certaines choses. Tu sais, Grélod… elle n’était pas là par hasard. C’était un cadeau de Maven à la Guilde, une manière de convaincre les plus débrouillards de s’échapper. Et alors, on leur tendait une main… »
Constance se figea, stupéfaite. Un silence glacial s’abattit.
« C’est… et toi… tu savais ça ? »
Il hocha la tête, une ombre dans la voix.
« J’ai voulu rester, pour observer. Puis j’ai gravi les échelons. Et un jour, je suis devenu la main. C’était pas censé se passer comme ça. »
Un silence passa.—Constance dardait le roublard d’une colère contenue.
« Tu dois te souvenir d’un certain Tolin ? Il a rejoint la Guilde après avoir fui, lui aussi. »
Brynjolf ferma les yeux un instant.
« Un p’tit gars vif. Trop, sans doute. Il fonçait sans réfléchir. »
Constance hocha la tête, sans le regarder.
« Quand Il a fui l’orphelinat, j’étais déjà devenue l’assistante de Grélod. Je l’aimais bien. Quand on a appris qu’il avait été abattu d’une flèche dans le dos par un garde… »
Elle se tourna enfin vers lui.
« Grélod en a ri. ‘Un vaurien en moins’, c’est tout ce qu’elle a dit. Moi, j’en ai pleuré. Je n’ai pas envie de François ou Hroar finir comme lui ! »
Brynjolf releva la tête. Il ne subsistait plus rien de son habituel air jovial.
« Moi non plus, Connie.
— Écoute, veille sur eux, Bryn'. S’ils doivent suivre ce chemin, au moins… montre-leur où poser les pieds. »
Il acquiesça.
Constance se rassit lentement, mais ses yeux restaient accrochés à lui, plus sombres.
« Une dernière chose. J’ai un autre gamin q a fui il y a peu. Aventus Arétino. On m’a dit qu’il avait été recueilli, mais je sais pas par qui. Tu l’as croisé ? »
Brynjolf haussa un sourcil, surpris.
« Ça ne me dit rien. Il n’est pas dans la Guilde, en tout cas. Mais je garderai une oreille ouverte, je te le promets. »
Constance soupira. Longuement. Puis se pencha sur son bureau, attrapa une plume.
« Tu sais, parfois, je rêve encore que t’es revenu plus tôt. Que t’es revenu pour nous sauver. Que… que tout le monde est encore là. »
Brynjolf ne répondit pas tout de suite. Il observa longuement Constance, les traits tirés, le dos toujours droit malgré la lassitude évidente qui pesait sur ses épaules. Puis il se leva sans un mot, remit sa capuche d’un geste mesuré, presque solennel.
« Je passerai demain à la première heure. Pour les deux. »
Constance ne leva pas la tête. Elle grattait doucement le parchemin vierge devant elle, traçant des lignes sans but avec la plume encore sèche. Un tic nerveux, vieux comme les longues nuits d’insomnie passées à rédiger des rapports qu’aucun fonctionnaire n’avait jamais lus.
« Sois prudent, Bryn’. »
Le voleur s’arrêta à mi-chemin de la porte. Il hésita, puis répondit, sans se retourner :
« Toi aussi, Connie. »
Puis il disparut dans le couloir. Le grincement léger des planches accompagna ses pas jusqu’à ce qu’ils se perdent dans le silence du vieux bâtiment.
La pièce retrouva son calme. Seules les flammes des bougies continuaient de vaciller, projetant des ombres mouvantes sur les murs chargés de souvenirs. Constance resta là, longtemps immobile, le regard fixe sur le parchemin blanc. Finalement, elle reposa la plume, s’enfonça dans le dossier de sa chaise, et ferma les yeux.
Et tous les enfants passés par ici lui revinrent. Les absents, les disparus. Et tous ceux qui, adultes depuis longtemps, gardaient dans le regard un éclat de ces murs trop sombres.