Les enfants de Bordeciel

Chapitre 3 : Rivebois

2647 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a presque 2 ans

Chapitre 3 - Rivebois

Le soleil, qui avait atteint son zénith lorsque Hunfen s'était mis en route avec Ralof et Hadvar, était désormais sur le point de disparaître derrière les montagnes environnantes. Cette marche semblait au garçon l’une des plus éprouvantes qu’il ait jamais entreprises, d’autant plus qu’elle avait été interrompue par une attaque de bêtes sauvages. Hunfen avait tenté d’utiliser son sort de flammes pour se défendre, mais sa concentration n’était pas encore assez rapide, et les deux adultes avaient rapidement éliminé la menace avant qu’il ne puisse libérer sa magie. Les jambes douloureuses et l’estomac criant famine, Hunfen ressentit un soulagement profond en voyant enfin le village de Rivebois se profiler à quelques centaines de mètres, promettant repos et réconfort après cette longue journée.

Le village, niché dans une clairière au bord de la rivière, entouré de majestueux sapins qui bordaient la région montagneuse, dégageait une atmosphère paisible. Les villageois, absorbés par leurs tâches quotidiennes, ne semblaient pas avoir remarqué un quelconque danger imminent. Hunfen pouvait entendre le rythme régulier des coups de marteau du forgeron et les grincements des lames de la scierie, accompagnés par le murmure de l’eau s’écoulant sur la roue du moulin. Rien n’indiquait que le dragon avait survolé ces lieux, ou alors il n’avait pas trouvé d’intérêt à les attaquer.

Tandis que le trio franchissait les portes de Rivebois, une femme blonde à l’allure robuste se précipita en leur direction depuis la scierie.

« Ralof !, s’exclama-t-elle en l’enlaçant chaleureusement, Qu’est-ce que tu fais ici, frangin ? Je te croyais aux côtés d'Ulfric ! »

Elle se tourna en direction de la scirie et joigit ses mains en poete-voix : « Hod ! Viens voir qui est là ! ». un homme blond et trapu sortit à son tour. Elle se figea en reconnaissant le légionnaire. « Bonjour, Hadvar », le salua-t-elle plus froidement. Hadvar lui rendit son salut d’un signe de tête, tout aussi distant.

Le forgeron, un homme à la carrure imposante qui arborait une barbe et des cheveux blond cendré parsemés de marques de brûlures ainsi qu’un tablier marqué par de longues journées de travail, s'approcha à son tour. « Hadvar, quelle surprise ! » s’exclama-t-il. Il marqua un temps d’arrêt, fixant tour à tour Hadvar et Ralof. « Qui est le prisonnier de qui, cette fois ? »

Le sombrage éclata de rire. « On peut dire que c’était moi, Alvor, mais je ne le suis plus !

— C’est une longue histoire, mon oncle », éluda Hadvar, hésitant.

La femme les observa un instant en prenant un air inquiet. « Par les Neuf, mais qu’est-ce que vous avez encore fait, tous les deux ? On dirait que vous avez été au feu ! Qu’est-ce qui vous est arrivé ? Et qui est cet enfant ? »

Hadvar et Ralof échangèrent un regard avant de se tourner vers Hunfen. « Eh bien, Gerdur, je te présente Hunfen, dit Ralof. On l’a rencontré à Helgen…

— Helgen ?! Le coupa Gerdur, stupéfaite. Mais la ville grouille d’impériaux ! Qu’est-ce que tu faisais là-bas ? Qu’est-ce qui est arrivé ?

— Un dragon, Gerdur, répondit son frère, le visage grave. Un dragon est arrivé. Il a complètement détruit Helgen, et nous l’avons vu se diriger par ici.

— Un dragon ? répéta Alvor, incrédule. La dernière fois qu’on a vu un dragon en Bordeciel, c’était il y a des millénaires ! Et encore, ce ne sont que des légendes, non ?

— Les légendes ont souvent un fond de vérité, Alvor, répondit Gerdur, tout aussi stupéfaite. Mais s'ils disent vrai, alors il faut prendre cette menace au sérieux. Mais d'abord, ils ont tous les trois besoin de se reposer, se laver et de manger quelque chose. »

Elle s’accroupit à hauteur de Hunfen, les yeux emplis de compassion. « Tu as dû être terrifié, petit ! dit-elle doucement. Viens, tu vas pouvoir te remettre de tout ça.

— Oui, venez donc chez moi, acquiesça Alvor. Il y a assez de place pour nous tous ! »

Alors qu'ils se préparaient à suivre le forgeron, une vieille femme apparut un peu plus loin, les cheveux en bataille et le regard exalté. Elle criait d’une voix tremblante : « Un grand dragon noir ! Aux yeux rouges comme le sang ! Je l’ai vu, il a survolé le village ! »

Un jeune homme aux cheveux blonds accourut vers elle, l’air embarrassé et inquiet. « Mère, calme-toi, s'il te plaît. Tu sais bien que les dragons n’existent que dans les légendes. Rentre à la maison et repose-toi. »

Hunfen observa la scène, une pointe de tristesse le gagnant. Il percevait la détresse des adultes présents, sans en comprendre entièrement la cause. Gerdur et Alvor échangèrent un regard inquiet, tandis que Ralof et Hadvar restaient silencieux. Le jeune homme jeta un regard d'excuse vers le groupe, puis prit doucement sa mère par le bras et l'éloigna, tandis qu’elle continuait de marmonner à propos du dragon noir.

Alvor finit par briser le silence. « Bon, ne restons pas ici. Venez chez moi, nous pourrons discuter de tout cela autour d’un bon feu et d’une soupe chaude. »

Une fois à l’intérieur de la maison d’Alvor, l’inquiétude des adultes se faisait palpable. Ils s'installèrent autour de la table, et le forgeron prit la parole, s’adressant à Ralof et Hadvar. « Dites-moi, ce dragon, à quoi ressemblait-il ? »

Les deux soldats échangèrent un regard avant de répondre. « C’était une créature immense, avec des écailles sombres, presque noires, et des yeux rougeoyants, répondit Hadvar d'une voix grave.

— Oui, et il était incroyablement puissant, renchérit Ralof. Il a rasé Helgen en un rien de temps. »

Alvor fronça les sourcils, visiblement préoccupé. « Alors ce que Hilde a dit tout à l'heure… Son “grand dragon noir”, cela correspond à votre description, et aussi à la légende. La prophétie des Parchemins des Anciens, à propos du retour d'Alduin. »

Sigrid, l’épouse d’Alvor, acquiesça, son visage marqué par l'inquiétude. « Moi aussi, on m’a raconté cette légende. La prophétie disait : “Des ailes noires dans le froid, quand une guerre fratricide sera déclarée. Alduin, fléau des rois, ancienne ombre libérée, de sa faim, le monde, il avalera.”

— Les prophéties des Parchemins des Anciens sont toujours mystérieuses, répondit Hadvar peu sûr de lui, mais celle-ci est particulièrement troublante. Est-ce vraiment un héraut de la fin des temps ? »

Hunfen écoutait attentivement, essayant tant bien que mal de saisir le sens de cette prophétie. Il ne s’agissait que de légendes, d’histoires racontées au coin du feu, et pourtant, la simple mention d’Alduin faisait courir un frisson glacé le long de sa colonne vertébrale. Instinctivement, ce nom lui évoquait des images de destruction, de dévoration et de domination implacable. Une angoisse viscérale le saisit, plus profonde encore que la terreur qu’il avait ressentie à Helgen. Peut-être était-ce un contrecoup des événements traumatisants qu’il avait vécus, mais quelque chose dans ce nom éveillait un effroi ancestral en lui, comme si cette menace avait été gravée dans ses os. Les adultes autour de la table semblaient eux aussi de plus en plus nerveux.

Gerdur se tourna vers Ralof, la voix empreinte d’inquiétude. « Tu ne m’as pas dit pourquoi tu étais à Helgen ! Aux dernières nouvelles, tu avais rejoint la garde personnelle d'Ulfric, n’est-ce pas ? »

Ralof baissa les yeux, hésitant un instant avant de répondre. « On a été pris dans une embuscade des Impériaux. La bataille a tourné court. Ulfric nous a ordonné de nous rendre pour éviter le massacre et on a été capturés. Ils nous ont emmenés directement à Helgen pour nous exécuter, sans procès.

— C'est exact, confirma Hadvar. C’est le général Tullius lui-même qui a orchestré l'opération. Mon groupe a participé à l’attaque. »

Gerdur acquiesça, inquiète pour son frère. Hunfen repensa à la capitaine qui avait tenté de le tuer durant leur fuite. Il n’aurait jamais cru qu’une créature puisse le terrifier davantage que cette femme, avant que le dragon n’apparaisse ! Il prit la parole, désireux de partager son histoire :

« La capitaine d’Hadvar… elle a voulu me tuer ! Même après que le général Tullius a ordonné de m’enfermer, elle a essayé de me poignarder. Et puis, quand on fuyait le dragon avec Ralof, elle m’a donné un grand coup d’épée, mais Ralof l’a repoussée juste à temps. J’ai eu si peur que… j’ai lancé un sort de flammes sur elle, sans le faire exprès ! »

Il s’arrêta, sentant une tension nouvelle dans la pièce. Les adultes avaient gardé le silence. Alvor et Sigrid échangeaient un regard inquiet, tandis que Gerdur et Hod semblaient scandalisés. Ralof posa une main réconfortante sur l'épaule d'Hunfen, et termina l’histoire : « Ce sort m’a laissé une ouverture, et j’ai pu la blesser. Ensuite, l’entrée du fort s’est effondrée. On a échappé de justesse. Elle n'a pas survécu. »

Hadvar semblait mal à l'aise à l’évocation de l'incident. « Ces derniers temps, je n'éprouvais plus aucune fierté à servir sous ses ordres, avoua-t-il. Une rumeur courait parmi les hommes, il se disait que sa famille avait été massacrée par des Sombrages. Je crois que sa soif de vengeance avait pris le pas sur son commandement. »

Il poussa un soupir avant de poursuivre : « Quant au général Tullius, je ne sais pas ce qu'il est advenu de lui. Il dirigeait la défense contre Alduin. J’espère sincèrement qu’il a survécu. »

Ralof hocha la tête en signe d’acquiescement. « Je n’ai pas non plus revu Ulfric. Mais à mon avis, l a réussi à s’échapper aussi. »

Hunfen, malgré cette aventure, partageait l'espoir des deux hommes. D’aussi grands chefs de guerre parvenaient toujours à survivre, même face à des situations aussi périlleuses.

oOo

Le lendemain matin, Hunfen se réveilla à l’aube, trop excité pour rester au lit. Les événements de la veille tournaient encore dans son esprit. Sortant de la maison, il aperçut Alvor, déjà au travail à son établi. En s’approchant pour l’observer à l’œuvre, il réalisa que le forgeron travaillait sur sa propre armure de cuir.

« Bonjour, jeune homme ! On dirait que tu es tombé du lit, » plaisanta le forgeron en apercevant l'enfant. Il tendit le vêtement de cuir à Hunfen en ajoutant : « Tiens, essaie-la. Je l'ai ajustée pour qu'elle te convienne mieux. »

Hunfen enfila la protection, qui lui allait désormais parfaitement. « Merci, Alvor. » répondit-il en souriant, reconnaissant.

Ils furent rejoints par les autres tandis qu'Alvor effectuait les dernières retouches. Gerdur les salua et annonça : « Il faut que quelqu’un aille informer le jarl Balgruuf de l'attaque du dragon. Qu'il s'agisse d'Alduin ou non, nous aurons besoin de renforts !

— Blancherive est restée neutre dans cette guerre, répondit Hadvar avec regret. Ni Ralof, ni moi ne serons autorisés à entrer. »

Alvor hocha la tête. « Delphine doit se rendre à Blancherive ce matin pour se réapprovisionner. C’est la tenancière de l’auberge du Géant Endormi, à côté. » expliqua-t-il à Hunfen. « Tu as été témoin de l'attaque. Accepterais-tu de l’accompagner et d’aller prévenir le jarl ? »

Hunfen hésita un instant, surpris qu'on lui confie une telle mission. Bien sûr, il ne demandait qu’à aider les villageois, mais déjà, un grand nombre de questions assaillaient son esprit. Il finit par répondre : « Oui, d’accord ! Mais comment est-ce qu’on le rencontre ? Il faut demander à qui ? Et qu’est-ce que je dois lui dire exactement ?

— Ne t'inquiète pas, Hunfen, répondit Gerdur d’une voix amusée. Delphine te guidera à Blancherive et t'aidera à demander audience au jarl. Raconte-lui simplement ce que tu as vu à Helgen, et que le dragon se dirigeait par ici. »

Rassuré, Hunfen acquiesça, déterminé à relever le défi.

« Je suis sûre que tu seras à la hauteur, petit. Nous comptons sur toi. » ajouta-t-elle avec un sourire confiant.

Le groupe se rendit à l’auberge, qui se trouvait non loin. C’était une longère de bois semblable aux autres bâtiments du village, distinguée seulement par l’enseigne accrochée à l’entrée. À proximité se trouvait un cheval attelé à une charrette. À l’intérieur, ils trouvèrent Delphine en train de préparer ses affaires pour le voyage. Cette Brétonne d'âge mûr arborait un visage dur et des cheveux blonds noués en une queue de cheval qui lui donnait un air sévère.

« Delphine, dit Gerdur, voici Hunfen. Il doit se rendre à Blancherive pour parler au jarl Balgruuf. Nous pensions qu’il pourrait t'accompagner. »

Delphine jeta un coup d’œil à Hunfen et hocha la tête. « Bien sûr, je suis prête à partir. Nous ferons route ensemble. »

Un mélange d'excitation et d'appréhension s’empara de Hunfen. Il allait se rendre à Blancherive pratiquement seul, pour la première fois. Et il devait s’adresser au Jarl en personne ! Mais il fallait le faire, c’était important. Il serra les dents et entreprit de calmer son angoisse, se préparant mentalement pour le voyage.

Hadvar et Ralof, debout côte à côte, affichaient des expressions graves, conscients de l’importance de la situation. Le légionnaire prit la parole en premier, forçant un sourire optimiste.

« Je vais retourner à Solitude pour faire mon rapport à l’état-major. Nous aurons besoin de renforts pour affronter cette menace. »

Ralof hocha la tête, ajoutant d'un ton grave : « Moi aussi, je vais retourner à Vendeaume pour faire mon rapport à Ulfric Sombrage. La situation est plus critique que jamais. »

Un silence s’étira alors que les deux hommes se regardaient. Ralof finit par ajouter avec un sourire amer : « J'espère qu’on ne se croisera pas sur le champ de bataille, l’ami !

— Moi aussi, Ralof, moi aussi, répondit Hadvar. Prends soin de toi. »

Le légionnaire se tourna vers Hunfen et reprit plus joyeusement :

« N’oublie pas de continuer d’entraîner ton sort de flammes, Hunfen. Mais prends garde de ne pas brûler la forêt !

— Oui, on a déjà assez de problèmes comme ça ! ajouta Ralof en riant. Fait attention à toi, petit ! »

Alvor s'approcha d'Hunfen et lui tendit une dague bien aiguisée. « Tiens, c’est pour toi. On ne sait jamais ce que tu pourrais rencontrer sur ton chemin. Prends soin de cette arme, elle te le rendra ! »

Hunfen accepta la dague avec gratitude, les yeux brillants. « Merci, Alvor. Je ferai attention. »

Après des adieux brefs mais sincères, chacun partit dans une direction différente. Hunfen, armé de sa nouvelle dague et vêtu de son armure ajustée, se sentait prêt à affronter les défis qui l’attendaient. Delphine prit la longe du cheval, et ensemble, ils se mirent en route vers Blancherive.

Laisser un commentaire ?