Jay'la et l'Histicide
Chapitre 8 : Assaut sur la Pyramide
3541 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour il y a environ 1 an
Dès que les bandits venus piller la Cutlexecuh-Ta-Xolothl montreraient le bout de leur nez, l’expédition d’Ardtman les accueillerait comme il convenait. L’avance de Cuiwen leur avait donné le temps de mûrement réfléchir à la meilleure manière de les neutraliser. Tout était prêt. La clé de leur plan de bataille reposait sur une détection précoce, sur l’effet de surprise et quelques pièges bien placés. Il ne restait plus qu’à attendre, les armes à portée de main. Cela durait depuis une semaine.
Cuiwen mâchonnait un bâton de réglisse, assise en tailleur seule dans le hall où les chercheurs avaient dressé leur camp de base. Le travail ne cessait pas pour si peu. A la lumière vacillante d’une lanterne, elle ajustait au fusain les mesures de la carte de la chambre funéraire dégagée. Ses épaules la tiraillaient encore de l’âpre travail fourni à la pioche et du poids de tous ces paniers de gravats évacués dans une fosse.
Secondé par Zequiel Faustus, Thorvald Tord-Boyaux s’y trouvait encore pour étudier les trois momies qu’ils avaient trouvé inhumées là. Quand Cuiwen l’avait quitté avant de remonter, il râlait encore qu’elle fussent toutes lacérées et mutilées. Il n’avait pourtant pas été le dernier à jouer de son épée lorsqu’elles étaient revenues à la vie tout à l'heure pour attaquer les chercheurs tout juste entrés dans la salle où elles reposaient. Cuiwen, Zequiel et lui avaient retenu les morts-vivants le temps que Wilfred Ward ne levât la malédiction qui les rendait immortels, qu’ils puissent enfin les pourfendre pour de bon. Une matinée mouvementée, mais très amusante. Les fouilles avançaient. Claudius Cole soupçonnait l’existence d’un passage secret derrière l’une des parois de l’antichambre sud et menait à l’instant même toute une batterie de sondages.
Courbée sur son parchemin, Cuiwen fit nonchalamment glisser son bâton au coin de ses lèvres. Elle humecta son pouce pour corriger la proportion des sarcophages dressés au centre du plan. Elle effaça un trait, vérifia la mesure à l’aide de son compas et, satisfaite, recula son visage pour admirer son ouvrage de loin. Ça prenait forme ! Encore quelques légendes à ajouter dans la marge et Claudius Cole pourrait ajouter cet appendice à la carte qu’il tenait à jour depuis son arrivée.
Le grincement lourd de l’échelle dans son dos indiqua que quelqu’un descendait dans la pyramide depuis la terrasse externe. Xer, devina Cuiwen. Elle tourna la tête pour saluer son guide. Il ne se mêlait que rarement à eux, ces derniers jours. Lui, Uuwej et Jaalih passaient leur temps à patrouiller l'extérieur pour surveiller l‘approche des bandits. La tête rousse bien humaine, marquée d’une calvitie naissante qui se montra à la place la détrompa : c’était Ardtman.
— Tiens, tu es là ? Je te croyais avec Claudius, en train de sonder l’antichambre sud.
— C’était trop étroit, on se gênait. Demain, on déménagera la chambre principale, ça nous laissera de la place pour installer le matériel et on pourra fouiller le tunnel secret dès que Claudius aura prouvé son existence. On verra si ça mène à un cul de sac ou une salle aux trésors, mais dans tous les cas, c’est notre nouvelle priorité. Ça devrait nous permettre d’en finir avec ce secteur avant d’entamer les fouilles du niveau - 4. Et vous, alors, la chambre n° 2 ? Vivian m’a raconté pour les momies.
— C’était un peu sportif, mais rien de grave. Pas pire que les atronachs de l’autre jour.
Lorsqu’ils avaient découvert l'entrée de l'antichambre sud, un sceau d’invocation daedrique la protégeait. Le temps de s’en rendre compte, le chantier s’était retrouvé envahi de daedras qui se matérialisaient sans cesse. Dans le chaos, une bonne partie de leurs trouvailles, poteries et armes cérémonielles stockées là en attendant qu’Enandar ne les catalogue avaient finies incinérées dans un déferlement de foudre. Zequiel Faustus s’était gravement gelé la main en tentant de repousser un atronach de givre mais heureusement, Uuwej était rentré à temps pour appliquer un baume qui avait sauvé son membre. Le jeune homme n’en conservait qu’une raideur qui finirait par disparaître. Par leurs efforts conjoints, Ardtman et Cuiwen avaient réussi à déloger de leur support, dans la sacristie du niveau supérieur, les gemmes spirituelles qui maintenaient les sceaux actifs. Il ne leur avait plus suffi ensuite qu’à se débarrasser des derniers intrus. Mais l'événement avait remémoré à tous combien explorer ce genre de ruines pouvait s’avérer dangereux.
— Et toi ? Qu’est ce que tu faisais dehors ?
— Je suis allé vérifier que tout était en ordre pour Uuwej, Xer et Jaalih. Et faire la tournée d’inspection des enchantements implantés par Wildred, pour vérifier qu’ils sont bien fonctionnels. Si tu as raison concernant ces bandits, chaque heure qui passe nous rapproche un peu plus du moment où ils se montreront. Cette attente me scie les nerfs.
— J'espère qu’ils n’auront rien fait de mal à Teramzu, soupira Cuiwen. Et que personne ne finira blessé ou pire dans cette histoire…
— Nous faisons un métier dangereux. Ce ne sont pas les premiers pillards que nous devons repousser.
Ardtman étala une couverture pour s’installer au sec sur la mousse humide. Il piocha quelques branchettes sur le tas de bois posé le long du mur et les jeta sur les braises rougeoyantes du feu de camp. Cuiwen cracha dans l’âtre quelques fibres de réglisse, trop coriaces pour être avalées, et lui lança en souriant :
— C’est ton tour de popote aujourd’hui ? Il y a quoi au menu ?
Il fallait avouer que fouiller la chambre mortuaire d’une pyramide abandonnée et occire les morts-vivants qui l’habitaient encore, ça ouvrait l'appétit. Maintenant qu’elle y prêtait attention, le ventre de Cuiwen se manifestait bruyamment à elle par gargouillis gutturaux. Ardtman plongea la main dans une caisse de provisions, juste assez longtemps pour entretenir le suspens.
— Alors, nous avons, oh… surprise ! s'exclama-t-il en exhibant fièrement un sac de patates. Et puis, roulement de tambours….
— Attends : laisse-moi deviner. Du riz-de-sel ?
— Bingo, conclut Artdman en sortant à son tour un sac entamé de cet aliment. Mais ce n’est pas tout, il y a aussi…
— Par pitié, ne me dis pas que c’est du lard…
— Perdu !
C’était du lard. Ardtman, posa le doigt sur ses lèvres et contempla un instant le tas d'ingrédients, ostensiblement perdu dans ses pensées.
— Mmmh… tout ça réuni, je dirais bien qu’il y là de quoi préparer un excellent ragoût de patates, de lard et de riz-de-sel.
— Super… grimaça Cuiwen. j’en rêvais justement, ça fait trop longtemps que je n’en avais pas dégusté un. Depuis hier soir, si mes souvenirs sont exacts ?
— Sinon, il reste encore un peu de crocodile. Mais l’odeur comme la couleur commence à devenir suspecte.
Vivian Vilnius et Zequiel Faustus avaient trouvé cette bête énorme coincée dans un trou d’eau lors des travaux de déblaiement du corridor central du niveau -3, en début de semaine. Même une fois achevée à coups de machette, cinq paires de bras avaient à grand peine suffit à le sortir de là. Une fois dépecée, la viande avait depuis amélioré l’ordinaire, mais le climat humide ne favorisait guère la conservation.
— Mmh… Je me contenterai de ragoût de lard, je pense…
Le sac de patates que lui jeta Ardtman atterrit dans ses bras.
— Si tu as fini ta carte, tu as le droit d’aider à les éplucher.
— Non mais sans rire : l'Université Arcanes vous rabote à ce point les budgets pour économiser comme ça sur la bouffe ?
Cuiwen rangea ses affaires de dessin et posa soigneusement sur une pierre propre son bâton à demi mâchouillé. Elle dégaina le couteau du fourreau à sa hanche, essuya la lame sur sa cuisse et se mit au travail. Ardtman, pendant ce temps, remplissait d’eau la marmite.
— Les études argoniennes n’ont plus le vent en poupe, expliqua-t-il avec amertume. Et depuis la guerre, c’est encore pire pour les études elfiques : seule l’étude des dwemers reste encore prioritaire, mais c’est normal vu les débouchés. L’université est très politisée, elle préfère les sujets fédérateurs : l’histoire de Cyrodiil, l’époque Alessienne, tout ce qui a trait aux premières peuplades humaines.
— Tu n’as jamais songé à démissionner pour rejoindre un institut indépendant ? C’est beaucoup plus tranquille, je te l’assure. Moins d’administratif, moins de politique. Ça ferait du bien à tes gosses de prendre l’air en province, il te suffit de convaincre Sabine de quitter la Cité Impériale.
Ardtman esquiva son regard :
— Sabine est partie…
La patate qu’elle tenait en main manqua de lui échapper et le couteau, de lui emporter l’index.
— Non ? C’est vrai ? Je suis désolée… ça va ?
Qu’avait-il donc bien pu se passer ? La dernière fois qu’elle les avait vus, Ardtman et Sabine formaient un couple aimant. Elle se remettait à peine de la naissance de leur second fils, qui gigotait comme un asticot dans son berceau. L'aîné s'apprêtait à souffler ses quatre bougies. Mais cela remontait à près de dix ans… Ils n’avaient pas eu le loisir de discuter intimement ces derniers jours. Ou pris le temps de le faire, réalisa Cuiwen. Elle aurait dû s’inquiéter plus tôt de la famille de son vieil ami. Pourvu qu’il ne lui en voulut pas…
Ardtman haussa vaguement les épaules.
— Il y a deux ans, environ. Mais ça ne marchait plus trop depuis quelques temps déjà. Trop souvent absent, quelques soucis d’argent. Elle s’est installée à Anvil avec un négociant en coton. Les gosses sont allés avec elle.
— Je suis désolée, répéta Cuiwen. Ça va ? Tu les vois de temps en temps ?
— De temps en temps…
Cuiwen ne sut pas trop quoi ajouter et garda donc le silence pour le restant de la corvée de patates.
— Toujours pas de trace de la fosse sacrificielle ? finit-elle par lancer pour réchauffer l’ambiance.
En cas de doute, parler travail.
— Je suis formel, on n’en trouvera pas : seul l’aspect extérieur de la Xanmeer est identique aux temples sacrificiels dédiés à Sithis. L’architecture intérieure ne colle pas : celle-ci suivait une autre fonction, secrète, dont le mystère était gardé par les prêtres sous le couvert de rites publics ordinaires.
Ardtman versa dans l’eau frémissante une bonne dose de riz-de-sel et le lard coupé en dés. Cuiwen y ajouta les pommes de terre pelées. Elle retourna s’asseoir et ramassa son quignon de réglisse, qu’elle glissa entre ses dents et mordilla consciencieusement.
— L’aspect extérieur est identique, à part le nombre de degrés. Ce n’est pas rien. Et rien n'exclut la possibilité de sacrifices à plus petite échelle. La quantité d’armes cérémonielles semble l'attester, on a retrouvé plusieurs modèles de couteaux d'obsidiennes spécialement dédiés à cet effet.
Ardtman éventa les braises à l’aide du couvercle de la marmite.
— Mais rien ne garantit qu’ils aient pu être utilisés. Il faut attendre les conclusions d’Enandar à ce sujet.
Le débat se prolongea aussi longtemps que le repas mit à cuire. Comme Cuiwen aimait ces discussions ! Réfléchir à leurs trouvailles était au moins aussi exaltant que de les mettre à jour. Voilà ce qui différenciait le chercheur du vulgaire pilleur de tombes.
Des bulles de bon aloi glougloutaient maintenant à la surface du ragoût, constellé d’appétissantes gouttelettes de graisse. Une délicieuse odeur se répandait dans la salle et chassait celles de moisissure et de renfermé qui assaillaient habituellement les narines des explorateurs à l’intérieur de Cutlexecuh-Ta-Xolothl. Ardtman ouvrit une bouteille de bière, goûta une gorgée et versa le reste pour assaisonner.
— Ça va être prêt, conclut-il. Je vais prévenir les autres de monter manger.
Il décrocha une lanterne en s'enfonça dans le couloir pentu qui menait aux profondeurs des ruines.
Le temps qu’il revienne, Cuiwen s’approcha de l’échelle installée le long de l’escalier défoncé qui menait à la sortie. Ici, l'air qui y circulait était un peu plus frais. Elle inspira de longues bouffées et tâcha de chasser de ses poumons celui fétide qui stagnait au sein de la pyramide.
Monter et descendre se révélait si pénible que l'expédition passait son temps enfermée dans les ruines et ne sortait que trop rarement à la lumière du jour. A l’inverse, les guides argoniens guettaient les environs et ne prenaient guère la peine de revenir.
— OHÉ ! IL Y A QUELQU’UN ?
La voix se répéta plusieurs fois avant que Cuiwen n’y prêtât attention. C'était celle de Xer qui, étouffée, lui parvenait de l’extérieur. Étrange… Par souci de discrétion et de simplicité, Wilfred Ward avait tracé des runes magiques autour de points stratégiques préalablement définis, dont le simple contact permettait d’entrer en communication avec lui. Cette méthode ingénieuse épargnait précisément d'escalader la pyramide ou d’hurler à tort et à travers pour faire passer un message.
Un mauvais pressentiment serra la poitrine de Cuiwen. Elle attrapa l’étui de son arc et ses flèches, remit son couteau au fourreau et entama la délicate ascension de l’échelle de sortie.
Une bruine fine tombait du ciel gris lorsqu’elle parvint au sommet. L’eau stagnait au creux des pierres cyclopéennes glissantes de la terrasse supérieure. Pourvu que Xer ne lui demande pas de descendre jusqu’au pied de la pyramide…
Cuiwen balaya les environs d’un œil anxieux. La brume noyait le paysage aux frontières de son regard. Tout autour s’étendaient les mares de boue, les arbres déchirés, les rochers déchiquetés qui jonchaient le fond de l’éboulement. La végétation fraîche avait poussé, depuis sa dernière sortie. Le marais se régénérait incroyablement vite. Rien d’anormal, à priori. Aucun bandits à l’horizon.
— XER ? QU’EST CE QU’IL Y A ?
Elle apercevait sa silhouette, à mi-chemin de l’interminable escalier qui se hissait le long du flanc penché de la pyramide ivrogne. Il montait à sa rencontre, aussi vite que les degrés instables le lui permettaient. Cuiwen n’aurait pas à descendre, mais n’en conçut aucun soulagement. Quelque chose de grave se passait.
Le placide argonien soufflait comme un bœuf.
— Xer, ton cou…
Il saignait. Les gouttes écarlates dégoulinaient le long de son torse et se mêlaient à la pluie sur les marches de pierre.
— Ils sont là, madame ! Nous sommes tombés dans une embuscade. Ils ont eu Jaalih et Uuwej par surprise, ils sont morts.
Cuiwen accusa le choc. Le cœur battant, elle trottina à la rencontre de Xer pour l’aider à monter.
— Ne t'inquiètes pas, on met le plan en marche. On fait comme prévu et tout va bien se passer.
Elle préférait ne pas songer à Uuwej et Jaalih. Ils ne méritaient pas ça, ces braves lézards n’y étaient pour rien dans cette histoire. Ces bandits le regretteraient. Elle passa son bras autour des épaules de Xer et le soutint pour le reste de l’ascension.
— Les dessins tracés par monsieur Ward autour de la pyramide…
— Les runes ?
— Elles ont été effacées.
— La pluie, peut-être ? hasarda Cuiwen sans conviction.
— Non, pas la pluie. Vous ne comprenez pas. Ces “bandits” sont là depuis longtemps. Nous sommes trahis.
Cuiwen secoua la tête. Sous le choc, Xer délirait.
— Non, tu te trompes. Personne…
Sa voix s'étouffa dans sa gorge. A quelques centaines de mètres de la pyramide jaillissaient de la brume une dizaine de silhouettes qui progressaient à pas prudents à travers le terrain défoncé. Même à cette distance, elle ne pouvait manquer de remarquer les armes aux poings de ces lointaines fourmis.
L’éclat confus d’un cri lui parvint en écho. L’une des silhouettes de tête tendait le bras dans leur direction. La sienne et celle de Xer se détachaient ostensiblement du sommet de la xanmeer. Ils étaient vus.
— Rentre à l’intérieur. Préviens les autres. Soigne ta blessure. Je vais les retenir.
Xer hésita, mais obtempéra.
— Bonne chance, madame.
Cuiwen déglutit une dernière fois le jus amer du réglisse et rangea ce qu’il restait du bâton dans la poche de sa tunique. Elle en sortit un bandeau, qu’elle noua serré autour de ses chaotiques cheveux frisés. Elle ouvrit l’étui de son arc, le déballa, fixa la corde et la tapota d’une légère pichenette pour s’assurer de la tension. L’arme émit une vibration satisfaisante. Cuiwen sortit également une pleine poignée de flèches, qu’elle posa sur l’autel au rebord duquel elle s’appuyait. Elle en choisit une et vérifia la perfection de l’empennage. La main en visière au-dessus de ses sourcils, elle observa les intrus.
Où était Teramzu ? Elle ne devait pas le blesser par erreur. En tout cas, nul ne pouvait s’y tromper : tous ceux armés représentaient des cibles.
Elle encocha la flèche, visa l’une des silhouettes. Ses scrupules retinrent son bras l’espace d’un instant : ne convenait-il pas de chercher d’abord à communiquer ? À essayer de négocier ?
Était-ce juste de tirer la première sans même prononcer un mot ?
Bah ! Ils ne pouvaient s’en prendre qu’à eux-même : s’ils souhaitaient négocier, ils n’auraient pas assassiné Uuwej et Jaalih. Elle les vengerait.
Cuiwen étira la corde contre sa joue, puis relâcha.
La flèche monta en cloche et se perdit dans la grisaille. Quelques secondes plus tard, un cri étouffé lui parvint de tout en bas. La silhouette bondit légèrement de côté. Manqué.
Les bandits reprirent leur route, plus rapidement et plus espacés. Cuiwen piocha un second projectile de sa réserve.
Celle-ci manqua également. Les intrus approchaient et elle prit plus de temps pour viser avec la troisième. Après un instant d’incertitude, un râle strident résonna dans le marais. Sa cible roula sur elle-même, recroquevillée dans la fange.
Cuiwen ne savoura pas ce petit succès et prépara derechef une nouvelle flèche, qu’elle décocha aussitôt. A peine ses doigts eurent-ils lâché la corde qu’un souffle d’air lui frôla le visage. La pointe d’une flèche tirée en retour percuta l’épaule d’une statue, juste derrière sa tête. Cuiwen se baissa par réflexe et éclata d’un rire incontrôlable. L’impact arracha des éclats de pierre qui volèrent dans sa nuque et le trait ricocha, brisé.
Elle l’avait échappé belle. Cuiwen resta à genoux derrière une colonne pour tirer une dernière fois. Les bandits arrivaient au pied de l’escalier. Ils canardaient à leur tour. Leurs flèches se perdaient au-dessus de la pyramide ou frappaient sans distinction le mur, les colonnes et statues qui ornaient le naos.
Cuiwen ramassa les flèches qu’il lui restait et rampa jusqu’à l’ouverture qui menait au cœur de la xanmeer.
— ILS ARRIVENT ! cria-t-elle, la main en porte-voix.
Sur ce, elle dévala la portion intacte d’escalier et descendit d’une traite l’échelle qui remplaçait la section brisée, en glissant de tout son corps le long des barreaux.
— Tout est prêt ?
— Je pense que oui, répondit Ardtman.
Quand elle se tourna vers lui, il se dressait au-dessus du corps inconscient de Xer. Et pointait une arbalète chargée en direction du torse de Cuiwen.
— Jette ton arc, Weny. Et ton couteau aussi.