Klothild Hache-Sanglante

Chapitre 5 : le premier combat

1680 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/08/2021 14:51

   La neige était tombée toute la nuit sur les immenses contrées sauvages de Bordeciel, mon royaume natal. Comme les terres étaient belles, ainsi parées de leur splendide manteau immaculé ! Rien, aussi loin que mon regard pouvait porter, n’avait été épargné par la chute des flocons. Les arbres, les rochers, même les maisons portaient une cape blanche et glacée. Pour mon plus grand bonheur, l’hiver s’était définitivement installé. 

   Cependant, son arrivée impliquait aussi le retour en force de très basses températures, si fraîches que même les vagues impétueuses au large de Vendeaume s’étaient solidifiées. Et pourtant, emmitouflée dans un épais manteau de fourrure, je chevauchais aux côtés de mon père en direction de Blancherive. La raison de notre voyage ? Une visite chez ma tante, qui fêtait son quarantième anniversaire dans deux semaines. Papa était inquiet : malgré des jours de recherche, nous n’avions toujours pas trouvé de cadeau à lui offrir. Il espérait croiser une caravane khajiite et leur acheter une jolie babiole avant notre arrivée en ville. Pour ma part, les quelques septims qui se battaient en duel au fond de ma poche ne suffiraient pas pour acheter ce que je voulais et, en plus, je comptais économiser encore un peu pour m’acheter une petite épée. Papa ne voulait pas me l’acheter, il fallait bien que je me débrouille seule ! Par conséquent, j’observais d’un oeil attentif les bas-côtés de la route dans l’espoir d’apercevoir quelque chose d’intéressant. 

   Un éclat argenté attira soudain mon attention. Je stoppai mon poney. 

— Papa, m’écriai-je, c’est quoi ça là-bas ? 

Mon père fit arrêter son cheval. Il porta sa main en visière pour observer dans la direction de mon doigt tendu, puis descendit de sa monture. 

— Reste ici, m’ordonna-t-il. Je vais voir. 

   Après m’avoir vue hocher la tête pour lui signifier mon obéissance, il me donna les rênes de son destrier et s’enfonça dans la neige, en direction de ce que j’avais vu. Mue par une curiosité insatiable, je me dépêchai, une fois qu’il eut disparu derrière les premières fougères, de mettre pied à terre et d’attacher de mon mieux nos bêtes à un petit arbre mort. Je m’élançai ensuite sur ses traces, ravie de pouvoir compter sur le chemin qu’il venait tout juste de tracer pour moi sans le savoir. 

   Nos pas nous menèrent jusqu’à une structure basse, en pierre, circulaire. La végétation l’envahissait au point qu’il nous sembla un instant avoir affaire à un véritable mur végétal. J’entendis soudain un cri surpris de papa, suivi de près par le grondement d’un smilodon. Je pâlis. Les histoires que me racontaient grand-mère au sujet de ces fauves finissaient toujours mal pour les aventuriers qui les croisaient… 

   Inquiète pour mon père, je m’approchai à pas de loup. Je repérai alors non seulement le monstre, mais aussi une créature verte de forme humanoïde, mais formée de plantes. Un petit hoquet m’échappa. Je reconnus un spriggan, les gardiens des bosquets dans les légendes. Papa n’allait pas réussir à s’en sortir tout seul, je devais intervenir ! Cependant, je n’avais aucune arme, et, du haut de mes sept ans, je n’étais guère plus menaçante qu’un chaton. Je devais trouver une solution. 

   Mon regard se posa sur un gros bouclier rond. De toute évidence, c’était le reflet du soleil sur celui-ci qui avait attiré mon regard depuis la route. Après m’être assurée que papa avait bien toute l’attention du smilodon et du spriggan, je me glissai le plus discrètement possible jusqu’à ma cible. Une fois juste à côté de l’objet, je tentai de le soulever. Le métal me glaça les doigts, et était bien trop lourd pour que je puisse faire davantage que le faire tomber. Toutefois, l’éclat d’une hache à moitié enfouie dans la neige me donna une autre idée. Je dégageai l’arme de sa prison de neige, puis jetai un regard à papa. Il semblait toujours aux prises avec le félin, mais les taches sanguinolentes sur son pelage me firent savoir que mon géniteur avait le dessus et ne tarderait pas à l’achever. En revanche, le spriggan représentait toujours une menace, avec ses sorts étranges et sa capacité à attirer les animaux sauvages pour les forcer à se battre. Je levai la hache au-dessus de ma tête, à deux mains, prête à m’élancer comme les fiers guerriers dont me parlait tout le temps grand-mère dans ses histoires. 

Mon pied décida à ce moment-là de se poser sur le bouclier. Celui-ci glissa en arrière sous l’impulsion, et je me retrouvai face contre neige, la hache à côté de moi. Je me redressai bien vite, mais trop tard : le spriggan m’avait entendue et fonça vers moi. Un couinement m’échappa alors. Je ne voulais pas mourir, moi ! J’étais encore une petite fille, il n’allait tout de même pas me faire de mal ? 

Paniquée, j’eus un réflexe commun à tous les nordiques : Je récupérai l’arme et la jetai de toutes mes forces sur mon ennemi. Le spriggan ne s’y attendait sans doute pas, car la lame se ficha dans son bras avec un bruit semblable à celui d’une lame de bûcheron qui s’enfonce dans un tronc. Un cri strident quitta les lèvres de l’homme-plante, et j’en profitai pour récupérer le bouclier et tenter de le redresser pour me cacher derrière. Le spriggan, furieux, dégagea la hache de son bras pendant ce temps, puis me chargea. 

Il n’arriva cependant jamais jusqu’à moi : mon père, en effet, se planta devant moi, sa longue épée entre les mains. Il bloqua le spriggan de sa lame, lui porta ensuite plusieurs coups puissants. J’en profitai pour me glisser derrière la créature et récupérer la hache. Je m’assurai de ma prise sur le manche avant d’attaquer à mon tour, par-derrière. L’esprit végétal reçut le fil de l’arme dans le dos au moment où celle de papa se fichait dans son ventre. Il laissa échapper un dernier râle étrange, puis s’effondra, mort, entre nous. 

Je restai un long moment haletante, à moitié fière de moi, à moitié craintive à l’idée que mon père puisse me passer un savon pour ma désobéissance. Pourtant, celui-ci afficha un grand sourire et, après avoir posé son épée dans la neige, me souleva dans ses bras. Dès que mes pieds quittèrent le sol, j’eus l’impression de m’envoler. Un grand éclat de rire échappa à mon père lorsqu’il s’exclama :

— Ma petite Klothild, tu as été fantastique ! Ce coup de hache… grandiose ! Bravo ! Tu es la meilleure, ma chérie. 

Je me mis à rire avec lui… jusqu’à ce qu’il n ne trébuche sur le bouclier. Il bascula en arrière, me lâcha dans le même mouvement. Emportée par son élan, je m’envolai pour aller m’exploser la tête sur le tronc d’un arbre. La douleur m’arracha un cri de surprise, et des points noirs se mirent à danser devant mes yeux. La voix de papa me parvint sans que je ne puisse saisir ses mots, puis ses bras puissants me soulevèrent une nouvelle fois pour me remettre sur pieds. Son visage apparut devant mes yeux pedus. Il me demanda quelque chose, sans doute si j’allais bien. Je hochai vaguement la tête. Il passa sa main sur mon front, vérifia dans mes cheveux que je ne saignais pas. Un soupir soulagé lui échappa lorsqu'il remarqua que je n’avais rien de grave. Il me serra contre lui en caressant ma tête quelques instants, jusqu’à ce que je me sente mieux. 

— Dis papa, demandai-je alors, tu crois que tata aimerait le bouclier ? Il est très joli, tu ne trouves pas ? 

Mon père souleva l’objet responsable de sa chute d’une main. Il l’observa d’un oeil attentif, puis caressa son menton d’une main alors qu’il réfléchissait. 

— Oui, marmonna-t-il d’un air songeur. Il est en bon état. Un petit tour chez le forgeron pour le nettoyer un peu et renforcer le bord ne lui ferait pas de mal, mais hormis ça… Oui, tata risque de l’apprécier. 

Il m’adressa un nouveau sourire, puis accrocha le bouclier dans son dos. Il attrapa ma main, ramassa la hache de l’autre. Il m’adressa ensuite un petit clin d’oeil. 

— Une fois qu’on sera à Blancherive, je t’en achèterai une belle rien que pour toi, me promit-il. Celle-ci, tu devrais la garder aussi. Elle nous a sauvés tous les deux, elle mérite d’être accrochée dans le salon, au-dessus de la cheminée. 

— Youpi ! m’exclamai-je, ravie. 

Nous reprîmes donc la route, main dans la main, en discutant de ma future hache et de l’entraînement qui m’attendait. Sans le vouloir, je venais de prouver à mon père que ses craintes étaient infondées : malgré mon jeune âge, malgré ma maladresse, j’étais capable de me défendre. Le sang des nordiques coulait dans mes veines, et je venais de le lui démontrer.


Laisser un commentaire ?