Klothild Hache-Sanglante

Chapitre 3 : Du sang sur la glace

4387 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/08/2021 14:49

   Ah, Vendeaume… quelle magnifique cité ! Ses étroites rues pavées, ses hauts bâtiments nordiques plus vieux que l’Empire lui-même, sa majesté surgie des temps anciens… La plus belle ville de Bordeciel, et de loin.

   Après ma rencontre avec un troll, j’avais bien besoin d’un petit remontant, moi ! Par les Neuf, la bête était sacrément costaude… J’avais eu de la chance de m’en sortir vivante. Mais j’avais réussi à la tuer, et à récupérer son crâne en prime ! Avec un bon nettoyage, je pourrai en tirer une bonne cinquantaine de septims, au moins… De quoi me payer une chambre à l’auberge du Candelâtre, et, si Talos le voulait, un bon bain pour me débarrasser de l’horrible puanteur de la bête. 

   Mes pas me guidèrent à travers le dédale de ruelles du quartier des pierres. J’y croisai de nombreux passants. Certains nordiques me saluèrent. Des amis, des frères d’armes. En tant que Sombrages, nous étions tous fidèles à notre Haut-Roi, Ulfric, et prêts à nous battre jusqu’à la mort pour défendre notre liberté. Nous n’allions tout de même pas nous laisser marcher dessus par des elfes… 

   Une foule attira soudain mon attention, au niveau du cimetière. Intriguée, je me dirigeai vers l’attroupement et poussai les badauds pour m’approcher. Les gens semblèrent me reconnaître en tant que plus grande aventurière de Bordeciel, car ils me laissèrent passer. Ou peut-être était-ce l’odeur de troll qui les éloignait de moi ? Bref, je fus bien vite en mesure de voir la scène. Et quelle scène ! Un cadavre de femme nue, affreusement mutilée, gisait sur une tombe. Les gardes tentaient tant bien que mal de repousser les curieux, mais leur nombre était tel qu’ils peinaient à faire leur travail. J’en profitai pour m’approcher. 

Halte ! me lança l’un des soldats. C’est une scène de crime, ici, pas un cabinet de curiosités ! 

Désolée de vouloir aider, répondis-je en retirant mon casque. Klothild Hache-Sanglante, me présentai-je ensuite. 

Hache-Sanglante ? s’étonna le garde. J’ai déjà entendu parler de vous et de vos exploits. Si vous pouviez nous aider, ça ne serait pas de refus… Il vous faudra cependant l’autorisation du chambellan pour pouvoir enquêter sur cette affaire. Allez donc lui parler. Faites vite, je vous attends ici. 

Je reviens dans deux minutes, assurai-je. 

Je m’élançai aussitôt en direction du Palais des Rois, la demeure du jarl et de ses conseillers. Après m’être paumée quatre fois dans les rues à moitié enneigées, je finis par retrouver le chemin du bâtiment. J’y entrai non sans ressentir une certaine excitation à l’idée de voir notre cher Haut-Roi. 

Je fus déçue lorsque je constatai l’absence de sa noble silhouette sur le trône. En revanche, son chambellan prenait son repas, assis à la longue table qui occupait une bonne partie de la salle. Je m’en approchai… Et mon pied, foutu traître, décida de faire bonne impression en se prenant dans le tapis. Je m’étalai de tout mon long avec un fracas à réveiller les morts. Jorleif, alerté par le bruit, se leva pour venir à ma rencontre pendant que je me redressais.

Hache-Sanglante, ça par exemple ! s’exclama le chambellan. Que nous vaut votre visite ? 

La quête d’un bain et d’une auberge pour quelques septims, expliquai-je avec une petite grimace de douleur.

Mon poignet s’était tordu lors de ma chute, et le poids de mon équipement m’avait écrasé le dos. Jorleif éclata de rire.

C’est vrai que, sans vouloir paraître mauvaise langue, vous ne sentez pas la rose…

Rencontre avec un troll oblige, répliquai-je. Mais ce n’est pas pour vous conter mes périples que je suis venue. Il y a eu un meurtre, en ville. 

Encore un ? s’étonna-t-il. 

Ce n’est pas le premier ? 

Non, déplora Jorleif. Trois autres lui ont précédé ces derniers temps… Que des jeunes femmes. Belles, en pleine santé… 

J’enregistrai l’information, puis demandai :

Vous auriez besoin d’un coup de main pour enquêter, peut-être ? 

Vous pourriez faire ça ? Vous avez carte blanche, Hache-Sanglante. Puissent les Divins vous bénir et vous permettre de trouver l’assassin. 

Je ferai de mon mieux, promis-je. 

Oh, avant… me retint le chambellan. Pourriez-vous aller prendre un bain ? Votre odeur est vraiment effroyable ! 


Après un détour par le Candelâtre pour me débarrasser de cette foutue odeur de troll moisi, je retournai au cimetière, bien déterminée à m’occuper de cette histoire de meurtre. La foule avait été dispersée, seule trois personnes occupées à se faire interroger par les gardes étaient restées sur place.

Ah, vous voilà ! me lança l’un des soldats. Vous en avez mis, du temps… 

Le chambellan a insisté pour que je règle un détail technique avant de commencer, expliquai-je. 

Ah, désolé, alors, s’excusa le garde. Bon, du coup, vous pourriez enquêter sur la scène ? Le cadavre a déjà été emmené dans la Nécropole pour préparer l’enterrement. N’hésitez pas à aller voir la prêtresse d’Arkay qui s’en charge, elle aura peut-être des informations à vous donner. Les témoins sont en train de parler. Je vous ferai porter ce qu’ils ont dit. 

Je hochai la tête et me mis au travail. D’abord, parler à la prêtresse. Son métier lui permettrait peut-être de me donner des détails sur les circonstances de la mort de cette pauvre fille… heu… zut. Je n’avais pas demandé son nom. Et je m’en fichais, en fait. 

   Je gagnai donc la nécropole pour y retrouver l’embaumeuse. L’ambiance me fit frissonner. Les lieux possédaient le même calme et la même odeur que les tombeaux qu’il m’arrivait parfois d’explorer, et, bien souvent, ceux-ci possédaient leur lot de squelettes et de draugrs. Je restai donc sur mes gardes, des fois qu’un mort quelconque se décide à s’éveiller. 

   Un mouvement me fit soudain tirer ma hache. Le cri de surprise d’une femme en tenue de moine me rassura. 

Désolée, lâchai-je à son attention. J’ai été surprise. 

Surprise de voir une vivante parmi les morts ? rétorqua la femme. 

On peut dire ça, confirmai-je. Vous êtes la prêtresse d’Arkay ? J’aurais quelques questions à vous poser au sujet du corps de, heu… 

Je désignai le corps étendu derrière elle, de toute évidence celui de la malheureuse victime. Elle se tourna vers celle-ci. 

Il n’y a pas grand-chose à en dire. L’attaque n’avait pas pour objectif un vol, puisque sa bourse était toujours attachée à sa robe. L’assassin voulait donc clairement la tuer. Oh, et j’ai aussi remarqué ces traces, là… vous les voyez ? 

Je réprimai une grimace et me penchai pour observer les plaies de la défunte. 

Elles ont été causées par un outil d’embaumement. Une dague rituelle utilisée par les anciens nordiques pour préparer les corps de leurs morts. 

Sympathique… qui aurait un tel objet en sa possession ? 

Je l’ignore, avoua la vieille femme. Même moi, je n’utilise pas un aussi vieux matériel pour mes travaux. 

J’observai le visage de la morte un instant dans le silence, puis me redressai. 

Merci, dis-je à la prêtresse. 

Puissent les Divins vous bénir, répondit-elle. 

Je gagnai la sortie, plongée dans mes pensées. Notre discussion ne menait pas très loin. La seule certitude que je pouvais avoir résidait dans la probable non-implication des mendiants en ville. Toutefois, l’utilisation d’armes cérémonielles nordiques n’éliminait pas pour autant les elfes noirs… Ceux-ci pratiquaient la magie. Et pas seulement la magie de destruction. Nombre d’entre eux excellaient dans l’art de la conjuration et de la nécromancie, deux branches maléfiques où les rituels pullulaient. Des rituels sanglants, la plupart du temps. 

Je retournai auprès de la tombe où le corps avait été trouvé. Avec un peu de chance, le coupable aurait laissé des traces derrière lui, des indices qui pourraient me conduire à lui. La tombe, hormis des traces de sang, ne me révéla aucun indice supplémentaire, de même que la glace. La neige avait été trop piétinée pour que de possibles empreintes soient encore identifiables. Et en plus, elle avait fondu dans une grande partie du cimetière. Indice très utile, donc… 

La glace, en revanche, avait l’air décidée à tenir, surtout à l’ombre. Et les bottes métalliques sur la glace se transformaient en patins. Mon pied, encore une fois, décida de me trahir et glissa sur une belle plaque givrée cachée derrière la pierre tombale. Je m’explosai la tête contre une tombe voisine. Avis au touristes : si les nordiques ont la tête dure, c’est sûrement une adaptation aux glissades incontrôlées qu’ils peuvent faire de manière assez fréquente, surtout par moins vingt degrés en plein hiver. Là, ma chute aurait eu de quoi briser le crâne à un elfe. Car je m’étais prise le coin de la sépulture, bien sûr ! 

Il me fallut bien cinq minutes et l’aide de deux gardes pour me remettre de mes émotions. Lorsque je repris conscience, je remarquai des traces de sang non loin de là où ma tête avait cogné la pierre. Inquiète, je portai ma main à l’arrière de mon crâne. Une belle bosse me fit grimacer, mais, à mon grand soulagement, je ne saignais pas. J’en déduisis que le liquide devait appartenir à la victime. 

Une minute. Je vérifiai l’écart entre ma tombe et celle où le corps avait été retrouvé et remarquai que, pour des coups de dague, les taches de sang avaient volé bien loin… Et si l’assassin avait été blessé ? 

J’entrepris alors de fouiller le cimetière. D’autres taches de sang m’apparurent, plus loin, et bien plus petites. Un petit sourire étira mes lèvres. Je m’élançai le long des traces, suivie par un garde inquiet pour ma santé mentale. Je remontai les rues de Vendeaume jusqu’aux quartiers les plus calmes, où se trouvaient les plus belles maisons de la ville. Ce détail m’intrigua, mais je continuai tout de même ma route. Les traces me menèrent jusqu’à une porte. Un manoir immense et magnifique, de l’extérieur. 

Hjerim, indiqua le garde qui m’avait accompagnée. Abandonné depuis la mort d’une fille. Friga Brise-Bouclier. 

Va falloir entrer, prévins-je. Les traces mènent ici. 

Mais on n’a pas les clés, me fit remarquer mon acolyte. 

Je sortis un crochet et une fine dague de ma poche. 

Hé ! vous n’allez quand même pas… 

Le temps qu’on aille chercher les clés, le coupai-je, le coupable sera peut-être déjà loin. Là, il est de toute évidence blessé, sûrement encore à l’intérieur. 

Mais c’est illégal… 

Vous voulez laisser un assassin en liberté, c’est ça ? 

Il capitula. Satisfaite, je fis sauter le verrou en quelques tours de crochet, puis ouvris la porte. Le battant grinça lorsque nous entrâmes, sur nos gardes.

 De toute évidence, personne ne vivait là depuis longtemps, à en juger par la dose de poussière accumulée dans les coins. En revanche, à la lueur du jour, nous pûmes distinguer des traces très nettes sur le sol. Quelqu’un était déjà venu ici, peu de temps auparavant. 

J’avançai avec prudence, ma hache à la main. Le plancher grinça sous mes bottes. Le garde avait tiré son épée et m’imita, inquiet. 

Occupez-vous du haut, lui demandai-je. Je m’occupe du rez-de-chaussée et de la cave. 

Il acquiesça et prit la direction de l’escalier. Je fouillai avec soin toutes les pièces, pour la plupart vides et non dérangées. La poussière me fit éternuer plus d’une fois. Bonjour la discrétion ! Au moins, si un criminel se cachait ici, il aurait sans doute le même problème. 

   Au bout de quelques minutes de recherches, je trouvai une petite commode remplie de prospectus. Une vingtaine de mises en garde contre le Boucher. De toute évidence l’homme que nous cherchions. Je trouvai aussi une étrange amulette noire et verte ornée d’une tête de mort. Un frisson me parcourut. Sans être experte en magie, j’en déduisais assez facilement un lien avec la nécromancie. 

   Un autre objet attira mon attention. Un grand placard, en apparence basique, mais sur lequel je trouvai de nouvelles traces de sang. Je l’inspectai. L’intérieur était vide, mais d’autres traces rouges ornaient le fond. De plus, une affreuse odeur flottait dans l’air et semblait comme imprégnée dans le bois. Intriguée, je donnai de petits coups sur la surface. La résonance m’indiqua qu’il y avait quelque chose derrière, de toute évidence un espace vide, comme une pièce cachée. Je cherchai un moyen de pousser le panneau. La meilleure idée que je trouvai fut de le démolir à grands coups de hache. 

   Quelques coups plus tard, le bois céda dans un grand craquement. Et là, surprise ! Un spectacle d’une horreur sans nom s’offrit à mes pauvres iris. Un spectacle digne d’une invocation daedrique. Au fond de la petite pièce, un autel de fortune avait été construit. Les murs et le plancher étaient couverts de sang, et des morceaux de cadavres gisaient partout, aussi bien empilés dans des paniers que déposés en vrac sur le sol. La puanteur de chair décomposée qui emplissait l’air complétait le tableau. 

Par les Neuf, lâchai-je d’une voix faible, c’est quoi ce bordel ? 

   Mon pauvre estomac ne supporta pas la vue. Je titubai jusqu’au coin de la pièce et y vomis mon dernier repas. Les pas du garde m’affirmèrent qu’il m’avait entendue, et son exclamation dégoûtée me confirma que je n’étais pas la seule à trouver la vue immonde. Pendant qu’il recrachait le contenu de son estomac, je commençai à inspecter la pièce non sans m’être bouchée le nez au préalable. Les bouts de corps m’écoeuraient, de même que la présence d’autant de sang au sol. Le boucher méritait bien son nom. 

   Sur l’autel, je trouvai deux carnets remplis d’une écriture fébrile. Je sortis de la pièce pour les lire. Le soldat me suivit. 

Du nouveau ? me demanda-t-il. 

Je lui fis signe d’attendre un peu. Il me laissa lire. Les deux ouvrages décrivaient de sombres rituels nécromantiques, qui m’arrachèrent une grimace de dégoût. Pas de doute, nous trempions en plein dans la magie. 

ça pue le rituel, annonçai-je une fois ma tâche terminée. Faut montrer tout ça au mage de la cour, il pourra peut-être nous en dire davantage. 

Wuunferth ? demanda le garde d’un air soupçonneux. Il… c’est un mage très puissant, oui… 

Vous ne l’aimez pas ? 

Il… il est un peu inquiétant, avoua-t-il. 

L’important, c’est qu’il puisse nous aider, affirmai-je. Si vous voulez, je peux y aller seule. 

Oui, opina le garde. J’ai, heu… j’ai du travail. Déjà que j’ai quitté mon poste pour vous suivre ici… 

Nous ressortîmes donc du bâtiment. Le garde me quitta au niveau du cimetière pour reprendre sa tournée, tandis que je prenais une nouvelle fois la direction du Palais des rois. Je poussai la porte avec force et m’élançai sur les dalles de pierre d’un pas un peu trop pressé. Mon pied, comme d’habitude, décréta qu’il me fallait m’incliner et je tombai une nouvelle fois, face contre terre, cette fois. Mon nez heurta le sol avec violence et émit un craquement qui ne me plut guère, pas plus que la vague de douleur qui l’accompagna. 

Bon sang, Hache-Sanglante, vous allez bien ? Quelle idée de courir sur un sol fraîchement lavé ! Vous ne vous êtes rien cassé, au moins ? 

Mes joues s’empourprèrent lorsqu’une main puissante vint attraper mon épaule pour m’aider à me redresser. Le Haut-Roi en personne me fixait avec un mélange d’inquiétude, d’agacement et de moquerie. Je n’osai le regarder dans les yeux. 

Vous saignez, remarqua-t-il. 

Je… je dois parler à votre mage, soufflai-je. C’est urgent. 

Ses sourcils se froncèrent. 

Quel genre d’affaire vous empêche de faire preuve de courtoisie envers votre roi, Hache-Sanglante ? 

Pardonnez-moi, Sire, répondis-je la tête basse. Je… je ne voulais pas vous manquer de respect. J’ai juste… heu… une mission urgente à remplir. Pour le bien de votre ville. 

Il me releva le menton. Un sourire amusé étirait ses lèvres. 

Je vous reconnais bien là, s’amusa-t-il. Relevez-vous et asseyez-vous. Oh, et par pitié, arrêtez de mettre du sang partout. 

Il me laissa me remettre sur pieds le temps d’appeler un garde pour qu’il aille chercher le magicien. Mes joues n’avaient pas décoloré, bien au contraire, et la douleur m’assommait à moitié. Jorleif ramassa les deux carnets et l’amulette que j’avais trouvés et les posa sur la table devant moi. Le Haut-roi revint vers moi une fois ses ordres donnés.

Comment va votre nez, Hache-Sanglante ? me demanda-t-il. 

Je crois qu’il est cassé, grognai-je. Ca fera juste la troisième fois en cinq ans… 

Ulfric ricana doucement. 

Quelle idée aussi de courir sur un sol humide, se moqua-t-il. 

Je ne pouvais pas deviner qu’il venait d’être nettoyé, Sire… 

Ulfric se mit à rire de plus belle. 

Vous devriez faire plus attention, me réprimanda-t-il d’un ton paternel. Vous allez finir par vraiment vous blesser. D’ailleurs, je rêve ou vous vous êtes aussi cognée la tête ? 

Plaque de glace, lâchai-je, honteuse. 

Jorleif se mit à rire aussi. 

Ce n’est pas Hache-Sanglante qu’on devrait vous appeler, mais Pied-Maladroit ! 

Je rougis un peu plus. Le Haut-Roi rit de plus belle. 

Seigneur Ulfric ! nous interrompit une voix. Le tapis est plein de sang ! Haut-Roi ou pas, vous allez me le… 

Il suffit, Agnès, répliqua-t-il d’un ton sec. Rapportez plutôt des linges et de l’eau bien froide. Nous avons un nez cassé, ici, et il faudrait le réparer le plus vite possible. 

A vos ordres… grogna la servante. 

Elle repartit au moment où le mage passait la porte, précédé du garde parti le chercher. 

Vous m’avez fait mander, Sire ? demanda-t-il d’un ton poli. 

Oui, répondit Ulfric. Hache-Sanglante souhaite vous parler. 

J’ai trouvé le repaire du meurtrier, expliquai-je sans me perdre en politesses. Un certain boucher, qui prépare des rituels nécromantiques dans une pièce secrète du manoir de Hjerim. 

Comment ça ? s’inquiéta-t-il. 

Je lui montrai l’amulette et les deux carnets. Il les lut dans le plus grand silence, puis observa le bijou, les sourcils froncés. Entre-temps, la servante revint avec une bassine d’eau glacée et des linges dont elle se servit pour éponger le sang sur mon visage et commencer à soigner mon nez.

L’amulette du nécromancien… lâcha Wuunferth au bout d’un long moment. Un objet unique, très puissant, qui n’a rien à faire ici. 

Il marqua une pause, durant laquelle il se tourna vers moi. 

D’après ces écrits, reprit-il ensuite, le tueur suit un rituel particulier dont la prochaine étape aura lieu très exactement demain soir. Il nous faudra absolument l’arrêter. 

Je hochai la tête, ce qui me valut une tape sur l’arrière du crâne de la part d’Agnès. 

Arrêtez de bouger comme ça ! me réprimanda-t-elle. Vous ne partirez nulle part tant que ce ne sera pas soigné ! 

Puis-je regarder ? demanda le mage ? Je suis plus doué en invocations, mais… j’ai quelques bases utiles en magie de guérison. 

La servante le laissa faire. En quelques incantations, mon nez avait retrouvé une position à peu près normale et le saignement s’était arrêté. Ulfric le regarda faire, aussi impressionné que moi. Une fois la cassure ressoudée, je me tournai vers le haut-roi. 

Sire, demandai-je. Il me faudrait le soutien de la garde pour couvrir tout le quartier des pierres, demain soir. 

Il hocha la tête, l’air grave. 

Vous avez carte blanche, Hache-Sanglante. 



Le lendemain soir, après une journée fort chargée à prévoir comment quadriller la ville pour assurer un maximum de surveillance et ainsi éviter au mieux un nouveau meurtre, je gagnai le marché. Ma hache au poing, je me dissimulai derrière un étal et attendis. J’avais observé au préalable le terrain, sur conseil d’Ulfric, afin d’éviter une potentielle chute stupide. La nuit tomba bien vite, les lunes se levèrent et nous éclairèrent. 

   Bientôt, une ombre s’approcha. Une femme, seule. Je la reconnus comme étant la vendeuse de fruits et de légumes. Elle s’occupa de son étal sans se soucier de notre présence. Je devinai qu’elle n’était pas notre coupable. Un homme surgit de l’ombre peu après. Je le reconnus. Calixto Corrium, le propriétaire d’une échoppe en ville et d’un musée fort agréable à visiter, à qui j’avais revendu ma tête de troll la veille au soir pour une belle fortune. Il s’approcha de la marchande d’un pas un peu trop silencieux. Je serrai davantage le manche de ma hache. Lorsqu’il dégaina une dague, je compris qu’il était l’assassin. Je me jetai sur lui pour l’empêcher de toucher sa victime. Ma hache s’interposa entre celle-ci et sa lame juste à temps. La pauvre femme hurla lorsque je la repoussai, tandis que des gardes venaient encercler l’assassin. Il n’eut d’autre choix que de se rendre, et fut conduit au Palais des Rois sous bonne garde. J’y suivis les soldats, fière de moi. 

   Le Haut-Roi était encore debout et faisait les cent pas dans la pièce, son chambellan et son mage à ses côtés. Dès que la porte s’ouvrit, Jorleif vint à notre rencontre, inquiet. 

Vous l’avez eu ? me demanda-t-il. 

Oui, et sans blessés ! m’exclamai-je, triomphante. 

Excellent travail ! me félicita-t-il. Nous vous devons une fière chandelle. Les rues sont à nouveau sûres, désormais. 

Bah, ce n’est rien, répondis-je. Je n’ai fait que mon devoir… 

Vous nous avez retiré une belle épine du pied, intervint Ulfric Sombrage. Sans vous, qui sait ce que cet homme aurait pu faire ? 

Je pivotai vers lui… et non, pour une fois, mes pieds se tinrent tranquilles et me laissèrent debout sur mes deux jambes, face à lui. Un sourire étirait ses lèvres. 

Laissez-moi vous exprimer ma gratitude, Hache-Sanglante, reprit-il. Merci pour votre aide. 

Ce n’était pas grand-chose… bafouillai-je. 

Vous méritez au moins une place au sein de ma cour et une maison en ville, insista-t-il. 

Son regard pétilla un instant. 

Par ailleurs, je compte organiser demain soir un banquet en votre honneur. 

La surprise me coupa un instant la respiration. 

Sire, c’est… commençai-je. 

Klothild Hache-Sanglante, me coupa-t-il, je vous l’ordonne. Demain, vous vous présenterez ici même pour un banquet. Je veux vous voir avec une armure impeccable, sauf si vous préférez porter une robe. 

A… A vos ordres, Sire, bafouillai-je. 

Un sourire satisfait se dessina sur son visage. 

Parfait. Allez vous reposer, maintenant. Une chambre est à votre disposition dans l’aile Ouest du Palais. Passez une bonne nuit, Hache-Sanglante. 

Ulfric me laissa sur place, seule. Jorleif laissa échapper un petit sifflement admiratif. 

Vos exploits ont dû bien impressionner notre Haut-Roi pour qu’il vous témoigne autant de respect… Venez, je vais vous montrer votre chambre. Arrangez-vous juste pour ne pas glisser dans les escaliers ! 

Je rougis une nouvelle fois en lui emboîtant le pas. Un sourire béat étira bien vite mes lèvres. J’avais de la chance, je le savais. Rares étaient ceux qui pouvaient se vanter d’être montés aussi haut dans l’estime d’Ulfric Sombrage. Un exploit qui valait peut-être une place en Sovngarde, qui sait ?



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