Lame Noire et Aile Blanche
Chapitre 2
Rencontre
Il reste un moment sans bouger pour s’apaiser avant d’emprunter le fameux escalier. Après avoir repris le contrôle de son corps, il monte les escaliers qui se situent juste à gauche en entrant.
Il arrive devant ladite porte sans aucune difficulté : pas de soldats, ni de serviteurs et encore moins d’insomniaques. « Mais pourquoi ai-je pris la peine de me déguiser ? » ironise-t-il. Il toque cinq fois et rentre sans attendre, comme Obversaria lui a dit.
Il entre dans une pièce, assez sobre : un porte-manteau dans le coin gauche près de la porte, Une autre porte au fond à gauche, un bureau en bois massif avec sa chaise assortie. Sur cette chaise se tient un homme d’environ 40 ans qui le regarde. Ethan ôte son masque, son capuchon et déclare venir de la part de l’Amirale Obversaria.
« -Elle m’a prévenue. Tu es le jeune Ethan n’est-ce pas ?
- Mais comment vous… ?
- Peu importe. Assis-toi je te prie. »
Encore impressionné par cette démonstration de la complicité entre dragon et aviateur, il s’assoit avec méfiance. « Il ne s’est pas écoulé plus d’une minute et un dragon ne peut accéder à cette pièce. L’a-t-elle prévenu avant ? Dans ce cas, elle a dû me repérer avant même que je ne m’infiltre dans la base. » Réfléchi-t-il, « pourquoi n’a-t-elle pas prévenue la garde ? » Les questions se bousculent dans son esprit pendant la minute de silence qui venait de s’écouler.
« -Je suis curieux de savoir comment tu as su qu’une réunion secrète, qui ne l’est plus visiblement, se déroulerait ce soir et aussi, pourquoi tu es venu ? » Le questionne-t-il.
« -Eh bien… Avec tout le respect que je vous dois, Amiral Lenton, je souhaiterais ne pas répondre à cette question : j’ai promis de ne rien dire. Sachez néanmoins que je ne l’ai dit à personne.
-Hmm…
- Je suis juste venu regarder les dragons dormir, c’est tout !
- Tu trouves cela intéressant des dragons qui dorment ? Ne les préfèrerais-tu pas en train de voler par hasard ?
- Tout ce qui a un rapport de près ou de loin aux dragons me passionne. J’en déjà vu dans les airs, assis, allongé mais jamais endormis.
- Quel est ton rêve ? Demande abruptement Lenton. »
Ethan est à l’aise avec cet homme, un de ses héros : il a lu tout ce qui a été publié sur lui et sur ses faits d’arme. De plus, il lui a posé la question à laquelle il avait le plus envie de répondre et il ne va pas bouder son plaisir.
« - J’en ai plusieurs en fait : avoir un ami dragon, aller en Chine, que l’on est besoin de moi, visiter la France, être un maitre bretteur, rencontrer le Capitaine Saint Germain et devenir aviateur. »
Ethan s’arrête là dans son énumération, car il en a d’autre des rêves bien sûr, mais il avait livré les plus précieux à ses yeux. L’Amiral Lenton sourit mais Ethan ne sait pas si c’est par moquerie ou pour autre chose. Comme à son habitude, il ne laisse pas ses questions transparaitre sur son visage.
-Je vois que tu as de grands projets. Pourquoi n’es-tu pas déjà aviateur ? »
L’âge « préférable » pour pouvoir être accepté parmi les aviateurs est 7 ans. En effet, il est nécessaire de prendre des enfants aussi jeune afin qu’ils s’habituent à la présence des dragons et plus particulièrement au vol sur le dos de ces derniers : un moyen de lutte efficace contre le vertige.
« - Ma famille ne veut pas, répondit-il en tombant les épaules.
- Peut-être pourrais-je tenter de les convaincre de revenir sur leur décision… Propose Lenton.
-Le « vert aviateur » leur donne la nausée, vous n’arriverez jamais au seuil de leur maison.
- Je suis sûr que tu grossis le trait un petit peu.
- Un petit peu seulement Amiral. Dit-il sur un ton ironique avec un sourire en coin. »
Le silence s’installe dans la pièce. L’Amiral Lenton semble réfléchir : il regarde machinalement les papiers sur son bureau, les bras croisés et assis au fond de sa chaise. Après un mutisme général de 5 minutes, il déclare tout de go qu’il est l’heure d’aller dormir. Il propose à Ethan de rester dans la base et de dormir dans la chambre mitoyenne au bureau.
« - Il est trop tard pour que tu te promènes de toute façon et il est de mon devoir de t’épargner des risques inutiles, sans parler du couvre-feu. Et n’essaie pas de discuter, je ne te laisserais pas partir. »
Le jeune garçon fait mine de protester pour se donner bonne conscience quand il rentrera chez lui : Un officier de l’armée l’a retenu à la base pour des raisons de sécurité, il ne pouvait rien faire !
Après cette scénette improvisée, l’Amiral Lenton ouvre la porte à sa droite. Elle donne sur une chambre, simple, avec un lit, une armoire, une table de nuit, une fenêtre avec vu sur le terrain principal (où les dragons dorment actuellement) et… Un miroir.
« -Si tu t’endors vite et que tu te réveilles tôt, je te présenterait le capitaine Saint-Germain. Vois-tu son Longwings allongé à la lisière du bosquet ? Il s’appelle…
-Mortiferus, Longwings mâle de 30 ans, il a participé à la campagne d’Aboukir et opère majoritairement à Gibraltar dans le sud de l’Espagne. D’après mes informations, il aurait déjà abattu 5 dragons français dont un poids lourd et coulé 4 vaisseaux sans compter les pertes humaines, qui doivent se chiffrer en centaines, et les dommages matériels occasionnés. Son équipage…
- Impressionnant ! Le coupe Lenton. Tu en sais plus que leurs Seigneuries et tu n’as que 10 ans. Es-tu sûr de n’avoir que 10 ans ? demande Lenton avec amusement.
- Non.
- Non ? Tu doutes de ta date de naissance ?
- Je ne suis jamais né. »
Lenton regarde avec perplexité ce jeune garçon qui sème plus de mystères qu’il n’arrive à récolter de réponses. Ethan semble être conscient de cet état de fait et s’en amuse. Il continu :
« - Aux yeux de l’administration, je n’existe pas : je n’ai pas de certificat de naissance.
-Intéressant…
- En quoi est-ce intéressant Amiral Lenton ?
- Je ne suis pas sûr… Tu peux aller dormir maintenant. A demain ou plutôt à tout à l’heure, minuit étant passé depuis un bon moment »
Sur ces dernières paroles, Lenton sortit de la chambre.
Ethan jubile intérieurement : il a réussi ! Il est là, planté devant la fenêtre. Ses yeux rubis fixant les écailles émeraudes de Mortiferus (il fait trop noir pour voir la couleur mais il l’imagine, ça lui suffit pour le moment). Son regard glisse d’un dragon à l’autre : « un spectacle fascinant » se murmure-t-il, le cœur battant. « Non, il faut que je dorme », dit-il à haute voix avec dans la tête les paroles de Lenton. Il se détourne avec regret de la fenêtre et se retrouve devant le miroir. Il pose son masque sur le lit et ôte sa sombre tenue et la jette au à côté de son masque, pareil pour son petit sac et même traitement pour son épée. Il l’a accroché dans son dos tout le temps de son intrusion. Une lame qui ressemble à un katana, d’une couleur argentée décorée d’une vague séparant le tranchant du dos de l’arme, un fourreau d’un noir de jais, une garde circulaire, noire elle aussi, succédant à une poignée aussi sombre ornée de filaments dorées pour finir sur un pommeau tout aussi noir qui met valeur un dragon blanc sans ailes : Une œuvre d’art au service de la Mort. Il en prend soin ça c’est sûr : un cadeau de son père. Du moins, c’est ce qui était écrit sur la lettre qui accompagnait ce présent pour lui. C’est un coursier qui a été payé pour lui donner en main propre le paquet contenant la lame. Aucune informations supplémentaires étaient inscrites sur ce courrier hormis : « c’est pour toi prends-en soin. Ton père ». Pas de nom et le coursier lui-même ne connaissait pas celui qui l’a payé. Il avait 7 ans quand il a reçu ce paquet.
Après s’être mis à son aise, il s’engouffre dans ce lit confortable en prenant soin de placer Susiron à portée de main : Susiron est le nom de son épée, cela signifie « étoile du soir » mais il ignore en quelle langue…
La légère odeur âcre des dragons qui flotte dans la chambre ne l’aide pas à s’endormir : difficile pour lui de dormir alors que des dragons sont tous proches. Il y parvient malgré tout en songeant à la rencontre qu’il va faire demain.
Nuit agitée… rêves confus… des pleurs… Ca fait mal… Des cris… Des rugissements… Une cloche d’alarme… « Une cloche d’alarme ? » Ethan se réveille, ou plutôt il sort de sa somnolence en douceur, malgré le raffut à l’extérieur. Il se lève et se dirige vers la fenêtre en tenant son épée par le fourreau. Toute la base est sur le pied de guerre. Le soleil étant encore absent, de grands flambeaux allumés ont été disposés sur le terrain. « Harnais de combat léger, fusiliers, capitaines et aspirants. Voilà le quotidien des aviateurs, fascinant ! » Il s’imagine au milieu de cette cohue en apercevant des cadets qui semblent plus jeunes que lui grimper et glisser le long des dragons pour mettre en place les harnais. Pas plus de trois minutes plus tard les dragons léger prennent leur envol suivi par d’autre de poids croissant. Deux minutes plus tard, les dragons lourds prennent leur essor : ils brassent tellement d’air que les vitres vibrent sous les bourrasques. Le bruit lourd des battements d’ailes s’éloignent en direction de l’ouest en passant au-dessus du château.
« - J’espère que ce n’est pas trop grave, même si cela m’étonnerait que « toute la cavalerie » se déplace pour un carreau cassé. » Déduit-il. « Une attaque française probablement… Si j’étais un général français, pour une attaque de nuit, puissante et rapide, j’enverrais un Fleur-de-Nuit, seule race de dragon nocturne, et un Flamme-de-Gloire, cracheur de feu, appuyés par un ou deux Pêcheur-Rayé, des poids légers (moins de 5 tonnes) ». Estime-il, rêveur. Sur ce, il se recouche sans cérémonie et s’endort tout de suite pour rejoindre le royaume de Morphée… Le sourire persistant.