Prends garde

Chapitre 15

6477 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a plus de 8 ans

Le vendredi soir de la première semaine de printemps, alors que Stiles avait encore beaucoup de mal à accepter l’échec de sa tentative pour récupérer l’Alpha, Scott organisait une petite fête entre amis chez lui sans prétention ou événement particulier à célébrer. Tout le groupe était présent dans le salon de la demeure McCall : Scott, assis dans le canapé juste à côté de Stiles fixant ses pieds d’un air absent ; Lydia et Allison en face d’eux ainsi que Isaac qui avait pris place par terre, assis en tailleur, devant la table basse. Posés sur celle-ci, des quoi grignoter et des bouteilles de soda. Stiles était plutôt d’humeur à s’envoyer de la vodka plutôt que de la limonade ou de la boisson gazeuse. S’il était plutôt ravi d’être avec ses amis en apparence, son esprit était continuellement en train de se demander ce que pouvait bien faire Derek Hale en ce moment. Il avait reçu un message le lendemain de leur « dispute » dans la chambre du motel. Le seul message d’ailleurs. Il avait eu beaucoup de mal à se retenir de lui répondre. Néanmoins, il était persuadé que c’était la meilleure chose à faire. Derek lui avait simplement expliqué qu’il était parti dans une des résidences secondaires de la famille Hale et qu’il ne captait pas là-bas. De ce fait, Stiles ne devait pas s’attendre à avoir de ses nouvelles et même si le loup avait la possibilité de l’appeler, le jeune homme savait que l’Alpha ne le ferait pas. Du moins, pas avant d’avoir « assez réfléchi » comme il lui avait mainte fois expliqué. Partir, faire le point. Encore et toujours.

Le lendemain de la Saint-Valentin — ce qui aurait dû être leur « premier mois ensemble » —, Stiles avait tourné en rond dans sa chambre, n’avait pas levé un sourcil durant les cours quand le Coach lui avait demandé par quatre fois la réponse à une question évidente suivie d’un discours rempli de sarcasmes sur l’attitude lunatique de l’adolescent. Il s’était ensuite collé dans un coin dans la salle de classe de Chimie, juste derrière Danny et à côté de Greenberg. Il avait passé les deux heures de cours à faire tourner son crayon autour de ses doigts frêles tandis que le professeur Harris s’en prenait à Scott et à ses médiocres résultats au dernier devoir. Stiles était persuadé que le professeur antipathique avait jeté plus d’une fois un regard en sa direction pour déceler la moindre occasion pour le mettre en retenue. Malheureusement (ou heureusement) pour lui, le fils du Shérif n’avait pas ouvert une seule fois la bouche. Après les cours, Scott s’était tourné vers son meilleur ami, lui demandant si tout allait bien vu que ses pouvoirs de loups-garou lui soufflaient que Stiles était tourmenté par quelque chose. L’adolescent avait haussé les épaules avant de répondre d’une voix terne qu’il allait faire avec et que ça ira. Et que de toute manière, ça devait aller.

Stiles aurait voulu tout raconter à son meilleur ami ; lui expliquer comment Derek et lui étaient devenus très proches avant de se séparer pour se remettre derechef quelque temps — en réalité, à peine quelques heures au motel — et de se séparer pour que chacun puisse « réfléchir et faire le point ». Seulement, l’adolescent ne savait pas du tout comment Scott allait prendre cela. Sera-t-il en colère noire ? Agacé ? Juste surpris ? Content ? Indifférent ? Tout cela à la fois ? Même si Scott était au courant, cela ne changerait rien au fait que Derek était parti ni au fait que quelques parts, Stiles s’en voulait pour tout ce qui était arrivé. Il devait prendre son mal en patience. Ou peut-être passer à autre chose. Vraiment à autre chose.

Néanmoins, il savait qu’il n’arriverait plus à cacher ses tourments plus longtemps au reste du groupe. Il était conscient des regards inquiets que lui jetaient de temps à autre Scott et même Isaac tout comme il était conscient que son cœur battait à tout rompre dès qu’on lui demandait si tout allait pour le mieux ou si quelque chose l’angoissait. Il ne savait même pas comment aborder la chose avec son meilleur ami.

« Je suis sorti avec Derek Hale un peu plus d’une semaine. J’ai décidé de rompre. On fait qu’essayer de se remettre ensemble depuis et ça ne marche pas. »

Il ne voyait pas comment le dire autrement. Sans oublier le fait que tout était de sa faute. Il n’avait pas fait assez confiance au loup-garou et il avait réussi à le pousser à bout. Sans parler de la morsure qu’il cachait toujours avec un morceau d’écharpe malgré le beau temps qui commençait doucement à montrer le bout de son nez. Isaac et Scott lui avaient encore proposé de partir à la recherche du loup qui lui avait fait ça juste au cas où « ce ne serait pas qu’un loup », mais Stiles avait toujours décliné justifiant son choix par « il doit être loin et de toute façon, il ne faut pas chercher à se venger d’un animal ». Après quoi, il avait cité un passage du livre « Moby Dick » créant cette expression perplexe et incrédule chez Scott qui revenait toutes les fois où il abordait Star Wars.

Pour l’heure, Stiles écoutait d’une oreille la conversation entre ses amis, fixant ses chaussures en se demandant pour la soixantième fois de la journée ce que pouvait bien faire Derek et si, par le plus grand des hasards, il pensait à lui. Il aurait voulu passer les vacances de printemps autrement. Peut-être seraient-ils allés à Los Angeles et se promener main dans la main le long d’une de ses grandes plages. Peut-être auraient ils simplement passé leur temps à se blottir l’un contre l’autre dans l’appartement du loup ; à se raconter des niaiseries et des histoires d’enfance ou d’épouvantes.

Un message. Il voulait juste un seul message de lui. Un message qui lui dirait que Derek allait bien et qu’il pensait à lui. Un tout petit peu à lui. Juste un tout petit message.

Grâce au seul message qu’il avait reçu de Derek qui lui expliquait que dans la région où il se trouvait il ne captait pas bien le signal, Stiles avait eu le nouveau numéro du loup et il se retenait chaque minute, chaque seconde depuis pour ne pas lui envoyer un message lui suppliant de revenir ou de lui demander s’il comptait justement retourner à Beacon Hills.

Pour essayer de se changer les idées, Stiles avait mené l’enquête au sujet du fameux « couple » entre Scott et Isaac. Quelque chose lui échappait. Les deux adolescents se trouvaient rarement seuls dans la même pièce contrairement à Allison et à Scott d’ailleurs. Ils ne s’échangeaient pas de regard complice ou ne cherchaient pas à effleurer l’autre dans les couloirs. Ils se comportaient en ami et rien d’autre. Plus les jours passaient, plus Stiles avait la conviction que cette histoire de « couple » n’avait jamais existé et de ce fait, Derek lui aurait simplement menti. Mais pourquoi ? Pour l’empêcher de mener à bien sa vengeance contre Isaac ? Ou de commettre l’irréparable sur son Beta ? De toute façon, Stiles avait changé d’avis à partir du moment où le loup-garou Alpha avait décidé que toutes ses idées de vengeance étaient exagérées ou totalement irréalisables voir dangereuses pour lui et aussi pour Isaac. Stiles avait laissé tomber tous ses plans et s’était contenté d’une maigre compensation en voyant le loup exclu du terrain pour quelques matchs. Et même si Scott avait remué ciel et terre pour que son camarade de classe revienne jouer durant le championnat, Isaac avait fini par accepter sa punition en restant sur le banc de touche tandis que son équipe tentait le tout pour le tout afin de gagner quelques rencontres. L’adolescent orphelin n’en voulait plus à Scott de s’être trompé sur la liste de sélection. Après tout, il reviendra à la moitié du championnat et il pourra réparer les erreurs de ses coéquipiers. Pour l’heure, Isaac profitait de son temps libre — il ne participait plus aux entraînements au vu de son exclusion de l’équipe — pour rattraper son retard dans les cours. Et c’était tout aussi bien dans un sens. Stiles lui avait rendu service sans le savoir.

Il était vingt et une heure trente-six exactement quand le téléphone se mit à retentir dans la demeure des McCall. Scott se leva, passa à côté d’Allison non sans lui effleurer le bras de ses doigts fins avant de décrocher. Il reconnut la voix de sa mère à l’autre bout du fil. Elle lui semblait austère, sérieuse et légèrement tremblante. L’infirmière lui demanda doucement de lui passer Stiles et que c’était important. Le jeune loup-garou ne perdit pas de temps et appela son meilleur ami qui se leva lentement avant de traîner les pieds jusqu’au téléphone posé sur un meuble juste à côté de l’escalier du hall d’entrée. Il laissa échapper un « bonsoir » entre ses lèvres tandis que la mère de Scott enchaîna sur un ton sombre :

« Ton père a eu une crise cardiaque. »

Les yeux écarquillés, les mains tremblantes et moites, l’estomac retourné et lourd, Stiles ouvrit la bouche, mais aucun son ne put en sortir. Derrière lui, Isaac et Scott s’échangèrent des regards interloqués tandis que Lydia et Allison affichaient un air terriblement inquiet avant de se lever pour faire quelques pas en direction de l’hyperactif. Le cerveau de Stiles tentait vainement d’analyser l’information donnée par la mère de Scott tout en combattant la crise de panique approchant.

« Il est en bonnes mains, souffla Melissa McCall. Tu peux venir le voir si tu le souhaites. Ne te force pas… si c’est trop compliqué pour toi, Stiles. »

 

L’adolescent articula un faible « j’arrive » avant de raccrocher en s’y reprenant à trois fois avant de replacer correctement le combiné téléphonique. Il leva les yeux vers Scott avant de chuchoter que son père était à l’hôpital et qu’il devait partir sur-le-champ. Allison proposa de l’emmener, mais l’adolescent refusa poliment en argumentant sur le fait qu’il ne voulait déranger personne, que Melissa avait dit qu’il était entre de bonnes mains et que surtout, Stiles avait besoin d’être seul un moment — pour pleurer en silence même s’il l’avouerait jamais devant ses amis. Allison acquiesça doucement tandis que Lydia étreignit Stiles contre son cœur. Scott lui tapota sur l’épaule et Isaac se contenta d’un regard compatissant.

Stiles prit congé de ses amis, fermant doucement la porte de la maison McCall derrière lui, réprima un sanglot avant de se précipiter vers son véhicule stationné juste derrière la voiture de Lydia. Une fois installé derrière le volant, il sortit son portable de la poche de son jeans d’une main tremblante et composa un message en se battant avec le correcteur automatique à chaque touche appuyée par un doigt très agité et maladroit. Il envoya le message avant de balancer son téléphone sur le siège passager, près de son sac, mit le contact, prit une longue inspiration avant de démarrer et de se rendre à l’hôpital.

Durant le trajet, il se mordit la lèvre inférieure presque à sang, son angoisse titillant ses entrailles, son esprit concoctant les pires scénarios possible au sujet de la santé de son père et de ce qu’il allait lui arriver. Il se répétait en boucle les paroles de Melissa McCall « il est en bonnes mains » tandis que des larmes apparaissaient au coin de ses yeux et que la jeep approchait le centre hospitalier de Beacon Hills.

« Il est en de bonnes mains. Tout va bien. Tout va très bien, murmura rapidement Stiles à lui-même. Tout ira très bien. »

Il gara sa jeep sur une place réservée aux urgences, descendit en fermant fébrilement la porte derrière lui. Ses oreilles bourdonnaient tandis que ses jambes avaient du mal à le tenir debout. Il marcha d’un pas mal assuré vers l’entrée des urgences en mâchouillant inconsciemment la manche gauche de son polo. Melissa, se trouvant derrière son poste avec une collègue, fit le tour de son bureau et l’accueillit en le prenant dans ses bras d’un geste qui se voulait rassurant. Elle lui frotta le bras droit d’un geste maternel avant d’expliquer ce qu’il s’était passé. Son père effectuait un contrôle routier avec deux autres agents de police avant de s’écrouler. La personne qu’ils étaient en train de contrôler était un étudiant en médecine ; il avait alors fait les premiers gestes de secours en attendant l’arrivée de l’ambulance. Son père avait eu de la chance dans une certaine mesure. Il était encore inconscient, mais « entre de bonnes mains ».

Stiles avait l’impression que son cerveau était devenu extrêmement lent, ne comprenant pas les mots simples utilisés par la mère de son meilleur ami. Il se sentit vaciller, portant la main sur son front. Il fit quelque pas en arrière et quand son dos rencontra le mur froid du couloir des urgences, il se laissa tomber sur une des chaises devant le petit bureau des infirmières tandis que Melissa McCall s’agenouilla devant lui, les mains croisées entre ses jambes, avec un sourire rassurant sur le visage. Elle lui effleura le genou avant de se lever pour lui chercher quelque chose à boire. Stiles se mit à fixer le plafond, la tête basculée en arrière, le visage totalement hagard. Melissa lui tendit une bouteille d’eau fraîche avant de la poser à ses pieds devant l’absence de réaction chez l’adolescent. Ce dernier se concentra sur sa respiration, cherchant à canaliser la crise d’angoisse qui était en train de lui broyer l’estomac.

Une heure passa, peut-être deux durant lesquelles des patients, des médecins et des parents déambulèrent devant lui sans prêter la moindre à l’adolescent qui n’avait cessé un seul instant de fixer le plafond blanc nacré au-dessus de son crâne calé sur le haut du dossier de sa chaise et le mur. Son esprit était meurtri entre deux envies : celle de se précipiter au chevet de son père et celle de partir en courant, loin de cet endroit, loin de ce moment qui la rappelait la mort de sa mère tandis qu’il était à ses côtés, dans cet hôpital sinistre et froid.

Si jamais son père venait à succomber à son tour, Stiles se retrouverait dans la configuration qui lui faisait horreur depuis pas mal d’années et qui lui avait insufflé des attaques de paniques et crises d’angoisse. Perdre sa mère avait été l’élément déclencheur de son hyperactivité et de son caractère calculateur de tous les scénarios possibles et surtout, les plus catastrophiques. Et dans un sens, c’était à cause de ce mécanisme de défense à imaginer des plans d’évitement de dangers infondés qui l’avait amené à se méfier de Derek Hale et « de ce qu’il pourrait faire si jamais ils se rapprochaient beaucoup trop l’un de l’autre ». S’il n’avait pas cette hypervigilance peut-être qu’il aurait accepté l’affection, la tendresse et tout ce qui concernait les « niaiseries » du loup-garou sans chercher à entrapercevoir un quelconque danger. Il ne lui avait pas fait confiance. Même pas un tout petit peu. Les yeux rouges vifs, les crocs et les griffes, tout cela pouvait lui sauter à la gorge au moment où il s’y attendait le moins ; et c’était ce qui était arrivé, même si Derek Hale avait affirmé qu’il n’avait pas cherché à lui faire du mal. Non. C’était comme si ces marques ornant la gorge de l’adolescent avaient une tout autre signification qu’une tentative « ratée » de transformer quelqu’un en loup-garou ou en toute autre créature surnaturelle.

Stiles y avait réfléchi depuis le départ de Derek et il n’y voyait que deux explications plausibles : soit c’était bel et bien les résidus d’une morsure manquée — dans ce cas, pourquoi Stiles était resté lui-même ou simplement vivant dans un sens — soit c’était juste comme un « marquage » qu’un loup laisserait à sa proie ou à un compagnon. Cette dernière suggestion avait le don de faire ricaner l’adolescent qui trouvait que justement c’était tout ce qu’il ne fallait pas faire. Mais c’était Derek Hale, le loup-garou un peu fleur bleue et terriblement niais. Que faisait-il en ce moment ? Était-il en train de tondre la pelouse de la demeure secondaire des Hale ? Repeindre une des chambres ? Jeter au feu quelques bibelots ? Arracher les mauvaises herbes par-ci par-là et traiter les termites dans la cave ? pensait il à lui ?

Avait-il reçu son message de détresse ? Qu’en avait-il pensé ? S’était-il mis en colère en le lisant en pestant sur le fait que Stiles avait rompu leur accord de ne pas s’envoyer de messages avant son retour en ville ? S’était-il dit que Stiles était lui aussi « entre bonnes mains » et qu’il n’avait pas besoin de venir le retrouver pour le consoler ?

Dans ce cas, pourquoi était-il en train d’attendre en ce moment même à deux mètres de Stiles, le visage livide, sa veste noire enroulée sur son bras, le polo grisâtre dont les manches étaient relevées jusqu’aux coudes ?

Stiles ne le remarqua pas tout de suite, le regard fixé au plafond, la jambe gauche repliée et la droite tendue devant lui. Il se frotta les yeux du bout des doigts avant de se remettre convenablement sur la chaise. Il passa une main moite sur son visage, leva les yeux vers le bureau des infirmières. Melissa McCall était absente. Une autre infirmière, proche de la trentaine selon l’adolescent, cherchait dans une pile de dossiers, un stylo bille coincé entre ses dents.

Quand l’Alpha effleura la joue de l’adolescent du bout des doigts, ce dernier sursauta bien malgré lui, cligna des yeux avant de se tourner vers le loup-garou. Ils restèrent quelques secondes sans bouger, scandant le visage de l’autre. Derek ne fit aucun geste en direction de l’adolescent, déglutissant avec peine, le regard intense et troublé. Stiles aurait voulu se lever d’un bond et lui sauter au cou, mais ses jambes n’avaient plus aucune force, plus aucun courage. Il aurait voulu lui murmurer au coin de l’oreille toutes les choses qui lui passaient par la tête et qui l’angoissaient par rapport à l’état de son père, le serrer contre lui, sentir sa chaleur rassurante juste quelques secondes pour tout oublier. Oublier que son père avait failli mourir alors que l’adolescent avait pris ce qu’il pensait être toutes les précautions possibles pour lui garantir un cœur en pleine santé. Dans un sens, la vie venait de lui prouver que malgré le fait qu’il eût pensé et calculé les événements qui allaient arriver et surtout, leurs déroulements, les choses ne s’étaient pas passées comme il l’aurait souhaité. Malgré sa volonté de tout contrôler pour ne plus être dans un cas de figure comme la mort de sa mère et tout ce qui en avait découlé, Stiles avait simplement échoué. Ce n’était pas parce qu’il prenait soin de la santé et du régime alimentaire de son père que cela le protégeait de tout. Il y avait des choses qui échappaient totalement à son contrôle, comme cette crise cardiaque. Certes, ses angoisses étaient les seules responsables de son comportement vis-à-vis de son père. Néanmoins, il avait abordé les choses avec la mauvaise méthode. Tout comme avec Derek Hale. Il ne devait pas s’attendre à certaines situations et calculer par avance ce qu’il devrait faire une fois confronté à elles. Non. Il devait simplement apprendre à faire face à l’imprévu et à trouver la force de se relever des situations les plus difficiles.

Stiles sourit timidement à Derek. Ce dernier lui ébouriffa les cheveux avant de faire quelques pas en direction du bureau des infirmières en ayant l’intention de prendre des nouvelles du Shérif pour ne pas accabler l’adolescent avec des questions angoissantes. Exténué, Stiles le suivit du regard avant de consulter son téléphone. Scott lui avait envoyé deux messages ainsi que Lydia. Tous deux voulaient avoir des nouvelles de son père. Le jeune loup-garou proposait même que son meilleur ami vienne dormir chez lui pour éviter qu’il ne se retrouve seul. L’hyperactif laissa échapper un long soupir avant de répondre aux messages. Il remercia Lydia et lui souhaita bonne nuit. Il en fit de même avec Scott en ajoutant qu’il refusait sa proposition de dormir chez le jeune McCall. Il arrivera à faire face à la situation et puis comme lui avait dit Melissa : « Il est en bonnes mains ». Tout ce dont il avait besoin était debout devant le bureau à l’entrée du service discutant avec l’infirmière dans la trentaine qui balançait son stylo à bille d’un côté et de l’autre pour illustrer des propos tout en ajoutant des hochements de tête agaçant pour l’adolescent dans cette mimique étrange. L’horloge qui ornait le mur au-dessus d’eaux affichait minuit et quart. Stiles se pinça les lèvres, se fit violence et se leva doucement de sa chaise. Ses jambes engourdies par l’inactivité le firent tituber quelques pas avant de prendre une assurance quand elles arrivèrent à la hauteur de celles de l’Alpha qui termina la conversation avec la jeune femme. Stiles jeta un regard au coin au loup-garou avant de lui effleurer la main avec la sienne. L’infirmière prit congé d’eux, s’éclipsant avec un dossier sous le bras. Quand elle disparut complètement derrière la porte de la salle de soin un peu plus loin du bureau, Derek se tourna vers Stiles toujours avec ce regard intense et inquiet. L’adolescent trouva le stylo à bille oublié sur un tas de feuilles devant lui tout à fait fascinant, cherchant à tout prix à éviter les yeux clairs du loup-garou, sachant pertinemment bien qu’il ne pourrait pas y résister.

« Je pense qu’en comptant mes excès de vitesse, mes refus de priorités, les feux rouges grillés et les sens interdits non respectés, j’ai dû au bas mot perdre quatre fois mon permis de conduire et avoir pour trois mille dollars de contraventions. En imaginant bien entendu que la police m’aurait pris en flagrant délit, lança Derek pour détendre l’atmosphère, ne lâchant pas l’adolescent des yeux. »

Stiles ne put s’empêcher d’esquisser un sourire discret.

« Comment te sens-tu ? fit doucement le loup. Est-ce que…

— Je n’aurais pas dû t’envoyer ce message, répliqua Stiles d’une voix terne, le visage toujours détourné du sien. Tu m’avais interdit de te contacter. »

Derek émit un grognement légèrement agacé :

« Stiles… je n’allais pas faire comme si de rien n’était. Et tu ne m’as rien demandé dans ton message. C’est moi qui ai décidé de revenir au plus vite. »

C’était vrai. Stiles n’avait absolument pas supplié Derek dans son message de détresse. Il lui avait simplement écrit que son père avait eu une crise cardiaque, qu’il était à l’hôpital et que le jeune homme ne savait pas quoi faire et qu’il avait besoin du loup-garou plus que jamais.

« Je ne suis même pas allé le voir, murmura l’adolescent d’une voix d’outre-tombe, les épaules tombantes. Je ne veux pas le voir dans cet état. Je… je suis un fils horrible, hein ?

— Non. Personne n’a envie de voir un parent blessé ou malade. J’ai mis beaucoup de temps avant d’aller rendre visite à Peter à l’hôpital après l’incendie. Je croyais être le pire neveu qui soit. »

Stiles posa enfin les yeux sur Derek avant de hocher doucement la tête d’un signe entendu et d’afficher un sourire forcé. Derek lui tapota l’épaule dans un geste qui se voulait réconfortant avant d’ajouter :

« Tu devrais aller te reposer.

— Je vais bien, rétorqua Stiles d’une voix pâteuse. »

Le loup leva un sourcil sceptique tandis que l’adolescent claqua la langue d’agacement avant de soupirer en secouant vivement la tête.

« Battement de cœur irrégulier, fit simplement Derek.

— Je me doute bien, maugréa Stiles. »

Il fit quelques pas dans le couloir, se grattant l’arrière du crâne dans un geste mécanique ; se mit à réfléchir avant de se tourner vers le loup-garou. Ce dernier ne le quitta pas des yeux, sa veste posée sur son avant-bras.

« Je devrais sauter de joie de te revoir, de t’entendre, d’avoir de tes nouvelles, souffla Stiles, penaud. Pourquoi… pourquoi je n’y arrive pas ? Pourquoi je ne te prends pas dans mes bras et te dis combien tu m’as manqué ? Pourquoi je me sens si… si… comme… totalement vidé.

— Ce n’est rien, fit le loup en se mettant à sa hauteur.

— Si, c’est quelque chose, Derek. Tu ne comprends pas ce que je dis. Je devrais sauter dans tes bras, pleurer sur tes épaules, te dire combien je suis heureux de te voir et de t’avoir près de moi en ce moment, mais non, je n’y arrive pas.

— Stiles, tu n’as pas la tête à ça. »

L’adolescent se laissa tomber sur la chaise qu’il avait squattée pendant des heures avant de se prendre la tête entre ses mains. Derek prit place à côté de lui et lui entoura gentiment les épaules avec son bras gauche avant de lui murmurer au creux de l’oreille :

« Je te raccompagne chez toi. »

Stiles inspira longuement dans un mouvement saccadé avant d’acquiescer doucement. Vidé. Il se sentait totalement vidé, amorphe et perdu. Il avait juste besoin de dormir. Et juste besoin de sentir Derek près de lui.

Son père était en bonnes mains. Cela n’allait pas se passer comme avec sa mère. Non. C’était toute autre chose et tout allait bien.

Derek était là. Il était enfin là.

Le loup extirpa l’adolescent hagard de l’hôpital et le conduisit à la Camaro noire stationnée à quelques pas du parking bondé. Stiles ne jeta pas un regard à sa Jeep garée sur une place réservée aux urgences, le poignet emprisonné dans la main droite du loup-garou le tirant vers la portière de la voiture. L’adolescent se glissa dans le véhicule tandis que Derek fit rapidement le tour et prit place à côté de lui, derrière le volant.

Stiles prit une grande inspiration avant de jeter un œil par-dessus son épaule en direction du grand bâtiment sinistre et austère où se trouvait pour quelque temps le Shérif de Beacon Hills. Son esprit ne mit pas longtemps avant d’imaginer les pires scénarios possible pour la suite des événements, formant une boule d’angoisse au creux de son ventre. Derek mit le contact avant de tapoter le genou gauche de l’adolescent d’un geste affectueux.

Stiles était en train de fixer le paysage de son regard vide depuis quelques minutes, tandis que la Camaro s’engageait dans une avenue, avant de lâcher sur un ton abattu :

« Tu aurais dû m’appeler. »

Derek ne répondit pas tout de suite. Il lui jeta un regard en biais avant de s’engouffrer dans l’allée de la maison des Stilinski et de répliquer :

« J’aurais dû. Tout comme j’aurais dû éviter de t’envoyer un message avec mon nouveau numéro pour te dire ce que j’allais faire durant mon absence. Tout comme j’aurais dû de ce fait éviter de te donner la possibilité de me contacter et de rompre “l’accord” qu’on s’était plus ou moins donné dans la chambre du Motel même si c’était plutôt une idée saugrenue vis-à-vis de moi-même. Tout comme j’aurais dû éviter de me rendre dans la ville proche pour boire un verre pour me changer les idées et de ce fait, donner la possibilité à mon téléphone de capter un signal et de recevoir ton message que je n’aurais sans doute pas eu si j’étais resté bien sagement dans la vieille demeure secondaire et paumée de ma famille. Oui, j’aurais dû t’appeler, Stiles. »

Le regard humide et le teint blême, l’adolescent se tourna vers le loup qui coupa le moteur.

« Mais je ne l’ai pas fait. »

L’Alpha se pencha vers le visage de l’adolescent et l’embrassa tout près du nez. Tout en gardant cette proximité enivrante, il ajouta d’un ton presque inaudible :

« Et je suis là. »

Stiles ferma les yeux, savourant le peu de distance entre son visage et celui du loup-garou. Il ouvrit la bouche pour rétorquer, mais aucun son ne put en sortir. Il dévisagea Derek, enfouit son regard dans le sien, se pinça les lèvres avant de souffler sur un ton mal assuré :

« Je regrette d’avoir… je te demande pardon… Je… enfin… »

Derek posa délicatement l’index sur les lèvres de Stiles et répéta dans un murmure :

« Je suis là. »

Stiles rompit la distance entre eux, embrassant doucement le loup. L’Alpha rendit le baiser un peu plus passionnément avant de susurrer, front contre front :

« Je suis là, Stiles. »

Comme toute réponse, l’adolescent étreignit le loup contre son cœur le plus fort qu’il le pouvait tandis que l’Alpha lui caressa les cheveux dans un geste tendre.

« Et je t’aime. »

Et les sentiments du loup ne changeront pas.

Il était là pour Stiles. C’était ce qu’il voulait au plus profond de lui. IL voulait être près de lui, le sentir contre lui, le protéger et l’aimer. C’était tout ce qui importait au loup-garou.

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