Prends garde

Chapitre 8

7120 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a plus de 8 ans

La fin des cours venait de retentir ; toutes les fourmis de Beacon Hills se précipitaient vers les véhicules leur promettant une liberté éphémère jusqu’au lendemain.

Stiles était adossé contre le mur du côté est du bâtiment principal, les mains jointes au niveau des lombaires tandis que son sac trônait à quelques centimètres de son pied gauche. Allison et Scott discutaient depuis quelques minutes devant la voiture de la jeune héritière Argent. L’hyperactif ne pouvait pas les entendre ; néanmoins, il était persuadé de ne pas être le sujet de leur conversation si passionnée.

Durant l’entraînement de l’après-midi, Scott avait relancé le problème d’Isaac à maintes reprises auprès du Coach qui s’était borné à l’ignorer complètement, le renvoyant s’occuper des membres de son équipe. Le loup-garou avait sorti tous les arguments possibles en faveur de son camarade de classe à savoir qu’il était un atout pour le championnat, qu’il était doué à la Crosse et qu’il ne rechignait pas à foncer dans le tas pour calmer l’adversaire. Ainsi que le fait que contrairement à certains membres de l’équipe, il n’avait pas peur de se blesser — du moins, c’était facile à dire pour quelqu’un qui guérissait à coup sûr. Malgré tout, le Coach était resté sur ses positions ce qui avait eu le don de mettre le Beta de très mauvaise humeur pour le reste de la séance. Stiles, qui était resté dans les gradins à tapoter son genou du bout des doigts d’un air absent, n’avait pas pris la peine de venir en aide à son meilleur ami. Cela n’aurait servi à rien. De plus, l’adolescent n’avait simplement pas eu envie d’intervenir — pourquoi l’aurait-il fait ? — son esprit avait été focalisé sur Derek et tout ce qui impliquait.

Une discussion s’imposait entre eux et le plus tôt sera le mieux. Et pas seulement au sujet de la « vengeance » et de ses conséquences dérisoires. Stiles n’était pas un idiot. Il avait bien deviné les sentiments de l’Alpha à son sujet (sinon ce dernier n’aurait pas été aussi affectueux vis-à-vis de lui et aussi passionné).

Derek Hale était amoureux du fils du Shérif et le principal intéressé ne ressentait pas la même chose. Du moins, son cœur avait toujours été vers Lydia Martin. Il y avait aussi ce sentiment de malaise qui s’emparait de l’adolescent dès que l’Alpha se mettait à être un peu trop « loup » que « humain ». Les yeux rouges, les grognements et les crocs ne faisaient absolument pas partie de ce que Stiles désignait comme « niaiseries ». Il ne pouvait pas s’empêcher de se demander si Derek était vraiment capable de se contrôler au sujet de l’envie de le mordre pour une raison ou pour une autre. Stiles avait toujours refusé ce précieux « présent des lycanthropes » et ce n’était pas parce qu’il partageait quelque chose avec un chef de meute que cela changerait sa vision des choses. Il trouvait même que cela importait plus que jamais depuis que Derek et lui étaient ensemble de réaffirmer son refus d’une morsure.

Les premières heures après leur première étreinte avaient conduit l’adolescent à plusieurs scénarios tout aussi farfelus qu’inquiétants. Il ne s’était pas posé la question du pourquoi ou du comment de l’approche de Derek. Le fait d’avoir envie de le serrer contre lui avait été satisfaisant dans son esprit — parce que malgré tout, Stiles avait aimé cette proximité. Cependant, il n’était pas certain que cela fût aussi romantique que prévu.

Pour l’heure, l’adolescent attendait patiemment qu’une Camaro noire apparaisse au loin, s’y glisser, esquisser un sourire blasé à son conducteur et être emmené jusqu’au garage pour récupérer sa propre voiture. Et sa liberté par la même occasion. Il avait imaginé dans le creux de son esprit plusieurs fois la scène de leurs retrouvailles à discuter de la journée et de la « vengeance ». Derek allait sans doute lui dire de ne plus penser ou parler d’Isaac vu que Stiles avait eu ce qu’il voulait.

En réalité, Stiles n’était pas satisfait du tout du résultat. Il avait eu des tas d’idées de vengeance où Isaac s’en sortait nettement moins bien. D’accord, sa première idée d’exclure complètement le loup-garou de la meute de Derek était légèrement excessive même si de toute façon, Scott l’aurait récupéré à bras ouvert la bouche en cœur, les crocs sortis. Sa deuxième idée de l’exclure de l’école était tout aussi farfelue au vu des résultats plutôt moyens du principal intéressé — peut-être même que cela lui aurait fait plaisir. Sa troisième idée de répandre une rumeur déplaisante à son sujet l’avait laissé de marbre. Les rumeurs, cela demandait du temps pour bien prendre et Stiles n’était pas du genre très patient. Sa quatrième idée, outre le fait que Derek Hale l’eût trouvée totalement irréalisable — bah tiens —, était de trouver un moyen de briser le cœur d’Isaac. Et enfin, si la dernière idée — trouvée entre deux accolades avec Derek dans la cuisine des Stilinski — de simplement l’exclure de l’équipe lui semblait maintenant fade au vu des répercussions trop minimes à son goût, Stiles n’en avait pas vraiment fini avec tout cela. Il pouvait concocter quelque chose avec toutes ses idées et vraiment faire payer Isaac Lahey.

Il sortait avec Scott ? Bien. Il habitait avec Scott ? Bien. Très bien.

L’hyperactif bâilla à se décrocher la mâchoire tandis que Scott échangea un baiser furtif avec Allison avant de la laisser monter dans la voiture et de claquer la portière derrière elle.

Si Stiles n’avait pas de respect pour son meilleur ami ou pour l’héritière des Argent, il aurait sauté sur l’occasion pour révéler au grand jour le double jeu de Scott McCall. Il se sentait presque obligé d’aller tout raconter à Allison sauf qu’il ne savait pas vraiment comment s’y prendre. Il avait besoin d’une confirmation de Scott. C’était cela. Il avait besoin que son meilleur ami lui avoue sa relation avec Isaac avant d’essayer de compromettre le petit manège avec Allison. D’un autre côté, Stiles considérait que Scott était assez grand pour savoir ce qu’il faisait. Enfin, si l’on ne prenait pas en compte le fait que l’adolescent fût en couple avec une jeune fille dont la famille chassait les loups-garou depuis des générations.

Tandis que Scott disait « au revoir » d’un geste de la main à sa petite-amie, Stiles aperçut la voiture noire au loin. Plus brusquement qu’il l’aurait souhaité, il ramassa son sac avant de le mettre sur son épaule. Il se faufila tant bien que mal en grommelant entre les véhicules et les autres élèves. Arrivé à la Camaro, il poussa un long soupir de lassitude. Il ne prit pas la peine de jeter un regard au conducteur avant d’ouvrir la portière, de se glisser et de la refermer d’un coup sec. La radio passait un morceau de musique pop dont le titre échappait totalement à l’adolescent, pour le peu dont il se préoccupait. Caché derrière ses lunettes de soleil, Derek Hale se tourna doucement vers l’adolescent. Il lui effleura la joue du bout des doigts dans un geste qui se voulait affectueux ce qui fit sursauter Stiles dont l’attention avait été portée sur le rétroviseur de son côté. L’Alpha ne put réprimer un gloussement. Stiles se renfrogna sur son siège, accoudé à la portière, évitant tout contact visuel.

Alors que la voiture s’apprêtait à quitter la zone périphérique de l’école, Derek regarda Stiles du coin de l’œil. L’humain contemplait la route, la tête posée sur son poing.

Ils n’avaient pas échangé un seul mot et le silence pesant commençait à agacer le loup. Stiles sentait le savon bon marché de l’école — il avait pris une douche après l’entraînement même s’il n’avait pas été beaucoup sur le terrain — ainsi qu’une touche de déconvenue.

« Tu ne veux pas m’expliquer comment ça s’est déroulé ? lança doucement Derek en lui jetant un autre regard en biais. »

Comme toute réponse et sans se tourner vers son interlocuteur, Stiles chassa d’un geste caractériel une mouche invisible en direction du loup pour le faire taire.

« Comme tu veux. »

Dans un silence toujours aussi lourd, Derek prit la direction d’un grand parking souterrain et, après s’être garé près d’un grand pilier et coupé le contact de la voiture, il défit sa ceinture de sécurité avant de faire face à l’adolescent qui se cantonnait à l’ignorer totalement.

« Stiles ? Qu’est-ce qui te met de si mauvaise humeur ? souffla l’Alpha en faisant attention à chacun de ses mots. »

L’adolescent hoqueta de dépit avant de se masser les tempes et de répliquer :

« À toi de me le dire.

— Si je te pose la question, c’est que je l’ignore, se défendit Derek en rangeant ses lunettes de soleil.

— Tes pouvoirs de grand méchant loup ne t’aident pas ? »

L’Alpha s’arrêta net, inspira profondément avant de rétorquer en essayant d’éviter d’être désagréable :

« Non. Étrangement, mes pouvoirs de grand méchant loup ne me sont d’aucune utilité face à toi, Stiles. Tout ce que je sens c’est que tu es de très mauvaise humeur comme à peu près à chaque fois que je te vois. »

Stiles se pinça les lèvres avant de porter la manche de son sous-pull en bouche pour la mâchouiller comme il le faisait à chaque fois qu’il se sentait un peu angoissé.

« Je ne suis pas de mauvaise humeur, déclara l’adolescent qui avait de nouveau détourné les yeux. »

Derek lâcha un « bien » exaspéré et s’apprêta à ouvrir la portière :

« On va chercher ta voiture, fit-il sur un ton sans réplique. »

Stiles ne répondit pas et haussa les épaules d’un air indifférent. Il sortit à son tour de la voiture tout en gardant le revers de la manche de son poignet en bouche. Derek contourna le véhicule, prit la main de l’adolescent d’un geste vif avant de se diriger vers l’ascenseur du Parking. Stiles se laissa entraîner tout en mordillant son vêtement. Le parking était désert, froid et sombre. Ce genre d’endroit oppressant que Stiles détestait par-dessus tout. Il observa d’un air absent le loup appuyer à deux reprises sur le bouton d’ascenseur, se demandant s’ils ne devraient pas plutôt prendre les escaliers.

« Je ne suis pas de mauvaise humeur, murmura Stiles comme pour s’en convaincre. »

Devant le silence du loup, l’adolescent enchaîna d’une voix légèrement agitée, la bouche à moitié cachée derrière son poignet :

« Pourquoi tu ne m’as pas dit qu’Isaac était venu samedi alors que j’étais chez toi ? »

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent en silence. Derek entraîna l’adolescent en lui tirant un peu par la main et, une fois à l’intérieur, lui répondit en le regardant droit dans les yeux :

« Isaac est mon Beta. Il a le droit de venir me trouver n’importe quand. Cela ne te concerne en rien. »

Stiles secoua négativement la tête d’un geste vif :

« Si, cela me concerne. J’étais là. Tu comprends ? En train de dormir dans ta chambre.

— Et alors ?

— Et alors ? répéta l’adolescent d’une voix pâteuse. Je ne sais pas moi… l’idée peut-être qu’il nous voie ou nous entende ne t’a pas effleuré l’esprit ? »

L’Alpha appuya sur le bouton de l’ascenseur et les portes se refermèrent doucement :

« Peut-être parce que je m’en moque totalement qu’il ait pu nous voir ou nous entendre, confia Derek.

— Moi, je ne m’en moque pas. Peut-être que toi tu es prêt à assumer tout ce truc, mais pas moi. Je t’ai déjà dit et répété que je n’arrive pas à me faire à l’idée que nous sommes ensemble. Je n’y arrive pas, tu comprends ? »

Légèrement agacé, Derek grogna avant de donner un coup de poing dans les boutons de l’ascenseur, le bloquant par la même occasion. Les lumières clignotèrent un bref instant alors que Stiles écarquilla les yeux, perplexe. Le loup-garou se rapprocha de lui, le toisant de toute sa hauteur.

« Fais-toi à cette idée. »

Stiles ouvrit la bouche pour répliquer, mais se contenta de faire un pas de recul ; son dos toucha la paroi du fond.

« Pourquoi ai-je cette impression que je n’ai pas mon mot à dire ? S’irrita l’hyperactif en faisant des gestes théâtraux des mains. Qu’Isaac soit ton Beta est un fait. Qu’il ait besoin de venir te voir, car il n’est pas fichu de se décider s’il doit porter un pull ou un t-shirt est un fait. Qu’il ait besoin d’un coup de pied au cul pour se calmer lors des nuits de pleine lune. SOIT. Mais j’ai le droit de décider si notre relation doit être connue des autres, non ? »

Comme toute réponse, Derek le poussa contre la paroi, lui encadrant le visage des mains dont les griffes de loup s’apprêtaient à apparaître. Stiles ne se laissa pas impressionner, croisant les bras sur sa poitrine, levant le menton dans un signe de défi.

« Tu sais ce que je crois ? continua l’adolescent en parcourant les alentours du regard à la recherche d’un public inexistant. Ça ne peut pas marcher entre nous. On ne devrait même pas essayer, en fait. Tu n’arrives pas à me comprendre. On n’a pas de point en commun mis à part le “petit problème” de Scott et ses nuits des pleines lunes. On n’a pas les mêmes attentes l’un envers l’autre. »

Derek resta impassible, fixant son vis-à-vis. Il avala sa salive avant de se dégager d’un geste lent.

« Cela ne peut pas marcher, car tu n’as aucune envie que cela marche, fit-il doucement.

— Vraiment, Derek ? C’est tout ce que tu trouves à dire pour ta défense ? Que c’est moi qui n’ai pas envie que cela marche ? Tu te pointes en plein milieu de la nuit pour venir me sortir de la forêt, car ma stupide voiture est tombée en panne. Tu me ramènes chez moi. Tu essaies de me consoler — oh tu sais, j’étais juste légèrement en rogne d’être mis de côté encore une fois. ET BOUM ! Roulage de pelle !

— Si tu ne voulais pas de ce baiser, tu aurais dû me le dire.

— Et me prendre un grognement, des yeux méchants, des crocs sortis et tout un tas d’autres trucs pas jouasses ? J’aurais dû réagir comment ? Je passe mon temps à avoir peur des réactions de tout le monde. Mais vous, vous vous en fichez bien. Si vous vous prenez un coup, c’est pas grave. Alors oui, tu avais un air vraiment adorable cette nuit-là. Vraiment choupi. Oui, j’aurais dû…peut-être t’envoyer promener. Mais je ne pouvais pas. Tu comprends ? Je ne pouvais pas. Est-ce si difficile à comprendre ? Mets-toi à ma place. Juste deux secondes. Deux. PUTAIN. De. SECONDES. »

Derek approcha doucement sa main du visage de l’adolescent pour l’attirer contre le sien, mais il eut un rapide mouvement de recul suivi d’une claque sur cette main trop aventurière.

« Encore une fois, tu n’a pas l’air de comprendre ce que je dis, ajouta Stiles sur un ton acariâtre.

— Si, je comprends, affirma lentement le loup. »

L’Alpha passa les bras autour de la taille de l’adolescent — qui leva les yeux au ciel de dépit — avant de le serrer contre lui.

« Encore une fois… commença Stiles en tentant de repousser le loup-garou. Je n’ai pas l’impression d’avoir mon mot à dire. »

Derek resserra son étreinte, la tête enfouie dans le cou de l’adolescent. Il avait cette impression que s’il le lâchait, Stiles partirait définitivement loin de lui. Il lui caressa le dos, respira son odeur, le coinçant totalement contre la paroi froide de l’ascenseur.

De son côté, Stiles commença à perdre patience. Il tenta de l’écarter le mieux qu’il le pouvait en pestant au passage sur sa force et son entêtement.

« C’était une erreur, fit-il. D’accord ? Une erreur. Et je ne veux plus de ça. »

L’Alpha maintint son étreinte comme si sa vie en dépendait.

« Derek, arrête. Laisse-moi. Laisse-moi partir. Ou juste respirer. Ça ne peut pas marcher, c’est comme ça. »

L’homme ne bougea pas d’un pouce, gardant l’adolescent pressé contre lui.

Ne surtout pas le lâcher. Si Stiles partait maintenant, nul doute qu’il ne ferait pas machine arrière. C’était absurde, totalement insensé. Il frotta son visage contre celui de l’hyperactif avant de lui agripper la taille d’un bras et le cou de l’autre.

L’adolescent poussa un long râle d’exaspération, proche de la crise de nerfs. Derek l’empêchait presque de respirer et ses tentatives répétées et de plus en plus virulentes pour le repousser se soldaient avec un échec cuisant.

« Je ne te laisserai pas partir, grogna l’Alpha au creux de son oreille. Il est hors de question que je te laisse partir.

— Ne… enfin, pourquoi. C’est quand même pas si difficile à comprendre quand je dis que ça ne peut pas marcher ? Enfin, Derek, tu espères quoi à me retenir comme ça ? S’écria Stiles en tentant de le repousser derechef. Tu crois que c’est en te montrant possessif que je vais changer d’avis ? »

Derek garda le silence tandis que le bout de ses doigts enfouis dans les vêtements de l’adolescent commença à le chatouiller dangereusement, ses griffes étaient prêtes à sortir. Les battements du cœur de Stiles martelaient au creux de son ouïe surdéveloppée tandis que sa respiration devenait de plus en plus saccadée.

« Derek, ce n’est pas parce que tu es amoureux de moi que cela te donne tous les droits, enchérit Stiles d’une voix étrangement calme. »

Le loup se dégagea doucement de l’adolescent, juste suffisamment pour pouvoir le regarder droit des les yeux. Tout en maintenant son regard, il lui effleura la joue du bout des doigts avant de lui prendre le menton. Il n’avait pas besoin de pouvoirs surnaturels pour voir toute l’étendue de la colère de son vis-à-vis. Il se pencha pour l’embrasser, mais l’adolescent mit un doigt levé entre leurs lèvres.

« Derek, il faut qu’on arrête, murmura-t-il. Et tu sais que j’ai raison. »

Les yeux du loup changèrent un court instant de couleur avant que ce dernier ne secoue la tête et détourne le regard vers la paroi à leur droite comme s’il s’attendait à voir débarquer quelqu’un. Il se mordit la lèvre avant de s’écarter complètement de l’adolescent. Ce dernier observa le mouvement extrêmement lent du loup avant de ramener ses bras frêles le long du corps.

« C’est à cause d’Isaac ? lança Derek en évitant soigneusement de le regarder. C’est parce que je ne t’ai pas aidé comme tu l’aurais voulu ? Parce que je ne t’ai déconseillé de mettre tes plans aussi puérils que mesquins à exécution ? »

Stiles passa les deux mains sur son visage d’un geste exaspéré en étouffant un juron.

« Oui, tu as raison. C’est tout à fait ça, cracha-t-il avec sarcasme. Je ne veux plus être ton petit-ami car j’ai un certain problème avec un autre gars. Mais oui, c’est tout à fait cela. »

Derek lui décocha un regard noir avant de grogner, ne retenant ni sa colère ni sa peine :

« Isaac est juste un prétexte. Tu n’étais pas aussi obsédé par cette idée de vengeance au début de nous deux. Isaac… c’est juste un putain de prétexte. Tu veux que je fasse quoi exactement ? Que je l’expulse de ma meute alors qu’il est le seul Beta qui me reste ? Très bien. Si c’est ce que tu veux. »

Stiles ouvrit la bouche pour répliquer, mais se ravisa aussitôt.

« Tu veux qu’Isaac soit totalement mis de côté par les autres ? Soit. Qu’il soit livré à lui-même lors des pleines lunes ? Qu’il fasse encore et encore des crises de claustrophobie malgré tout ? Soit. Tu veux que personne ne sache pour nous ? Soit. Mais il est hors de question que je te laisse partir sous prétexte que tu trouves limite scandaleux que j’ai laissé mon Beta entrer chez moi et en plus, en tablant sur une éventualité pratiquement nulle qu’il ait pu te voir ou t’entendre. Et même si cela avait le cas, dis-moi vraiment où est le mal à cela. »

Stiles se laissa glisser le long de la paroi, ramenant ses genoux contre son torse avant de se gratter le crâne et de susurrer en prenant soin d’éviter le long du regard et de se mettre à triturer ses doigts devant lui :

« Je ne suis pas dans le même esprit que toi. Je n’y arrive pas. Tu m’as dit que tu m’aimais par message tout à l’heure. J’aurais dû trouver ça touchant, mais c’était tout le contraire. Tu ne peux pas me dire des choses comme ça avec autant de légèreté. »

Derek se mit à genoux devant lui, tendit la main vers son visage pour le forcer à le regarder :

« Stiles, si tu as quelque chose à me dire, dis-le. Ne tourne pas autant autour du pot. Je ne sortirai pas les crocs ni quoi que ce soit.

— Je t’ai pourtant déjà dit que je voulais tout arrêter, rétorqua-t-il avec mauvaise humeur. Tu veux que je te dise quoi d’autre exactement ? »

Le loup inspira profondément comme pour se donner une once de courage avant de souffler d’une voix qui se voulait posée :

« Qu’en fait, le nœud du problème c’est que tu ne m’aimes pas. »

Interloqué, Stiles cligna les yeux avant de répliquer d’une voix très basse, évitant le sujet :

« Je dis juste que cela ne peut pas marcher entre nous. Cela n’a rien à voir avec les sentiments. Et que peut-être je te trouve trop niais dans ce que tu fais vis-à-vis de moi et que j’ai vraiment du mal avec ça. Tu me sors que tu m’aimes au bout d’une semaine. Une semaine, sérieusement, Derek ?

— Stiles, si j’ai envie de te dire ce que je ressens, je le fais.

— C’est bien ça le problème. Tu fais ce que tu as envie de faire sans te préoccuper de ce que je pourrais en penser.

— Parce que toi, tu ne fais absolument rien sur un coup de tête ?

— Je te parle de ce qui a un rapport entre toi et moi. Regarde, quand je suis revenu de ce fameux cours de Sport où Isaac a cru bon de m’humilier, tu m’as demandé d’aller prendre une douche parce que j’empestais ton Beta. Tu n’as même pas pris la peine d’attendre un tant soit peu avant de me jeter complètement habillé sous l’eau. Tout ce que tu voulais c’est que je t’obéisse parce que tu ne pouvais pas supporter une autre odeur sur moi. Là j’ai eu droit à un gros loup possessif, jaloux, autoritaire et j’en passe. Et contrairement ce que tu pourrais en déduire, non, cela ne m’a absolument pas plu de te voir comme ça. Et je n’aime pas les gens possessifs. Encore moins quand il s’agit de loups-garou. »

Derek garda le silence, le regardant droit dans les yeux, observant attentivement son rythme cardiaque et sa respiration.

« Quand je dis que cela ne peut pas marcher, c’est justement parce que tes réactions sont un peu excessives. Moi qui ai peur qu’un truc me tombe sur le coin de la tête depuis que je sais qu’il n’y a pas que des loups-garou dans cette ville de tarés, avoir un petit-ami qui peut s’enflammer juste à cause d’une odeur dont je ne suis même pas capable d’en être conscient c’est vraiment le comble.

— Dans ce cas, encore une fois, pourquoi tu ne m’as pas repoussé ? demanda doucement l’Alpha.

— Imagine-toi deux secondes à ma place et tu auras ta réponse. »

Le loup dévisagea son interlocuteur avant d’articuler plus de difficulté qu’il aurait cru :

« J’ai ma réponse. Tu n’es qu’un idiot. Vraiment. C’est toute l’estime que tu as de moi, Stiles ? Tu crois vraiment que je t’aurais fait du mal si tu m’avais repoussé ? »

Stiles ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose pour sa défense, mais préféra se taire avant de se gratter l’arrière de la tête d’un geste nerveux.

« Alors, tu es avec moi parce que… commença le loup, mais l’adolescent le coupa net d’une voix légèrement angoissée, ne voulant absolument pas l’entendre de vive voix.

— Ça va, ça va, c’est bon !

— C’est une très mauvaise raison, Stiles. »

Derek se redressa, épousseta d’un revers de main le bas de son pantalon avant de remettre l’ascenseur en marche sous l’œil interrogateur de l’adolescent.

« Dans un sens, c’est tellement logique et prévisible de ta part, continua-t-il en tournant le dos à l’hyperactif. J’aurais beau me démener à te prouver le contraire, à m’occuper de toi et à être très attentif à tes besoins, cela ne changera rien, pas vrai ? »

L’ascenseur descendit vers le rez-de-chaussée du Parking dans un silence pesant. Stiles se mordit les lèvres avant de se lever à son tour et de croiser les bras. Il jeta un œil en biais au loup dont le visage était étrangement impassible.

« Je suis désolé, bredouilla l’adolescent avant de se remettre à mâchouiller sa manche.

— Pas autant que moi, Stiles. Pas autant que moi. »

Stiles esquissa un sourire ironique. Son cœur était étrangement lourd. Il aurait cru que — comment était-ce le mot déjà ? — La rupture serait la meilleure solution à tout cela. Ils n’éprouvaient pas la même chose pour l’un et l’autre. L’adolescent ne voyait vraiment pas où cette relation devait les mener. Il n’aurait jamais dû se laisser embrasser. Il n’aurait jamais dû laisser le loup entrer dans son espace « personnel ».

Ils arrivèrent au rez-de-chaussée sans avoir prononcé un seul mot, sans s’être échangé un seul regard.

« Comment, après tout ce temps, tu peux encore avoir peur de moi, Stiles ? Sérieusement ? demanda l’Alpha en sortant de l’ascenseur et ne faisant volte de face. »

L’adolescent sortit à son tour, haussa les épaules, garda son poignet à hauteur de sa bouche, mâchouillant le vêtement et bredouilla :

« Les crocs, les yeux rouge vif, les hurlements à la pleine lune… La panoplie du parfait loup-garou. Le fait que je sois qu’un humain et que je ne veux absolument pas être mordu. Que peut-être tes réactions excessives de ces derniers jours m’ont définitivement bloqué.

— Pourquoi tu ne me fais pas confiance ? Tu crois vraiment que je suis capable de te faire du mal ? S’écria Derek, laissant transparaître sa amertume. Bordel, Stiles ! Tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu crois franchement que je suis incapable de me contrôler ? Que je ne suis incapable de faire attention à ce que je fais quand je suis avec toi ? Ou de respecter ton souhait de ne pas recevoir la morsure ?

— De toute manière, qu’est ce que cela change ? vociféra Stiles en se mettant à sa hauteur. Je ne veux plus être avec toi ! Tu préfères que cela continue en sachant pertinemment bien que je suis totalement indifférent à toutes les niaiseries inimaginables que tu peux me sortir en une journée. Que visiblement, je n’arriverai pas à me faire à l’idée d’être avec toi ou… d’éprouver quelque chose à ton égard ? »

Stiles s’arrêta net. Cela lui avait totalement échappé. Derek ferma les yeux pour tenter de calmer la colère qui s’emparait petit à petit de lui. Il devait garder la tête froide, en toute circonstance. Sinon l’adolescent s’en irait pour de bon très loin de lui.

« Je le savais déjà, Stiles. Que tu n’es pas amoureux de moi, fit savoir calmement Derek. Tout ça, j’en suis bien conscient. Mais cela ne change rien au fait que je n’aie aucune envie de te laisser partir loin de moi. C’est peut-être pathétique de ma part d’oser espérer qu’avec un peu de temps, tu finiras par simplement changer d’avis. Du moins, ça c’était avant d’apprendre que je te faisais toujours autant flipper malgré le fait que je sois un loup-garou de naissance qui connaît et maîtrise les choses. Que je sois un Alpha capable justement d’éviter que tout vire au cauchemar. »

Stiles contempla ses pieds d’un air embarrassé. Le loup-garou laissa échapper un soupir de lassitude avant d’ajouter en secouant la tête :

« Je pourrais tout aussi dire que la solution au problème est de justement te transformer en loup-garou et que cela t’aidera à ne plus me craindre même si d’un côté, les Betas ou les Omegas sont beaucoup moins puissants que les Alpha donc ça ne servirait pas à grand-chose si nous nous retrouvons à nous disputer plutôt violemment.

— Je ne veux pas de la morsure, articula Stiles en séparant chaque syllabe. »

Derek le dévisagea un instant avant de se mettre juste devant lui et de le prendre doucement dans ses bras. Stiles ne le repoussa pas, mais ne lui rendit pas son étreinte pour autant, mâchouilla toujours la manche de son sous-pull au niveau de son poignet. L’accolade ne dura que quelques secondes et n’eut rien d’affectueux comme à l’accoutumée. Le loup lui donna une tape sur l’épaule avant de murmurer :

« Viens, on va chercher ta voiture. »

Il fit un peine à un pas que Stiles lui attrapa le poignet droit d’un geste vif. Derek ne se retourna pas, ne fit aucun mouvement pour se dégager.

« Derek, attends, ordonna doucement l’adolescent. J’aimerais que tout soit clair. Je ne te plaque pas parce que tu es un loup-garou, d’accord ? On est bien d’accord là-dessus ? »

À sa grande surprise, Derek éclata de rire avant de se tourner vers l’adolescent qui plissa les yeux, perplexe.

« Pourquoi te sens-tu obligé de te justifier, Stiles Stilinski ? demanda le loup avec un sourire carnassier. »

L’adolescent secoua vivement la tête de gauche à droite avant de lâcher le poignet du lycanthrope.

Derek se pencha, lui happa les lèvres dans un baiser volé avant de laisser choir l’hyperactif, dont le cœur battait à tout rompre, qui cligna des yeux et secoua la tête d’incompréhension.

« Tu sais, quand les gens rompent, ils ne s’embrassent pas, lança Stiles d’un air hésitant.

— Tu sais, quand les gens n’éprouvent rien pour quelqu’un, ils évitent de se mettre avec ce quelqu’un pour lui faire plaisir ? riposta Derek sur un ton rempli de reproche. »

Le cœur battant à cent à l’heure, l’adolescent eut le sentiment qu’encore une fois, le loup faisait totalement fi de ce qu’il lui avait dit au sujet de son désir de ne plus être ensemble. Pire, il avait la désagréable impression d’avoir parlé dans le vide. Derek ne devrait pas s’accrocher à lui de cette manière. C’était carrément malsain. Il n’éprouvait pas la même chose pour lui et cela s’arrêtait là. C’était tout. Fin de l’histoire.

À quoi jouait-il ? Pourquoi ne pouvait-il pas juste accepter que cela ne puisse pas marcher ?

Derek se pencha vers l’oreille de son vis-à-vis et souffla doucement :

« Prends garde, Stiles. »

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