Prends garde

Chapitre 9

6953 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a plus de 8 ans

Assis dans la salle d’attente du garage, Stiles pianotait impatiemment du doigt l’accoudoir d’une chaise en acier. Derek discutait avec un des mécaniciens de l’autre côté de la pièce au sujet du règlement de la facture. Son montant n’avait pas encore été révélé, mais l’adolescent se doutait qu’avec toutes les réparations et les changements de pièces, cela devait crever le plafond, quitte à coûter plus cher que le prix de sa jeep, achetée d’occasion il y a un an. Il avait un budget de mille dollars — tout ce que son père pouvait investir en premier lieu dans la voiture. Seulement, voilà, Derek Hale avait insisté pour que la jeep fût totalement retapée et, bien évidemment, payé intégralement la facture, quel qu’en fût le prix. Malgré la dispute dans le parking, le loup n’était pas revenu sur cette promesse. Il aurait pu tourner le dos à Stiles, lui dire de se débrouiller avec le coût de réparations sauf que ce n’était pas son genre de se défiler comme cela et surtout, d’accabler le shérif de Beacon Hills avec autant de dépense.

Les deux jeunes hommes s’étaient à peine adressé la parole depuis leur mise au point. Stiles était resté en retrait, mâchonnant sa manche d’un air absent. Derek avait retrouvé son habituel visage impassible.

Il lançait par moment des regards furtifs vers l’hyperactif par-dessus son épaule sans réel but. L’adolescent, quant à lui, semblait perdu dans ses pensées, fixant un point au loin.

Stiles avait bel et bien rompu avec l’Alpha. Il n’avait pas eu vraiment le choix. Il n’aurait pas pu continuer ce petit manège plus longtemps. Cependant, il ne se sentait pas si libre qu’il l’aurait cru. Son cœur était lourd et son estomac terriblement nauséeux. Il avait envie de donner un coup de pied de rage dans quelque chose ou simplement se réfugier sous sa couette et dormir jusqu’à l’année prochaine. Cela devait être normal. Oui, c’était le contrecoup. Le soulagement arrivera un peu plus tard quand il sera seul dans sa voiture ou chez lui devant ses devoirs.

Pour Stiles, Derek avait réagi plutôt curieusement. Il était en colère ; sa peine se lisait sur son visage, dans ses yeux même. Il n’avait pas réussi à le cacher. Cependant, il avait retrouvé rapidement son impassibilité et son indifférence. Il n’avait pas envie d’être séparé de l’adolescent — ce dernier le concédait parfaitement dans un sens. Pourtant, les choses étaient telles qu’elles étaient et il devait se faire une raison. Du moins, tant que Stiles n’aura pas assimilé le fait que non, l’Alpha n’avait aucune attention de le mordre ou de lui faire du mal. C’était même tout le contraire. Que pouvait-il faire à cela ? Absolument rien. Sauf peut-être, dans une absurde impossibilité, devenir un humain pour ne plus effrayer Stiles. Il ne comprenait vraiment pas comment l’adolescent arrivait encore à insinuer ou à penser qu’il était en danger avec l’Alpha dans une certaine mesure. Scott était un loup-garou aussi et cela ne l’en empêchait pas de l’approcher.

Peut-être qu’un peu de distance entre eux pourrait calmer les choses, remettre tout à plat pour tout reprendre d’un bon pied. Si Stiles avait besoin de temps, alors le loup le lui donnerait. Ce ne sera pas simple. Rien n’était simple avec Stiles Stilinski.

Pour l’heure, Derek paya la facture de la jeep de son ex petit-ami dont la principale préoccupation était de découvrir les saveurs cachées de sa manche droite. Le mécanicien envoya d’un geste vif le trousseau de clefs de la voiture au loup qui l’attrapa au vol.

L’esprit encore un peu ailleurs, Stiles reprit conscience de la présence de Derek quand ce dernier se rapprocha de lui avant de lui remettre les clefs.

« Voilà, fit doucement le lycanthrope. Ils n’ont pas fait le plein, par contre. Fais juste attention quand tu partiras de ne pas tomber en panne d’essence. »

Stiles contempla un moment le trousseau froid dans la paume de sa main gauche avant de lever timidement les yeux vers Derek. Il hésita un instant, cherchant ses mots avant de murmurer :

« Je te remercie. »

Le loup esquissa un faible sourire qui ressembla plus à une grimace qu’autre chose.

« J’ai reçu un message d’Isaac tout à l’heure. Scott voudrait te voir, fit savoir l’Alpha d’une voix neutre. »

Le téléphone de Stiles était éteint dû à la batterie déchargée. L’adolescent acquiesça doucement d’un air entendu avant de se lever lentement de son siège. Il capta un court instant le regard du lycanthrope avant de détourner les yeux et d’esquisser un faible sourire. Il se sentait terriblement mal à l’aise. Cela devait être normal dans ce genre de situation. Du moins, il n’en était pas vraiment certain.

« Je te remercie, répéta Stiles d’une voix mal assurée. Pour la voiture. Tu n’étais pas obligé de le faire. »

Derek garda le silence, lui scrutant froidement le visage. Il laissa échapper un soupir las avant de donner une tape sur l’épaule de l’adolescent et de se diriger vers l’entrée du garage. Stiles le suivit des yeux jusqu’à ce que son dos disparaisse derrière une porte en fer. Il referma le poing sur son trousseau de clefs avant de se gratter la tête et de suivre le loup-garou.

La nuit était sur le point de tomber. Il faisait froid et légèrement humide. Stiles se frotta machinalement les bras pour se réchauffer. Sa jeep était stationnée juste à deux mètres de l’entrée du garage. Derek s’était arrêté devant, consultant son téléphone avant de le mettre dans la poche de son pantalon, tournant le dos à l’adolescent. Stiles se mordit les lèvres avant de se diriger vers le loup.

« Derek ? appela doucement Stiles, mal à l’aise. Je… enfin. Je suis vraiment désolé. »

L’Alpha fit volte-face, le visage toujours aussi fermé.

« Ne fais pas attendre Scott, répliqua-t-il lentement. Allez, file. »

Stiles tendit le bras pour attraper le poignet du loup. À son contact, Derek eut un mouvement de recul un peu brusque. Il plissa les yeux, scrutant le visage de l’adolescent, écoutant les battements de son cœur et le rythme de sa respiration. L’adolescent évita son regard, trouvant qu’un morceau de papier à ses pieds était dix fois plus intrigant.

« Je…, balbutia Stiles dont l’estomac était devenu de plomb. Ne me demande pas pourquoi soudainement… J’ai besoin d’une accolade. Pas un câlin, hein. Juste… que tu me prennes deux secondes dans tes bras.

— Tu es quand même pas gonflé, Stiles, réprimanda le loup. »

Le principal concerné se mordit la lèvre inférieure en détournant la tête, frottant machinalement son avant-bras droit. Il entendit l’Alpha grommeler un juron avant de venir à lui et de lui enlacer la taille. Stiles passa ses bras autour du cou du loup, posa son menton sur son épaule. Comme prévu, leur étreinte ne dura que quelques secondes. Derek s’écarta ; sa main droite effleura le bras de l’adolescent jusqu’à frôler ses doigts frêles. L’Alpha l’observa un instant avant de hocher doucement la tête d’un air sombre, de lui tourner le dos avant de se diriger vers le parking. Stiles le suivit du regard avant de soupirer et de grimper dans sa jeep.

Une fois derrière le volant, Stiles se frotta les yeux du bout des doigts, essayant de faire le tri de tout ce qui s’était produit en moins d’une heure. Ils avaient rompu. C’était ce qu’il voulait. Derek s’en remettra. Et lui aussi. Il fallait un peu de temps. Demain ou fin de la semaine, tout redeviendra comme avant. Tout n’était qu’une question de temps.

Cette envie de pleurer, Stiles, c’est juste dans ta tête, n’est-ce pas?

 

Le fils du Shérif arriva chez Scott à la nuit tombée. La voiture de Melissa McCall n’était pas dans l’allée. Stiles s’y gara avant de se gratter le sommet du crâne d’un geste excédé. Il ne s’était même pas posé la question de la raison pour laquelle Scott l’avait fait venir. Peut-être un souci dans un cours. Ou avec Allison. Ou une découverte de cadavre dans les bois. Ou un truc de loups-garou. Quoi que cela pût être, Stiles ne se sentait pas aussi curieux qu’à l’accoutumée. Il avait juste envie de rentrer chez lui, de prendre un bain bien chaud, de manger des chips devant la télé, vautré dans le canapé avec sa couette sur les épaules. Faire ses devoirs ou étudier lui semblait bien loin de son esprit.

Stiles sortit lentement de la jeep et entra dans la demeure McCall sans frapper. Une fois à l’intérieur, des voix venant de la cuisine l’interpellèrent. Il s’y dirigea d’un pas lourd en se frottant machinalement le bras droit. Assis à la table de la cuisine, Isaac feuilletait un magazine tandis que Scott était de corvée de vaisselle. Quand il aperçut son meilleur ami, le jeune loup-garou laissa tomber le nettoyage d’une grande assiette avant de le saluer d’un signe de tête. Voyant l’air intrigué de Stiles, il ne put s’empêcher de déclarer légèrement embarrassé :

« On a tiré au sort pour la vaisselle. »

Stiles hocha la tête d’un air entendu avant de prendre place devant Isaac qui ne leva pas les yeux de son magazine. Pianotant le bord de la table d’un air absent, l’hyperactif fit doucement :

« Tu voulais me voir, Scott ? »

Le Beta acquiesça avant de se sécher les mains à l’aide d’un essuie délavé et de s’asseoir à côté de son camarade de classe, juste entre Stiles et Isaac.

« En fait, je me demandais si cela ne te dérangeait pas d’aller voir le Coach et lui dire que c’est toi qui as fait la liste et que tu t’es trompé, proposa Scott en posant les coudes sur le bord de la table. Tu vois, tu as voulu m’aider et tu as oublié Isaac dans le lot. »

Si Stiles ne s’était pas senti replié sur soi-même avec une once d’amertume, il aurait éclaté de rire. C’était tellement Scott, le loup qui essayait d’arranger les choses par tous les moyens à sa disposition. Comme toute réponse, l’adolescent se massa la nuque en esquissant un rictus. Il inspira profondément avant de rétorquer à son meilleur ami :

« Je ne sais pas si le Coach m’écoutera plus que toi, tu sais. Il a l’air vraiment buté. Et puis, que fais-tu du fait que c’était ta responsabilité en tant que capitaine de faire cette liste ? »

Scott secoua la tête doucement avant d’ajouter :

« Essaie au moins, Stiles. Peaufine ta version ; trouve une raison absurde. N’importe quoi d’assez gros pour que le Coach te croie et accepte de changer l’équipe.

— Sans vouloir être pessimiste, fit Isaac en refermant le magazine avant de croiser les bras. Je ne crois pas que cela marchera. (Il posa les yeux sur Scott) Ce n’est pas grave, tu sais. On va dire que je suis juste suspendu. »

Stiles tira légèrement sur la manche de son sous-pull avant de se remettre à la mâchouiller. Scott n’en démordit pas :

« L’équipe a besoin de toi. Je n’ai pas envie qu’une erreur aussi idiote puisse nous coûter le championnat, d’accord ? »

Isaac leva les yeux au ciel avant de poser son menton sur sa main droite. Stiles avala difficilement sa salive, inspira profondément et confessa avec une touche d’amertume :

« C’est moi qui ai modifié cette liste. J’ai viré Isaac parce que je voulais lui faire payer les quelques semaines où il n’a pas arrêté de me chercher des noises. »

Scott écarquilla les yeux, hocha vivement la tête avant de lancer d’un ton enthousiaste :

« Oui, ça pourrait passer si tu lui sors ça, Stiles ! »

L’hyperactif ferma les yeux de consternation avant de passer la main sur son visage d’un geste las. Il s’affala de tout son long sur la table, encadrant la tête de ses bras avant de pousser un long soupir. C’était tellement Scott. Bien entendu, Stiles aurait voulu tout expliquer sur cette histoire de vengeance, comment il en était arrivé là et pourquoi cela lui semblait si puéril maintenant. Peut-être que pour le moment, il se contenterait de ce subterfuge au sujet d’Isaac et sa suspension.

Stiles se sentait terriblement fatigué aussi bien physiquement que moralement. Il avait une petite idée de l’origine de tout cela. Il aurait voulu tout raconter à son meilleur ami, le mettre dans la confidence, lui expliquer qu’il venait de rompre avec Derek et qu’il se sentait étrangement mal depuis alors qu’il croyait au contraire être soulagé. Quand il y réfléchissait, il trouvait cela complètement absurde. Il savait au fond de lui que leur relation ne pourrait marcher — pour de mauvaises raisons peut-être — cependant, une petite voix cachée derrière quelques angoisses et autre idée farfelue lui chuchotait qu’il en était absolument rien.

Isaac consulta son portable avant de se lever et de déclarer qu’il devait partir. Il travaillait dans la clinique vétérinaire de Deaton, tout comme Scott. Caché sous ses bras, Stiles grommela un « au revoir » tandis que son meilleur ami rappela à l’autre loup-garou de ne pas oublier les clefs de la demeure McCall afin de ne pas se retrouver enfermé dehors quand il rentrera. Le principal intéressé lui gratifia d’un sourire franc avant de s’éclipser hors de la cuisine.

Quand il entendit la porte d’entrée claquer, Stiles s’extirpa de ses bras, posa les mentons sur sa main droite avant de questionner son meilleur ami :

« Tout se passe bien avec Isaac ? Mise à part cette histoire de liste. »

Scott haussa les épaules :

« Il n’y a pas grand-chose à dire. Il se sent un peu seul et a du mal à supporter l’absence d’Erika et de Boyd. »

Stiles esquissa un faible sourire avant de reprendre :

« Mais cela se passe bien entre lui et toi ? »

Le loup-garou leva un sourcil dubitatif et répliqua doucement :

« Oui. Du moins, je crois. Il dort dans la chambre d’amis, se plaint que ma mère ronfle, se lève bien avant moi et prend du jus d’orange au petit-déjeuner alors que moi je déteste ça.

— Scott, je te parle de votre…., hésita Stiles, cherchant ses mots. Je veux dire, est-ce que tu t’entends bien avec lui ?

— Plus ou moins. Par moment, il est un peu dédaigneux, mais c’est tout. »

Stiles poussa un long soupir d’exaspération avant d’enchaîner bien décidé à faire parler son meilleur ami au sujet de sa relation plutôt secrète avec le loup-garou orphelin. Il avait envie d’en avoir le cœur net, comprendre comment cela était possible compte tenu du fait que Scott semblât toujours en couple avec Allison.

« Comment vous allez faire la nuit de pleine lune ? s’enquit Stiles en contemplant ses ongles. Deux loups-garou sous le même toit, cela ne va pas poser trop de problèmes ?

— J’y ai songé sauf qu’Isaac m’a certifié qu’il était capable de se contrôler. Dans le pire des cas, il ira chez Derek vu que c’est son Alpha. »

Stiles se raidit complètement en entendant le nom de Derek Hale ce qui n’échappa pas à Scott qui, fronçant les sourcils, s’enquit :

« Il y a un problème, Stiles ? »

Ce dernier secoua vivement la tête, cherchant une explication plausible :

« Non. Je viens juste me souvenir que je dois recharger mon téléphone, bredouilla-t-il en sortant l’appareil de sa poche. Si mon père essaie de m’appeler… »

Scott sonda le visage de son meilleur ami, à la recherche du moindre indice. Il se leva de sa chaise, sortit un instant de la pièce avant de revenir avec un chargeur. Il prit doucement le téléphone des mains de Stiles avant de brancher le tout sur une prise de courant à côté du réfrigérateur.

« Allison m’a dit que Lydia prévoyait une sortie demain. On ira au Bowling, enchaîna Scott en reprenant place à côté de son ami.

— Et tu es toujours aussi nul au Bowling, rétorqua Stiles. »

Scott acquiesça d’un air entendu et faussement désolé. Après un silence de quelques minutes, Stiles alla chercher son téléphone dont la batterie avait assez rechargé pour être exploitable. Il reprit place, alluma l’appareil et soupira. Scott décida de reprendre la vaisselle où il l’avait laissé en maugréant contre Isaac qui avait gagné au tirage au sort.

Stiles n’avait reçu aucun nouveau message. Cette constatation l’agaça légèrement tout en le chagrinant. Certes, un message de Derek aurait été plutôt étrange vu les circonstances. Seulement voilà, l’adolescent s’était attendu à en recevoir un, comme à l’accoutumée. C’était absurde. Tellement absurde qu’il prit la décision d’en écrire un au loup-garou. Il ne savait pas trop quoi lui dire après ce qui s’était passé. Cependant, il avait envie de le faire, même si l’Alpha ne lui répondait pas.

Prenant une grande inspiration, Stiles se mit à pianoter doucement sur son écran. Il effaça à plusieurs reprises un mot, puis une phrase puis tout un paragraphe, à la recherche des bons termes, des bons mots pour ne pas paraître froid.

Après quelques minutes infructueuses, Stiles laissa tomber. Il balança son téléphone sur la table avant de se masser les tempes pour se ressaisir. Il n’y arrivait tout simplement pas.

Pourquoi était-ce si difficile ?

Pourquoi tout devait être si compliqué entre eux ?

Non. Il n’y avait plus de « entre eux » maintenant.

Le téléphone de Stiles vibra. L’adolescent se jeta dessus, le cœur battant à tout rompre. De son côté, Scott manqua de casser une assiette en frottant un peu trop fort pour tenter de faire partir une tache tenace.

Les mains de l’hyperactif tremblèrent à la lecture du message. C’était Derek. Il le conviait à venir dans son loft afin de discuter calmement de tout à l’heure. Il avait envie de mettre les choses au clair. Et, chose incongrue qui plus est, Stiles avait oublié son sac de cours dans la voiture du loup-garou.

L’adolescent avait envie bien malgré lui d’éclater de rire devant cet acte manqué.

Derek souhaitait discuter. Soit. Stiles n’était pas certain que cela pouvait changer quoi que ce soit à la situation entre eux. Il avait dit ce qu’il avait à dire dans l’ascenseur. Il ne reviendrait pas sur sa décision de cette séparation même si elle le soulageait pas autant qu’il l’aurait voulu.

D’un côté, il avait envie d’être dans les bras de Derek Hale. Il s’y sentait très bien.

De l’autre, il appréhendait une réaction impulsive du loup, les yeux rouges, les crocs sortis et les griffes acérées. Sans parler du fait qu’il semblait avoir très mal pris cette séparation. Ce qui était normal en somme compte tenu du fait qu’il avait avoué ses sentiments à l’adolescent quelques heures plus tôt.

Stiles ne savait plus quoi penser. Si seulement il pouvait être amoureux de Derek Hale. Du moins, juste un peu.

L’adolescent prit congé de Scott en lui promettant de s’occuper du Coach et de cette histoire de liste dès demain en insistant sur le fait qu’il ne fût pas certain de le faire changer d’avis. Il aurait voulu lui glisser que sa version des faits était exactement ce qui s’était passé, mais se ravisa. Il n’avait pas envie de se disputer avec Scott. Il se doutait que son meilleur ami allait très mal prendre le coup mesquin du fils du Shérif, sachant qu’en plus, il était un dommage collatéral dans cette machination contre Isaac.

De toute façon, il n’avait plus du tout le cœur à la vengeance.

Sur le chemin le conduisant au loft, Stiles n’arrivait pas à sortir de son esprit l’avertissement de Derek : « prends garde ». À quoi devait-il prêter attention ? Il aimerait le savoir et surtout comprendre pourquoi. Il faisait attention à pratiquement tout depuis les derniers événements à Beacon Hills, avec cette peur constante que quelque chose allait lui tomber dessus à n’importe quel moment.

Stiles faisait attention. Il faisait toujours attention. Il avait souvent des idées plutôt étranges, des plans foireux ou bancals. Mais il faisait attention. Ça, c’était certain.

Arrivé devant la porte en fer du loft, Stiles inspira longuement, le cœur battant à tout rompre avant de faire basculer ladite porte et d’entrer d’un pas lent. Il scruta les alentours, à la recherche de Derek Hale. Il le trouva assis dans l’unique canapé de la grande salle, les coudes sur les genoux. Quand il aperçut l’adolescent, le loup se leva lentement, arpenta la distance qui les séparait. Stiles détourna les yeux et bredouilla :

« Merci de m’avoir prévenu que j’avais oublié mon sac. Je crois que je ne m’en serais pas aperçu tout de suite… »

Derek hocha doucement la tête d’un air entendu avant de désigner de la main le canapé et d’inviter de ce fait Stiles à s’asseoir ; ce que l’adolescent accepta d’une voix mal assurée.

Le canapé était loin d’être confortable. Stiles avait l’impression d’être assis sur une pierre. Derek prit place à côté de lui, gardant une certaine distance entre eux. Après quelques instants de silence pesant, le loup s’expliqua en regardant droit devant lui tandis que Stiles l’observait du coin de l’œil :

« Je t’aime, Stiles. C’est un fait que je ne peux pas nier. »

L’adolescent ne répondit pas, esquissant un rictus.

« Contrairement à ce que tu m’as dit tout à l’heure, je crois que cela peut marcher entre nous. »

Stiles leva les yeux au ciel, ouvrit la bouche pour répliquer, mais Derek enchaîna :

« Je suis conscient que je ne peux pas te forcer à éprouver la même chose. Mais — et j’insiste là-dessus —, mais si tu te crispes, tu te bloques, tu te forces à ne rien ressentir pour moi uniquement parce que tu as peur de moi, je ne peux pas l’accepter. »

Stiles se massa la nuque cherchant ses mots :

« Peur… peur… disons que tout est plus ou moins subjectif. »

Fixant toujours un point au loin, Derek continua sur sa lancée :

« Samedi, quand nous étions tous les deux à regarder ce film, tu étais blotti contre moi. »

Il se tourna vers lui, les sourcils froncés :

« Pourquoi à ce moment-là, tu as pu accepter une proximité alors que tu as peur de moi ? Pourquoi j’ai pu t’embrasser, te serrer contre moi ? Pourquoi, Stiles ?

— Derek, cela ne sert à rien de discuter de cela, murmura Stiles étrangement mal à l’aise.

— Cela sert, justement, Stiles. J’essaie de comprendre où cela n’a pas marché.

— Mais c’est pas vrai, tu ne comprendras donc jamais ? s’indigna l’adolescent, exaspéré. Tu es possessif, autoritaire, parfois hautain. Tu prends des décisions sans venir m’en parler. Oui, je parle du cas de “Isaac est au loft pendant que je ronflais”. Et le truc tout aussi absurde c’est que j’ai légèrement les jetons de te contredire de peur que tu sortes les griffes, les crocs et que tu me fasses le coup des yeux rouges super flippants.

— Donc, le problème c’est que je suis un loup-garou ? »

Stiles poussa un long soupir d’exaspération avant de passer une main sur son visage pour tenter de garder son calme :

« Pourquoi a-t-on encore cette conversation ? De toute manière, cela ne change rien au fait que je ne suis pas amoureux de toi. »

Derek leva un sourcil dubitatif ce qui agaça l’adolescent :

« Quoi encore ? Tu veux que je te le dise en espagnol ?

— Juste…, susurra Derek. Juste que je pense que la solution est assez simple.

— Même si tu as trouvé le moyen de ne plus être un loup-garou — ce qui serait tout de même super bizarre, mais une super nouvelle pour Scott dans un sens —, je ne serai pas plus amoureux de toi que je le suis maintenant. »

Derek glissa vers Stiles, passa un bras autour de son épaule avant de plonger son regard dans le sien :

« La solution est simple, Stiles. Très simple. »

L’adolescent fronça les sourcils, perplexe. Il ne comprenait pas où il voulait en venir.

« Tu ne peux pas me forcer à t’aimer, tu sais.

— C’est vrai, admit Derek sans le quitter des yeux. Je ne peux pas te forcer à m’aimer. Mais je peux enlever certains paramètres à cette équation.

—… C’est à dire… ? »

Derek esquissa un sourire comme toute réponse et se pencha pour l’embrasser. Comme prévu, l’adolescent se crispa, leva un doigt en l’air au niveau de son visage afin d’attirer l’attention du loup, mais ce dernier l’ignora complètement. Il eut envie de le repousser, de se battre même comme dans l’ascenseur, mais retrouver les bras de Derek Hale était terriblement agréable. Bon sang, Stiles ne savait plus où donner de la tête, n’avait plus aucune logique et était perdu.

Il passa les bras autour du cou de Derek. L’Alpha le serra un peu plus contre lui, lui enlaçant la taille. Leur baiser d’abord maladroit se fit plus passionner, leur langue se caressant timidement puis langoureusement. Stiles se cala un peu plus contre le torse de son vis-à-vis avant de prendre l’initiative de s’asseoir sur lui, les deux genoux de chaque côté. Derek l’étreignit comme si c’était la dernière chose qu’il ferait de sa vie, continuant à l’embrasser tandis que l’adolescent posa une main sur son visage.

La respiration de plus en plus haletante, Stiles voulut s’écarter doucement pour reprendre un peu ses esprits, mais les mains de Derek Hale s’aventurèrent en dessous de son t-shirt pour lui caresser le dos et au final, faire passer le vêtement par dessus de la tête de son vis-à-vis. Stiles n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit que les lèvres du loup capturèrent à nouveau les siennes.

L’adolescent réprima un gémissement quand des mains légèrement audacieuses vinrent lui défaire la ceinture.

Ils ne pourront plus revenir en arrière.

Derek prit Stiles par la taille pour le soulever tandis qu’il se leva et le renversa doucement sur le plancher. Il se positionna au-dessus de lui et Stiles lui attrapa le t-shirt avant de le retirer à son tour et de le jeter au hasard dans la pièce. Derek l’embrassa tout près du nez, lui lécha une oreille avant de lui mordiller le cou. Stiles se crispa bien malgré lui, réprimant un autre gémissement en enfonçant son poing dans sa bouche. L’Alpha se mit à mordre la chair délicate du cou d’un côté puis de l’autre avant de donner un coup de langue sur le menton de l’adolescent qui avait fermé les yeux et gardé son poing fermé entre les lèvres. Le loup lui retira doucement avant de l’embrasser avec fougue. Il descendit lentement une main vers le pantalon de Stiles qui retrouva soudainement ses esprits, s’écartant du visage de Derek Hale.

« Ce n’est pas du tout… une bonne idée, souffla-t-il tout haletant. »

Comme toute réponse, Derek l’embrassa à nouveau avant de se remettre à lui mordiller le cou. Les yeux fermés, Stiles lui saisit doucement la nuque et de sa main libre, il lui caressa les cheveux. Le loup-garou abandonna la zone du cou pour descendre doucement sur le torse. Il embrassa, lécha chaque parcelle de peau de l’adolescent qui réprima à nouveau un gémissement. Derek continua doucement son chemin jusqu’au nombril.

Stiles se mordit le dos de la main à sang, entoura les hanches du loup avec ses jambes avant de le ramener à lui et de l’embrasser langoureusement. Après ce baiser passionné, Derek tenta une seconde fois de descendre, mais l’adolescent le maintint à sa hauteur, posant une main sur son visage.

« Ce n’est pas une bonne idée, haleta-t-il. Écoute-moi. Tu vas le regretter. Je vais le regretter. Ce n’est pas comme ça… que cela doit se passer et tu le sais. »

Derek scruta le visage de Stiles. Il prit appui sur les coudes posés de part et d’autre de la tête de l’adolescent. Les doigts du loup-garou se glissèrent doucement dans ses cheveux avant de lui caresser la joue.

Stiles reprenait petit à petit sa respiration, son cœur battant à tout rompre dans sa poitrine. Il n’arrivait pas à croire qu’il venait de se refuser à Derek, dans un moment pareil, dans une position pareille, le dos contre le plancher du loft, le loup entre ses jambes.

« Qu’est ce que je dois faire pour que tu comprennes que je t’aime vraiment ? chuchota Derek en ne le quittant pas des yeux.

— Je sais que tu m’aimes. Crois-moi : je le sais. Mais comme je te l’ai dit et répété : le problème est que je ne suis pas amoureux de toi. Et, même si je me sens incroyablement bien dans tes bras, cela ne change rien à mes sentiments. »

Derek mit sa tête sur la poitrine de l’adolescent et le serra contre lui. Il pouvait entendre ses battements, sa respiration et sentir son odeur ainsi que sa chaleur.

« Dans le genre têtu, j’ai touché le gros lot, maugréa Stiles. »

Il lui caressa gentiment le dos du bout des doigts en scrutant les alentours du regard. Derek resserra son étreinte :

« Et imaginons que tu n’aies plus peur de moi ? suggéra le loup, la joue contre le cœur de l’adolescent. Que j’arrive à me contrôler quand tu me rends fou. Que j’arrive à calmer ma jalousie et tout ce qui te fait peur comme mes griffes et mes crocs ? »

Stiles inspira longuement avant de soupirer :

« Tu resteras tout de même Derek, le mec acariâtre dont je ne suis pas amoureux.

— Mais tu pourrais éventuellement changer d’avis si tu n’es pas crispé ou bloqué par ton hypervigilance vis-à-vis de moi.

— Oui, je suppose. Seulement, en tablant juste sur l’éventualité que cela arrive, tu peux tout de même t’attendre à que je ne te tombe pas dans les bras dans la seconde. »

Tandis que Stiles bâilla à s’en décrocher la mâchoire tout en continuant à caresser le dos du loup du bout des doigts, Derek comprit que la solution à tout cela était sous son nez. Enlever les paramètres à l’équation.

Stiles ne pouvait pas l’aimer, car il le craignait toujours. Il apparaissait totalement indifférent ; il se crispait dès que le loup essayait d’être affectueux. Ce n’était pas vraiment qu’il ne pouvait pas l’aimer. Il se forçait à ne pas l’aimer, il s’y refusait même.

Cela marcherait entre eux seulement s’il le voulait vraiment. Pour le vouloir, il devait arrêter de craindre l’Alpha comme il le faisait.

Tout était tellement clair maintenant dans l’esprit de Derek Hale.

Le loup se remit en appui sur les coudes et embrassa doucement l’adolescent.

Tout était si clair à présent. Et peut-être la pire décision de sa vie.

Stiles se laissa embrasser, caressant les cheveux du loup. Il laissa échapper un rire léger quand le loup lui effleura la hanche droite du bout des doigts.

« Ça chatouille, souffla l’adolescent tandis que Derek Hale quitta ses lèvres pour lui mordiller le cou. »

Pardonne-moi, Stiles.

Dans un mouvement brusque, les crocs de Derek Hale dont les yeux rougeoyaient comme jamais s’enfoncèrent dans la chair du cou délicat du fils du Shérif qui eut la respiration bloquée.

La pire décision de sa vie. Une décision égoïste.

Faire de Stiles un loup-garou pour qu’il n’ait plus peur de toi et ainsi t’aimer, Derek, était-ce vraiment la seule solution?

Es-tu si désespéré?

Il l’était. Vraiment. De tout son être, il l’était.

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