Prends garde

Chapitre 3

3647 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a plus de 8 ans

Scott McCall, assis derrière son bureau, essayait tant bien que mal de rédiger une dissertation pour son cours de Littérature tandis que son meilleur ami, en proie à une crise aiguë de diarrhée verbale, l’empêchait de se concentrer plus de deux secondes sur son sujet assez pointu pour filer mal au crâne carabiné à n’importe quel loup-garou. En plus de devoir faire face à un flux d’informations constant et sans queue ni tête, le capitaine de l’équipe de Crosse sentait les effets de la prochaine pleine lune envahir chaque parcelle de son esprit et de son corps. Ce n’était déjà pas évident pour lui de seulement voir Allison après avoir fini ses devoirs — sa mère lui ayant tiré les oreilles à plusieurs reprises sur ses résultats scolaires un peu catastrophiques —, mais s’il devait en plus supporter son meilleur ami au beau milieu de sa forme question discours, cela n’allait pas le faire du tout.

Il pourrait tout aussi bien souffler à Stiles de se taire juste dix minutes afin de lui laisser ce tout petit temps pour terminer sa médiocre rédaction, seulement voilà, il était tout à fait probable que l’hyperactif lui en fasse perdre vingt sur le pourquoi du comment de cette demande incongrue de silence. Après tout, s’il était là, chez son meilleur ami de toujours, c’était parce que ce dernier avait requis sa présence et que, contrairement au jeune loup-garou, lui, Stiles, l’élève brillant, avait déjà fini ce devoir depuis trois jours. Il n’était pas certain que cela tenait la route ou qu’il allait obtenir une superbe note, néanmoins, il avait terminé, lui. Et Scott se maudirait presque de lui avoir demandé de venir.

Le jeune loup jetait des regards furtifs à son réveil avant de revenir presque en soupirant de désespoir sur sa feuille. S’il n’arrivait pas à terminer cette fichue dissertation dans l’heure, il ne verrait pas Allison. Cette dernière ne sera plus chez elle — son père voulait l’emmener au cinéma, une sortie tranquille entre père et fille — et en plus, la pleine lune était une raison suffisante de ne pas tenter le diable. Du moins, Scott avait fait la promesse à la jeune fille qu’en cas de pleine lune — sauf catastrophe bien entendu — ils ne se verront pas ces soirs-là. Après ce qui était arrivé à Jackson ou même à Lydia, l’héritière des Argent préférait prendre des précautions. C’était l’unique condition pour que leur couple tienne.

Bien sûr, ils s’étaient croisés en cours durant la journée, s’enlaçant et s’embrassant dès qu’ils le pouvaient, même cinq secondes, ce qui avait eu don de rappeler dans une certaine mesure que Stiles sentait terriblement seul dans les couloirs de l’école et que celui qui le serrait de cette manière ne pouvait pas débarquer comme cela ou ne l’attendait pas au détour d’un changement de classe. Cependant, le jeune homme gérait cela bien plus facilement qu’il l’aurait cru — bien que la vue d’un message de « son » loup-garou suffisait à lui décrocher un sourire en coin.

Scott laissa échapper un soupir d’exaspération avant de se passer les mains sur le visage et de se tourner vers son meilleur ami qui était parti dans un monologue sur le fait qu’il espérait jouer cette saison de championnat de Crosse et qu’il n’avait plus l’intention de « réchauffer » le banc de touche avec ses fesses.

« Stiles, tu veux bien juste… te taire le temps que je finisse ce devoir ? J’arrive pas à me concentrer et si je ne me dépêche pas, je ne pourrai pas rejoindre Allison. »

Le principal concerné se tut presque aussitôt, perplexe, clignant les yeux. Scott le remercia d’une voix étouffée avant de reprendre là où il en était. Avec les effets de cette pleine lune proche se faisant de plus en plus ressentir, il avait juste envie de casser en deux son crayon, de déchirer sa feuille, ses livres et de sauter par la fenêtre afin de rejoindre Allison sans penser aux éventuelles conséquences d’une phase lunaire pas bien gérée.

« Si tu veux, je… le fais pour toi et tu vas la rejoindre ? proposa Stiles, la main derrière le crâne. Tu as l’air à cran et… elle arrive à te calmer quand c’est la pleine lune. Donc… »

Scott écarquilla les yeux, bouche bée, ne trouvant plus ses mots tellement c’était une proposition inespérée.

« Tu es sérieux… ? Stiles, je.. enfin… si je peux te rendre la pareille un jour, enfin, balbutia-t-il.

— Totalement sérieux. Allez, tu devrais déjà être parti ! Je vais l’écrire sur ton ordinateur, te l’imprimer et te le glisser dans ton sac. Tu n’auras plus qu’à le rendre, lundi. Le prof avait dit qu’on pouvait lui rendre dactylographié donc… »

L’hyperactif glissa ses mains dans les poches de son pantalon tandis que Scott prit son veston avant de sortir comme un ouragan de sa chambre. S’il l’avait pu, il aurait baisé les pieds de son meilleur ami, lui brûler un cierge ou n’importe quoi de ce genre.

Quand la porte d’entrée claqua, Stiles siffla un air guilleret avant de se mettre au travail. Il alluma l’ordinateur avant de se craquer les doigts et de s’étirer en long et en large. Il ouvrit le logiciel de traitement de texte, et, tandis qu’une pluie fine se mit à tomber à ce moment précis, le jeune homme ne put s’empêcher d’afficher un sourire satisfait.

Parfait. Tout se passait parfaitement.

Le lendemain soir, Stiles rejoignit Derek dans son loft en bâillant à se décrocher la mâchoire. Cela faisait une semaine qu’ils étaient ensemble et, bien que cela parût un peu fleur bleue de sa part, l’Alpha avait insisté pour qu’ils fassent quelque chose de particulier. Cela pouvait aller de regarder un film, lovés l’un contre l’autre dans le canapé à peut-être quelque chose de bien plus physique.

L’instant passionné sous la douche avait suffi à Stiles pour comprendre que Derek, malgré tous les efforts possibles, arrivait encore à lui foutre les jetons. Se faire embrassé de cette manière, collé à l’autre, avec ces mains entreprenantes et ce souffle tantôt coupé tantôt hors de contrôle, le jeune homme n’était pas contre, en espérant cependant de ne pas se crisper comme à l’accoutumée. Cependant, il ne voulait absolument pas revivre le passage du loup-garou en phase de dominance. Et s’ils se retrouvaient en plein ébat, cela se passerait-il exactement comme ça, avec un Alpha quelque peu terrifiant aux yeux rouges-écarlate ? Stiles n’avait pas envie d’y penser.

Pour l’instant, cet événement avait tout l’air d’être un cas particulier. Tout avait été déclenché par l’odeur d’un autre loup-garou. Cependant, à bien y réfléchir, le jeune homme trouvait cela plutôt curieux. Il devait plus souvent empester le « Scott » que le « Isaac », néanmoins, Derek ne semblait pas y faire plus attention que cela. Peut-être parce que Scott n’était pas son Beta. Ou peut-être parce qu’il savait que le jeune loup ne tenterait rien de particulier sur son meilleur ami.

Si Isaac représentait une sorte de « rival », pourquoi l’Alpha n’allait-il pas simplement lui secouer les puces en insistant sur le fait de ne pas approcher son Stiles sans pour autant donner des détails sur la raison ? Non, vraiment, l’hyperactif en perdrait totalement son latin s’il avait pu le parler.

Pour son anniversaire, Stiles demandera éventuellement le livre « Comprendre la lycanthropie pour les nuls » ainsi que « Mon petit-ami est un loup-garou ». Éventuellement. Sauf si ce crétin de Beta orphelin ne décidait pas de lui casser un bras par « plaisanterie » d’ici-là. Mais le règne d’Isaac, le loup-garou farceur, s’effondrera bientôt. Stiles s’en réjouissait d’avance. Sa vengeance sera extrêmement délectable, il en était certain ; d’autant plus que Derek était avec lui maintenant.

Le jeune homme n’était cependant pas dupe. L’Alpha avait fini par l’aider uniquement parce qu’il avait lourdement insisté ; il fallait bien le reconnaître : Stiles savait se faire entendre et être plus têtu qu’une dizaine de troupeaux de mules. De plus, « aider » n’était pas le mot approprié pour l’instant. « Conseiller afin de ne pas avoir de dommages collatéraux sur la mise au point de la vengeance » était une expression nettement plus adéquate pour la situation. Stiles était parfaitement conscient que tout semblait, à première vue, être qu’une simple chamaillerie entre adolescents et, que sa vengeance ne sera que le premier engrenage d’une série de représailles de toute sorte. Cependant, sa patience avait des limites. Et les limites, Isaac, il les avait piétinées avant de vomir dessus.

La grande pièce du loft paraissait impitoyablement vide. Le canapé posé à la gauche de l’entrée n’enlevait rien à ce ressenti. La baie vitrée et la grande table servant de point de réunion complétaient un tableau des plus sinistres. Si Stiles n’avait pas eu la connaissance des pièces à vivre juste au-dessus de la tête, il aurait pu croire que l’Alpha n’avait jamais habité en ce lieu.

L’adolescent n’aimait pas ce grand espace dont le sol émettait un craquement à chacun de ses pas. Il n’aimait pas ces fenêtres qui lui rappelaient celles de la cafétéria de l’école pendant la nuit où il avait été prisonnier de l’ancien Alpha à l’intérieur du bâtiment en compagnie de Scott, d’Allison, de Lydia et de Jackson. Il détestait particulièrement ne jamais être certain que Peter Hale ne se trouvait pas là-haut, par de là l’escalier en colimaçon, prêt à sortir de l’ombre avec son sourire carnassier.

Il n’aimait pas cet endroit. C’était plus qu’évident. Il ne pouvait pas reprocher à Derek d’avoir cessé de roder, bien malgré lui, autour de la maison familiale en ruine pour s’installer complètement dans ce loft. Néanmoins, l’adolescent n’arrivait pas à trouver le moindre charme à cette grande pièce vide. Derek n’y prêtait pas attention, de toute façon. Personne ne devait trouver ce lieu intéressant, car après tout, ce n’était pas le but. La salle servait de point de rencontre, de discussion, d’entraînement peut-être, mais pas de lieu de vie comme dans les habitats plus conventionnels.

Stiles monta lentement les escaliers en frôlant la rampe des bouts des doigts. Le bruit de la télévision lui parvint aux oreilles au gré de son ascension. Une fois en haut, il emprunta un long couloir le menant au salon où Derek Hale l’attendait assis dans le grand canapé blanc, en train de regarder une émission sur — d’après ce que Stiles pouvait imaginer — la gestion d’une grande entreprise.

L’adolescent ne prit pas la peine de saluer son hôte ou de s’annoncer. Il fit quelques pas dans la pièce avant de s’allonger sur le canapé et de poser la tête sur les genoux de l’Alpha. Après deux secondes sur le dos, il se mit sur le côté de manière à pouvoir regarder la télévision avant d’attraper le bras du loup-garou et de le ramener contre sa poitrine comme s’il s’agissait d’une peluche. Les doigts emprisonnés de Derek effleurèrent le visage de l’adolescent tandis que ce dernier ferma les yeux, totalement détendu. Derek s’empara de la télécommande et fit le tour des chaînes. Stiles se lova un peu plus contre lui avant d’effectuer des acrobaties avec les pieds pour enlever ses chaussures et ainsi allonger correctement ses jambes sur le canapé.

Reposant la télécommande sur le petit meuble à côté de lui, Derek rompit le silence en murmurant à son cher et tendre :

« Que veux-tu regarder comme film ? »

Comme seule réponse, Stiles gémit d’agacement comme s’il trouvait effronté de la part du loup de le sortir de sa rêverie, si bien dans installé contre lui.

« Ou série ? »

Nouveau grognement agacé.

« Ou émission ? Stiles, tu ne vas pas te contenter de rester allongé sur moi, déclara l’Alpha plus sèchement qu’il l’aurait souhaité.

— Pourquoi je ne pourrais pas ? rétorqua l’intéressé d’une voix pâteuse. Pour être franc, je ne vois même pas pourquoi on devrait faire quelque chose de particulier aujourd’hui. D’accord, cela fait une semaine qu’on se supporte l’un et l’autre. Ce n’est pas un exploit. Un mois peut-être. Une année sans doute. Une décennie… totalement inespéré. »

Derek poussa un long soupir d’exaspération avant de tourner doucement Stiles vers lui.

« J’y tiens, fit-il sur un ton sans réplique. »

L’adolescent se releva, se mettant assis, les coudes sur les genoux, la tête tournée vers l’Alpha. Il chercha un instant ses mots pour lui expliquer son point de vue sur cette démonstration de mièvrerie. Il se massa la tempe gauche du bout des doigts, en pleine réflexion. Derek profita du moment de silence de Stiles pour le mettre sur ses genoux, les deux jambes du même côté. L’hyperactif enroula les épaules de son vis-à-vis avec son bras droit tout en fixant un point devant lui, fuyant le loup du regard.

« Je trouve ça… comment dire…, commença l’adolescent, tâtant doucement le terrain.

— Guimauve ? Mièvre ? lança Derek totalement sérieux. Et tu as un problème avec ça ? »

Stiles haussa les épaules avant de secouer négativement la tête. Il bâilla avant de se blottir contre la poitrine de l’Alpha, plaçant son visage en dessous du menton de ce dernier.

« Je me moquais de Scott quand il m’annonçait qu’il était avec Allison depuis autant de jours. Je trouvais ça… ridicule, fit-il d’une voix fatiguée. Ça te va tellement pas ce côté “louveteau affectueux et démonstratif”, tu comprends ? Je ne dis pas que je n’aime pas être dans tes bras ou avoir un câlin — quoique c’est la même chose dans un sens — ou t’embrasser ou lire tes messages ou te téléphoner ou te voir après les cours en coup de vent. Ou faire des trucs d’amoureux comme passer du temps ensemble, aller au cinéma ou faire un bowling — tu sais jouer au bowling au fait ? Parce que Scott est une catastrophe, crois-moi. D’ailleurs, tous les rendez-vous qu’il avait eus avec Allison durant leurs premiers mois ensemble ressemblaient à des catastrophes : le bowling, la patinoire et…

— Stiles. Si tu me disais clairement ce qui t’agace au lieu de partir dans tous les sens, coupa rapidement Derek. »

L’adolescent s’écarta suffisamment du loup-garou pour le regarder dans les yeux. Il inspira profondément, plissa les yeux comme s’il réfléchissait à ce qu’il allait dire avant de se résigner.

« Je n’arrive pas encore à me faire à l’idée que (il le pointa doucement du doigt) tu es avec moi. C’est comme si mon esprit n’arrivait pas à assimiler le soir où tu m’as embrassé la première fois. Bien sûr, je ne suis pas idiot au point de ne pas comprendre certaines choses ou de vouloir certaines choses. J’ai envie d’être avec toi. De passer du moment ensemble. Mais pour le moment, cette image de loup-garou affectueux vis-à-vis de moi c’est encore… un peu difficile à assimiler. »

Les battements de cœur de l’adolescent furent assez fluctuants pour faire comprendre au loup-garou qu’il lui mentait. Qu’il lui mentait effrontément. Les yeux de Derek Hale changèrent de couleur durant une fraction de seconde tandis que Stiles tripota d’un air absent la fermeture éclair de la veste de son petit-ami.

« Mais je veux bien regarder un film. De science-fiction, ajouta Stiles sans lever les yeux vers l’Alpha. »

Derek acquiesça lentement avant de lever le menton de l’adolescent du bout des doigts. Ce dernier lui sourit faiblement avant de déposer un baiser sur son front.

« Oh ! fit-il plus joyeusement, en lui tapotant la poitrine, se souvenant soudainement de quelque chose. Notre affaire commencera lundi ! J’ai hâte !

— J’ai hâte aussi, mon cher Stiles, rétorqua le loup-garou d’une voix lugubre. J’ai hâte. »

Tandis que l’hyperactif se contorsionna pour se dégager des genoux du lycanthrope afin de s’asseoir à ses côtés, Derek eut la désagréable impression que quelque chose lui échappait.

Et il n’aimait pas cela. Il n’aimait pas cela du tout.

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