Chante pour moi

Chapitre 14 : L'invitation

5159 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/05/2023 23:26

Chapitre 14 – L’invitation

«Ma chère, vous semblez distraite aujourd’hui.»

Solfège cligna rapidement des yeux à la soudaine prise de parole de Koopa cuistot. Plantée au milieu du plan de travail avec deux rondelles de tomates dans les bras, elle avait longuement regardé la vaisselière face à elle. Immobile et pensive. Elle ne s’était même pas rendue compte qu’elle était en train de rêvasser jusqu’à l’intervention du Koopa ailé muni d’une toque blanche de chef sur la tête. Murmurant une rapide excuse pour cette distraction passagère, elle reprit son travail qui consistait à placer les légumes coupés sur la pâte à tarte se trouvant dans un grand plat sur le comptoir. Elle devait faire attention où elle mettait les pieds car elle pourrait glisser à tout moment avec la fine pellicule de farine sur la surface gigantesque ! Koopa cuistot lui avait demandé son avis pour le repas du soir et elle lui avait proposé de refaire la tarte aux légumes qu’elle avait une fois eu l’occasion de goûter. Un plat qu’elle avait par ailleurs adoré.

«Qu’est-ce qui vous préoccupe à ce point ?» Interrogea le chef cuisinier dans son petit accent tout en plissant les yeux à l’humaine apparemment tourmentée. Attrapant une cuillère en bois, il touilla les œufs avec la crème pendant que Solfège soupira d’un froncement de sourcils.

«Je suis devenue conseillère du Roi. Il m’a gracieusement offert une chambre ainsi qu’une nouvelle robe. J’admets ne pas savoir quoi en penser. Et si mes conseils sont mauvais ? Si je ne suis pas à la hauteur ? Je ne sais vraiment pas comment m’y prendre ... Il est tellement imprévisible.» Avoua-t-elle d’une petite voix inquiète, les doigts tiquant contre les rondelles de tomate. Tous les légumes qu’ils utilisaient étaient plus grands que la normale, tout comme le reste qui l’entourait. Mais elle était tellement perturbée par le geste de Bowser qu’elle n’y faisait même plus attention. Elle n’était pas habituée à recevoir des cadeaux et ne savait donc pas comment l’interpréter … Ni si c’était une bonne chose. Et Koopa cuistot était le seul ici à qui elle osait se confier.

«Oui, c’est ce que j’ai cru comprendre d’après les bruits de couloir qui disaient que le Roi avait fait preuve de générosité. C’est rare, mais pas impossible.» Répliqua le chef cuisiné suivit d’un hochement de tête qui décala sa toque. Sur le rebord du comptoir avec le bol dans les bras, il poursuivit sereinement ; «et puis ce n’est pas surprenant.»

«Que voulez-vous dire ?» Solfège leva les yeux vers le Koopa à la carapace rouge, intriguée. Ce dernier haussa les épaules puis déposa le mélange pour la garniture de côté.

«Depuis que vous êtes ici, il y a eu beaucoup de changements. Votre présence apporte quelque chose en plus à ce château que nous n’avons plus eu depuis des années. Junior est un enfant différent, cela faisait bien longtemps que je ne l’avais plus vu ainsi. Aussi heureux et épanoui. Et vous avez fait forte impression dans les rangs. On parle de l’humaine au grand cœur … Ce n’est donc pas une surprise que le Roi s’intéresse à celle qui est à l’origine de toute cette agitation.» Expliqua Koopa cuistot qui déploya ses ailes blanches pour s’envoler afin de chercher une casserole accrochée à l’enclume au-dessus de leur tête.

«Je fais ce qui me semble être le plus juste.» Répondit naturellement Solfège alors qu’elle plaçait enfin les tranches de tomate aux quatre coins de la tarte.

«C’est pourquoi vous faites forte impression. Et vous serez à la hauteur, je n’en doute pas une seule seconde !» Affirma aussitôt la tortue pragmatique d’un hochement de tête à l’humaine qui avait besoin d’être rassurée. Mettant sa casserole sur le feu pour faire revenir des petits oignons, il reprit.

«Nous n’avons pas eu souvent l’occasion de croiser des humains mais les rares que nous ayons vus n’ont jamais montré de considération pour notre espèce. Nous sommes toujours perçus comme les méchants de l’histoire.» Koopa cuistot leva les bras d’un petit soupir peiné.

«Ce n’est pas étonnant si vous les emprisonnez ou si vous les offrez en sacrifice.» Rectifia la jeune femme qui sourit allègrement quand son interlocuteur lui fit un "humpf" outragé.

«Tous les humains ne sont pas traités de la même manière. Tout dépend de l’utilité qu’ils peuvent avoir et de l’intérêt que leur porte Bowser. La princesse Peach n’a jamais été maltraitée entre ces murs. Elle a toujours eu le droit à sa propre chambre avec un repas complet et la liberté de se promener dans le château comme bon lui semble.» Précisa la tortue qui s’envola vers le comptoir pour récupérer des aromates frais. Alors oui, elle était retenue contre sa volonté mais jamais le Roi ne lui avait fait le moindre mal ! Ce qui était assez étonnant quand on savait de quoi il était capable. Au manque de réponse de l’humaine s’attelant à sa tâche, il continua d’un sourcil arqué.

«Bowser ne sait pas ce qu’est la gentillesse ou la compassion, il ne l’a jamais su. Mais aucun humain auparavant ne lui a tendu la main comme vous l’avez fait. Et ce malgré les mauvais traitements. C’est pourquoi je pense que votre présence lui est bénéfique, bien plus qu’il n’osera jamais l’admettre.» Dévoila-t-il en riant, ce qui interpella Solfège qui rétorqua comme si c’était l’évidence même.

«Je reste persuadée qu’il n’a pas mauvais fond. Mais il est juste tellement en colère ... Tout le temps. Il veut absolument atteindre le bonheur sans se soucier des conséquences de ses actes ! Ça m’attriste. Mais il fait aussi preuve d’une grande détermination pour obtenir ce qu’il veut. Il ne se laisse jamais abattre, c’est admirable. Quelque chose en lui me fascine. Je crois que c’est quelqu’un de bien, seulement …» Elle hésita à finir sa phrase, alors Koopa cuistot s’en chargea pour elle.

«Qu’il ne sait pas comment s’y prendre.» Termina ce dernier d’un petit hochement de tête tandis qu’il se mit à réfléchir longuement d’un doigt recourbé sous son museau. Elle avait raison et il était surpris qu’elle parle ainsi de son supérieur après ce qu’il lui avait fait subir … Ne cherchant pas à le rabaisser une seule fois ! Ce qu’elle n’avait jamais fait d’ailleurs. Cette étrange constatation le sortit de son assaisonnement alors que Solfège reprenait la parole après avoir rangé une mèche de cheveux derrière son oreille, son visage s’attristant.

«J’aimerais pouvoir l’aider.» Affirma-t-elle d’un soupir inaudible.                                                                         

«Le titre de Roi Maléfique qu’on lui attribue n’est pas toujours justifié. Il est égoïste c’est certain, mais Bowser sait aussi se montrer juste et mettre de côté son orgueil quand la situation le demande. Il se soucie de nous, il se soucie de son espèce. Il n’est pas qu’un être cruel et détestable ! Il suffit de voir comment il traite son fils unique. Ce que ni la princesse, ni les autres ne sont en mesure de voir étant donné qu’ils ne lui laissent pas la moindre chance. Même si …» Le Koopa ailé marqua un temps de pause alors qu’il tapotait le coin de son museau dans la réflexion. Levant les yeux au plafond de sa cuisine, il termina ; «il préfère se cacher derrière cette fureur dévastatrice. Après tout, faire le mal a toujours été plus facile que de faire le bien.»

«Il fait beaucoup d’efforts pour changer. Et même si ce n’est pas encore suffisant, je pense qu’il mérite de trouver le bonheur et la paix.» Acquiesça lentement l’humaine sur le comptoir. Passant ses mains sur sa robe de servante pour reprendre des ingrédients en main, notamment des lamelles de poivrons, elle contourna la tarte pour les jeter au centre.

«Je pense qu’il peut l’atteindre plus facilement qu’il ne l’imagine …» Evasif, Koopa cuistot étudia la fille qui lui donnait de l’aide. Elle était étonnante dans sa façon de penser. Toujours à chercher le bon chez les autres ! Ce qu’il admirait chez elle. Depuis que Bowser était parti sur la terre ferme et que Bowser Junior avait décidé de faire une sieste à rallonge, elle n’avait plus de travail pour s’occuper. Donc elle s’était portée volontaire pour lui filer un coup de main avec le diner, ce qu’il avait volontiers accepté.

«Comment était-il enfant ? D’où vient cette rage ?» Demanda ensuite Solfège curieuse en levant les yeux sur la tortue dans les airs. Lui et Kamek étaient les rares dans ce château à avoir connu Bowser enfant. Mais à cette question pourtant innocente, le Koopa souffla bruyamment aux souvenirs qui l’accompagnait.

«C’était un enfant vraiment capricieux. Bien pire que son fils Junior ! Il dévalisait tout le temps ma cuisine. Un vrai glouton ! Egoïste et tyrannique dès son plus jeune âge, il n’a jamais connu la stabilité au sein d’un foyer. Il a été élevé par les Magikoopas, et plus particulièrement leur chef Kamek qui voyait en Bowser le sauveur de notre espèce. D’après une prémonition qui aurait annoncé la disparition de notre race … Je ne suis plus trop sûr, ça remonte à loin. C’est ce qui est en partie derrière ses motivations pour conquérir un plus large territoire.» Expliqua-t-il tout en balançant sa cuillère d’un côté à l’autre pendant qu’il partageait ses souvenirs à la jeune femme à l’écoute. S’envolant de l’autre côté de la cuisine pour prendre du sel et du poivre, il revint au-dessus du comptoir.

«Ils ont toujours cédé à ses caprices, fait de lui un enfant Roi bien avant l’heure. Bowser a toujours obtenu tout ce qu’il voulait. Mais en contrepartie, il a subi des expériences avec la magie noire. Les Magikoopas voulaient le rendre plus fort, plus grand et surtout plus violent pour qu’il puisse assurer le rôle de protecteur. Ils lui ont appris à se servir de cette magie dès qu’il était capable de se tenir debout. Quel gâchis …» Koopa cuistot sala et poivra sa garniture avant de l’éparpiller sur toute la surface de la pâte, s’étant exprimé avec beaucoup de calme malgré la tristesse de son récit.

«C’est terrible …» Fût la seule chose que réussit à dire Solfège tandis qu’elle s’asseyait sur le manche de la cuillère posée derrière elle. Horrifiée par cette révélation.

«Ça fait partie de sa vie. Maintenant reste à savoir comment tout se terminera ou si tout est voué à recommencer éternellement.» Répondit la tortue en mettant les mains à ses hanches, pensant surtout à ce désir de conquérir le cœur de Peach et son royaume. Pour dominer le monde … Un rêve insensé selon lui qui ne connaîtra jamais de bonne fin.

Sauf si un élément venait perturber ses plans.

Jetant un coup d’œil discret à Solfège, le Koopa enfourna sa tarte aux légumes dans le four après avoir mis ses oignons fris comme touche finale à son plat. Mama mia, que ça sentait bon dans la cuisine ! Il servit un petit verre de jus de fruits à l’humaine puis débuta une conversation qui tournait principalement autour de la cuisine. Les deux s’appréciaient, ils aimaient discuter ensemble de temps en temps. Lorsqu’ils en avaient la possibilité. Car avec leurs emplois du temps chargés, il était parfois difficile de se retrouver seuls autour d’un bon verre de jus pressé pour décompresser. Sans cette pression permanente sur les épaules qui les obligeait à assurer en toute circonstance. Koopa cuistot, perdu dans son aparté sur la friture de poisson, attrapa machinalement un poireau dans le panier pour commencer à le trancher mais Solfège intervint.

«Pas de poireaux.» Lui dit-elle d’une secousse de sa tête. C’était instinctif, elle n’avait pas réfléchi. Le Koopa cligna des yeux de confusion puis regarda le poireau qu’il avait en main avant de se mettre à rire.

«Oh mais oui, où avais-je la tête !» S’exclama-t-il en le remettant vite à sa place. Jamais de poireaux dans les plats royaux ! Comment avait-il pu l’oublier ? Toutefois il était surpris de la réactivité de l’humaine qui lui avait certainement évité une violente remontrance. Pour lui il n’y avait désormais plus de doute possible, c’était elle le futur élément perturbateur.

Après une demi-heure de conversation et de rires, Solfège quitta finalement la cuisine pour retourner dans sa nouvelle chambre afin d’y faire une petite sieste en attendant les nouvelles directives. Elle avait sommeil tout à coup … Et puis Junior n’avait toujours pas repointé le bout de son museau, alors elle ne savait pas quoi faire d’autre de toute façon. N’ayant pas de distraction dans sa chambre, elle se coucha avec sa robe de servante sur les draps sans prendre le soin de se déchausser. Les paupières tombantes, elle serra sa montre à gousset contre elle jusqu’à ce qu’elle ne succombe à un sommeil léger. Mais ses yeux se rouvrirent brusquement lorsqu’elle crut entendre un bruissement à sa porte …

Solfège se redressa pour voir qu’effectivement, quelqu’un était derrière sa porte. Il y avait l’ombre de ses pieds sous cette dernière pendant que quelque chose était glissé sur le sol en pierre. Cela ressemblait à une enveloppe. Intriguée, elle descendit du lit pour aller récupérer cette étrange lettre blanche avec son prénom marqué dessus à l’encre noir. Derrière la porte, la personne disparut dans le couloir dès qu’elle était sûre que l’enveloppe était réceptionnée. Voilà qui était plutôt étrange … Qui lui écrirait quelque chose ? La curiosité eut vite raison d’elle. Ses sourcils se fronçant doucement, elle tourna l’enveloppe pour l’ouvrir et dévoiler son contenu qui était un petit mot avec une phrase écrite dessus dans le même style d’écriture. Dans des courbes élégantes, il y était écrit la chose suivante.

A l’attention de la conseillère, vous êtes invitée au repas royal qui se déroulera à vingt heures précises dans la salle à manger.

PS : Ne soyez pas en retard.

Un repas royal ? Solfège était déconcertée. Elle ne savait même pas où était cette fichue salle à manger ! Il y avait beaucoup trop de pièces dans ce château. Relisant plusieurs fois le message comme s’il allait changer par magie, elle retourna rapidement à son lit pour vérifier l’heure sur sa montre à gousset. N’ayant pas de fenêtre pour se repérer naturellement dans le temps, il lui était donc impossible de savoir l’heure qu’il était sans sa montre. Dix neuf heures vingt-six, lui laissant à peine le temps de se changer et de se rendre présentable ! D’une grimace stressée, Solfège balança la lettre puis abandonna sa montre sur le lit pour sauter sur le siège de sa coiffeuse dans le but de se pomponner un peu. Ce qui se résumait à brosser ses longs cheveux pour tenter de les apprivoiser un peu avec une petite touche de poudre à ses joues.

Elle enfila son autre robe car comme le message s’adressait à elle en tant que conseillère et non pas servante, elle préférait prendre ce détail très au sérieux. Mieux ne valait pas risquer de s’attirer les foudres … En plus, maintenant qu’elle s’était faite une petite place aux côtés du Roi elle n’avait pas envie de perdre ce titre pour une erreur aussi stupide. S’assurant une dernière fois qu’elle était présentable dans le miroir, Solfège se dirigea vers la porte pour l’ouvrir et se rendre compte qu’elle n’avait aucune idée par où aller. Elle regarda confusément de gauche à droite dans le couloir vide, jusqu’à ce qu’elle n'entende des bruits de pas venir dans sa direction. Il s’agissait d’une tortue différente des Koopas qu’elle avait pour habitude de côtoyer. Ce dernier vert de la tête aux chaussures portait un casque ainsi qu’un petit marteau dans sa main droite.

«Excusez-moi, pourriez-vous m’indiquer la direction de la salle à manger ?» Demanda poliment Solfège en joignant les mains devant elle quand la créature la regarda avec étonnement.

«Bien-sûr ! Suivez-moi Mademoiselle.» D’un arc élégant, le Frère Marto présenta son autre bras à l’humaine qui ressemblait à une princesse avec cette robe. Il ne l’avait jamais vu par ici, mais il la trouvait très charmante.

Les deux se dirigèrent vers le rez-de-chaussée puis tournèrent dans la direction des cuisines et enfin face à une grande arche en bois où étaient sculptées des plantes piranhas dévorant d’autres créatures. Pas très rassurant tout ça … Avalant nerveusement sa salive, Solfège remercia la tortue très courtoise avant de s’avancer à l’intérieur de la salle à manger immense. Devant elle se dressait une table en longueur avec une dizaine de places pour la plupart inoccupées, trois grands chandeliers suspendus éclairant toute la nourriture exposée sur un chemin de table rouge. D’autres statuettes, plus petites, de Bowser ainsi que des tableaux et des trophées décoraient les murs. A sa droite, une rangée de fenêtres exposait les terres brûlées tandis qu’à gauche se trouvait une double porte menant aux cuisines.

«Oh ! Tu as mis la nouvelle robe ! Maintenant on dirait une vraie princesse !» S’exclama la petite voix émerveillée de Bowser Jr qui était actuellement assis à côté de son père en bout de table.

Le Koopa géant avait ses yeux fixés avec ennui sur l’humaine qui restait maladroitement sous l’arche. Derrière lui brûlait un grand feu dans une cheminée en pierre grise aussi impressionnante que le reste de la décoration mais celle-ci apportait une petite touche chaleureuse à la pièce. Au commentaire de Junior, Solfège joua nerveusement avec l’ourlet de sa robe alors qu’elle baissait les yeux au sol. Elle pouvait sentir ses joues chauffer et ce n’était pas à cause de la cheminée ! Libérant sa gorge devenue serrée, elle se dirigea timidement vers le jeune prince pour voir que Kamek était également présent. Assis en face de Junior, à gauche de Bowser, le Magikoopa avait sa joue posée contre son poing en attendant sa venue. Elle ne l’avait pas vu tout de suite car elle était trop petite pour voir au-dessus de la table.

«Regarde, j’ai gardé une place rien que pour toi !» Annonça Junior qui tapota sa petite main sur la place vide à côté de lui, plus précisément à sa droite. Ce n’était pas comme si toutes les autres places étaient vides. Cependant elle n’avait pas accès à l’assise de sa chaise parce qu’elle n’était pas adaptée aux humains.

Bowser jeta un coup d’œil à Kamek qui comprit instantanément le message. Alors d’un petit soupir irrité, le Magikoopa attrapa sa baguette puis tournoya sa main en l’air pour faire léviter des assiettes afin de permettre à Solfège d’atteindre son siège. Elle le remercia d’un sourire embarrassé une fois assise, gardant ses mains croisées sur ses genoux. Elle n’était pas du tout à l’aise en plus elle sentait le regard insistant du Roi sur elle … Osant à peine regarder dans sa direction, elle sentit son cœur courir dans sa poitrine lorsqu’il croisa ses avant-bras sur sa poitrine d’un petit grognement. Avait-elle fait quelque chose qui le contrariait ? Inquiète, elle leva les yeux lorsque Junior commença à se servir dans les différents plats mis en valeur sur la table en bois foncée.

Elle n’avait jamais vu autant de nourriture réunie dans un seul endroit ! Il y en avait pour au moins dix personnes. Des plateaux de fruits découpés, toutes sortes de petits gâteaux sur des présentoirs en argent, des salades composées, un grand plat central avec un Cheep Cheep rôti, pleins de légumes caramélisés, des sauces en tout genre … L’odeur que dégageaient les plats était délicieuse. Koopa cuistot était vraiment un cuisinier d’exception ! Le regard émerveillé de Solfège s’arrêta subitement sur une tarte qui lui était étrangement familière. Non, elle ne rêvait pas, il s’agissait bien de la tarte aux légumes qu’elle avait confectionnée quelques heures plus tôt. Savait-il qu’elle allait être à cette table ? Probablement.

«Tu attends quoi ? Mange ! Tu n’as que la peau sur les os.» Commenta Junior à côté d’elle avec la bouche pleine. Il attrapa une cuillère pour grossièrement servir de la ratatouille à sa servante qui n’avait toujours pas bougé d’un poil. Elle remarqua qu’il était le seul à cette table qui n’avait pas de couteau.

S’attardant un instant sur ses mains jointes, Solfège redressa la tête pour regarder Bowser assis en bout de table. La tortue imposante restait immobile sur son grand siège de velours, les bras toujours croisés pendant que son fils et Kamek se délectaient du délicieux repas. Il n’avait pas dit un seul mot depuis son arrivée. Ses yeux rouges traînaient paresseusement sur la table, mais il ne semblait pas avoir d’appétit. Finalement après quelques encouragements de Junior, il se servit du poisson et quelques légumes vapeur qu’il disposa dans un ordre précis sur son assiette blanche. Avec beaucoup de manières, le Roi commença à manger son repas en utilisant des couverts à l’instar de Kamek. Ce que Junior ne semblait pas connaître car il en mettait littéralement partout.

«Romnomnomnomnom !» Il se goinfrait de tout ce qu’il pouvait trouver à cette table, faisant des mélanges entre le sucré et le salé. Solfège sentit son estomac se tordre. Comment faisait-il pour ne pas se rendre malade ? Mais avant de commencer à manger, elle décida que c’était le bon moment pour exprimer sa reconnaissance.

«Je tenais à vous remercier pour votre générosité. Je vous en suis infiniment reconnaissante pour la chambre et la robe, elles sont toutes les deux magnifiques.» D’une main à sa poitrine, elle esquissa un sourire à Bowser lorsque ce dernier arqua un sourcil.

«Oui, je suis quelqu’un d’extrêmement généreux.» Dit-il solennellement, ce qui provoqua une vive réaction de Kamek.

«Oh votre Altesse ! Vous êtes tellement généreux ! Il n’y a pas plus généreux que vous. Personne ne vous arrive à la cheville !» Assura-t-il d’un immense sourire. Il ne voulait surtout pas que sa Majesté en doute un seul instant ! Toutefois Bowser n’avait pas terminé sa phrase et tandis qu’il tapotait son museau avec sa serviette rouge, il jeta un coup d’œil à Solfège.

«Mais je peux aussi reprendre mes cadeaux si je ne suis pas satisfait.» Prévint-il d’une voix menaçante après avoir tambouriné ses griffes contre l’argenterie.

«Cela va de soi.» Acquiesça Kamek d’un rire nerveux.

«Si tu ne veux pas perdre ces avantages, assure-toi que ma prochaine demande en mariage se concrétise et que j’accède enfin à la couronne.» Bowser leva sa main pour frotter deux de ses doigts, cherchant à mettre la pression à l’humaine. Il n’avait pas besoin de rajouter une liste de menaces car techniquement, elle connaissait déjà le risque. Souriant malicieusement à sa manipulation, ses yeux s’écarquillèrent subitement quand un brocoli vola devant lui pour rebondir de l’autre côté de la table. La fourchette de Kamek tomba à la trainée de bave que laissa ce brocoli mâchouillé alors que Junior s’étouffait avec sa nourriture.

«Et toi arrête de manger comme un malpropre !» Gronda furieusement Bowser qui frappa son poing sur la table à son fils faisant le pitre pour avoir l’attention. Il lui mettait la honte devant l’humaine !

Solfège attrapa immédiatement un verre d’eau pour le tendre à Junior après qu’il se tapa plusieurs fois le torse pour libérer ses voies respiratoires obstruées. Elle le regarda frénétiquement à la recherche d’un endroit où taper pour l’aider, mais elle ne pouvait pas à cause de sa carapace épineuse ! Impuissante et inquiète, elle se pencha vers lui lorsqu’il souffla puis qu’il leva son pouce en l’air d’un sourire taquin. Ils avaient frôlé la catastrophe … Mais heureusement, Junior n’avait rien. Et apparemment c’était chose courante car le jeune Koopa renfila pleins de nourritures dans sa bouche sans vraiment les mastiquer.

«C’est répugnant …» Murmura Kamek de l’autre côté de la table après avoir poussé le brocoli avec son couteau d’une grimace dégoûtée. A côté de lui, Bowser se frotta les yeux de lassitude avant de grogner d’exaspération à la réplique ridicule de Junior.

«C’est toi qui dégoutes avec tes grosses lunettes de bigleux ! En plus tu baves partout comme une vieille limace ! Et je suis pas un malpropre ! J’ai pas fais exprès de m’étouffer.» Ronchonna ce dernier en s’enfonçant plus loin dans sa chaise d’une petite moue.

«Commence pas à m’énerver !» Hurla Bowser d’un doigt pointé en direction de son fils effronté.

«Moi j’en ai marre d’entendre parler de mariage et de princesse … C’est nul.» Bowser Jr le dit à voix basse car le regard réprimandant de son père lui faisait beaucoup d’effet. Se sentant persécuté, il se recroquevilla quand il haussa encore le ton.

«Et cesse tes baragouinages si tu ne veux pas que je t’envoie directement au lit !» S’impatienta Bowser en prenant ses propres couverts pour couper des morceaux de poissons à Junior afin qu’il ne s’étouffe plus. Un par un, il les coupa avec quelques autres légumes verts au plus grand désarroi de son fils qui tira la langue de dégoût.

«Non, pas les haricots …» Se lamenta-t-il d’un bras sur son front. Mais quand il jeta un coup d’œil à son assiette pour voir qu’un truc verdâtre et mou avait été ajouté, il s’offusqua ; «pas les épinards ! Berk berk berk !»

«Tu manges tes épinards !» Son père indiqua son assiette avec son doigt puis une fois certain qu’il lui obéissait, il se rassit correctement pour recroiser les bras.

Solfège était sidérée. Non pas par la sévérité de Bowser, mais plutôt de la façon dont il se souciait de Junior. Même s’il criait beaucoup avec son fils et qu’il était parfois un tantinet trop sévère, il ne restait pas moins un père attentionné qui veillait sur sa progéniture. Cette image réchauffa son cœur alors qu’un sourire admirateur se dessinait à son visage, sourire qui ne passa pas inaperçu à Bowser. Ce dernier ressentit à nouveau cette étrange pression dans sa poitrine qu’il tenta de faire partir d’une petite toux. Pourquoi ressentait-il de drôles de choses à chaque fois qu’il posait les yeux sur elle ? C’était inexplicable, et cela commençait à l’agacer. Détournant aussitôt le regard de ses beaux yeux verts, le Roi reprit la parole d’une voix basse mais ferme.

«Si la prochaine demande en mariage fonctionne, alors je te rendrai ta liberté. Tu as ma parole.» Promit-il alors qu’il se levait brusquement pour sortir de la salle à manger sans un regard en arrière.

«Quoi ?!» S’horrifia Junior à côté de l’humaine pendant que Kamek cria victoire. Ce dernier étant jaloux de ne plus être l’unique conseiller de son monarque adoré. Désormais il voyait Solfège comme sa rivale ! Et il était prêt à se battre bec et ongle pour la première place.

Ricanant vilement tout en se frottant les mains, le Magikoopa regarda comme l’expression de la jeune femme tombait. Son visage s’assombrissait. Elle semblait presque … Mélancolique alors qu’elle regardait le Roi Koopa disparaître derrière l’arche. Curieusement, cette nouvelle ne l’enchantait pas comme elle le devrait. Pour plusieurs raisons, l’une d’entre elles étant qu’elle ne voulait pas abandonner Junior maintenant qu’ils entretenaient une amitié solide. Et le regard dévasté qu’il lui lança était ce qu’il y avait de plus douloureux pour Solfège tiraillée entre deux sentiments.

La peur et la confusion.

A suivre …

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