La Coupe Étoile

Chapitre 2 : Wario Stadium – L'Avant-Course

3106 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/02/2023 18:21

Les jours suivants, l'intrusion surprise de Wario dans l'aventure anima les discussions, souvent inquiètes, des autres pilotes et des gens impliqués de près dans la compétition. Les supporters lambdas en revanche, ne faisaient guère cas de cette histoire. Ils acceptaient ce qu'on leur servait sans vraiment poser de questions, et attendaient avec impatience la première course.

Deux jours avant la course à proprement parler, les pilotes pouvaient participer à une séance d'essais. Un créneau de trois heures était mis à leur disposition pour rouler sur la piste, de laquelle les boîtes à objets avaient été retirées, afin de se familiariser avec le parcours. Cela leur permettait ensuite de travailler un peu sur leur machine et de mettre au point leur tactique de course. Propriétaire des lieux, Wario avait mis en vente des billets, à un prix certes très abordable, pour cette séance d'essais. Et si la plupart des très nombreux gradins restaient vides, le nombre de spectateurs ayant fait le déplacement pour une journée sans enjeu était très significatif quant à l'intérêt que la compétition suscitait déjà auprès du public.

 

Peach et Toad ouvrirent le bal. Ils firent une première boucle côte à côte, à un rythme modéré. Le parcours commençait, juste après la ligne de départ, par une succession de petites bosses, qu’il fallait enchaîner avec fluidité. Après un virage à gauche, une énorme bosse permettait de passer au plus près des spectateurs de la tribune nord. On avait ensuite une succession de virages, agrémentés de ci de là de bosses, avant d’arriver dans un espace large et dégagé, où les bosses étaient plus compactes qu'ailleurs et très nombreuses, à la manière de celles qu’on trouve sur certaines pistes de ski. S’en suivait à nouveau une succession de bosses et de virages, qui menait au tremplin, un point haut du circuit où il fallait prendre suffisamment d’élan pour passer par-dessus une portion précédente de la piste. En cas de chute, on se retrouvait dans une ligne droite qu’on avait déjà passée, et il fallait refaire un enchaînement de virages pour pouvoir retenter le tremplin, ce qui, au passage, faisait perdre énormément de temps. En cas de réussite, un virage à droite puis une épingle à cheveu sur la gauche menaient les pilotes vers la ligne droite d'arrivée.

Pour leur deuxième tour, ayant pris un peu de confiance, les deux comparses se lançaient régulièrement des défis dans les difficultés qui jalonnaient le trajet. Parti peu de temps après eux, Bowser fut témoin de la belle complicité qui les liait, et s'en trouva quelque peu contrarié. Alors qu'il finissait son deuxième tour, il fut interpellé par Wario qui entrait en piste :

 

« Bowser, si nous faisions un tour ensemble ? »

 

Il le rejoignit sans attendre de réponse. Bowser ne dit rien, mais son agacement était perceptible.

 

« Écoutez Bowser, à propos de la discussion que vous avez eu avec mon acolyte, le jour de la conférence de presse... Sachez que pour moi, la proposition tient toujours.

_ Désolé Wario, ça ne m'intéresse pas.

_ Allons, allons... Ah, attention, ce virage est plus sec qu'il n'en a l'air ! »

 

Ils firent encore quelques tours, jusqu'à ce que Bowser rentre à son stand, afin d'avoir la paix. Entre temps, Donkey Kong puis Yoshi avaient fait leur entrée en piste. Mario et Luigi furent les derniers. Ils avaient d'abord pris leur temps pour observer le tracé depuis les tribunes, puis pour s'approcher du bord du circuit à pied, afin d'évaluer l'état du revêtement, et chausser au plus vite des pneus qui donnent un résultat correct. Ils en avaient conclu que le sol était plus boueux qu'attendu, et qu'il valait donc mieux éviter des pneus trop lisses.

La séance se déroula sans réel accroc. Tout au plus quelques tête-à-queue par moment, et une grosse frayeur pour Donkey Kong qui se réceptionna à quelques centimètres du vide lors d'un saut sur le grand tremplin. Les spectateurs qui avaient fait le déplacement repartirent ravis. Ils avaient eu le temps de voir les karts tourner, et une bonne partie d'entre eux avait pu profiter de l'occasion pour échanger quelques mots avec les pilotes, se prendre en photo ou demander des autographes. À l'issue de la séance, chaque pilote rentra dans la loge temporaire qui lui avait été attribuée. Ils purent ainsi se changer, ce qui n'était pas un luxe compte tenu des impressionnantes projections de boue qui n'avaient épargné personne. Ensuite, un petit buffet était organisé.

Le buffet réunissait les pilotes, les organisateurs, et quelques invités prestigieux. On y discuta essentiellement course de kart. Chacun y allait de son petit pronostic, refaisait la séance d'essais, se projetait déjà sur les courses suivantes, et étalait sa pseudo expertise tactique. Dans l'ensemble, les pilotes étaient assez peu loquaces. Se contentant de répondre poliment aux sollicitations, sans jamais s'étendre. Wario était le seul à se distinguer, il essayait de faire la conversation à un maximum de monde, jouant d'une fausse humilité, et passant la brosse à reluire à certaines cibles bien identifiées. Après quelques coupes de champagne, chacun repartit de son côté. Pour les pilotes, la journée du lendemain s'annonçait longue, faite de mécanique et d'introspection, avec une tension qui monterait crescendo jusqu'au surlendemain, jour de la course. Ils allaient donc profiter du confort de l’hôtel qui était mis à leur disposition pour essayer de passer une bonne nuit de sommeil réparateur.

 

Le matin suivant, Mario se rendit de bonne heure au hangar. Les karts des différents participants y étaient stationnés dans des boxes individuels. Bien qu’il fût encore très tôt, le box contenant le kart de Luigi était déjà ouvert. Mario s’approcha pour voir de plus près et, en effet, son frère était déjà là. Il avait réhaussé son véhicule, afin de pouvoir se glisser dessous pour y effectuer ses réglages. Seules ses jambes étaient visibles de l’extérieur. Une cafetière fumante était posée en équilibre sur un tabouret, à quelques pas du fondu de mécanique.

 

« Ciao frérot, toujours aussi matinal ! Je peux te piquer un peu de café ?

_ Fais-toi plaisir, répondit Luigi, dont la tête émergea de sous le châssis de sa machine. Il y a des gobelets sur l'étagère près de l'entrée, n'hésites pas à te servir. »

 

Mario suivi les conseils de son frère, et se remplit un plein gobelet de l'appétissant nectar noir. Il le huma avec délectation avant d'y tremper les lèvres. Il se laissa porter par la première gorgée, sa préférée. Celle qui ouvrait le chemin le long de l’œsophage, et semblait se répandre dans tout le reste du corps, indiquant à chaque sens, chaque muscle et chaque articulation qu’il était temps de de réveiller complètement. Puis il fixa son frère qui s'affairait, d'un air pensif.

 

« Tu assouplis encore tes suspensions ?

_ Exactement. J'ai encore des courbatures de la séance d'essais. La course sera longue, il faudra tenir le coup physiquement. Si je suis tout cassé à la fin du premier tour, ce n'est même pas la peine de rêver.

_ T’as pas tort, repris Mario. Et puis, pour les enchaînements de bosses, ça facilitera la réception. Ce sera assez critique d'ailleurs. Si on les négocie mal, il y a moyen de perdre un paquet de temps.

_ Oui, c'est d'ailleurs pour ça qu'il faut bien doser les pneus. S'ils sont trop adhérents, on risque de ne pas suffisamment décoller sur les bosses, et de se retrouver à forcer pour les gravir au lieu de les survoler. Ça nous ralentirait énormément, et ça ferait surchauffer le moteur, avec les risques de casse que tu peux imaginer.

_ Et il y a le super tremplin en plus, en cas de chute, ça fait une grosse rallonge de parcours. Ce serait éliminatoire je pense. D'un point de vue tactique, à mon avis, il faudra sans doute accepter quelques petites fautes, tant qu'on évite les grosses qui seront rédhibitoires. C’est inévitable de toute façon, je ne pense pas qu'on puisse faire la course parfaite sur un circuit aussi long et éprouvant.

_ Oui, étape par étape. Un nouvel obstacle arrive, on le gère, sans se laisser distraire par ce qui nous attend après. Mais je préfère avoir confiance dans mon véhicule. Je vais m'assurer qu'il tiendra le choc, dit Luigi en resserrant un boulon avec sa clé à molette.

_ Y a un dernier aspect qui pourrait avoir son importance selon moi, c'est la largeur de la piste, repris Mario, le regard perdu vers le plafond. Tu te rappelles comme elle est large par endroits ? Ça va être très compliqué de contrôler tout le monde, il faudrait vraiment une vue à 360 degrés pour ça. L'idéal, ce serait de trouver rapidement des objets défensifs, afin de se concentrer sur le pilotage, sans trop se prendre la tête avec les adversaires. Les plus agressifs auront toutes les chances de se mélanger les pinceaux.

_ C'est clair, ça va être un gros champ de bataille, au moins au début. On verra par la suite si des écarts significatifs se font. Entre nous, ça m’arrangerait. Tu as fini le café ?

_ Non non, il en reste, tu peux te servir. »

 

Luigi se releva, le visage et la salopette déjà couverts de taches noirâtres. Il attrapa la cafetière et la vida dans son gobelet.

Soudain, ils entendirent un grincement, suivi de claquements qui résonnaient dans tout le hangar. C'était Peach qui était venue les saluer. Elle était vêtue d’une de ces robes roses qu’elle affectionnait particulièrement, et sa coiffure était impeccable. Visiblement, elle n’estimait pas nécessaire de jouer les garagistes pour le moment.

 

« Alors les garçons, déjà en ordre de bataille ? Oh vous avez fait du café, c’est une super idée ça. Bien sûr, ça ne vous dérange pas si je me sers. »

Elle attrapa un gobelet et se saisit de la cafetière, mais constata avec amertume que celle-ci était vide.

« Oh, vous avez une sacrée descente. Mario, chéri, va m'en refaire un s'il te plaît. »

Mario s'exécuta sans broncher.

« Entre nous les mecs, qu'est-ce que vous pensez de ce circuit ? C’est pas n'importe quoi, franchement, de commencer une super coupe de karting par une piste de motocross ?

_ C'est original disons, éluda Luigi. Ce qui m'inquiète perso, c'est que le matos va être mis à rude épreuve. De base, les karts ne sont pas faits pour ce genre de terrain, et il y aura probablement de la casse, et seulement deux semaines pour tout remettre en état pour la prochaine course.

_ Mais voilà, c’est exactement ça. L'idée, c'est que les compteurs soient remis à zéro entre chaque course, pas qu'on se traîne des handicaps hérités de la course précédente. J'ai rien contre l'originalité, mais si on veut la pousser loin dans le choix qu’on fait des circuits, faudrait qu'on puisse en faire autant dans celle des véhicules. Ça pourrait être sympa si on pouvait choisir entre un kart et une moto selon la piste, non ?

_ Ah franchement, j'adorerais ça, choisir le véhicule idoine en fonction de la piste. C'est encore plus fun que de trouver les réglages parfaits pour un unique véhicule. Ça ouvre tout un champ des possibles !

_ Excellente idée, railla Mario, qui revenait en tenant la cafetière pleine dans la main. Et pourquoi pas même des carrosses, des canards à roulette ou des poussettes motorisées ? L'auto-pousse, ça sonne bien non ? Je suis sûr que les champis du marketing trouveraient ça génialissime, faudrait leur soumettre l'idée. Tiens Princesse, un café tout neuf. »

 

Peach et Luigi échangèrent un regard amusé. Mario et son goût pour l'exagération jusqu'à l'absurde, c'était tout un roman.

« Merci mon chou, dit-elle en se versant le café. Oh mais il est hyper fort dis donc, et vous en avez déjà sifflé une cafetière entière ? Sérieusement les garçons, c'est vraiment pas sain, vous allez faire de l'hypertension ou de la tachycardie avec vos excès !

_ Mais non, mais non, répondit Mario. Nous sommes totalement immunisés depuis le temps.

_ Oui enfin, je comprends mieux pourquoi tu as tout le temps envie de sauter partout maintenant. Bon aller, sur ce, je vous laisse. Toad voulait qu'on débriefe la séance d'hier. Enfin, s'il s'est levé, parce que ce n'est pas du café qu'il a abusé, lui. Trois coupes de champagne, c'est trop pour un petit champignon. Faut vraiment que je contrôle tous vos faits et gestes pour que vous ne vous bousilliez pas la santé. Il n’y en a pas un pour racheter l’autre, c'est incroyable ! »

 

De son côté, Bowser avait passé la matinée dans sa chambre d’hôtel. Peu avant midi, son fidèle lieutenant, Kamek, vint lui rendre visite.

« Bonjour Maître. Je suis allé faire les réglages que vous m’aviez demandés sur votre véhicule.

_ C’est bien Kamek, c’est très bien…

_ Vous semblez pensif Maître. Y a-t-il quelque chose qui vous turlupine ? »

Bowser scruta le magicien Koopa, et poussa un soupir.

« À vrai dire oui. C’est Wario, il ne m’a pas lâché d’une semelle hier. Il insistait pour que nous nous associions dans la course. Il m’a collé pendant la période d’essai, et il est revenu à la charge pendant le buffet. C’était très irritant. En gros, il propose qu’on ne s’agresse pas, et qu’on s’aide mutuellement. Et que si l’un de nous est en bonne posture pour gagner, l’autre se mette entièrement à son service.

_ Il a vraiment décidé de prendre ma place jusqu’au bout, commenta Kamek, le regard sombre et de l’aigreur dans la voix.

_ Oui, et ça n’a aucun sens. Enfin, si, d’une certaine façon, ça peut être une bonne idée, vu qu’en face il y a un groupe assez soudé qui risque d’adopter ce genre de comportement. Mais ça n’a aucun sens que Wario ait fait toutes ces magouilles pour pouvoir participer, pour finalement risquer de devoir se mettre à mon service. Je m’y connais un peu en arnaque, je sais qu’il se paie ma tête. Et ça m’énerve !

_ Faites attention de ne pas trop le contrarier néanmoins. Il ne faudrait pas que la frustration l’incite à vous prendre pour cible exclusive.

_ Ne t’inquiète pas pour ça. J’ai donné mon accord pour un pacte de non-agression. On évitera de se cogner dessus, sans pour autant que l’un de nous ne soit amené à se mettre au service de l’autre. Ça ne me plaît pas trop de faire ça, mais je n’arrive pas à m’ôter de la tête que je pars avec un handicap sur cette Coupe. Autant saisir les occasions de le réduire au maximum. Toutefois Kamek, je n’ai aucune confiance en lui. Il est malsain, même selon mes critères. C’est embêtant que tu ne sois pas sur la piste demain, mais je t’ai pris une place VIP. Tu devrais avoir une bonne vue sur l’ensemble du circuit. Je compte sur toi pour le surveiller, et me rapporter tout comportement suspect de sa part pendant la course.

_ Merci de m’accorder votre confiance Maître, je ferai le nécessaire pour m’en montrer digne. »

Sur ces mots, sentant que Bowser avait besoin d’être un peu seul, Kamek prit congé. Une fois que la porte se fut refermée sur son sbire, le Roi Koopa sortit un petit verre du mini-bar, le rempli d’alcool à brûler, et le vida cul-sec.

 

Au cours de la journée, Wario ne passa pas une seule seconde au hangar, dans son box. En soit, ce n’était pas spécialement surprenant, il connaissait la piste mieux qu’aucun de ses adversaires, et ses réglages étaient vraisemblablement déjà calés depuis un bon moment. Le matin, il n’aurait de toute façon rien pu faire. Ayant voulu rester jusqu’au bout du buffet de la veille, pour être certain de voir tout le monde et, surtout, d’être vu de tout le monde, il s’était couché très tard, et dans un état d’ébriété très avancé. Aussi le réveil avait été particulièrement tardif et douloureux. Il était tout de même sorti peu après midi pour un déjeuner avec des représentants de médias un peu obscurs qu’il finançait. Puis il avait passé l’après-midi dans sa chambre, à faire des projections financières, pour évaluer les bénéfices qu’il pourrait tirer de la course suivant une variété de scénarios prédéfinis.

Plus tard dans la soirée, alors qu’il se gavait de chips devant des chaînes d’information en continu, afin de contrôler ce qu’on y disait sur lui et sur la course, on frappa à sa porte.

« C’est ouvert ! »

Une longue silhouette, fine, désarticulée, et couverte de boue, franchit le seuil de la chambre.

« Eh bien, t’en as mis du temps, fit Wario sur un ton irrité.

_ Ouais, désolé, ça a été un peu plus compliqué que prévu. Si je dois me donner autant sur les prochaines courses, je crois qu’il va falloir revoir notre deal à la hausse.

_ Tu sais quoi, parfois, j’ai l’impression que tu es encore plus malhonnête que moi. Vieille fouine va. Le système fonctionne parfaitement maintenant au moins ?

_ Oui, tout est réglé. Je peux te garantir que ça va être spectaculaire. », répondit Waluigi avec un sourire mauvais.

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