La Coupe Étoile

Enfin le grand jour était arrivé. Les pilotes attendaient patiemment, côte à côte, dans une sorte de long couloir sombre, qui devait les conduire au stade. Certains, tels Peach ou Luigi, étaient dans leur bulle, se concentrant sur leur tableau de bord, et se projetant déjà dans la course. D’autres, à la manière de Bowser ou Mario, ne pouvaient s’empêcher de regarder tout autour d’eux, pour jauger leurs adversaires.

Lakitu, le Koopa Volant, vint alors vers eux sur son nuage, et leur fit signe de le suivre. Ils remontèrent ainsi le tunnel au pas, et débouchèrent dans le stade. Au moment où ils firent leur entrée sur la piste, une incroyable clameur s’éleva des tribunes, faisant vibrer le sol, et allant jusqu’à couvrir le ronronnement des moteurs qui tournaient. Il semblait ne plus y avoir une seule place de libre dans les gradins. Pour les pilotes, c’était à la fois une pression énorme, et une bouffée d’adrénaline terriblement euphorisante. 

Les engins vinrent s’installer sur la ligne de départ, dans l’ordre qui leur avait été attribué, pendant que Lakitu s’éloignait, le temps d’aller récupérer le sémaphore qu’il devait utiliser pour donner le départ. Le règlement stipulait que l’ordre sur la grille devait reproduire le classement de la course précédente. Cependant, comme cette course était la première de la Coupe, cette règle ne pouvait s’appliquer. Aussi, l’ordre avait été défini de manière arbitraire. Peach et Bowser, en tant que fondateurs, occupaient la première ligne. Wario, en tant que partenaire, et Mario, vainqueur des qualifications, occupaient la seconde. Ensuite, les autres pilotes étaient classés dans l’ordre de leurs performances au tournoi de qualification. En réalité, cela n’avait qu’un impact très modéré dans ce genre de course où les renversements de situation étaient monnaie courante.

Une fois en place, les pilotes attendirent quelques instants. La clameur du public ne baissait pas, et la tension devenait extrêmement forte. Mario se surprit à frissonner, tandis que Luigi sentait une pointe de douleur dans le ventre. Donkey Kong, lui, évacuait son stress en se grattant sous les aisselles.

Enfin, Lakitu revint avec son sémaphore. C’était un rectangle noir, sur lequel étaient disposées verticalement trois ampoules. Deux rouges et une bleue. La première lumière rouge s’alluma en émettant un bip. Une demi-seconde après, ce fut autour du deuxième phare de s’allumer. Les moteurs se mirent à tourner, émettant un rugissement caractéristique. Enfin, la dernière lumière, de couleur bleue, s’alluma à son tour, et les concurrents appuyèrent ensemble sur l’accélérateur. Les karts se mirent en mouvement dans un nuage de boue, et sous une clameur qui avait maintenant dépassé le niveau de décibels limite autorisé lors des concerts et dans les boîtes de nuit.

Les karts arrivèrent presque immédiatement dans le premier enchaînement de petites bosses, dans lequel Peach, très à l’aise, commença à creuser un petit écart sur le peloton, pendant que Toad, parti en sixième position sur la ligne, remontait déjà une bonne partie de ses concurrents. Après un premier virage, les karts franchirent une bosse plus élevée, qui les fit passer sous le nez des spectateurs de la tribune nord. Il était impossible de ne pas être parcouru de frissons lorsque, en haut de la bosse, on décollait, et que pendant une fraction de seconde, alors qu’on pouvait entendre distinctement les encouragements des spectateurs les mieux placés, on était en apesanteur au-dessus de la piste. Et pourtant, il fallait garder la tête froide, car juste après se trouvaient les premières boîtes à objets, passage critique dans lequel mieux valait ne pas se louper.

Les boîtes à objets étaient ce qui faisait tout le sel des courses de karts au Royaume Champignon. C’étaient des cubes aux couleurs arc-en-ciel, flanqués d’un grand point d’interrogation, et répartis en divers endroits clés du circuit. Les pilotes devaient essayer de s’en saisir, car ils contenaient des objets qui pouvaient leur permettre d’attaquer leurs adversaires, de se protéger, de piéger la piste, ou encore d’accélérer.

Peach fut la première à se saisir d’une boîte. Celle-ci contenait une peau de banane. Ce n’était pas l’objet le plus excitant, mais c’était pratique quand on faisait la course en tête. La fonction première de la peau de banane était de piéger la piste, en la laissant traîner sur la trajectoire d’un concurrent. Un kart qui roulait sur une peau de banane avait en effet une fâcheuse tendance à partir en tête-à-queue. Mais il y avait une autre utilité : elle l’attacha avec dextérité à l’arrière de son véhicule. Placée ainsi, la peau de banane fonctionnait comme un bouclier, qui protégeait le kart contre des objets plus offensifs, tels que les carapaces, qui étaient littéralement utilisées comme des missiles que l’on envoyait sur ses adversaires pour les renverser. Si une carapace frappait la peau de banane, celle-ci se décrochait, laissant le kart intact.

Toad, Bowser et Wario arrivaient juste derrière. Toad subtilisa une boîte sous les yeux de Bowser, qui se retrouva les mains vides, et poussa un rugissement de frustration. La boîte contenait un champignon, objet agissant comme un supercarburant qui, une fois placé dans le réservoir du kart, lui permettait de bénéficier pendant un court instant d’une très forte accélération. Celle-ci permit à Toad de venir se replacer juste devant Peach, qui tiqua un peu, mais ne chercha pas spécialement à bloquer son ami. Et elle avait sans doute raison, car la boîte de Wario contenait non pas une, mais trois carapaces vertes. Il était donc en position de faire des ravages sur ses adversaires.

Derrière, Mario attrapa un champignon, mais ne l’utilisa pas tout de suite, de peur de devenir une cible évidente pour Wario. Luigi eut une peau de banane, ce qui de sa position, en deuxième moitié de peloton, n’était pas particulièrement intéressant. Donkey Kong et Yoshi arrivèrent trop tard pour pouvoir ramasser quoi que ce soit.

S’ensuivit un enchaînement de virages qui rendit tout tir assez difficile pour Wario. Il préféra donc temporiser, d’autant que d’autres boîtes seraient bientôt disponibles. Très léger et à l’aise avec sa machine, Toad profita des courbes pour augmenter son avance. Peach aussi négocia habilement cette portion. Arrivée dans le champ de bosses le plus large, elle avait creusé l’écart avec Wario. Mais c’est l’endroit que celui-ci choisit pour attaquer. Peach vit une première carapace verte la frôler sur sa gauche. La seconde vint taper sa peau de banane, qui se décrocha. La troisième passa sur sa droite. Wario était désarmé. Malheureusement, cette dernière carapace alla rebondir sur le mur au fond du champ de bosses, et reparti dans l’autre sens. Alors que Peach entamait le virage à droite pour sortir du champ, sa trajectoire coupa celle de la carapace qui l’envoya rouler dans la boue. Wario la doubla, mais son avantage ne fut que de courte durée, car Donkey Kong avait réussi à ramasser une triple carapace rouge dans la deuxième série de boîtes à objets, et avait fait feu de toutes parts dans le champ de bosses. La dernière avait atteint Wario. Les carapaces rouges, à la différence des vertes, ciblaient un adversaire, et le suivait, même si celui-ci changeait de trajectoire. Il était donc bien plus difficile d’y échapper.

Lorsqu’il arriva sur le grand tremplin, Toad avait creusé un écart vraiment conséquent sur le reste de ses concurrents. Et, alors que dans le peloton, les concurrents se gênaient en s’attaquant avec les divers objets qu’ils parvenaient à ramasser, Toad pouvait se concentrer sur sa course sans que rien ne vienne le ralentir. Sa seule crainte à présent, c’était que quelqu’un trouve une carapace bleue. La carapace bleue était le dernier type de carapace existant. C’était un genre de missile téléguidé qui remontait la piste jusqu’à atteindre le leader de la course. Elle allait vite, et pouvait atteindre sa cible de fort loin. En-dehors de cela, il semblait que plus grand chose n’était en mesure de menacer le petit champignon humanoïde. Il boucla le premier tour avec une vingtaine de secondes d’avance sur ses poursuivants.

Dans le deuxième tour, le peloton de poursuite commença à s’étirer. Peach reprit une petite avance en enchaînant les premiers virages avec aisance, et derrière elle, Mario et Luigi agissaient un peu comme des gardes du corps. Il n’y avait pas eu de pacte formel entre eux, mais il semblait évident que les deux frères n’avaient pas l’intention d’attaquer la princesse, et jouaient plutôt défensif. L’exemple le plus frappant fut quand Mario ramassa une carapace rouge. Arrivé dans le grand champ de bosses, il avait Peach en ligne de mire, il était impossible qu’il la ratât. Mais il ne tira pas. Cependant, quand Bowser déboula sur sa droite, la sanction fut immédiate. Le Roi Koopa était terriblement frustré par cette situation, et tenta absolument tout pour briser leur défense : une fois il donna un coup d’épaule à Luigi, l’autre il jeta une peau de banane vers l’avant en espérant la faire retomber juste devant Mario… Il s’acharnait comme un beau diable, négligeant tous les autres aspects de sa course. À l’inverse, Wario avait l’air totalement serein. Il ne semblait pas chercher à passer coûte que coûte, et se laissa même rétrograder un moment en avant-dernière position, laissant un Yoshi plus rapide le dépasser sans montrer de réelle réaction.

Depuis les tribunes, Kamek ne lâchait pas des yeux le propriétaire du circuit. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsque, à l’approche du grand tremplin, il vit une boîte à objets rouler devant Wario, à un endroit où l’on n’était pas censé en trouver. Et plus suspect encore, cette boîte contenait une super étoile, un objet particulièrement puissant. Cet objet permettait à son utilisateur d’être invulnérable, et de rouler plus vite, pendant quelques dizaines de secondes. Du fait de la technologie avancée nécessaire pour le mettre au point, il était très coûteux financièrement pour les organisateurs, et donc très rare en course. Wario activa sa super étoile, envoyant au passage valser Donkey Kong qui s’était approché trop près, et franchit le tremplin à pleine vitesse. Il remonta un à un ses adversaires, et revint sur Peach à la fin du tour. Les effets de sa super étoile cessèrent à cet instant. Mais elle avait été très utile, il avait distancé la plupart de ses adversaires. Ne restaient plus que Peach, avec laquelle il était au coude à coude, et Toad, qui vivaient toujours sa vie avec plus d’une vingtaine de secondes d’avance sur eux. 

C’est alors qu’il se passa à nouveau quelque chose d’étrange. Sur l’une des premières bosses du circuit, Wario sauta, et disparut par-dessus ce qui semblait être un mur. Il retomba dans le grand champ de bosses, s’épargnant près d’un tiers du tracé, et vint se placer quelques mètres devant Toad, qui fut déconcerté de le voir ainsi débarquer de nulle part. De son côté, Peach, surprise, rata le virage suivant, ce qui permit au reste du peloton de revenir à sa hauteur.

Bien meilleur pilote que Wario, Toad boucha très vite l’écart qui le séparait de son adversaire direct. Il avait en réserve une peau de banane, qu’il accrocha à l’arrière de son véhicule, afin d’être protégé lorsqu’il s’agirait de faire un dépassement. Il prit sa chance lors du virage à droite en sortie du champ, en faisant l’intérieur. Voyant qu’il était en train de perdre sa place, Wario braqua furieusement son volant, afin de venir percuter son adversaire latéralement. Beaucoup plus léger, le champignon humanoïde ne parvint pas à encaisser parfaitement le choc et, éjecté de sa trajectoire, alla percuter violemment le mur sur le côté droit de la piste. Toujours lucide, il décrocha sa peau de banane, et la lança de toutes ses forces vers l’avant. Celle-ci retomba juste devant Wario qui, glissant, perdit le contrôle de son engin et alla s’encastrer dans le mur côté gauche.

Après une manœuvre pour se dégager et reprendre le sens de la course, les deux adversaires, à présent désarmés, se jaugèrent avec la plus grande méfiance. Ils avaient de nouveaux des bosses à franchir, plus hautes celles-ci, ce qui s’avéra assez laborieux à faire sans élan, puis une épingle à cheveux avant un autre enchaînement de bosses plus basses mais concentrées, qui les amènerait aux prochaines boîtes à objets. Alors qu’on était dans la dernière moitié du dernier tour, il était clair que ce serait un moment crucial, qui pourrait déterminer le sort de leur duel.

À l’arrière, les combats faisaient rage. Bowser était parvenu à écarter Mario et Luigi, et à revenir à hauteur de Peach. Yoshi avait réussi à se faufiler jusqu’à eux, et Mario, après avoir été bousculé par Bowser, revenait progressivement. Luigi et Donkey Kong étaient pour le moment les grands perdants des derniers évènements. Cependant, l’essentiel des accidents s’était produit dans des espaces relativement larges et plats, ce qui avait permis aux victimes de se relancer assez facilement. Au final, l’écart avec le duo de tête s’était partiellement réduit.

Enfin, Toad et Wario arrivèrent au niveau des boîtes à objets. Toad eut une nouvelle peau de banane, alors que Wario obtint un champignon. Wario utilisa de suite son champignon pour accélérer et aller percuter Toad qui était repassé devant lui. Il arriva à pleine vitesse, Toad lâcha sa peau de banane, qui fit déraper Wario, mais ne put éviter le choc qui le fit partir en tête-à-queue. Une nouvelle fois, les deux duellistes durent redémarrer en même temps. Quand ils arrivèrent sur le tremplin, leur avance avait fondu, et était désormais inférieure à dix secondes. Ils le franchirent ensemble, mais au moment de se poser, Wario donna un coup de coude à Toad, qui dévia un peu de sa trajectoire, et perdit quelques précieux mètres.

Derrière, le peloton était déjà sur le tremplin, emmené par Peach et Bowser. Mais alors qu’ils s’apprêtaient à décoller, deux rangées de peaux de bananes, traversant la piste sur toute sa largeur, surgirent de nulle part. Lancés à pleine vitesse, les pilotes ne purent les éviter, et tombèrent en contrebas, sur une portion du circuit qu’ils avaient déjà passée, et qu’ils étaient donc condamnés à refaire, perdant ainsi tout espoir de victoire. Seul Luigi, qui roulait en queue de peloton, parvint à éviter l’accident, en passant dans un petit couloir d’où les peaux de bananes avaient été écartées par les roues des concurrents qui avaient glissé dessus. 

En bas, dans un mouvement de rage, Bowser utilisa le dernier objet qu’il avait récupéré, une carapace bleue. Il n’avait pas osé l’utiliser jusqu’à présent, se demandant si Wario, avec lequel il avait un pacte de non-agression, était en tête. Mais tout cela lui était bien égal à présent. Il était furieux, et avait besoin de toucher quelqu’un pour évacuer, ne serait-ce que partiellement, toute la frustration accumulée depuis le début de cette course où rien ne lui réussissait. Celle-ci se lança à toute vitesse, repassa sur le tremplin, et fonça vers le duo de tête. 

Toad était presque revenu à hauteur de Wario, mais à chaque fois qu’il essayait de passer, Wario cherchait à le percuter. Il fallait donc toujours que le petit champignon esquive, ce qui le ralentissait. Et alors qu’il s’apprêtait à tenter le tout pour le tout dans le dernier virage, il entendit un sifflement étrange derrière lui. Il se retourna, et vit une carapace bleue qui les rattrapait à vitesse grand V. Il s’écarta pour la laisser passer, et celle-ci vint frapper Wario, qui sortait du virage, de plein fouet. Il fut éjecté de son kart et roula dans la boue. Toad passa en le narguant et termina, les bras levés au ciel, la dernière ligne droite, sous les hurlements d’une foule en délire.

Wario se dépêcha de remonter dans son kart, et de le redémarrer. Mais alors qu’il reprenait doucement de la vitesse, il vit Luigi revenir de l’arrière et le déposer sur la ligne. Terminant troisième, il poussa un hurlement de rage: « So ein mist ! »

Plus loin, les malheureuses victimes des peaux de bananes sorties de nulle part durent repasser par le tremplin. Il restait un petit point à prendre au classement général pour celui qui terminerait quatrième. À ce jeu-là,Yoshi se montra le plus habile, terminant premier des battus, devant Peach, Bowser, Mario et Donkey Kong. Les mines étaient défaites. Ce coup de Trafalgar sur le tremplin les avait beaucoup affectés. Il était clair que ces peaux de bananes n’avaient rien à faire là, et que le coup avait été prévu par des gens qui avaient accès à la piste.

La plupart des pilotes vinrent féliciter Toad pour sa victoire, y compris Bowser, qui malgré toutes les émotions négatives qui le traversaient, tenait à faire preuve de fair-play. Wario, par contre, avait déjà disparu. À peine la ligne franchie, il s’était dirigé vers la sortie, fuyant les caméras et les journalistes qu’il avait pourtant tellement cherché à amener à lui les jours précédents.

Wario Stadium - classement de la course :

1. Toad
2. Luigi + 6,4 s
3. Wario + 6,7 s
4. Yoshi + 34,8 s
5. Peach + 35,0 s
6. Bowser +35,1 s
7. Mario + 35,9 s
8. Donkey Kong + 38,1 s

Coupe Étoile - classement par une course :

1. Toad : 9 points
2. Luigi : 6 points
3. Wario : 3 points
4. Yoshi : 1 points
5. Peach
6. Bowser
7. Mario
8. Donkey Kong