Les contes de l'Eiesia - Une histoire de famille

Si Mario avait dormi, il ne s’en souvenait pas.

La discussion qu’il avait eue avec Pauline - non, Daniella. A moins qu’elle préfère Pauline? Il devrait rester à Pauline pour le moment. - a tourné en boucle dans sa tête. Pauline avait peut-être fait une crise de somniloquie et Belina avait vraisemblablement ronflé à un volume inacceptable, mais il ne les avait pas entendus. Evidemment, il était fatigué, mais personne ne pouvait lui faire de café et il ne faisait pas confiance à son état actuel pour manger quoique ce soit sans être malade. Comment Pauline avait vécu cette révélation? S’était-elle retrouvée dans un état similaire? Ou l’avait-elle mieux accepté? Bon sang, toutes ses pensées n’étaient que tournées vers cette histoire.

Le reste du groupe a certainement parlé, mais encore une fois, il n’avait rien entendu.

La main de Pauline sur son épaule l’a finalement sorti de sa transe.

“On y va, et…" elle hésita. “Je suis désolée pour hier, je ne pensais pas que ça te chamboulerait à ce point…”

“C’est rien… je suppose que je devais bien l’apprendre un jour…”

La brune lui a adressé un sourire faible, désolé, mais aussi un peu soulagé, comme si la révélation lui avait enlevé un certain poids.

‘J’en parlerait à ton frère quand on aura retrouvé Ezera” promit-elle.

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Le trajet s’est retrouvé dans une ambiance lointaine à ce qu’elle était avant. Achille commençait à raconter des blagues, le quatuor chantait ce qui passait à la radio, ou encore des débats plus ou moins intellectuels pour combler les moments où ils captaient pas.

Et c’était agréable, bien loin des silences dont le groupe faisait preuve en voiture avant. Peut-être car ils semblaient connaitre le chemin. A moins que ce soit le fait qu’ils s’étaient habitués à la présence de Mario, Belina le prenant parfois à parti dans les débats. Il a un peu appris sur les mains de maître au poker, les meilleurs bluffs et autre coup de chance que les champions avaient pu avoir. Et s’improviser soliste malgré sa voix peu entraînée a été drôle. Mais l’ambiance est un peu retombée quand Cursio a dû s’arrêter. Devant eux se tenaient un passage en plein milieu d’un territoire de harpies sauvages. Contrairement au quatuor avec leurs couleurs flamboyantes, celles-ci étaient beaucoup plus ternes, probablement pour mieux se camoufler. Pauline est allée négocier leur droit de passage, le reste du groupe restant en arrière.

“Qu’est-ce qu’elle dit?” demanda Mario après plusieurs minutes à regarder Pauline interagir dans une langue qu’il ne comprenait pas.

“Eh bien…” commença Cursio. “Elle explique la situation, mais la harpie en face ne veut pas nous laisser passer.”

Pauline a commencé à hausser le ton.

“Elle s’énerve?”

“On dirait…” répondit Cursio.

Plusieurs minutes ont encore passé et le regard confus de Cursio grandissait peu à peu. Mario a demandé une traduction, mais Cursio a préféré s’abstenir de répondre. Au ton employé dans son explication, Pauline devait tenir un langage qu’elle n’avait pas d’ordinaire.

Puis elle est finalement revenue en expliquant qu'on ne les laisserait pas passer. Tout le monde est donc remonté dans le véhicule et la brune a conduit quelques instants avant de faire demi-tour.

“Euh… Tu as oublié quelque chose?” demanda Belina.

“Ah? Non” admis Pauline. “Je vais juste forcer le passage.”

“Quoi?”

A cet instant, Pauline accéléra brutalement, passant rapidement les vitesses. Cursio lui a vite demandé d’arrêter, mais la conductrice était vraisemblablement devenue sourde. Ils sont vite arrivés au territoire des harpies, la voiture filant plus vite que si elle était sur l’autoroute. Heureusement, le passage a été vite dégagé, les maîtresses des lieux ayant compris qu’elles ne feraient pas le poids.

Pauline poussa un cri de victoire. Ils fonçaient toujours à vive allure, bien que le véhicule ralentissait pour arriver à une vitesse plus acceptable. Mais les trois autres harpies faisaient une sacrée grimace. Et Mario aussi, certainement. Le comportement complètement imprudent de la conductrice leur avait tous fait peur.

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Après quelques heures, Pauline a demandé à tout le monde de sortir ses papiers d’identité pour passer la frontière avec Vegesia. Une fois arrêté à la douane, le véhicule a naturellement été contrôlé, ainsi que ses passagers.

“Madame?” demanda le douanier qui s’occupait des papiers de Pauline. “Mais… que faites-vous ici?”

“Affaires personnelles,” répondit Pauline. “Je ne suis pas ici pour une visite officielle ou quoi que ce soit.”

“Je vois…” dit l’homme en lui rendant ses papiers.

Puis le véhicule a pu reprendre sa route.

“J'ignorais que tu étais célèbre ici”, admit le plombier.

“Je me suis mariée à une personnalité politique qui a de bonnes relations avec Vegesia, donc ils me connaissent assez bien.”

“Et qui est ton mari?”

“Ce serait pas drôle si je le disais comme ça!” dit la brune avec un air beaucoup plus ludique.

Il s’en est suivi un jeu de questions-réponses entre les deux, la femme répondant uniquement par “oui” ou “non”. Apparemment, les trois autres passagers ne semblaient pas enclins à aider Mario, regardant la scène avec un sourire amusé. Tout a été interrompu par une sonnerie. La tablette intégrée au tableau de bord indiquait “Harick”.

“Oui?” dit Pauline après avoir décroché.

“Aaah, ma chère Pauline!” répondit la voix exagérément noble du prince local. “Que fais-tu dans la région?”

“Je cherche une personne disparue depuis deux ans qui serait dans la région.”

“Vraiment? Et les autres?”

“Ils m’aident.”

Harick a fredonné.

“Je suppose que tu as emmené ton cerbère…”

“Hé!” Intervint Cursio.

“Oh, tu es sur haut-parleur” reprit le prince avant de s’adresser à Cursio. “Je suis désolé très cher, mais vous êtes un trio parfaitement inséparable. Je crois que je ne vous ai jamais vu à plus de 10 mètres l’un de l’autre.”

Cursio n’a visiblement rien trouvé à y répondre.

“Mais il paraît que Mario est aussi avec toi. C’est vrai?”

“Je suis là,” répondit Mario.

“Fantastique! Je suis bien renseigné! Que diriez-vous qu’on se voit, tout les 6?”

“Je t’aime bien,” reprit Pauline, “mais on doit se rendre au mont Uf et le château n’est pas du tout sur notre chemin…”

“Oh, mais le hasard fait bien les choses! Je suis en résidence dans le massif d’Uf!”

“Oh!” Le regard de Pauline s’est dirigé vers les autres passagers du véhicule, leur demandant leur avis sans dire un mot.

Malgré le refus de Cursio, les trois autres étaient d’accord pour aller le voir.

“Eh bien, pourquoi pas. Ca nous permettrait de nous reposer.”

“Fantastique! Je vais vous préparer des chambres!”

L’appel s’est fini là-dessus.

“Donc…” rebondit Mario, “tu connais Harick personnellement?”

“C’est le meilleur ami de mon mari, donc on se fréquente pas mal.”

“Et tu ne veux toujours pas me dire qui c’est?”

Pauline a sourit en réponse, puis leur jeu de questions-réponses a repris. Malheureusement, le peu que Mario ait pu apprendre est que Pauline était mariée depuis 3 ans, avait eu deux autres enfants et que son époux lui avait gracieusement offert la voiture dans laquelle ils étaient tous assis. Et il était prêt à parier que Pauline jouait avec cette culture du secret, sous-entendant la promesse qu’il rencontrerait sa famille très bientôt.