Les contes de l'Eiesia - Un bon arrangement

Chapitre 3

1929 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/09/2021 20:21

Le matin suivant, Luigi avalait son petit-déjeuner seul. De ce qu’il avait compris, les princesses étaient d’un naturel matinal pour pouvoir s’entraîner. Luntrell n’était pas là et c’était tant mieux: il ne se sentait pas d’humeur à l’écouter dès le matin. Quand sa routine matinale fut terminée, il partit dehors rejoindre Azaléa, cette dernière lui ayant promis de lui apprendre à utiliser sa magie. Enfin, “promis” n’était pas le terme exact. Disons plutôt qu’on l’avait contraint, avançant le fait que le royaume était toujours en guerre et qu’il devait pouvoir utiliser ce qui lui a été accordé pour mieux s’assurer la victoire.


Le premier exercice était simple: créer une boule d’énergie. De l'électricité a jailli dans la paume de Luigi.

“Plus fort.” dit Azaléa.

Luigi s’est concentré. La sphère faisait la taille d’une balle de tennis.

“Plus fort.”

Luigi se concentra encore et la sphère grossit jusqu’à avoir la taille d’un ballon de football.

“Encore.”

La sphère grossit encore et cette fois, elle explosa dans un vacarme impressionnant. Les oreilles du garçon sifflaient alors qu’il tentait de retrouver son équilibre. La princesse, elle, semblait imperturbable.

“Impressionnant.” admit-elle sur le même ton qu’elle avait depuis le début de l’exercice.

Luntrell apparut finalement dans un angle mort de Luigi, probablement motivé à le défendre.

“Et toi? Tu peux faire quoi à part le malmener?”

Azaléa n’a pas répondu. Elle a juste attendu que Luigi se remette du choc pour faire apparaître une petite boule de feu dans sa main. L’aigle a commencé à se moquer quand la princesse a lancé la boule vers le haut. Quand cette dernière atterrit au côté de la princesse, elle se mit à grandir, grandir, grandir, jusqu’à être plus grande que la princesse rouge. Et elle n’avait pas grandit de façon régulière: elle avait la forme d’une femme aux longs cheveux. A la tresse qui maintenait ses cheveux en un semblant de queue de cheval, Luigi reconnut rapidement Edelweiss. Le comportement de cette copie n’avait rien à voir avec une flamme: c’était humain. Et il était évident qu’Azaléa était aux commandes. La copie regarda sa créatrice, attendant un signe. Cette dernière se contenta d’hocher la tête puis la “chevelure” de la flamme parti en tourbillon vers le ciel, s’élevant de plus en plus jusqu’à ce que le reste suive avant de disparaître. Luigi et Luntrell étaient bouche bée.

“Et je peux faire bien plus avec Pyramid à mes côtés, mais vous apprendrez à synchroniser vos forces plus tard.” Elle porta son regard vers Luigi. “Ne me regarde pas comme ça, je ne te demande pas d’avoir ce niveau.”

Elle avait donc vu qu’il était mal à l’aise suite à la performance. Mais qui pourrait se sentir bien en se trouvant à se comparer à une personne aussi douée, et ce, sans prendre de recul?

“S’il te plait, ne me fait pas une Daisy…”

“Une quoi?”

Si Azaléa avait voulu cacher quelque chose, elle se serait montrée surprise et aurait peut-être tenté de corriger ses dires, mais non. Elle regardait Luigi d’un air compréhensif.

“Ne lui dit pas que je te l’ai dit, mais ma petite sœur a quelques problèmes de confiance en elle.”

En l’examinant mieux, elle semblait un peu fatiguée de ce qu’elle racontait.

“Daisy Diamond a beaucoup de capacités, en particulier en leadership. Mais elle a du mal à s’en rendre compte car elle se compare toujours à nous.”

Luigi n’avait pas vu ça. Daisy lui avait semblé optimiste et pleine de vie, et elle n’avait pas peur de monter au front. La princesse groseille expliqua également que le comportement de la potentielle future femme de Luigi était logique: très jeune, elle s’était mise à admirer ses soeurs, en particulier Azaléa car elles avaient six ans d’écart et qu’elle se destinait à l’époque d’être reine. Mais les choses avaient doucement changé avec les années. L’admiration que la plus jeune portait à ses aînées n’a jamais faibli, mais la guerre est arrivée avant son adolescence et a considérablement changé la donne. La disparition brutale de leur mère n’a pas aidé non plus, et c’est comme si Jade avait emmené une partie de Daisy dans la tombe avec elle. L’aînée n’a jamais compris exactement ce qu’il s’est passé ce jour-là, mais elle s’était jurée qu’elle deviendrait plus forte pour ne pas perdre un autre membre de sa famille dans cette guerre. Il était plus que probable que les cinq sœurs avaient cet objectif, mais Daisy avait été empêchée pendant plusieurs années de prendre part aux conflits à cause de son jeune âge. Une décision qui a clairement influé dans son développement.

“Mais… Daisy avait quel âge quand votre mère a disparu?” demanda Luntrell, beaucoup trop curieux pour tenir sa langue.

Luigi aussi était curieux, bien qu’il gardait cela pour lui.

“Elle venait seulement d’avoir 11 ans.”

Luigi repensa à sa première conversation vers Daisy. Il se sentait déjà mal quand il a découvert que Daisy n’avait pas de mère depuis 13 ans, mais savoir qu’elle avait perdu aussi jeune… ça ne pouvait certainement pas être pire. La suite de la matinée se passa dans un calme relativement tendu, mais Luigi n’en a pas voulu à Azaléa: il n’avait jamais perdu de proche dans sa vie, mais il pouvait imaginer la douleur que ça pouvait causer. La princesse devait encore souffrir de cette disparition.


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Pour l’après-midi, Luigi décida de se rapprocher de Waterlily. Cette dernière avait expliqué la veille qu’elle se fascinait beaucoup pour la mécanique et bricolait assez souvent. Quand le garçon vert avait manifesté son intérêt pour cela, elle lui avait vivement conseillé de passer dans son hangar, derrière le château. Il est donc entré par la porte de taille humaine, regardant ce qu’il y avait. Des avions, des bateaux, des sous-marins ou encore des voitures et autres véhicules de combat. La collection était assez impressionnante. En explorant un peu, il vit Waterlily descendre d’une échelle. Il y avait quelques fusils autour d’elle: sur l’avion sur lequel elle travaillait, posé aux côtés d’une boîte à outils, un au pied de l’échelle, et un dernier un peu plus loin. Elle avait aussi un pistolet attaché à sa ceinture. C’est vrai qu’ils étaient encore en guerre et peut-être que leur magie n’était pas toujours suffisante.

“Ah, salut Luigi!” dit-elle en le voyant enfin.

Elle vint également à sa rencontre, tout sourire. Un hyppocampe flottait à ses côtés, une clé à molette sur le nez comme si c’était une moustache.

“Alors? Ça te plait?”

“Vous avez une superbe collection” admit Luigi.

“Pas besoin de formalité, je ne suis pas une princesse, ici.”

La princesse lui fit un tour de ses plus belles pièces, dont un authentique Sky Pop, un avion que le royaume de Sarasaland a longtemps utilisé pour la reconnaissance aérienne. Ils étaient devenus rares depuis que le royaume avait racheté des avions de chasse au Royaume Champignon. Celui-ci était en très bon état, il pouvait même voler, même s' il n’était pas ressorti du hangar depuis 13 ans.

“A cause de cette histoire de guerre?”

Waterlily parut plus gênée.

“Entre autre…"

Il y avait autre chose, c’était évident. Mais encore une fois, c’est Luntrell qui a insisté, et non Luigi. Donc la petite princesse dit ceci après un silence.

“Eh bien, la dernière fois qu’il a été utilisé, c’était moi et Edelweiss à l’intérieur, on était à la recherche de Daisy.”

“Mais… Pourquoi?" demanda Luigi.

Le silence de Waterlily laissa le temps de comprendre qu’une limite a été franchie. Mais avant que Luigi ne puisse lui demander d’oublier cette question, la princesse a soupiré et a commencé à raconter ce qu’il s’est passé.


Daisy avait été enlevée par Tatanga peu après la déclaration de guerre, de manière à avoir un otage de poids. Leur mère avait tenté de la sauver, mais était partie seule. Quand Waterlily et Edelweiss ont décidé de chercher Daisy, elles sont parties sans l’autorisation de leur père, utilisant le Sky Pop pour voler jusqu’à Chai, au nord du pays. Jade n’était pas arrivée. Tatanga n’était pas là non plus. Autour de la piste d’atterrissage ne se trouvait que des corps en parti désintégrés dans un vaste champ luxuriant, et Daisy assise au milieu du carnage, la tête contre ses genoux. Un cervidé à trois yeux était allongé contre elle, visiblement plus détendu. La seule chose qu’elles ont pu tirer de la jeune fille ce jour-là était un faible “je l’ai fait”, puis plus rien pendant les deux semaines qui ont suivi. Le corps de Jade a été retrouvé quelques jours après le retour des trois sœurs, et l’autopsie a révélé qu’elle s’était ouvert le crâne à la suite à un violent choc et s’était vidée de son sang par la plaie avant de mourir. Le cervidé aux côtés de Daisy était d’ailleurs Chrysantheem, son sacran et personne n’a su pourquoi elle avait eu à 11 ans, alors que les sarnars les obtenaient plutôt vers l’âge de 13 ans.


“Mais….” commença Luigi. “Rien n’a indiqué ce qu’il s’est passé? Je veux dire, vraiment passé?”

“Il n’y a que deux personnes qui savent ce qu’il s’est passé pendant ces quelques heures: il s’agit de Daisy et Tatanga. Bien que Tatanga soit vivant et en bonne santé, on a jamais pu le confronter et Daisy a toujours refusé d’en parler.” expliqua Waterlily. “Mais si tu veux mon avis, la petite a dû voir notre mère mourir, ou du moins le coup fatal, puis le choc lui a permit de révéler son sacran prématurément, entraînant la mort de tout un régiment de l’armée de Tatanga dans la foulée.”

Luntrell fredonna puis demanda le rapport entre le sacran et les morts. Il y eut une inspiration prise par l'hippocampe, Abyssal.

“Le sacran de Daisy est un Kameth, un cervidé à trois yeux qu’on estime capable de décider du droit de vie ou de mort sur quelqu’un. Il suffit juste que le choc ait été trop violent pour elle pour qu’elle anéantisse tout ce qu’il y avait autour d’elle.”

Ça semblait cohérent. Mais maintenant, Luigi avait peur de Daisy. Certes, elle avait vécu des choses horribles, mais elle semblait elle-même capable d’en créer. Cette princesse qui, la veille au soir, était une innocente petite chose optimiste et dynamique avait été décrite par deux de ses sœurs comme une personne brisée par la perte d’un être cher qui semblait avoir du mal à se reconstruire.

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