Les contes de l'Eiesia - Un bon arrangement
L’arrivée au palais de Sarasaland se fit dans une fanfare que Luigi n’avait jamais vue. Enfin, ce n’était pas vraiment une fanfare, mais il y avait des gardes partout. Pas de doute, le pays craignait encore une menace. Quand le véhicule fut arrêté, Luigi vit le couloir de gardes ainsi que cinq personnes au sommet de l’escalier qui menait au palais. A cette distance, il ne distinguait que certains traits, mais il pouvait voir que c’était un homme, ainsi que quatre jeunes filles. Là où la jeune princesse portait des couleurs plutôt vives, l’homme était en blanc, et les filles étaient en gris clair. A la coupe des vêtements, ça devait être des uniformes militaires. L’homme avait aussi des cheveux bruns, et pour les filles, ça semblait plus diversifié, entre le brun et le roux. Et enfin, il put sortir du véhicule et aller à leur rencontre.
Il s’inclina poliment devant le roi, se présentant par la même occasion. Il adressa un rapide coup d'œil en direction de ses filles et remarqua qu’elles avaient toutes les yeux bleus. Le plus étrange et que tout les bleus étaient différents, du lavande sombre à un bleu égyptien. Enfin, presque toutes: deux des filles avaient un bleu parfaitement identique.
“Je vous présente mes filles” annonça le roi, commençant par la plus proche de lui. “Azaléa, mon aînée, puis Waterlily, ma seconde, Edelweiss et Thismia, des jumelles,” son regard se tourna derrière Luigi “et Daisy, que vous connaissez certainement.”
Elles avaient toutes des noms de fleurs, les rendant par ailleurs faciles à retenir. Mais le problème allait maintenant être de pouvoir les nommer sans se tromper. Il regarda à nouveau les quatre aînées pour mieux retenir qui était qui.
Thismia et Edelweiss étaient nettement plus grandes que leurs autres soeurs et les distinguer l’une de l’autre était très facile: les cheveux de Thismia s’arrêtait le long de sa nuque, étant par ailleurs plus court que ceux de Luigi, tandis que ce ceux d'Edelweiss étaient beaucoup plus long, arrivant probablement au milieu de ses mollets une fois lâchés. Elles étaient toutes les deux brunes. Waterlily, elle était la moins élancée du groupe, ses cheveux étant d’ailleurs plus rouges que roux. Azaléa, quant à elle, était moins marquante que ses sœurs. La seule chose qui permettrait à Luigi de la distinguer et que ses cheveux étaient les plus roux du groupe. Il tourna brièvement son regard vers Daisy, sachant qu’il pourrait la reconnaître juste à ses vêtements. Bon sang, il espérait que chacune de ces filles aient un style bien à elles qui l’aiderait à les distinguer et pas uniquement cet uniforme.
Il fut ensuite emmené par Waluigi dans les couloirs du château, pour faire une petite visite. C’était bien le même homme que Luigi avait connu: moqueur, un peu méchant, orgueilleux. Mais il avait une certaine retenue par rapport à avant. Il cachait clairement quelque chose.
“Bon,” commença Luigi, se sentant pousser des ailes. “C’est quoi ton problème?”
Waluigi s’arrêta et le regarda, un sourire apparaissant sur son visage, un sourire de mauvais augure.
“Eh bien,” commença-t-il. “Vois-tu, mon cher Luigi, mais je suis fiancé à la princesse Edelweiss depuis 6 mois. Et comme Daisy ne me porte pas dans son coeur depuis un moment, je dois apprendre à me tenir à carreau.” Il se détourna de Luigi, reprenant son chemin. “Mais avec toi ici, ça va être compliqué. J’espère quand même que tu arriveras à sympathiser avec cette peste, c’est ta future femme.”
---
Le reste de la visite s’est passé dans un flou complet pour Luigi. Daisy? Sa future femme? Mais qu’est-ce que Peach avait prévu? La voix de cette dernière le tira de sa transe. Il était seul, dans une pièce avec un immense miroir, son téléphone collé à son oreille. Il commença à interroger la princesse rose, mais la conversation l'énervait de plus en plus. Non, ce n’était pas la conversation. Quelque chose dans cette pièce l’énervait. Quelque chose qui l’observait, qui semblait attendre qu’il le voie, quelque chose qui était en direction du miroir. Calmant son flux de questions, il enregistra brièvement les excuses de la princesse et quelque chose sur le fait de rentrer, mais tout le reste de son attention était sur son reflet. Il s’en approcha, les paroles du téléphone ne devenant que des sons brouillés. Son reflet était parfaitement identique à lui. Enfin, l’était. Il a souri. Le garçon sursauta et lâcha son téléphone à cette vue, puis quelque chose se serra dans sa poitrine. Ce n’était pas agréable, bien au contraire. Mais la contraction devenait de plus en plus forte jusqu’à ce que l’air ne passe plus dans ses poumons. Il se redressa en tentant de trouver un souffle, et vit rapidement son reflet dans le même état que lui, avant qu’une force ne le fasse tomber en arrière.
Quand Luigi put récupérer son téléphone, il était toujours en ligne avec la princesse. Cette dernière lui disait que ça faisait une bonne minute qu’elle tentait de l’appeler. Elle était soulagée, ça sautait aux oreilles. Sa poitrine lui faisait toujours mal, mais c’était supportable. Il mit fin à sa conversation avec la princesse et se redressa, regardant d’abord le miroir. Cette fois-ci, son reflet n’a rien fait d’étrange, laissant donc penser qu’il avait halluciné et probablement fait une crise de panique. Mais quelque chose était différent. C’était comme si quelque chose lui avait été enlevé. Puis un coup à la porte l’a ramené à la réalité.
“Luigi? Tout va bien? On t’a entendu crier.”
C’était une voix de femme. Certainement une des sœurs de Daisy.
“Oui, ça va. Juste une araignée.” menti-t-il.
Le silence laissait sous-entendre que la personne ne le croyait pas. Puis la porte s’ouvrit, dévoilant une femme avec une robe groseille. Luigi eut à peine le temps d’enregistrer que c’était Azaléa qu’un oiseau fonça sur elle, cherchant visiblement à sortir de la pièce. La jeune fille l’attrapa immédiatement, ne semblant pas comprendre ce que c’était. L’oiseau tentait de se défaire de la prise de la princesse, mais cette dernière était apparemment très ferme. La cohue attira le reste de la fratrie, et Daisy put intervenir pour créer une cage en cristal autour de l’oiseau.
“Laissez-moi sortir!” claqua-t-il. “Vous ne pouvez pas me retenir là-dedans!”
L’oiseau… parlait. Comme le cervidé de Daisy, donc. Quel était son nom, déjà?
“Déjà, tu vas te présenter.” expliqua la princesse rouge.
Le volatile éclata de rire.
“Je n’ai pas besoin de me présenter! Je suis le tonnerre vert! Mr.L!”
Le cœur de Luigi manqua un battement, ressentant une vieille histoire qui le hantait parfois dans ses cauchemars, les mêmes où il voyait ce bouffon se délecter du désespoir autour de lui.
“Non. Ce n’est pas ton nom.”
C’est le cervidé qui a parlé -Chrysantheem, oui, c’est ça, Chrysantheem- Elle avait la tête levée vers la cage, son regard croisant le prisonnier. Ce dernier ouvrit son bec pour riposter, mais une voix derrière Luigi attira l’attention de tout le monde.
“Chrysantheem a raison.” commença Edelweiss en étudiant son reflet dans le miroir. Elle était vêtue d’une robe blanc cassé et jaune. “Les noms des sacran veulent dire quelque chose ou dérive d’un mot. Par exemple, Chrysantheem vient du terme chrysanthème, ou Vermant qui est un fleuve” la suite semblait plutôt adressée à Luigi. “Le sacran d’Azaléa se nomme Pyramid, celui de Waterlily Abyssal, Thismia est accompagnée d’Apente, un mot qu’on pourrait traduire par “gorge” ou “canyon”, et le mien s’appelle Mountain.” Elle se tourna enfin vers l’oiseau. “Alors, quel est ton nom, aigle d’Acerim?”
L’oiseau, effectivement un aigle, bien que gris et avec une espèce de masque sur le visage étudia Edelweiss. Luigi n’avait pas remarqué son foulard vert plus tôt, à cause de l’agitation.
“Luntrell. Mais ça ne veut rien dire.”
Edelweiss se tourna de nouveau vers le miroir.
“Ca vient de la même langue qu’Apente, la langue que parlait nos ancêtres. En l'occurrence, Luntrell veut dire “lune”.”
Il y eut un silence, mais Daisy libéra l’oiseau.
“Au fait, tu t’es regardé dans le miroir?”
Le garçon vert se tourna vers la brune aux cheveux longs. Leurs regards se croisaient sur la paroi vitrée. Il ne put que hocher la tête.
“Eh bien, ça explique d’où sort ce sacran.”
Le regard de l’homme se posa à nouveau sur l’aigle, comprenant que, oui, cette partie de lui qui semblait manquer était bien devant ses yeux.
---
Le dîner se passa dans le calme. Luigi découvrit à ce moment-là que les sacrans n’avaient pas besoin de s’alimenter et ses quelques questions furent remises à plus tard.
Il retrouva finalement la fratrie et Waluigi après le repas dans un salon qui semblait dater du siècle dernier, malgré la présence de bornes d’arcade, d’une télévision et quelques consoles rétros. Une salle de jeu aménagée par les filles, supposa-t-il. Le groupe était toujours silencieux quand ils prenaient tous place dans les coussins et canapés installés dans la pièce. Et enfin, Azaléa prit la parole.
“Donc, tu ne savais pas que tu allais épouser DD?”
“Rien n’est décidé” répondit Daisy avant que Luigi ne puisse hocher la tête. “Et notre correspondant s’est mis d’accord avec la Princesse Peach pour qu’on ne lui en parle pas dans un premier temps, pour éviter de le perturber.” elle adressa ensuite un regard noir à Waluigi. “Mais bien sûr, c’est trop compliqué à comprendre pour certains!”
Waluigi n’a pas baissé les yeux, au contraire: il regardait les yeux de Daisy, cherchant visiblement à la provoquer. Cette dernière commença à se lever mais fut rapidement arrêtée par la princesse aux cheveux courts.
“C’est bon, vous vous battrez un autre jour.” Thismia approcha ensuite sa sœur d’elle et lui murmura quelque chose qui semblait la satisfaire car elle ne s'était pas relevée après.
L’incident passé, Daisy expliqua qu’elle s’était faite à l’idée d’épouser un inconnu depuis quelques années, mais elle voulait davantage connaître Luigi avant que tout les deux prennent une décision. Quitte à épouser un étranger, autant essayer de le connaître un minimum, non?
Le garçon vert ne put qu’acquiescer, saluant mentalement le courage de cette jeune fille.
“On te conseille de passer du temps avec elle, tu pourras ainsi mieux la connaître.” suggéra Waterlily.
“Hé, nous aussi on doit te connaître!” intervint Thismia. “J’ai pas envie de me retrouver avec un deuxième Waluigi dans la famille.”
Cette fois-ci, le grand homme parut offensé, tentant directement de répliquer. Edelweiss l’a arrêté, ne souhaitant pas envenimer la situation.
“On pourrait commencer ce soir.”
Tous les regards se posèrent sur Luigi. Ce dernier déglutit difficilement avant d’admettre qu’il préférerait en apprendre plus sur les sacrans pour le moment, étant lié à une de ces créatures. Edelweiss se fit un plaisir de lui expliquer le vrai rôle des sacrans, leur lien avec l’humain et la magie, leur origine supposée du monde des rêves et le fait qu’ils partageaient leur souvenir avec la personne à qui ils étaient liés. Elle dit également que la forme des sacrans étaient d’origine génétique, mais qu’ils pouvaient aussi prendre une forme divine, comme ceux des sœurs. Ceux de formes divines étaient reliés à des dieux qui avaient pour but de protéger le royaume ainsi que l’équilibre du monde.
“Oh, comme les Esplis?”
“C’est mieux que les Esplis!” reconnu l’aînée. “Nos dieux contrôlent le monde. Par exemple, Totomesu est lié au feu, mais on le présente aussi comme le gardien du savoir.”
“Et les éléments des Esplis sont quelques peu étrange, puisqu’il y a trois éléments primordiaux et un élément secondaire.” continua Edelweiss.
C’est vrai que vu comme ça, les dieux de Sarasaland avaient l’air mieux. La princesse aux cheveux longs lui proposa de venir le voir plus tard pour avoir plus d’informations à leur sujet, et la soirée continua ainsi.
Quand tout le monde se retira pour dormir, Luigi fut interpellé par une voix à laquelle il avait du mal à s’habituer.
“Hé, le pied de menthe!” dit Luntrell en se posant sur un meuble vers Luigi.
Le garçon ne répondit pas, continuant son chemin.
“Luigi!” retenta l’oiseau en volant pour le rattraper. “Ecoute-moi, c’est important!”
“Quoi?”
C’était sorti de manière beaucoup plus froide que Luigi ne l’avait prévu. Il le regrettait déjà, cette façon de parler n’était pas dans ses habitudes.
“Bon, je sais que tu ne m'apprécie pas encore, mais je veux t’aider.” continua l’aigle en se posant sur l’épaule du garçon.
Cette fois, le plombier concentra son attention sur son compagnon de fortune, ses pieds continuant machinalement leur chemin.
“Daisy peut te montrer ce qu’elle veut. Tu ferais mieux d’essayer d’interroger ses sœurs de ce qu’elles voient en elle.”
“Mais…. comment? Elles sont très complices.”
“Mais elles sont honnêtes, elles te diront si la gamine a de mauvais côtés.”
Luigi réfléchit puis acquiesça, promettant de profiter de la nuit pour prendre en compte les conseils du sacran, entrant finalement dans sa chambre pour se reposer.