Les contes de l'Eiesia - Un bon arrangement
Luigi était sur la route du château, seul. Il aurait certainement trouvé cela normal, ayant l’habitude d’y aller pour retrouver son amie Toadette. Mais la princesse Peach l’avait convoqué en urgence, et uniquement lui.
En entrant dans le bureau que la princesse occupait, le plombier vert remarqua sa décoration assez impersonnelle, si ce n’est cette photo de Mario et la princesse posée sur le bureau au centre de la pièce. Il la reconnaissait bien: c’est lui qui l’avait prise alors qu’ils étaient tous les trois passer une journée au lac. Il s’était éloigné pour se promener un peu et en revenant, il les avait vu et figés dans un instant de tendresse. C’était d’ailleurs pour cela qu’aucun des deux modèles ne regardait dans sa direction, il n’avait pas pris la peine de les prévenir de sa présence.
“Bonjour Luigi. Je suis contente que tu aies pu faire vite.”
Ah. Il était tellement préoccupé par la photo qu’il en avait presque oublié la princesse. En la regardant, il ne vit pas son sourire naturel et doux, mais une expression plus sérieuse, voire… grave. C’est bon, il était inquiet. Mais il n’avait pas besoin de parler puisqu’elle prit une inspiration avant de prendre la parole.
“Vois-tu, j’ai une mission de la plus haute importance pour toi. Tu connais Sarasaland?”
Qui ne connaissait pas Sarasaland? Un royaume prospère et allié historique du Royaume Champignon qui, du jour au lendemain, s’est complètement coupé du monde, rappelant ses natifs expatriés de par le monde et renvoyant les différents ambassadeurs qu’ils avaient de leurs alliés. Luigi avait 14 ans quand c’était arrivé. Et il s’en souvient très bien: un garçon nommé Waluigi était natif de là-bas et n’avait cessé de le harceler avant le déménagement brutal de sa famille. Donc, le plombier répondit par l’affirmative, et la réponse sembla satisfaire son interlocutrice.
“Eh bien, vois-tu, ils m’ont contacté pour me dire qu’ils étaient à même d’ouvrir exceptionnellement leur frontière après 13 ans de silence. Toutefois, ils m’imposent d’envoyer un seul homme sur le territoire.”
“Quoi? Votre altesse, non! Vous devez faire erreur!” s’exclama-t-il, comprenant maintenant pourquoi il avait été convoqué.
“Non, Luigi.” répondit la princesse rose bonbon. “Tu es la personne parfaite pour cela. Tu as juste à rencontrer la famille royale et à me faire un rapport sur eux. Ensuite, si ça se passe bien, tu auras une autre mission.”
L’air grave de la princesse était toujours là, figé. Mais malgré cette horrible sensation qu’un piège s’était refermé sur lui, il accepta sans déglutir.
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Luigi arriva finalement à Sarasaland en train, seul. Enfin, pas tout à fait. Il était dans une gare à quelques kilomètres de la frontière et devait être récupéré par deux personnes qui lui ferait office d’escorte. La gare étant déserte, il vit rapidement un véhicule avec deux individus appuyé contre ce dernier. Il commença à s’approcher, et les deux personnes se tournèrent vers lui. L’une d’elle… l’homme…. non… ce n’était pas…
“Tiens, salut Luigi!”
Si. C’était Waluigi. La gorge de Luigi se serra.
“Vous vous connaissez?” demanda la jeune fille à ses côtés.
“Une vieille connaissance.”
Il y eut un silence.
“Je suppose que lui aussi a été victime de ton harcèlement.” reprit la fille.
Un autre silence.
“Remarque, ça vous fait un point commun” admit le grand homme en ouvrant la portière conducteur. “Montez à l’arrière, vous ferez connaissance sur le chemin.”
La fille partit ouvrir le coffre vide et laissa Luigi y déposer sa valise. Puis ils montèrent chacun d’un côté du véhicule. Une fois qu’elle fut installée, Luigi prit plus de temps pour l’observer.
Elle était jolie, certainement autour des 25 ans, de taille moyenne, mais aussi plutôt svelte. Sa peau était légèrement brune, comme si elle avait passé toute sa vie sous le soleil méditerranéen. Sa chevelure était un mélange parfait entre le roux et le brun. Ses yeux, quant à eux, étaient d’un bleu que Luigi n’avait jamais vu sur un humain. On aurait dit que deux pierres précieuses avaient été greffées à la place de ses iris. C’était magnifique et, bon sang, les seuls yeux que Luigi avait trouvé magnifiques jusqu’alors étaient les yeux de Pauline. Ceux-là étaient plus chauds que ceux de son amie brune, et malgré la face neutre de la jeune fille, ils étaient plein d’espièglerie. Ses vêtements, quant à eux, étaient dans un style assez unique: un T-shirt viride et un jean bleu. Autour de sa taille se trouvait une veste dans une teinte de jaune avec un motif blanc sur le bas.
“Ce n’est pas très poli de regarder les gens comme ça.” dit-elle.
Ah, il la fixait depuis trop longtemps pour que ce soit naturel. Il s’empressa de tourner la tête et de bafouiller un “mes excuses”, puis il y eut un silence.
“Sans mauvais jeu de mots, tu parles beaucoup dans ta moustache!” il pouvait clairement entendre un sourire dans sa voix. “Et tu ne m’as pas l’air bavard non plus. Luigi, c’est ça?”
“Il est assez timide” intervint Waluigi, les yeux rivés sur la route. “Il était toujours avec son frère quand nous étions jeunes. Et on voyait clairement qui était le chef.”
La jeune fille ne semblait pas prêter attention aux paroles du conducteur, elle tendit sa main vers le plombier. Le remarquant, Luigi la serra poliment.
“Daisy.” dit-elle pour se présenter. “C’est un plaisir de te rencontrer!” ajouta-t-elle dans un sourire franc.
“De même.” admit Luigi, ne pouvant s’empêcher de sourire devant l’expression communicative de la jeune fille.
“Si tu as des questions, n’hésite surtout pas, je me ferais un plaisir de te répondre.”
C’était une introduction assez simple, donc il demanda simplement ce qu’il c’était passé il y a 13 ans. Daisy commença à réfléchir puis répondit simplement:
“Eh bien… beaucoup trop choses pour être résumées simplement… mais je vais essayer. On a subi une invasion extra-terrestre qui a réveillé les gardiens de Sarasaland et libéré toute la magie qu’ils avaient enfermé dans leur repos. Donc on a dû rappeler tous les natifs et ceux à ascendance forte avec le royaume pour éviter les dégâts. Bon, on a réglé une partie du problème, mais c’est loin d’être complètement terminé.”
Luigi avait du mal à comprendre ces histoires de magies. Il n’était pas vraiment familier avec leur culture et ne se sentait pas concerné.
“Tu oublies que nous sommes liés à des petits animaux qu’on nomme sacran” dit Waluigi sans quitter les yeux de la route.
“C’est vrai. Mais je pense qu’ils pourront en parler mieux moi.” dit Daisy en se tournant vers le coffre dépourvu de plage arrière. “Hein Chrysantheem?”
Luigi regarda aussi et vit un petit cervidé et un vautour, tous les deux portaient un certain intérêt à sa valise. Il était pourtant sûr qu’il n’y avait que sa valise dans le coffre. Le quadrupède releva la tête vers la fille.
“Hein? Quoi?”
Sa voix était féminine et rauque, créant un effet assez étrange à entendre.
"Les sacrans, tu peux expliquer ça mieux que moi."
Le cervidé regarda Luigi, comprenant apparemment ce qu'on attendait d'elle.
"Les sacrans, c'est les entités comme moi et Vermant. Nous sommes liés aux Sarnars, le peuple qui vit à Sarasaland."
"Pour être exact," repris le vautour avec une voix féminine et douce, "nous possédons la magie de ceux à qui nous avons été liés. Mais cela ne nous empêche pas d'avoir notre personnalité et libre arbitre."
Daisy reprit ensuite la parole.
"Chrysantheem est mon sacran. Et Vermant est celui de Waluigi. Elles sont liées à nous depuis près de treize ans."
Elle parlait comme si c’était normal. Mais si elle vivait ainsi depuis 13 ans, ça devait l’être. Quoiqu’il en soit, ça donnait une bonne idée à Luigi de ce qui l’attendait sur place.
Il vint ensuite la demande d’informations sur la famille royale, chose que Peach semblait tenir à savoir.
“Daisy est la plus jeune fille du roi” répondit Waluigi sans avoir été invité à parler. “Il en a eu quatre autres avant elle, le tout avec la même femme, Jade II, dite l’Orgueilleuse. Entre nous, Daisy est autant une peste que feu son altesse.”
“Concentre-toi sur la route!” grogna la jeune fille en guise de réponse.
Ils ne s’entendaient pas vraiment, et Luigi le sentait. Tant et si bien qu’un détail manqua de lui échapper.
“... feu?” demanda-t-il.
“Jade est décédée il y a treize ans, peu après la fermeture des frontières.”
Luigi commença à bafouiller des excuses en direction de la princesse, disant qu’il ne voulait pas revenir sur un sujet aussi dur, mais cette dernière l’arrêta, disant que ce n’était pas de sa faute. Un silence lourd s’installa après ça, malgré les quelques tentatives de la jeune fille de relancer une conversation.