Trafic
Chapitre dix
Révélations
Zespatto est particulièrement agacé. Son patient était dans un état d’agitation anormal et commençait même à convulser. Sans l’administration rapide d’un traitement, il aurait retrouvé le colonel Sheppard en pleine crise d’épilepsie. Pourquoi diable de tels antécédents n’étaient pas inscrits dans son dossier médical ? Fort heureusement pour DiNozzo, à aucun moment il n’était venu à l’esprit du médecin que la crise convulsive pouvait résulter d’un traitement inapproprié. Heureusement également que l’intervention rapide des médecins ait évité de lourdes conséquences au geste maladroit de Tony.
De l’autre côté de la cloison amovible, l’agent du NCIS se décontracte enfin. Quinze minutes d’un stress intense et limite insupportable. Un quart d’heure à se demander s’il pourra encore se regarder dans un miroir. Un comble pour DiNozzo !
N’y tenant plus, il interroge le médecin.
- Docteur ? Comment va John ? Cela va aller n’est-ce pas ?
Le médecin entre dans le box de Tony et tarde à répondre. Il cherche ses mots puis réplique avec prudence.
- Agent DiNozzo. Oui, ne vous inquiétez pas. Heu… Est-ce que le colonel a repris connaissance avant de faire ses convulsions ? Vous a-t-il parlé ?
- Non, il a juste gémi.
- Bien.
Le médecin s’assoit à une petite table qui fait face à Tony.
- Je vais faire un courrier à mon confrère de Cheyenne Mountain. Il n’y a aucune raison pour vous garder plus longtemps dans nos locaux.
- Justement docteur Zespatto. Puisque vous en parlez, j’aimerai savoir… où sommes-nous exactement ?
- Vous êtes dans l’infirmerie d’une base située à la frontière canadienne. Après votre atterrissage un peu rocambolesque, nous avons du parer au plus urgent, c’est à dire vous soigner au plus près. Cependant maintenant votre supérieur, l’agent… Grimms, vous attends à Cheyenne Mountain.
- Gibbs ?
- Oui, c’est ça, Gibbs.
Le médecin s’atèle à l’écriture de ses transmissions.
- Bon, je vous fais grâce des politesses… gnagnagna… je vous serai grès de bien vouloir prendre en charge… gnagnagna… le patient DiNozzo Anthony qui présentait une plaie par perforation à la cuisse…
En entendant le docteur lire la lettre au fur et à mesure de sa rédaction, Tony prend conscience de son réel statut de malade. La douleur, qu’il avait totalement mise en stand by pour optimiser sa nature enquêtrice, se réveille brutalement.
Sa cuisse d’abord… étrange sensation d’une présence étrangère qui grince comme un boulon rouillé. Son ventre ensuite, avec la jolie cicatrice qu’avait caressé la belle Katia. Pas si douloureux que cela, juste une légère démangeaison liée aux fils. Toute sa peau enfin, à qui Tony vient de donner le signal de départ pour reprendre vie. Chaque mouvement, chaque souffle d’air qui le frôle est une véritable torture. Comment a-t-il fait pour ne pas en souffrir plus tôt ? Comment a-t-il pu oublier son passage par le thuya, rabot biologique pour épluchage 100% naturel ?
Maintenant que le docteur Zespatto termine l’énumération de ses lésions, superficielles, mais ô combien nombreuses, Tony ne peut plus que se recroqueviller dans son lit, en espérant que quelqu’un lui octroie un salutaire calmant. Sa demande, bien que non exprimée oralement, transpire par chacun de ses pores. Avec un grand sourire, le docteur se lève.
- Je vais vous administrer un calmant. Avec ceci vous n’aurez plus mal et vous pourrez vous détendre un peu.
Le médecin se tourne vers l’infirmière qui veillait au repos du colonel Sheppard.
- Alors ?
- État stable docteur. Sa fréquence respiratoire est presque revenue à la normale. C’est quand même curieux.
- Bien, donner un antalgique à monsieur DiNozzo.
Du coin de l’œil, Tony voit l’infirmière faire un signe de tête au médecin. Nul doute que ces deux là ont une autre idée, derrière la tête, justement !
La femme en blanc prend place au côté du médecin et injecte un produit laiteux dans la perfusion de DiNozzo. Ni l’infirmière, ni le médecin n’ont pris la peine de vérifier le bon état veineux du patient. Si cela avait été le cas, ils n’auraient pas manqué de s’étonner que le cathéter soit dans un paquet de coton et non dans la veine du patient. Tant pis pour eux. Tant mieux pour DiNozzo.
Le médecin le regarde toujours avec son sourire stupide qui maintenant semble particulièrement désagréable, voire sadique. L’infirmière caresse d’une main le front de Tony, repoussant quelques mèches. DiNozzo a bien du mal à garder son sang-froid. Il regarde la jeune femme avec surprise. Elle le regarde avec gourmandise. Décidément le personnel paramédical n’est plus ce qu’il était ! L’infirmière est jolie et sa voix est douce.
- Dors bien joli cœur.
- Liv !
- Voyons, docteur, de toute façon dans quelques secondes il ne sera plus conscient. Qu’importe mes derniers mots, ils se perdront dans ses songes.
- Sans doute Liv, mais conscient ou non, vous devez à vos patients un minimum de respect.
L’infirmière se penche vers Tony au moment même où celui-ci ferme les yeux, faisant semblant de s’endormir et fuyant par la même occasion le regard aguicheur de l'infirmière.
Celle-ci pose ses lèvres sur le front de son patient.
- Liv !!
- Ben quoi ? Je ne fais que contrôler sa température !
Sur ses mots, l’infirmière se retire en riant, laissant le médecin pantois. Ce dernier se contente de lever les yeux au ciel avant de lancer une dernière demande à l’infirmière.
- Puisque vous retournez à la passerelle, dites-leur que le patient est prêt pour être téléporté au SGC.
- Bien docteur.
Alors que la porte se referme sur son chuintement caractéristique, le docteur Zespatto vaque à ses occupations de médecin. Après quelques minutes de silence qui paraissent durer des heures pour DiNozzo, le médecin se penche vers lui comme pour lui faire des confidences. Tony ne bronche pas, essayant tant bien que mal de rester inexpressif.
- Ciao signore DiNozzo. Penso che le nostre strade non c’incontrerano più. Finalmente voi occuparme de signore Sheppard senza che nesu me vede.
Si DiNozzo comprend parfaitement le sens de la première phrase (Au revoir monsieur DiNozzo. Je pense que nos chemins ne se croiseront plus), la seconde qui est en patois, lui est de prime abord totalement incompréhensible. Étonnant comme deux mots très similaires peuvent sembler si différents selon l’accent de celui qui les prononce. De toute évidence le docteur Zespatto est originaire du nord de l’Italie, Frioul ou Trévise ? Qu’importe l’accent… il est doux et chantant et c’est bien rassurant pour DiNozzo d’entendre sa langue familiale en de si pénibles moments. DiNozzo ne cherche pas à résoudre cette énigme si secondaire en l’instant. Il préfère se laisser aller et se détendre au maximum. Ce qui est bien difficile. Maintenant que le médecin est persuadé de son inconscience, il est fort peu probable qu’il puisse bénéficier d’un calmant, un vrai !
***
Jethro Gibbs sort de la salle d’interrogatoire comme si de rien n’était. Il adresse un grand sourire au docteur McKay qui le lui rend tout naturellement. Gibbs se tourne vers le Général Landry, mais leur dialogue est interrompu avant même d’avoir commencé. Un sous-fifre vient d’entrer, portant un rudimentaire plateau avec une tasse fumante de café, posée dessus en équilibre précaire.
- Votre café mon général.
- Merci soldat !
Landry tend le bras pour accueillir le chaud nectar, quand une main, puis un bras le frôle. Comme hypnotisé par l’audace du membre qui vient de se glisser devant lui, le général Landry se contente de suivre des yeux le mouvement. Interloqué, il reste spectateur du bras qui passe une seconde fois sous son regard. A peine si le général a le temps de réaliser que la main détient un verre cartonné, que Gibbs a déjà fini de boire le café noir.
Un pauvre soldat tenait en son plateau un café chaud
Un satané Gibbs vînt à passer
Deux mouvements de bras et pas un mot
Le café avait été dérobé !
Le général furieux se mit à beugler
Qui avait osé voler son breuvage ?
Mais devant le voleur au regard d’acier
Général ou pas il n’y a plus de courage.
Le soldat repart bredouille
Le général se tait et ronge son frein
L’un se sent particulièrement nouille
L’autre se crispe les mains.
Mais ce que l’histoire ne dévoile point
C’est qu’un témoin de cette malice
Pour ne sourire que d’un coin
Était également au supplice.
McKay, c’est tout en son honneur
Su y mettre tout son cœur
Mais c’était bien avant
Qu’une phrase sans importance
Lâchée par le fautif agent
Ne brise toutes ses résistances.
Quand Gibbs sortit ces mots à tord:
Mais ce café n’est pas assez fort !
Pire que la réaction du général
Une crise d’apoplexie magistrale,
Fut le fou rire de McKay
Que l’histoire taira à jamais
Sans aucun doute pour préserver le jeune lecteur
Ou par manque d’imagination de son auteur.
Gibbs regarde McKay avec l’œil étonné du naïf qui découvre la bonne blague. Comme s’il était hermétique à tout ce qui peut perturber le genre humain, l’agent pose la tasse vide sur le rebord de la vitre sans tain et retourne illico auprès du caporal Nirvel. A peine a-t-il fait un pas dans la pièce que le soldat se lève et se jette sur le miroir.
- Sortez-moi de là ! Ne me laissez pas avec ce malade ! Au secours !
Gibbs sourit dans le dos du militaire, plus hystérique que jamais. Nirvel se retourne vers l’agent dont le visage s’est de nouveau figé.
- Ne m’approchez pas !
Nirvel est tétanisé par une frayeur incontrôlable. Gibbs quant à lui est lisse comme le marbre, totalement impénétrable !
- Qu’est-ce que vous arrive caporal ? Un peu de sang froid tout de même !
Gibbs désigne du doigt la petite caméra au coin du plafond.
- Pensez que ces images immortalisent vos derniers instants….
Le militaire retient sa respiration. Sa lèvre inférieure tremble de façon incoercible. Gibbs finit sa phrase avec un léger temps de décalage.
- …parmi nous.
Nirvel n’en peut plus. Il se colle au miroir et le frappe de ses deux points serrés.
- Au secours !! Je vous dirais tout ce que je sais, mais ne me laissez pas avec ce tueur !
Gibbs explose de rire.
- Et vous croyez qu’ils vont vous croire ? Laissez-moi deviner ? Derrière cette vitre, je parie qu’il y a le général Landry qui boit tranquillement son café noir… pas très fort mais sans sucre. Je l’imagine serein et détendu, pas le moins du monde impressionné par cette petite démonstration. Quant à moi, je réitère pour la dernière fois ma question. Que choisissez-vous ?
- Hein, heu…quoi ? Comme mort ?
Gibbs rit de plus belle et regarde de façon très exagérée la caméra.
- Qu’allez-vous donc imaginer soldat ?!
Puis il fait un discret clin d’œil que seul Nirvel et les spectateurs cachés de l’autre côté du miroir peuvent apercevoir.
Nirvel se tétanise puis fixe Gibbs avec un regard qui s’illumine d’une subite lucidité.
- Vous êtes indubitablement un malade. Vous allez vraiment le faire n’est-ce pas ?
Sans attendre la moindre réponse de l’agent du NCIS, Nirvel se pose droit sur ses jambes face à la caméra. Sa voix calme et lente prend de plus en plus d’assurance à mesure que ses révélations s’enfoncent dans l’horreur.
- Ce trafic est l’idée du major Lance Warwick. Il est affecté au site alpha et au maintient de son ravitaillement. Il a pour mission de s’assurer qu’il y a tout ce qu’il faut au cas où une retraite urgente serait nécessaire. C’est une tâche ingrate qui n’octroie ni respect ni honneur. Personne ne prête plus attention à ce qu’il transporte dans ses chargements. Les inspections se sont faites de plus en plus rares. En tout cas il ne rencontre aucun obstacle que quelques billets verts ne puissent surmonter. C’est ce qui lui a donné l’idée de faire du trafic avec les armes Goa’ulds. Dernièrement son commerce s’est enrichi de quelques exemplaires en provenance d’Atlantis. Des grenades surpuissantes d’origine wraiths.
Les yeux du caporal brillent d’une étrange lumière. Il semble en adoration devant le pouvoir des armes dont il faisait le trafic.
- J’ignore qui est son fournisseur pour le matos d’Atlantis. Seul Lance pourra vous donner son nom. Moi, je ne suis qu’un contact parmi tant d’autre. Mon rôle se bornait à mettre en relation Warwick avec des acheteurs potentiels. Je ne connaissais que Gloria et Morgan… Ah si, il y avait aussi un gars de la NAVY, un certain Yan Anderson. J’ai appris qu’il avait été déchiqueté dans l’explosion de son navire.
Le caporal Nirvel semble avoir oublié son statut de prisonnier. Il exhibe le sourire de celui qui raconte une bonne blague.
- Paraît que c’était un vrai carnage et que l’on ne savait plus très bien ce qui était humain et ce qui ne l’était pas. Bref des tas de petits bouts de chair ridicules sur de la tôle brûlée. Une pierrade géante… ha, j’aurais aimé voir ça ! L’inconscient a du manipuler les nouvelles grenades de Warwick, celles qui proviennent d’Atlantis. Elles sont esthétiquement très tentantes mais aussi diablement efficaces. Anderson en a fait les frais. Quel gâchis… tout ce matériel de perdu.
Sans un mot, Gibbs se dirige vers la porte. Tout en tournant le dos à Nirvel, il conclue ses explications.
- L’explosion a fait cinq morts dans les rangs de la marine. Je doute que les familles des victimes seraient enchantées de connaître votre point de vue.
- Est-ce que je peux aller aux toilettes maintenant ?
Sa question reste sans réponse. Gibbs a refermé la porte derrière lui sans accorder le moindre regard au caporal.
De l’autre côté, le général Landry l’attend de pied ferme. Il avait l’intention de se montrer outré et scandalisé par les manières de l’agent. En fait, c’est davantage la disparition de son café qui le met en rogne, que les techniques d’interrogatoire du NCIS. Cependant, face aux résultats de Jethro Gibbs, Landry prend sur lui la perte prématurée de sa précieuse dose de caféine.
- Félicitation agent Gibbs. Nous allons rapidement arrêter le major Warwick et faire un peu de ménage auprès du personnel corrompu. Je pense que dorénavant le colonel Sheppard et l’agent DiNozzo seront parfaitement en sécurité. Nous vous devons une fière chandelle… et vous me devez un café noir… PAS TRES FORT et sans sucre !!! Maintenant je ne veux plus vous avoir dans mes pattes. L’agent DiNozzo sera bientôt là. Récupérez votre colis puis déguerpissez et surtout oubliez tout ce que vous avez cru voir et comprendre !
McKay qui jusque là était resté en retrait ne peut s’empêcher d’intervenir.
- Je vous trouve relativement injuste général. L’agent Gibbs a …
Sa remarque reste en suspend. Gibbs et Landry sont totalement hilares. Landry attrape le bras de Gibbs et l’entraîne avec lui.
- Venez agent Gibbs.
- Où m’emmenez-vous ?
- A la machine à café. J’aimerai connaître la façon dont vous gérer vos hommes. J’ai ouï dire qu’elle était très efficace. J’avoue que je rencontre quelques difficultés avec certains spécimens.
McKay resté seul ne peut que conclure.
- Décidément je ne comprendrai jamais les militaires.
Sur ses mots, il disparaît à son tour dans les couloirs du SGC, laissant Nirvel seul avec ses troubles sphinctériens.
***
DiNozzo a bien des difficultés à rester stoïque. Autour de lui, tous agissent comme s’il était quantité négligeable. Bon, si on excepte l’ego qui en prend pour son grade, il faut bien avouer que cela a quelques avantages. En premier lieu celui d’écouter sans en avoir l’air ce que l’on est sensé ignorer. De ce point de vue, Tony DiNozzo s’en donne à cœur joie. Durant son transfert en brancard de l’infirmerie jusqu’à une grande salle, en transitant par un long dédale de couloirs, il a eu son lot de révélations. D’abord la confirmation de l’existence du Daedale en tant que vaisseau spatial.
Vaisseau spatial.
Rien que ces deux mots lui donnent une sensation d’euphorie à mi-chemin entre l’excitation et l’angoisse. D’autres paroles, plus étranges, abordent les termes chers à la science fiction d’hyperespace, de guerre contre des aliens et tant d’autres choses encore que Tony finit par se fermer complètement ou presque…
Soudain une voix ponctuée par un étrange hoquet annonce une téléportation sous dix secondes. Tony ne peut garder plus longtemps les yeux clos. Il entrouvre un œil tombant malgré lui sur la baie vitrée du Daedale. Oubliant son statut supposé de comateux, il ouvre tout rond ses mirettes sur le spectacle magnifique de notre planète bleue. La Terre est sublime. Bien plus que dans tous les films dont Tony s’abreuve sans fin. En cet instant, DiNozzo est le héros de son propre film. Scénario improbable où un terrien se découvre infiniment insignifiant. Petite bête perdue dans une galaxie plus vaste que ses rêves.
DiNozzo s’émerveille silencieusement. Dix secondes de bonheur, dix secondes à jamais gravées dans sa mémoire.
Un flash blanc et le voila loin de son fantasme d’immensité. Il est au SGC.
Tony referme aussitôt ses yeux. Peut-être pour leurrer les militaires de Cheyenne Mountain… à moins que ce ne soit pour faire perdurer encore un peu le plaisir de sa dernière vision et imprimer l’image de la Terre sur ses rétines. Une Terre vue d’en haut… de si haut !
Une voix torturée par un haut parleur pénètre ses songes sans pour autant l’en extraire.
- Daedale, nous avons bien reçu le colis. Vous pouvez partir. Bon voyage !
Voilà. L’aventure s’achève donc là. Tony DiNozzo pense à Sheppard qui quitte à jamais son existence. Adieu l’unique témoin de leur mésaventure. A qui Tony pourra raconter et confier son histoire ? Qui le croira ?
Tony sourit intérieurement. Abby bien sur ! Avec elle il est certain d’avoir un auditoire captivé et attentif. Gibbs ? Non, il est trop cartésien. Aux premiers mots il donnerait à Tony une tape sur la tête avec un tonitruant TONY !!
DiNozzo en est encore à imaginer sa rencontre avec son supérieur quand un « Tony » tout doux lui est susurré à l’oreille. L’agent n’y prête pas vraiment attention, imaginant qu’il ne s’agit que d’une illusion auditive liée à son imagination. La réalité et la fiction lui semblent si infiniment unie ces derniers temps.
TONY !!
Le cri est si fort que DiNozzo se redresse d’un bond sur son brancard, les yeux grands ouverts et fixés droit devant. Tout juste s’il n’est pas au garde à vous avec la main en un très protocolaire salut militaire !
- Présent patron !
Tony ne réalise qu’il a parlé qu’en entendant le son de sa voix et en voyant le visage souriant de Gibbs. Ils sont dans une pièce sombre, plus proche du bureau désaffecté que d’une infirmerie douillette. Gibbs et Tony échangent un regard curieux.
Tony semble surpris. Il penche légèrement sa tête de côté et fronce les yeux comme pour mieux accommoder sa vue. De fait, il ne sait plus très bien ce qui relève du réel et ce qui n’est que le fruit de ses fantasmes… quoique Gibbs ne ferait pas à proprement parler parti d’un fantasme !
- Patron ?
Gibbs rigole franchement. Sa voix est chaude et étrangement très habituelle malgré les circonstances.
- Qui d’autre voulez-vous que ce soit ?
***
A bord du Daedale, le colonel Caldwell fulmine. Son vaisseau vient de prendre le chemin d’Atlantis et tout semble normal, pourtant c’est loin d’être le cas. Le commandant du vaisseau est dans l’attente d’un nom. Caldwell est soucieux. Et si le traître qui fournissait les grenades wraiths était un membre de son personnel de vol. Cela lui semble si inconcevable. Pourtant…
***
Le vortex s’ouvre sur l’équipe de retour du site alpha. Les soldats sont penauds. Le général Landry les accueille avec surprise.
- Que s’est-il passé sur P4X-650 ? Où est le major Warwick ?
- Il s’est donné la mort dès qu’il a su le but de notre mission.
- Comment cela est-il possible ?
- Les rumeurs vont vite, surtout quand il s’agit de trahison. Celle d’un trafic impliquant des membres du SGC et même d’Atlantis avait franchi la porte bien avant nous. Dès que le vortex s’est refermé derrière nous, il y a eu une explosion aux abords de la montagne. Voici tout ce que nous avons réussi à sortir des décombres.
Le soldat exhibe à bout de bras une plaque d’identité au nom de Warwick.
Le général ne peut cacher sa colère et sa suspicion.
- Est-on certain qu’il soit bien mort ?
- Le détenteur de cette chaîne était bien mort, ça je peux vous l’assurer mon général. Maintenant il sera impossible d’affirmer avec certitude qu’il s’agissait bien de Lance Warwick. Cependant, nous avons fouillé toute la base et nous n’avons trouvé nulle trace de notre homme. De plus, personne n’est porté manquant. C’est plutôt bon signe.
Landry est perplexe.
- Bien. Cela ne résout que partiellement notre problème.
***
Gibbs et Tony sont silencieux. Une vitre épaisse les sépare du chauffeur qui conduit la voiture officielle de l’armée. Depuis leur départ de Cheyenne Mountain, DiNozzo et Gibbs n’ont échangé que des mondanités sur la qualité du véhicule du SGC. Soudain la voix rocailleuse du conducteur leur parvient par un petit haut-parleur.
- Je vous mets en relation avec le général Landry.
- Agent Gibbs. Je voulais vous tenir au courant des avancés de notre enquête. Le major Warwick est mort avant de nous avoir révélé le nom de son associé. Cependant je peux vous affirmer que l’agent DiNozzo ne risque plus de faire une mauvaise rencontre. Vous pouvez dorénavant clore votre dossier. Je vous ferai parvenir un rapport sur la mort de Warwick ainsi que des données permettant de satisfaire vos supérieurs. Je vous souhaite bonne route et… merci pour vos précieux conseils.
La communication s’achève sur l’œil inquiet de Gibbs. Tony le regarde avec curiosité. En d’autres occasions, DiNozzo n’aurait jamais osé fixer son supérieur aussi intensément. En d’autres circonstances, Gibbs n’aurait jamais toléré un tel regard de son agent. Mais les circonstances sont ce qu’elles sont… inhabituelles et étranges.
DiNozzo se demande ce que son chef sait réellement sur le trafic d’armes qui a entraîné la mort de marins et plongé le NCIS dans un film de série B. Connaît-il l’origine exacte des armes ?
Une tape sur la tête le sort de sa torpeur.
- Alors, on rêve ?
- Hein ? Non, je réfléchissais.
Le sourire de Gibbs met en doute de tels propos. Tony poursuit sans prêter la moindre attention au jeu de regards et de mimiques. Finalement c’est plutôt rassurant de constater que rien n’a changé… ou presque.
- Pourquoi le général sous-entendait que je risquais de mauvaises rencontres ?
- Parce que ces ###### (censuré pour les jeunes lecteurs) de militaires ont fait courir le bruit que mon agent, donc toi, et le lieutenant-colonel…
- Sheppard ?
- C’est ça, Sheppard, connaissiez les noms des traîtres.
- Mais c’est totalement faux !
- Oui, mais seul le général et quelques autres personnes, dont moi évidement, étions au courant.
- Ils se sont servis de nous comme appât !
- Cela n’a plus d’importance car le trafiquant qui agissait à Cheyenne Mountain a été démasqué. L’affaire est donc résolue. Du moins à notre niveau.
- Oui mais si j’ai bien tout compris il reste une personne dont on ne connaît pas le nom. Mais lui, en revanche, nous connaît.
- Exact. Cependant cet individu ne vise que le lieutenant-colonel Sheppard. Ton nom est resté cantonné au SGC.
- Deux individus, deux cibles. La première a fait mouche et la seconde reste en suspend.
- Exact.
- Comme si ce que nous avions vécu ne suffisait pas, il faut que les pontes de l’armée tendent une épée de Damoclès au-dessus de la tête de John !
- Ne t’inquiète pas pour lui, il est plus surveillé que le pentagone lui-même.
- Mouais…
Tony s’enfonce dans l’épais fauteuil, boudeur et préoccupé.
Le silence reprend ses droits.