Trafic

Chapitre 10 : Interrogatoires

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Dernière mise à jour 09/11/2016 20:10

 

Chapitre neuf
 
Interrogatoires
 
 
 
 
Dans un silence quasi-religieux, la salle de réunion se vide de ses occupants. Le général Landry prend quelques minutes pour s’imprégner de l’atmosphère calme de la salle, avant de retourner affronter le tumulte du SGC. Dans quelques heures, l’ambiance déjà électrique confinera vraisemblablement à la suspicion et à la délation abusive.
Le climat se dégrade, avis de tempête sur Cheyenne Mountain.
 
- Général ? 
Le général est surpris par l’irruption furtive de l’agent Gibbs dans sa bulle imaginaire.
- Agent Gibbs ?
- Général, je souhaiterais interroger le caporal Nirvel.
- Nirvel est un simple rouage dans une mécanique qui le dépasse largement. Vous n’en tirerez rien d’intéressant.
- C’est possible mais j’insiste.
- Bien. J’espère que vous nous le rendrez dans l’état où vous l’avez reçu.
- Je ne le toucherai pas, n’ayez aucune crainte.
- Dans ce cas. 
Sur ces derniers mots, le général s’éclipse, laissant l’agent Gibbs dans l’expectative.
 
Moins de quinze minutes sont nécessaires pour organiser l’interrogatoire. Le caporal Nirvel est assis sur une chaise face à une petite table et une seconde chaise, identique mais vide.
La pièce est petite et assez angulaire. Elle ressemble à un placard transformé pour l’occasion. Un miroir sans tain et une petite caméra à un angle du plafond, ne laissent pourtant aucun doute quant à son utilisation.
Le caporal Nirvel se balance nerveusement sur la chaise qui grince de colère à chaque mouvement de bascule. Derrière la vitre, Jethro Gibbs examine l’accusé. Le docteur McKay se tient à ses côtés.
- Vous pensez qu’il en sait davantage ?
- Vu qu’il n’a rien dit, il n’en sait en tout cas pas moins.
- Logique. Que pensez-vous en tirer ?
- N’importe quoi qui évite de faire courir des risques inutiles à Tony et au lieutenant-colonel Sheppard. 
Gibbs quitte le caporal des yeux et plonge son regard d’acier dans ceux de Rodney.
- Pensez-vous que nos trafiquants vont vraiment tomber dans un piège aussi grossier ? 
Rodney affaissent ses épaules. Son timbre de voix et toute sa gestuelle traduisent ses doutes.
- Je pense que le général lui-même n’y croit pas vraiment. Mais c’est en tout cas un début d’action. Les hommes qui sont à la source de ce trafic ont entre leurs mains des secrets qui mettent en péril bien plus que quelques vies. Le général Landry a sans doute des moyens d’actions plus radicaux mais ceux-ci ne peuvent pas se mettre en branle par un simple coup de baguette magique. Vous connaissez la hiérarchie militaire…
- Je maîtrise tout ces concepts docteur McKay, mais je dois malgré tout agir sans tarder. Les traîtres ne tomberont pas dans le panneau, mais en même temps ils ne peuvent courir le moindre risque. Aussi ils agiront, mais sûrement pas de façon prévisible. Le danger est bien réel pour Tony et Sheppard. Regardez ce petit caporal. S’il n’en savait pas plus, pourquoi s’inquièterait-il autant ? Il a conscience de l’ampleur de sa faute… et il va tout nous dire ! 
 
Gibbs entre dans la salle d’interrogatoire avec une chemise cartonnée sous le bras.
 
 
 
***
 
 
 
La porte des toilettes s’entrouvre sur Tony DiNozzo. L’agent du NCIS en sort, se tenant maladroitement le poignet. Un petit filet de sang sourdre entre ses doigts. DiNozzo fouille quelques tiroirs et armoires à la recherche d’un pansement, chose vite trouvée, puis d’une tenue d’infirmier passe-partout… chose également trouvée et rapidement enfilée.
Tony ne peut résister à l’envie de rire en voyant son reflet dans un miroir.
Son teint est catastrophique ! Perdu le sublime bronzage made in Hawaï, ciao le regard lumineux du tombeur de ces dames… Buon giorno les cernes noires inesthétiques.
Enfin, la Navy lui payera sûrement des vacances au soleil après un truc pareil ! Une idée qui fait sourire Tony, tant elle semble d’une part inappropriée à la situation et d’autre part totalement illusoire.
DiNozzo quitte à contre cœur sa contemplation narcissique pour explorer sa prison aseptisée. La pièce est assez petite mais bien agencée avec des box séparés par des cloisons rétractables. Tony pénètre dans celle où repose Sheppard.
 
Le colonel est encore plus blanc que les draps qui le recouvrent partiellement. Sur sa poitrine sont déposées des électrodes donnant en temps réel son rythme cardiaque. Une perfusion part de son bras droit avec tant de robinets qu’on se perdrait dans ce dédale de tubulures. L’une aboutit à une poche de glucosé à 5%, une autre à un poly vitaminé basique et enfin une dernière à une seringue branchée sur un débimatique. En y regardant de plus près, DiNozzo voit une petite étiquette notée PENTHOTAL.
Voila pourquoi Sheppard reste inconscient, il est maintenu dans un état de sommeil léger. Pourquoi ? Son état est-il si grave ? DiNozzo en doute, mais n’a pas le temps de chercher à en savoir plus. Il sait parfaitement ce qu’il doit faire mais avant il veut savoir où il est, et comment il a atterri dans cette infirmerie.
Avec une assurance qu’il n’a évidement pas, Tony sort de la salle et avance promptement dans les couloirs du Daedale, ignorant tout de ce qui l’attend.
 
 
 
***
 
 
 
D’un côté deux hommes silencieux. L’un est de marbre, rigide comme la justice qu’il représente. L’autre est aussi calme qu’un poisson sur une berge en plein cagnard.
 
De l’autre côté un agglomérat humain. McKay n’est pas resté seul longtemps. Un puis deux puis plusieurs militaires du SGC ont rejoint l'atlante à l’extérieur de la salle. Assister à un interrogatoire par un agent du NCIS semble être l’expérience à la mode. Des paris fusent entre les hommes, joyeux et inconscients des enjeux. McKay pour sa part, fulmine intérieurement.
- Tu paries combien que Nirvel ne dit rien ?
- De toute façon, il n’a rien à dire !
- Moi, je parie mon tour de garde que le petit caporal va mouiller son pantalon. 
Éclat de rire pour certain, crispation des mâchoires pour un autre.
- OK, je parie un tour de garde que l’agent du NCIS va le faire craquer le Nirvel.
- Ouais ! Il va le faire saigner !
- Parie tenu ! 
Exception faite d’une sombre expérience de possession par Cadman, Rodney ne s’était jamais senti si proche de l’éruption. L’incendie qui le consume intérieurement gagne doucement du terrain jusqu’au moment où la colère remonte et sort de sa chambre magmatique...
- Moi, je parie qu’il tient le coup notre bonhomme. Allez Nirvel ! Boucle-là ! 
Et voilà comment on fait sauter le bouchon.
- DEGAGEZ !!
Un mot, un seul, mais prononcé avec tant de cœur qu’il élimine toute possibilité de riposte.
 
D’un côté deux hommes silencieux.
De l’autre côté un homme tout aussi muet.
 
 
 
***
 
 
 
Personne ne lui prête attention. Visiblement le personnel militaire de cette base côtoie peu celui de l’infirmerie. DiNozzo a déjà croisé deux hommes et une femme aux tenues sombres et sobres d’une quelconque armée. Tony ne reconnaît pas les uniformes, ni le logo qui orne leur épaule. Il a beau avoir louché à s’en exorbiter un œil, il n’a rien distingué de mieux que les premières lettres, soit Daed, à moins que ce ne soit Dead… ce qui ne serait pas particulièrement rassurant.
Le long couloir semble enfin prendre fin. Avec prudence et discrétion, DiNozzo pénètre dans la petite salle. Enfin, pénètre est un bien grand mot vu qu’un seul pas lui suffit pour être saisi de stupeur et s’immobiliser bêtement dans le chambranle de l’entrée.
La pièce est sombre, comme partout ailleurs. Plusieurs techniciens s’activent sur des terminaux et des ordinateurs. Derrière une sorte de console en demi cercle, un petit être nu comme un vers, du moins pour ce qu’il en voit, gigote grossièrement. Le rêve de Tony lui revient en force.
L’alien de Roswell, le flash blanc dans l’avion, le tir paralysant des militaires… tout refait surface avec le désagréable goût de la réalité. Sans se retourner, Tony fait marche arrière, fixant bien malgré lui le truc en caoutchouc qui râle dans un langage dont la mélopée est plus proche du robot ménager que du chant des sirènes. Une fois hors de portée visuelle, l’agent du NCIS fait demi-tour puis avance le plus vite possible vers l’infirmerie.
Après être rentré dans un placard puis dans une sorte de réserve, DiNozzo trouve enfin la bonne porte. C’est avec soulagement qu’il se laisse aller, dos contre la cloison de l’infirmerie.
Une respiration profonde, un peu de zen attitude à la DiNozzo et ça repart !
Sans laisser le temps aux évènements de le prendre de cours, Tony se précipite vers la pharmacie et farfouille avec la détermination de quelqu’un qui sait ce qu’il recherche. Une fois trouvée l’ampoule désirée, Tony s’avance au chevet de Sheppard.
- Je veux savoir ce que c’est que ce bordel ! 
Avec précision, Tony prélève le contenu de la petite ampoule. Une dernière vérification : Narcan. C’est exactement ce qu’il voulait.
Tony n’est pas médecin et ne maîtrise en rien l’art des toxiques en tout genre. Cependant, en tant que policier puis agent du NCIS, il connaît les morphiniques et le penthotal qui y est associé. Ce produit fréquemment utilisé par les anesthésistes pour induire le sommeil est également l’arme préférée des agents secrets, sous l’appellation vulgaire de sérum de vérité.
DiNozzo injecte l’antidote des morphiniques puis diminue le débit de l’inducteur de sommeil. Il accélère ensuite le garde veine de glucosé pour en diluer les effets.
Sous peu le colonel Sheppard sera de retour avec lui. Tony sait également qu’il passera par une phase d’entre deux qui lève les inhibitions. Phase durant laquelle Sheppard ne luttera pas trop pour formuler des réponses politiquement correctes. Ce que veux DiNozzo, c’est la vérité et pas une formule de politesse enrobée par des marmottes !
Pourtant Tony se sent un peu mal dans ce rôle de méchant et de bourreau. Il sait que Sheppard lui dirait sûrement la vérité sans avoir recours au sérum mais ses formulations seraient sans doute plus élaborées et à double sens. Hors, l’agent du NCIS doute d’avoir le temps de lire entre les lignes. Si DiNozzo se sent un peu coupable, ce n’est pas uniquement pour le sentiment de trahison qui le submerge soudain. John Sheppard commence déjà à grimacer et à geindre. Tony sait qu’il est responsable du réveil de la douleur. Il sait aussi que des effets secondaires à sa mixture seront fort probables et que Sheppard ne les appréciera guère.
- Désolé John. 
 
 
 
***
 
 
 
Gibbs bouge enfin. Le caporal Nirvel sent son cœur battre violemment dans sa poitrine. Une demi-heure déjà que ce drôle de type le regarde fixement sans broncher. Une demi-heure à chercher du coin de l’œil ce qu’il y a d’écrit sur la pochette cartonné posée devant lui. Mais impossible de quitter le regard inquisiteur. Nirvel ne veut pas être celui qui rompra le lien, il ne veut pas fléchir sous une simple pression visuelle. Il a déjà vu Teal’c faire cela et lui Nirvel, n’en sera pas la victime.
 
Gibbs ouvre sa pochette et commence à examiner une photo couleur qui domine visiblement un paquet de document au format identique.
L’agent ne porte plus la moindre attention à Nirvel. Ce dernier pose doucement son regard sur l’image. Elle représente une silhouette étendue par terre. En y regardant de plus près, Nirvel constate qu’il s’agit d’une photo de cadavre. Sous le corps, une large tâche rouge pouvant enflammer l’imaginaire. Blessure par balle, arme blanche…
Trois bonnes minutes plus tard, Gibbs attrape la photo, la pose face à Nirvel et entreprend l’étude de la suivante.
Nirvel oscille entre l’examen plus approfondi de la première photographie et la curiosité malsaine de découvrir la seconde. Finalement le verdict se porte pour l’arme blanche. Enfin, blanche…façon de s’exprimer. L’homme qui gît dans son propre sang est visiblement décédé des suites d’une hémorragie cataclysmique par ouverture d’une carotide. Un stylo plume MontBlanc sort partiellement de son cou.
Un frisson parcoure le corps du caporal. Sans regret il quitte la photo des yeux et laisse vagabonder son regard sur la seconde image. Encore un cadavre et selon toute vraisemblance le second d’une longue série.
L’heure qui suit est assez répétitive. Gibbs examine une photo silencieusement, la pose face à Nirvel puis passe à la suivante. A aucun moment l’agent du NCIS n’a regardé le militaire. A aucun moment il n’a laissé échapper le moindre bruit, pas même une respiration.
Le caporal quant à lui essaye maladroitement de fuir les images plus atroces les unes des autres. Lorsqu’il a vu le visage boursouflé d’un homme mort par pendaison, il pensait avoir vu le pire. C’était avant celui qui avait avalé une fourchette affûtée. Une dizaine de photo sont maintenant exhibées sous ses yeux. Il aimerait comprendre, ou peut-être pas finalement…
 
 
 
***
 
 
 
Sheppard essaye maladroitement d’ouvrir ses yeux. Depuis plusieurs minutes il s’agite, mettant à rude épreuve les liens qui le retiennent dans son lit. Ses râles et geignements se sont mués en une silencieuse crispation. De grosses gouttes de sueur perlent sur ses tempes. Tony s’agite également sur la chaise limitrophe. Il a du mal à rester de marbre devant ce spectacle écœurant. Dire qu’il en est l’instigateur !
Enfin, John entre ouvre les yeux. Un petit " Hum ? " interrogatif traduit sa faible conscience de la réalité.
- John, c’est Tony. Tony DiNozzo, tu te souviens de moi ?
- Hum ? Oui.
- Je voudrais savoir où nous sommes.
- Hein ? Heu… dans l’avion ?
- Non ! Il y a eu un flash blanc puis on s’est retrouvé dans une grande pièce sombre avec un alien et des militaires. 
Sheppard se tortille sur son lit. Il lutte vraiment pour ouvrir et surtout garder ses yeux ouverts plus de quelques secondes. Finalement il y parvient mais cela ne va pas sans une souffrance que Tony n’avait pas prévue.
- Un quoi ? Un alien ?
- Oui, tu sais comme dans X-Files. Le truc de Roswell. Tu vas rire mais il y a même un militaire qui ressemble à Walter Skinner.
- Hum… Ouais, celui-là c’est le colonel Caldwell, mais je te promets qu’il est bien moins drôle que Mitch Pillegi.
- Qu’est-ce que c’est que tout ça. Tu peux m’expliquer ? 
Si DiNozzo avait un doute quant à l’efficacité du sérum et sa nécessité en l’occasion, la moue de Sheppard le fait aussitôt disparaître. Sheppard grimace comiquement, comme s’il était en plein combat avec son moi intérieur.
- Les armes qu’il y avait dans les caisses étaient pour certains d’origines aliens. Tu vois c’est marrant…. je suis tombé par hasard dans ton affaire de trafic et maintenant c’est toi qui te retrouve téléporté dans mon trip perso.
- Téléporté ? Comme dans Star Trek ?
- Oui, et inutile de me comparer au capitaine Kirk, on me l’a déjà fait ! 
Tony sourit. Même dans le coltard, ce colonel est vraiment en phase avec lui. Cela ne fait qu’ajouter du poids à sa culpabilité.
- Donc on nous a téléporté. OK, mais où ?
- Si il y a Hermiod, c’est le petit gris, et Skinner, c’est que l’on est à bord du Daedale… sûrement quelque part au-dessus de la Terre… m’étonnerait qu’on soit déjà parti pour Pégase, surtout avec toi à bord. T’es un témoin gênant.
- Oui, je le réalise que trop bien. 
Subitement honteux de son geste trop peu réfléchit, Tony modifie la dilution des perfusions afin d’aider John à sortir complètement de son état hypnotique. Étonnement cela est plus rapide que prévu. DiNozzo se demande finalement si Sheppard était vraiment sous l’emprise de la drogue lors de cet improbable interrogatoire.
- Tony… 
La voix est cassée et faible comme celle d’un enfant endormi. Tony ose enfin porter son attention sur son ami avec un regard autre que celui du policier, de l’agent du NCIS.
Sheppard est vraiment mal en point. Tout son corps est recouvert d’une pellicule de sueur. A côté de son teint blafard, celui de Tony est superbe. Ce n’est qu’à ce moment là que Tony réalise que le tracé cardiaque de John s’est modifié. Sheppard est en hyperventilation. Cet effet indésirable est la conséquence directe de l’antidote injecté par DiNozzo.
- Tony !! 
- Oui, John, je t’écoute.
- Il ne faut pas dire ce que tu sais. Laisse les militaires de Cheyenne Mountain régler ce problème. Il te dépasse complètement, tout comme moi, je te rassure. Fais celui qui ne sait rien et… Haaa… c’est à toi que je dois tout ça ?!
- Oui, John, je suis désolé.
- J’aurais sans doute fait pareil. Tony appelle le médecin, je ne me sens vraiment pas bien. 
Les derniers mots sont si suppliants que Tony perd le contrôle de la situation. Jamais il n’avait imaginé mettre en péril la sécurité de Sheppard en modifiant les dosages. Tout au plus pensait-il réactiver ses douleurs post-chirurgicales et le mettre en hyperventilation. Visiblement, la situation lui échappe complètement.
Tony DiNozzo s’apprête à sonner le médecin ou à aller chercher la belle Katia, mais des alarmes stridentes interrompent son geste charitable. Des voyants médicaux passent au rouge. Pris de court, Tony remet rapidement les débits tel quels puis se replonge sous ses draps.
 
Pourvu que sa couverture tienne !
En se faisant cette remarque, Tony ne pense évidement pas à la fine polaire qui le recouvre.
 
Pourvu que Sheppard tienne le coup !
Le docteur Zespatto et une nouvelle infirmière pénètrent en trombe dans l’infirmerie. Le médecin est furieux !
- Où est Katia ? Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?! 
 
Tiens, lui aussi se pose cette question ?
 
 
 
***
 
 
 
Nirvel sursaute quand l’agent Gibbs se redresse enfin.
Debout devant la table, il surplombe le militaire. Le caporal ne peut détacher son regard de celui de son bourreau. Gibbs plonge sa main à l’intérieur de sa veste et en sort un plume MontBlanc. Nirvel devient aussi livide qu’un ectoplasme face à des Ghostbusters.
D’une écriture rapide, l’agent Jethro Gibbs note quelques mots sur le dessus de la pochette cartonnée avant de la faire pivoter pour qu’elle soit face au prisonnier.
 
Derrière la vitre, McKay retient son souffle. Il ignore ce que fait l’agent du NCIS, tout comme il ignore ce que représentent les photographies. A ses côtés, le général Landry l’a rejoint depuis peu. Aucun échange de mots entre les deux hommes, juste un regard, un sourire triste et un hochement de tête, bref toute une construction verbale, la parole en moins.
 
Nirvel aimerait rester maître de son corps mais celui-ci a tendance à prendre des initiatives. La première, fort désagréable, est la sueur qui perle sur son front et dans son dos. Une sensation poisseuse, déplaisante, mais pas aussi humiliante que l’envie de vider sa vessie. Cela, c’est la seconde initiative de son corps. Se vider d’un coup de tout ce qui entrave la légèreté de son être, en d’autres termes, purger son corps comme au confessionnal on purge son âme. Du coup sa vessie le titille méchamment, son estomac se noue avec brutalité et même ses yeux le piquent douloureusement. Nirvel se sent craquer alors même que son cerveau lui dit qu’il n’y a vraiment rien justifiant une telle terreur… et c’est justement cela qui l’effraye le plus !
Gibbs est tout près maintenant, juste à ses côtés.
Le caporal sent l’odeur mate, légèrement musquée du parfum de l’agent de la Navy. Comment peut-il rester aussi frais dans de telles circonstances, alors que lui se sent nimbé d’une odeur pestilentielle, celle de la peur.
Plus près, encore plus près. 
Gibbs se penche vers Nirvel et lui susurre un mot à l’oreille. Un seul.
Nirvel ne bronche pas, ne dit rien. Il ne comprend pas.
Gibbs se redresse et quitte la pièce sans un mot supplémentaire, sans un regard.
La porte claque.
Le caporal Nirvel retrouve son souffle, réalisant seulement à cet instant qu’il l’avait perdu quelque part entre le moment où l’agent Gibbs s’était levé et celui où la porte s’était enfin refermée.
Nirvel pose son regard sur les lettres imprimées sobrement en majuscule. Il regarde et comprend enfin le mot de Gibbs : Choisis !
Sur la pochette est notée : SUICIDE EN GARDE A VUE et en plus petit, juste en dessous, écrit de la main de l’agent Jethro Gibbs : Affaires classées.
 

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