Trafic

Chapitre 8 : Résurrection

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Dernière mise à jour 19/02/2009 20:02

 

Chapitre sept
 
Résurrection
 
 
 
Le trajet en hélicoptère semble sans fin. Gibbs est concentré sur la route. Pourtant la nuit canadienne est si noire qu’il n’y a rien à admirer. McKay a la tête baissée et paraît fixer ses pieds. Il serre contre lui son ordinateur comme si c’était une bouée de secours, l’unique lien entre lui et Atlantis. Il râle à voix haute sans crainte. Le bruit des pales et du moteur suffit à étouffer ses vociférations.
- On quitte la Terre pour affronter l’inconnu et des ennemis dignes de nos pires cauchemars, et nous voila maintenant à espérer survivre à des trafiquants d’armes. Bon sang, je n’aurais jamais cru m’entendre dire cela, mais il me tarde de retourner sur Atlantis combattre les wraiths. Avec eux au moins, on sait à quoi s’en tenir. 
McKay relève la tête pour tomber sur le regard intense de Gibbs. Un instant surpris par son insistance, McKay vérifie que son micro est bien éteint.
Pourtant, on aurait vraiment dit que… la fatigue sûrement.
Gibbs lui sourit et lui fait signe de brancher sa radio, ce qu’il fait aussitôt.
- Atterrissez un peu docteur McKay. Regardez sur votre droite, on distingue les lumières de l’incendie. Nous arrivons. 
McKay se contente d’un hochement de tête. Cet homme est décidément bien étrange. Ses propos sont a priori anodins mais son visage exprime tout autre chose. Atterrissez docteur McKay… un terme choisit au hasard ? Ce Gibbs saurait-il lire sur les lèvres ? McKay se demande s’il n’a pas sous-estimé les connaissances de l’agent. Que sait-il réellement ?
Ses pensées sont interrompues par les manœuvres d’atterrissage de l’hélicoptère.
 
L’aéroport est à peine visible du ciel. Seul le toit du hangar est facilement distinguable. Une fumée noire et relativement opaque en émane. Une fois posé sur le tarmac, McKay peut enfin découvrir la piste en partie envahie par la végétation. Vu de haut, elle semblait impraticable. Vu du sol, elle est en réalité bien dégagée en son extrémité et suffisamment nettoyée aux alentours du hangar pour permettre un décollage, certes un peu difficile, mais faisable pour un bon pilote.
La sortie de l’hélicoptère est saisissante. Le froid nocturne se mêle aux relents de chaleur du feu. Une curieuse odeur chatouille les narines de McKay. Un souvenir de méchoui, du cochon grillé. De la viande. Une évidence qui en annonce une autre, de la chair calcinée. Un homme est mort ici… au moins un.
 
Un simple regard sur Gibbs suffit à confirmer ses pires soupçons. L’agent pénètre dans le bâtiment. L’incendie n’est finalement pas si méchant que ça. Une zone brûle encore légèrement mais des pompiers ont pris en chargent les flammes. De vieux pneus terminent de se consumer dans un coin. Voici l’origine de la noirceur et de la puanteur de la fumée… en tout cas partiellement. tDans un autre angle, un véhicule renversé traduit la violence de l’explosion. Cet incendie n’est pas la conséquence d’un simple mégot oublié. McKay rejoint Gibbs qui inspecte les décombres.
Au loin, des sirènes retentissent avec force. Dans peu de temps, il y aura foule ici pour détruire et piétiner les indices. Déjà un second hélicoptère se pose à proximité.
 
Au sol s’enchevêtrent des débris métalliques encore chauds et d’autres reliquats d’origine multiple. McKay attrape prudemment ce qui ressemble à un gros tube d’acier. Peut-être les restes d’une mitraillette. Il soulève la pièce et tente de l’examiner sous toutes les coutures quand un cri retentit.
- Ne bougez pas docteur McKay ! 
Rodney se tétanise aussitôt. Qu’a-t-il encore fait ? Est-ce une bombe ?
C’est tout tremblant de peur, une sueur froide apparaissant sur son front, qu’il tend la pièce à Gibbs. Ce dernier prend l’engin avec douceur puis le jette sans ménagement dans un sac. McKay sent son cœur louper un ou deux battements au moment où la pièce touche le fond du sac.
Gibbs reprend son inspection comme si de rien n’était. McKay le rejoint tout tremblant.
- Qu’est-ce que c’était ? Pourquoi m’avoir dit de ne plus bouger ? Vous m’avez fait une peur bleue !
- En fait, ce n’est rien comparé à la peur que vous auriez eue si vous aviez vu. C’est pour cela que j’ai crié. Je ne voulais pas qu’un réflexe mal venu vous fasse lâcher la pièce au risque de détériorer un indice. Ducky vient d’arriver, je vais le lui remettre.
- Quoi ? Quel indice ?
- Il y avait un morceau de pouce collé à l’acier. 
McKay blêmit encore plus, si c’est possible, et déglutit bruyamment en frottant ses mains contre sa tenue, comme pour les laver d'une quelconque souillure. Gibbs lui accorde une petite tape sur l’épaule.
- Vous voyez, j’ai bien fait. Qu’est-ce que c’est que ce truc-là ? 
 
C’est au tour de l’agent du NCIS d’être interloqué. En farfouillant dans les décombres, il vient de trouver des morceaux dont la nature lui est totalement étrangère. McKay hésite. Est-il vraiment nécessaire de connaître l’origine de la stupeur de Gibbs ? Tout ce qui peut l’étonner est forcement d’une singularité qu’il ne faut pas louper. McKay n’est pas particulièrement téméraire mais il est très curieux. Une curiosité qu’il dirait être scientifique mais que Sheppard qualifierait plutôt d’enfantine.
McKay rejoint donc Gibbs avec l’œil avide du scientifique et distant de l’humain fraîchement effarouché. Ce que Rodney McKay découvre dans les mains de Gibbs le vide instantanément de toutes couleurs.
- Ne bougez plus Gibbs ! 
Si McKay n’était pas aussi livide qu’un des « amis » de Ducky, Gibbs aurait sans doute réagi avec agacement. Seulement le visage du docteur McKay est plus proche de la grimace du masque de Scream que de celui de la commedia dell’arte.
Comme dans un étrange remake, Gibbs tend à McKay l’objet du délit.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Une grenade wra… Une grenade particulièrement puissante. Est-ce que vous l’avez manipulée ?
- Non.
- Je crois que vous avez là l’origine de l’explosion. 
- Je vais la donner à Abby.
- NON !! 
McKay a crié si fort que tous, y compris les policiers en approche et les pompiers, ont levé la tête. Surpris lui-même par son attitude, McKay s’adoucit en prenant la grenade des mains de Gibbs.
- Agent Gibbs. Cette arme est bien plus sophistiquée qu’elle n’y paraît, et sa présence ici signe un trafic dont l’ampleur dépasse largement le simple NCIS… 
Sa voix s’assombrit. Nul ne peut ignorer le côté dramatique des propos du scientifique. La crainte se lit dans ses yeux. D’une voix tremblante, il poursuit ses explications.
- … et nous dépasse tous à dire vrai. Il faut que je contacte Cheyenne Mountain. 
Son regard se porte sur Gibbs. Comme si la situation était tout ce qu’il y a de plus banal, Gibbs lui tend son cellulaire. D’un geste de la main, il semble envelopper tout le hangar avant de reporter son attention sur Rodney.
- Vous devriez leur dire de venir et vite. La police commence déjà à inspecter les lieux. S’il y a ici des éléments classés Secret Défense, ils ne le resteront pas longtemps. 
McKay quitte enfin des yeux la grenade wraith miraculeusement restée intacte. Sa présence l’effraie plus qu’il le l’aurai cru. Il lui faut des consignes. Il n’est pas militaire, ni policier. Il ne sait pas comment aborder la situation.
Voyant son désarroi, Gibbs prend les choses en mains.
- Bon, contactez qui de droit et laissez-moi gérer le reste. 
Avec une aisance dont aimerait être pourvue McKay, Gibbs s’approche des hommes en uniformes. Quelques gestes en direction de McKay lui suffisent pour faire évacuer la zone. Moins de deux minutes plus tard, il revient triomphant auprès du scientifique d’Atlantis.
- Voila, c’est fait. Que dit votre supérieur ? 
- Hein ? 
McKay réalise à cet instant qu’il n’a pas bougé. Il est pétrifié dans une attitude qui ne lui ressemble guère. Sur Atlantis, McKay est connu comme le loup blanc, tous respectent le scientifique et écoutent son avis sans broncher. Sur Terre, pour ces gens du moins, il est un inconnu. Un civil coincé dans les méandres d’un problème militaire. Il est grand temps d’agir !
 
Vu de l’extérieur, enfin d’un mètre ou deux, c’est Dr Jekyll qui devient Mr Hyde. Les épaules voûtées et le teint grisâtre de McKay disparaissent lorsqu’il pose le téléphone à son oreille et demande à parler au général Landry. Avec assurance il s’éloigne de Gibbs et lui tourne le dos. La conversation reste donc dans l’alcôve du secret.
 
- Mettez-moi tout de suite en relation avec le général Landry !
- Avez-vous une autorisation ? Non, parce que si ce n’est pas le cas, je…
- Je ne veux rien savoir. Dites-lui que c’est le docteur McKay et que cela concerne autant Atlantis que le SGC ! 
 
Le temps qui s’écoule semble durer une éternité. En réalité, il ne s’est passé qu’une petite minute, une minute durant laquelle McKay sent son courage osciller entre… « Je vais me prendre un savon d’enfer » et « Je ne vais pas lui laisser le temps d’en placer une, sinon, je suis mort ! »
Gibbs le regarde avec amusement, surtout lorsque tout d’un coup McKay se dresse, raide comme un piquet. Voir un civil se mettre au garde à vous lors d’une conversation téléphonique est assez surprenant. En même temps cela traduit l’importance de l’interlocuteur et de la discussion à suivre. McKay s’éloigne un peu pour parler mais certaines brides de conversations arrivent jusqu’à l’agent du NCIS. Trafic, armes, mais aussi des mots dont la teneur lui échappe :
Wraith…un mot inconnu mais qui a déjà quitté subrepticement le vocabulaire du scientifique. Un mot qui qualifie l’origine de la grenade.
Atlantis…Gibbs avait déjà deviné ce mot sur les lèvres de McKay dans l’hélicoptère. Atlantis, Atlantide, une cité perdue, sans doute le nom de code d’un lieu, d’une base secrète, celle où sont réunis des militaires et des civils de plusieurs continents. Quand on y pense cette simple constatation suffit à donner une dimension internationale au trafic. Gibbs est impressionné et cela en soit est révélateur d’un contexte dépassant de loin le cadre habituel de son travail. Il admire l’aisance dont fait preuve le scientifique qui jusqu’à présent lui faisait plutôt penser à un professeur Nimbus moderne.
Sorti de son cadre habituel de vie, le docteur McKay est un peu gauche et semble empoté mais dans son milieu, ce type doit être une sommité.
Daedale… une connotation mythologique… et enfin…
Asgard…un mot totalement inconnu au bataillon… décidément, ce scientifique a de multiples facettes.
 
La conversation se poursuit avec la même énergie avant que McKay ne referme le clapet du téléphone et revienne vers Gibbs.
- Merci. Comment avez-vous fait pour faire fuir la flicaille ? 
McKay réalise un peu tard que le NCIS peut être apparenté à une branche de la police, même si elle est militaire.
- Excusez-moi.
- Ne vous excusez pas… 
Gibbs poursuit avec un sourire traduisant au choix, le plaisir de la vengeance ou la délectation du pouvoir sur autrui.
- Je leur ai simplement dit que l’explosion résulte d’une bombe contenant un agent pathogène dont la virulence est terriblement importante… que vous êtes sans doute déjà atteint... et contagieux !
- Et ils vous ont cru ? Et votre présence auprès de moi ?
- Pour ce qui est de ma présence, j’ai simplement ajouté qu’en tant qu'agent du gouvernement je suis vacciné. Quant à vous… Ils vous soupçonnaient déjà de ne pas être totalement dans un état normal alors…
Gibbs éclate de rire puis reprend tout aussi brusquement son air sérieux.
- Où cela nous mène ? Est-ce que vous avez des indications sur le devenir de nos amis ?
- Non, mais le général Landry qui dirige Cheyenne Mountain va rentrer en contact avec des personnes pouvant nous aider. Faites leur confiance pour retrouver votre agent et le colonel Sheppard. 
 
S’il fallait intituler l’heure qui suit, ce serait « chacun pour soi. »
Gibbs et McKay examinent les échantillons organiques et non organiques qui jonchent le sol. Les policiers barricadent les abords de la piste et les pompiers ramassent leurs affaires avant de quitter un lieu où ils n’ont plus leur place.
Gibbs et ses acolytes semblent particulièrement intéressés par des documents retrouvés dans le véhicule de l’armée. En fouillant la jeep, Gibbs tombe sur un morceau fumant de zat’nik’tel. Dans un premier temps, il examine sa découverte avec intérêt, mais voyant qu’il n’en tirera rien, il demande l’avis de McKay. Jethro se doutait bien que McKay saurait de quoi il s’agit, mais il ne s’attendait pas à une réaction aussi épidermique.
- Oulala, faut que je recontacte tout de suite le SGC… donnez moi votre téléphone ! 
Décidément McKay est sans doute un excellent scientifique mais il ferait un horrible agent secret tant les mots ont tendance à se sauver lorsqu’il est la proie de ses angoisses. Gibbs ajoute à sa pêche aux indices le mot SGC, traduisant évidemment Cheyenne Mountain.
 
La conversation entre Rodney et le SGC est mouvementée.
Subitement, le scientifique retrouve de la couleur et un sourire anime son visage. Il se tourne vers Gibbs et annonce triomphant de bonnes nouvelles.
- Ils ont localisé plusieurs engins qui auraient très bien pu décoller de cet aéroport. L’un d’eux a soudainement fait demi-tour et se dirige droit vers nous. Nous devrions bientôt le voir. Ils en déduisent donc qu’il s’agit très probablement de nos trafiquants.
- S’ils ont fait demi-tour c’est qu’ils ont rencontré un problème… Tony !
- John ! 
Les deux prénoms ont été cités en même temps. C’est McKay qui reprend la parole le premier sous le regard amusé de Gibbs.
- J’ai le sentiment que nos deux lascars se sont bien trouvés.
- C’est effectivement l’impression que cela donne. Regardez ! 
 
Dans le ciel apparaissent les lumières caractéristiques d’un avion en approche. McKay reprend aussitôt le téléphone afin de confirmer au SGC l’arrivée imminente de l’appareil.
Gibbs donne un violent coup de coude à McKay, faisant provisoirement voler le téléphone.
- Il a ouvert les volets beaucoup trop tôt, ce n’est pas normal, il se passe quelque chose à bord. 
Comme pour confirmer ses propos, l’avion perd brutalement de l’altitude et semble vouloir se poser avec la délicatesse d’un hippopotame… peut-être celui d’Abby ?
Tout le monde se précipite vers la piste.
McKay hurle dans le téléphone.
- Ils vont se crasher ! Faites quelque chose ! Tout de suite ! 
 
Le cri d’angoisse de McKay se perd dans l’air soudain saturé par la chaleur d’une explosion. Une flamme immense embrase l’avion ou du moins ce qu’il en reste. L’oreille toujours collée au cellulaire, Rodney regarde hypnotisé ce qui reste de son espoir de revoir Sheppard vivant. A ses côtés, l’agent Gibbs et le docteur Mallard sont à peu de chose près dans le même état. Ducky a posé sa main sur le bras de Gibbs qui le soutient avec beaucoup de tendresse. Dans le téléphone, une voix résonne et sort Rodney de sa torpeur.
- C’est bon ! 
McKay ne quitte pas des yeux le spectacle hallucinant qui s’offre à lui.
- Quoi ? Qu’est-ce qui est bon ? 
La question déplacée en de telle circonstance, attire l’attention de Gibbs.
- De quoi parlent-ils ? Qu’est-ce qui est bon ? 
McKay abaisse son bras et fixe le téléphone comme s’il découvrait cette technologie pour la première fois.
- Je n’en sais rien, ils ont raccroché. 
 
 
 
***
 
 
Un flash blanc intense remplit tout l’habitacle du Piaggio. Tony ferme violemment les yeux, surpris par la couleur qu’il imaginait rouge flamboyante. D’un autre côté personne n’est jamais revenu d’une explosion pour raconter comment c’était, alors…
 
Une étrange sensation d’engourdissement, si fugace que DiNozzo pense l’avoir rêver. Aucune douleur, juste une impression de vide, d’absence. Pas de choc, pas de grand bruit sourd. Tony ouvre les yeux s’attendant presque à se retrouver à l’entrée d’un tunnel avec une petite lumière au bout. Il n’en est rien.
Tony DiNozzo est dans une pièce ressemblant à un centre de contrôle lambda. Des hommes en uniforme se tiennent devant lui. Une tenue militaire à n’en pas douter, mais qui ne ressemble à aucune autre. A ses pieds se tiennent les corps inertes de John Sheppard et de Gloria. Quelques caisses d’armes les entourent. Si l’espace d’une seconde, Tony pense avoir été transporté dans une zone d’attente pour le Paradis ou un quelconque autre monde, la vision qu’il a en cet instant oriente davantage ses fantasmes post-mortem vers l’Enfer.
Une tête un peu triangulaire avec deux yeux immenses ressemblant au chat de Shrek, un être tout droit sorti de l’imaginaire des années cinquante… le petit gris de Roswell !
L’un des hommes en uniforme s’approche de Tony et le met en joue. Un seul tir, un rayon étrange, une sensation bizarre et le néant…

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