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Chapitre 2 : La rencontre

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 17/12/2008 22:25

Chapitre un

 

La rencontre

 

 

Le colonel Sheppard n’est pas mécontent lorsqu’il voit pointer au loin l’épaisse fumée traduisant l’approche de son étape de demi-journée. Dernière rencontre avec des humains avant sa soirée d’introspection.

Le petit restaurant ne paie pas de mine mais il a deux qualités cachées.

La première est le succulent pancake à la mirabelle du cuistot. La seconde est Gloria la divine serveuse.

Gloria, la petite trentaine, est une petite brune aux jolis reflets cuivrés. Ses grands yeux verts se sont posés sur John dès son arrivée dans la station. Elle l’a aussitôt accosté et lui a glissé dans la poche une carte de visite du restaurant. Depuis Sheppard est déjà venu deux fois déguster les pancakes sous le regard affamé de Gloria. Mais à l’instant présent, ce sont davantage les petits gâteaux que les rondeurs de la belle qui attirent le colonel. Gloria est mignonne mais un peu trop entreprenante pour lui. Un remake de Mara…en brune.

 

Un gargouillis comique accompagne le grincement de la porte d’entrée. Sheppard réprime une grimace, espérant être le seul à avoir perçu les signes annonciateurs de la faim.

La chaleur qui règne dans la grande pièce est majorée par le décalage entre l’extérieur froid et sec et l’intérieur, chaud et légèrement enfumé. Un grand feu de bois crépite dans une cheminée ouverte où une broche tourne lentement.

Gloria fait un immense sourire en apercevant le militaire. Sheppard a tout juste le temps de retirer sa veste en Gore tex qu’elle se jette sur lui, l’installant devant le feu de bois avec un bon vin chaud.

- Je ne vous attendais pas aujourd’hui John ? Je croyais que vous alliez faire une escapade en solitaire.

- C’est exact, mais je n’ai pas résisté à l’appel du pancake. Je fais juste une étape avant de rejoindre le gîte en haut du col.

- Très bon choix. C’est un endroit superbe où il n’y a pas âme qui vive.

Gloria ponctue ses phrases avec des clins d’œil aussi discrets que des mouches collées dans un pot de sirop d’érable.

- Si la solitude vous pèse, je suis disponible toute la soirée et toute la nuit…surtout la nuit !

Elle est adorablement directe. John lui adresse un superbe sourire de playboy, ajusté d’un regard de cocker.

- J’y penserai Gloria, mais je n’ai que peu de temps avant de repartir avec mes compagnons et cette soirée en solitaire, j’en ai grandement besoin. Un besoin vital.

- Les hommes trognons comme vous sont rares dans le coin. J’espère que vous reviendrez. A moins que je passe faire un tour par chez vous un de ces quatre…

- Ce serait avec plaisir, mais je crains que ce ne soit un peu loin. Rodney aussi sera très déçu.

Gloria fait une moue dépitée d’adolescente puis retourne en cuisine chercher une assiette bien garnie de pancake, de confiture de mirabelle et de sirop d’érable.

 

***

 

Sheppard est légèrement assoupi quand un vent frais traduit l’ouverture de la porte d’entrée. D’un œil entrouvert, Il regarde furtivement le nouvel arrivant. L’homme est grand et costaud. Sa tenue surchargée indique qu’il ne s’agit pas d’un randonneur. Sans doute un adorateur du ski-doo.

Sheppard n’aurait pas davantage attardé son regard sur l’homme si son entrée ne s’était pas accompagnée d’une étrange sensation de malaise. Le cuistot, généralement planqué derrière sa batterie de cuisine sort sa tête par le passe-plat puis redisparaît aussitôt. Gloria si affable d’habitude avec les hommes, pâlit légèrement avant de détourner ses yeux. Un instant ceux-ci croisent ceux de Sheppard. Une petite étincelle semble y briller. L’instant suivant Gloria a retrouver toute sa joie et sautille comme un cabris entre les tables.

John se demande si la fatigue n’est pas la cause de sa brutale suspicion. Du bout des doigts il caresse le pansement qui couvre une partie de son front.

Finalement le colonel Caldwell n’avait pas tord. Si Sheppard doit se protéger, c’est avant tout de lui-même, de ses angoisses et de ses sens un peu trop exacerbés.

Oubliant l’intrus, Sheppard retourne dans sa somnolence post-prandiale.  L’homme ne semble pas se rendre compte du mal-être occasionné par son entrée. Il grignote tranquillement une spécialité locale dont Sheppard n’a toujours pas identifié la nature.

 

Un temps indéfini s’est écoulé quand la porte s’ouvre à nouveau.

Le vent qui s’engouffre dans la pièce fait vaciller les flammes du feu de bois. Sheppard se réveille, surprit de s’être laisser aller au sommeil. Avec un bâillement peu discret, il s’étire et se lève péniblement. Gloria le regarde avec avidité.

Dieu comme les hommes sont sexy avec les cheveux en pétard ! Sheppard ne fait pas exception à la règle, bien au contraire. Son air d’homme des cavernes donne une folle envie de chasser le mammouth en sa compagnie. Gloria rit en pensant à une douce peau de renne au coin du feu. Elle tend l’addition à Sheppard en lui présentant son plus joli sourire et son plus beau décolleté.

 

Sheppard lui prend le papier des mains et l’accompagne au comptoir. Un homme est avachi sur le bar, faisant mine de dormir. Sheppard remarque aussitôt l’arme qui dépasse légèrement de son épaisse veste entrouverte. Un  magnum Desert Eagle. Pas étonnant que l’arme soit visible, vu son poids et sa taille. Une arme nécessitant une sacrée maîtrise, une arme réservée aux agents chevronnés.

Sheppard laisse traîner son regard quelques secondes de trop. L’homme réagit rapidement. Il se redresse puis lance son poing en avant…ne rencontrant que le vide.

Aiguisé à ce genre d’exercice, le colonel Sheppard  fait une belle esquive latérale et un petit bond de côté lui permettant d’asséner un superbe crochet à la face de son assaillant. Surprit, sans doute trop sur de lui, l’homme tarde à riposter. Sheppard ne lui en laisse d’ailleurs guère l’occasion. Il propulse un direct avant dans l’estomac du malheureux, en  profitant au passage pour récupérer le magnum de sa main droite.

Bien en appui dans une position d’attaquant, Sheppard met en joue l’homme qui râle bruyamment.

- Que se passe-t-il ici ?

La question de Sheppard est également pour le cuistot qui visiblement s’apprêtait à porter main forte à son agresseur.

Pour toute réponse, le colonel Sheppard obtient un coup fracassant sur la tête. Il s’effondre sur l’homme qui le repousse brutalement. Inconscient, le colonel ne peut voir Gloria triomphante, exhiber les restes d’une bouteille de scotch.

- Quel dommage.

- Tu parles de la bouteille Gloria ou du type ?

Gloria regarde alternativement John et le William Lawson.

- Un peu de deux je le crains. Attachez-le sur une chaise et mettez-le au sous-sol avec l’autre.

 

 

***

 

 

Gloria ouvre la petite trappe qui mène au sous-sol. Un rayon de lumière éclaire enfin une pièce exiguë sans autre ouverture. Dans le fond, couché sur le sol, mains et pieds liés dans le dos, un homme ronchonne à l’entrée de la belle.

- Salut Gloria, sympa ta petite visite.

- Je ne viens pas pour toi mais pour lui !

Au centre de la pièce, le colonel Sheppard est ficelé à une chaise par un bon gros ruban adhésif. Sa tête entourée d’un large bandeau sur les yeux, tombe mollement sur sa poitrine. Le colonel est toujours inconscient.

Gloria se place devant lui et caresse son cou, sa joue puis remonte lentement vers son front. Une voix derrière elle interrompt ses rêveries.

- Qui est-ce ?

- Un touriste. Au mauvais endroit, au mauvais moment.

D’un geste brusque elle arrache le pansement de son front, libérant une petite cicatrice parsemée de fils en nylon. Du bout du doigt elle suit le fin sillon qui disparaît dans la chevelure du colonel.

- En tout cas, c’est un vrai mâle comme je les aime. Brun ténébreux et mystérieux…

- Et moi, je suis quoi ?

- Toi tu es un cadavre putride si tu ne la fermes pas immédiatement !

L’homme se tait, râlant non de peur mais de colère.

 

Gloria retourne à l’expertise de sa proie.

Elle se penche légèrement et pose ses lèvres sur celles de Sheppard. Le contact est doux et chaud mais le colonel ne répond pas à son baiser. Dépitée la belle se redresse puis vient se placer à califourchon sur la chaise. Un faible geignement traduit le futur réveil du captif. Gloria joue de sa position, déboutonnant le haut de la chemise de Sheppard qu’elle repousse derrière ses épaules. D’une main douce elle câline son torse, s’arrêtant sur les blessures de l’épaule gauche.

- Et bien toi, tu n’es pas un simple touriste. Qui es-tu donc John Sheppard ?

Voyant que John montre des signes certains de réveil, elle pose sa main droite sur son épaule blessée. Elle espère ainsi ressentir plus amplement les frissons qui parcourront son corps à son éveil. Puis elle glisse sa main gauche dans sa nuque afin d’attraper ses cheveux et de maintenir sa tête redressée. Une étrange sensation collante interrompt son mouvement. Avec un geste de dégoût elle regarde ses doigts poisseux de sang séché.

- J’ai peut-être tapé un peu fort.

Le sourire qui illumine son visage dément la sincérité de ses propos. Elle reprend sa prise et attend que Sheppard reprenne conscience. 

L’attente est de courte durée.

 

Un grognement lui indique que sa victime est bien réveillée, même s’il est plus que probable qu’il soit encore un peu dans les vaps. Sans attendre son complet réveil, Gloria colle son visage à celui de Sheppard, espérant cette fois-ci obtenir une réponse satisfaisante à son baiser.

La réaction du militaire est loin d’être celle désirée.

D’abord surprit, Sheppard tente de la repousser d’un violent mouvement qui fait sursauter la chaise et Gloria avec. Leurs lèvres se dessoudent, au plus grand damne de la serveuse.

- Pourquoi me repoussez-vous John ?

Sa voix est mielleuse, ce qui la rend d’autant plus effrayante.

- Voyons…cela a peut-être un rapport avec le fait que je sois ligoté, avec qui plus est, un sérieux mal de crâne ?

Gloria caresse sa blessure au front et à l’épaule.

- Oh, John ! Ce ne sont pas ces malheureux bobos qui vous arrêteront, si ?

Le colonel Sheppard fait sa fameuse moue boudeuse. Gloria fond littéralement. Elle pose ses doigts sur les lèvres du colonel. Celui-ci essaye de ne rien laisser paraître de son malaise mais Gloria  ne peut ignorer les frissons qui parcourent Sheppard. La peur ? Le désir ?

 

- Pourquoi je suis là Gloria ?

- Mon pauvre John. Tu aurais mieux fait de partir temps que tu le pouvais. Pourquoi avoir désarmé mon ami ?

- En général, on ne se balade pas avec un magnum dans la poche.

- En général John, un simple touriste ne sait pas ce qu’est un magnum ? Qui es-tu vraiment ?

- Simplement un pauvre militaire en vacances.

Un mouvement au fond de la pièce indique à Sheppard qu’ils ne sont pas seul. Gloria aussi a réagit à cette annonce.

- Tu es avec le groupe qui vient de Cheyenne Mountain ? Quel est ton grade et ton poste là-bas ?

La surprise sidère le colonel qui tarde à répondre. Gloria est visiblement peu patiente. Elle enfonce indélicatement ses ongles dans l’épaule meurtrie, sortant brutalement le colonel de sa léthargie.

- Je ne suis qu’un technicien attaché à l’entretien des véhicules.

Gloria rapproche de nouveau ses lèvres du visage de Sheppard. Celui-ci sent le souffle chaud de sa respiration. Étonnement, il sent une boule de stress se former dans son estomac.

Jamais il n’aurait pensé que la perspective d’un baiser lui fasse plus peur que celle d’un couteau. Heureusement, Gloria se contente de susurrer des mots doux à son oreille.

- Ne vous moquer pas de moi. Un simple technicien n’aurai pas mis K.O. mon ami en trois secondes. Vous êtes rompu au combat et vous connaissez bien les armes. Vous êtes tout sauf un sous-fifre.

- Voila c’est ça, je suis tout sauf un sous-fifre. Je n’arrête pas de leur dire, mais personne n’écoute. Même Rodney croit que…

Sa phrase se perd avec le souffle qui est brutalement expulsé hors de ses poumons lorsque Gloria lui assène un violent coup dans l’estomac.

- Cela suffit ! Votre ami n’est pas militaire, c’est un scientifique. Je veux savoir qui vous êtes. Maintenant !

Sheppard se ferme aussitôt, serrant les mâchoires. Gloria se relève, visiblement très en colère. L’homme qui gît ridiculement sur le dos au fond de la pièce sort enfin de son mutisme.

- Vous ne voyez donc pas que c’est simplement un militaire en vacance ? Voyons Gloria, ne commencer pas à fantasmer. Si c’était James Bond, il ne se serait pas fait prendre aussi stupidement… et puis, il vous aurait poliment rendu votre baiser.

Gloria s’approche de l’arrogant.

- Vous êtes jaloux ?

- A dire vrai, pas franchement. Vous me faite penser au spectre à la fin des Aventuriers de l’arche perdue. Vous savez, une sublime jeune femme qui finalement se transforme en monstre et fait fondre la peau sur les nazis qui…

Un second coup au ventre pour une minute supplémentaire de silence.

-Vous rigolerez moins quand vous sentirez effectivement la peau fondre sur votre ridicule petit corps apeuré !

Sur ces mots, Gloria retourne vers la trappe et sort un instrument de son sac. Sheppard qui entend farfouiller derrière lui n’est pas très serein. Il questionne le second prisonnier comme si Gloria était quantité négligeable, ce qui malheureusement est loin d'être le cas.

- Qu’est-ce qu’elle fait ?

L’homme hésite visiblement à répondre mais lorsqu’il voit la belle se rapprocher de Sheppard, il ne peut réprimer un hoquet de dégoût.

- Vous avez vu Réservoir-Dogs ?

- Tarantino. 1992.

- Oui, avec Harvey Keitel et Tim Roth.

- Et moi, je suis qui ?

- Le flic sur la chaise.

Sheppard blêmit et commence à s’agiter. Gloria pose la lame froide du couteau sur sa nuque.

- Vous sentez comme c’est doux et sensuel ?

Sheppard ne répond pas. Cette femme est complètement folle.

 

Finalement, à choisir, maintenant il préfère le baiser.

 

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