Autres regards
XVIII
-Dites adieu à Teyla, colonel Sheppard !
Ces mots sont comme une douche froide qui par un pouvoir extraordinaire attiserait le feu qui brûle en moi.
Teyla est effectivement allongée sur le sol et ne semble pas avoir repris conscience. En fait, je ne suis pas plus surpris que cela. D’une façon que je ne saurais m’expliquer, j’ai senti ce qui se passait. Je me doutais que tout ceci était trop simple, trop facile. Je desserre légèrement l’étreinte de mon arme. Je ne veux pas lui laisser trop de marge. En même temps, je me demande bien ce que je vais pouvoir faire. Gagner du temps…
Je fixe le wraith avec une haine farouche que je ne me connaissais pas. Décidément ce wraith sait comment extraire de nous les sentiments les plus enfouis et malheureusement les plus inavouables.
Je meurs d’envie de lui enfoncer le canon de mon arme jusqu’à lui transpercer la gorge… résiste John, résiste !
- Comment est-ce possible ?
Tout en posant la question, je réalise que je connais déjà la réponse. L’expérience, le gène des wraiths. Mais je ne m’explique pas comment il a fait pour capturer son esprit. Déjà par le passé, un wraith avait pu parler à travers Teyla, mais entre communiquer par son biais et emprisonner son âme, il y a une limite qui me semble impossible à franchir.
- Teyla possède des gènes wraiths. Le saviez-vous ?
Nous y voilà !
- Oui, mais même si les wraiths peuvent communiquer entre eux, ils ne peuvent pas…
- Si, lorsque l’autre wraith fait partie de la même unité au sein de la ruche…
J’écoute à peine le reste de son explication. J’ai compris.
Ce wraith, aussi incroyable que cela puisse paraître est finalement un ancêtre de Teyla, du moins du point de vu génétique. Ils ont utilisé leurs propres cellules avec leur capital ADN pour les expérimentations dont Teyla est issue.
Ainsi la télépathie n’est pas si restrictive que cela. Les wraiths apprennent à moduler leurs ondes cérébrales afin de ne transmettre que ce qu’ils souhaitent partager, mais ceux issus de la même famille ont des capacités bien plus développées que cela.
La peur se partage avec la colère. Une autre perception vient se mêler à mon cocktail déjà explosif de sentiment. La pitié.
J’éprouve à cet instant une pitié sans nom pour Teyla. La savoir seule, prisonnière de cette enveloppe charnelle si répugnante mais qui d’une certaine façon est son histoire… Combattre toute sa vie un ennemi que l’on découvre un jour être un élément de soi… autant de pensées qui viennent massivement perturber mon jugement.
Je me sens perdu.
Le wraith perçoit parfaitement ma détresse et s’en gave jusqu’à plus soif. S’il pouvait en imploser !
- Me tuer maintenant, serait la condamner avec moi. Jusqu’où irez-vous par amitié colonel John Sheppard ? Qui allez-vous choisir ?
J’attendais ces mots sans aucune impatience. Maintenant qu’ils sont formulés, je me sens vidé de toute substance.
Je regarde McKay. Il gît inerte, dans une position ridicule mais qui met en avant sa jambe et son épaule blessées. L’effort qu’il a fourni pour se dégager de l’emprise du wraith a dû vider ses dernières batteries. A moins que la peur et la fatigue se soient associées pour lui donner un repos bien mérité. Quoiqu’il en soit, il n’assiste pas à mon terrible dilemme et c’est tant mieux.
A présent, je porte mon attention à Teyla. Son visage est lisse comme si elle dormait d’un sommeil paisible. Pourtant je la devine en grande souffrance morale et sans doute physique. Je ne sais que trop bien par expérience ce que l’on ressent dans cet étrange contexte.
Le wraith confirme mes plus terribles soupçons.
- Votre amie vous supplie de l’épargner. Elle hurle contre son impuissance et ma suprématie dévoilée. Elle a en commun avec vous la couleur de ses émotions. Vous êtes tous deux d’un rouge incroyablement intense. Un rouge fluide assorti d’une ombre qui ondule au rythme de vos passions. Un rouge sanguin.
-Teyla sait très bien que je n’ai pas le choix. On a déjà vécu cela auparavant.
Je devine le wraith qui farfouille son esprit à la recherche de l’information. Gagner du temps c’est bien, mais si je ne trouve pas rapidement quoi en faire…
- Oui, effectivement. Mais j’entrevois une différence de taille colonel Sheppard. Teyla allait vous tuer afin de sauver toute la population d’Atlantis.
Je sais où il veut en venir et je ne veux pas entendre la suite. J’essaye de me fermer, de me rendre hermétique à ses paroles, mais celles-ci pénètrent en moi avec d’autant plus de brutalité que je les sais être vraies.
- Alors que le choix que je vous donne est plus restreint. Sauver Teyla ou la sacrifier pour McKay ! Quel est le sens que vous donneriez au mot amitié à cet instant ?
A cet instant, le sens que je donnerai au mot amitié, c’est emmerde !
***