Autres regards

Chapitre 13 : XIII

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:22

 

XIII
Je l’avais senti venir de loin. Elle est exactement comme je l’imaginais. Son flux est si net que je m’étonne d’une telle réussite. Qui aurait dit que notre expérience aurait perdurée au-delà du temps et traversée plusieurs générations ?
La fille, fruit de notre savoir, union d’un peuple et du notre.
Je la hume sans difficulté malgré la distance. Elle en fait autant à sa façon. Cela la perturbe. Elle réalise que quelque chose entre nous va bien plus loin qu’une simple rencontre entre un wraith et une humaine. A-t-elle seulement la moindre idée de notre lien ?
Je la vois qui s’interroge. Décidément, ma petite expérience personnelle prend vraiment une tournure différente de ce à quoi j’aspirais.
Ma victime semble regarder aussi en direction de la fille, mais son regard ne s’y arrête pas. Ce qui l’intéresse, c’est l’autre, l’homme, son ami.
Je le regarde également avec intensité. Il est celui par qui la connaissance du mot « amitié » va enfin être dévoilée. Sera-t-il vraiment prêt à échanger sa place contre celle de ma petite chose ?
Ce jeu devient vraiment intéressant d’un coup. Lui, le chaînon manquant à mon étude et Elle, le fruit d’une expérimentation plus ancienne que je croyais oubliée.
 
Ma victime s’agite sous la paume de ma main. Je la sens qui vibre. Une nouvelle émotion ? Non, la voila qui glousse puis rit franchement.
Je porte mon regard sur son visage blafard et hilare. Je suis particulièrement décontenancé. Que se passe-t-il ?
Les deux autres humains semblent aussi surpris que moi. Est-ce la folie ?
Voila un mal qui ne touche pas les wraiths. Encore un signe de notre supériorité.
La folie est la dégradation d’un esprit. C’est une chose inacceptable que l’on doit éradiquer avant qu’elle ne s’installe et pourrisse le corps.
 
Je diminue la pression que j’exerce sur mon cobaye. Je le vois se calmer doucement. Il a l’air d’avoir oublié ma présence lorsqu’il s’adresse aux autres humains.
- Que faites-vous là ? 
La femme ne répond pas et l’homme semble presque amusé par cette question. J’assiste donc incrédule, à une discussion surréaliste entre mon objet d’étude et son dit, ami.
-Et bien, on se baladait quand tout à coup, Teyla s’est dit que se serait sympa de visiter ce magnifique et paisible site.
-…
-Que croyez-vous que l’on soit venu faire ici, franchement Rodney, vous en avez d’autres des questions stupides ?
-Hé, ho, des fois que cela ne soit pas évident je suis blessé et fatigué. Désolé si je ne brille pas par mon habituelle intelligence et capacité de déduction.
Et puis si vous n’avez pas encore remarqué, nous ne sommes pas seuls. Que comptez-vous faire de la sangsue qui s’est agglutinée à moi ? 
 
Je vois bien que l’on parle de moi mais j’avoue qu’étrangement cela m’amuse. Finalement, rien ne vaux une confrontation entre plusieurs spécimens pour comprendre plus amplement leur mode de vie.
L’homme reprend tout en me désignant.
-Je ne sais pas à quel petit jeu il joue, mais je doute que votre parasite nous laisse vous récupérer sans broncher. Je vous ferais également remarquer que sa main est posée sur votre poitrine, prête à dégainer.
-Et vous croyez que je l’ignore ?
-Bon, maintenant ça suffit tous les deux ! 
Ha, voila enfin la femelle qui rentre dans la partie. Elle avance vers nous, le canon de son arme pointé droit sur moi.
-Que voulez-vous ? Qui êtes-vous ? 
Je la fixe avec toute mon énergie et je la sens vaciller.
 
Elle sait.
Elle doute et ne veut pas y croire, mais elle sait.
J’attends le bon moment, celui où la révélation sonnera le glas de cette expérience. Je me délecte de la tournure des évènements. Le hasard, s’il existe, a vraiment travaillé en ma faveur.
Je me sens invulnérable.
Etrange remarque…je SUIS invulnérable face à ces humains qui ne sont pour moi que de misérables bestioles.
Je me fais ces réflexions et en même temps, je sais pertinemment que je n’en crois rien. Comme j’aimerais parfois avoir l’esprit aussi faible que les humains. Comme j’aimerais agir sans me poser toutes ces questions.
Voila encore ma pensée qui divague et s’égare dans les méandres de mon âme.
Concentration. Répondre à la femelle.
 
-Ce que je veux ? Je veux savoir. 
-Et que voulez-vous savoir ? 
C’est l’homme qui me répond. Lui aussi s’est avancé et pointe son arme sur moi.
Tous deux m’ont mis en joue et pourtant aucun ne tire. Veulent-ils des réponses eux aussi ou est-ce simplement par souci de ne pas blesser leur «ami ». Attitude illogique et stupide, mais qui m’arrange bien il faut l’avouer.
Je ne réponds pas, me contentant d’exercer de nouveau une pression sur mon futur repas. Ainsi stimulé, celui-ci donne matière à réfléchir aux deux humains.
-Vous allez rire colonel, mais ce wraith veut connaître le sens du mot amitié. Et pour tout vous dire je crains qu’il ne m’ait gardé en vie que pour vérifier de visu ma définition du terme. 
L’homme blêmit et me regarde avec étonnement. Je soutiens cet échange visuel. Cet humain aussi est différent. Si tous les hommes de la Terre sont ainsi, je comprends mieux leur esprit combatif.
Il y a dans cet humain quelque chose de très spécial. Ma victime est étrange car ses pensées sont particulièrement intéressantes. Sa façon de raisonner donne vraiment matière à étudier. Mais cet autre humain est aussi très captivant. Je le perçois avec une sensibilité aiguisée et à fleur de peau. J’ai l’impression que son corps réagit à la place de son cerveau. Non qu’il ne soit pas intelligent, enfin, pour un humain, mais je le sens moins tordu que son compatriote. Cependant, il a en lui un petit quelque chose qui le rend vraiment différent. Je sens en lui une démesure. Une absence de limite qui me procure à son contact un sentiment de vertige.
Lui prendre sa force vitale doit être extraordinaire.
J’ai envie de lâcher ma proie, qui tout d’un coup me semble bien terne. Il me faut résister. Si ce qu’à dit ma marionnette est exacte, cet humain sera mien.
Je sens sa force. Elle me donne envie et décuple ma faim. Je ne saurais attendre davantage. Il me le faut, maintenant, de suite !
 
Je me redresse avec une rapidité qui les laisse sur place. Je me délecte de cette supériorité que je leur crache comme une insulte. Ma proie est collée à moi comme une seconde peau. Je la sens qui perd vie. Les mouvements brusques ne doivent pas convenir à son état.
Tiens, il vient de découvrir une nouvelle blessure.
Sa souffrance décuple mon plaisir. Encore une fois je crois nécessaire de me rassurer et de me dire que la souffrance en tant que telle n’est pas la cause de ce bonheur physique. Pourquoi ai-je tant besoin de me le dire encore et encore à chaque jouissance. Est-il si important pour moi de me déculpabiliser ? Où est ma responsabilité, en tant qu’individu ? Je suis un wraith et cela ne devrait en aucun cas me poser problème.
Comme j’exècre ces moments de dialogue intime où je tourne en rond. Je n’aime pas vraiment faire souffrir mais cela me procure du plaisir. Je voudrais pourvoir dire cette phrase sans en ressentir une gêne intense.
 
Bon, cessons-là ces divagations de l’âme et revenons au présent. Hum…
Je disais donc que la douleur qui vient de prendre naissance dans mon humain me procure beaucoup de pl…plaisir !
Il serre les dents et essaye de cacher son martyre aux autres. Non, je ne le veux pas. La douleur est contagieuse et le mal qui enfle dans leur esprit est source de confusion. Cela ne peut que m’être utile. Je bouscule un peu mon humain, l’obligeant à avancer d’un pas. Sa jambe se dérobe sous lui et il laisse échapper un cri en perdant son équilibre. Je le tiens fermement, il ne tombera pas.
La femme a fait un pas dans notre direction, prête à prendre le blessé dans ses bras. Que ces femelles sont donc maternantes et instinctives.
L’homme par contre n’a pas bougé. Me serais-je trompé ? Sera-t-il vraiment l’ami tant vanté par ma proie ?
Ses yeux brillent d’une colère que je mésestimais.
Oui, il sera l’aboutissement de cette expérience. Par ma volonté et je l’espère la sienne. Quelque soit son choix, il m’appartiendra.
 
-Jusqu’où irez-vous par amitié ? 
Voila, la question est lâchée. Je la laisse faire son chemin dans les esprits inférieurs des humains. Je sens mon cobaye se raidir, comme si une balle l’avait frappé en pleine poitrine.
La femme ne bouge pas, elle semble médusée. Je la sens qui cherche à infiltrer mon esprit. Je la laisse venir doucement.
L’homme baisse son arme.
-Que voulez-vous ? 
Je visualise dans mon esprit ce que je veux. Lui. Et ce que j’en ferais…ça !
-Non !!! 
La femelle crie en plaquant ses mains sur ses tempes. Un cri unique puis le silence. Elle s’effondre au sol avec légèreté, comme se pose une plume.
Quelle est fragile la vie de ces petits insectes futiles !
 
 
***

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