Autres regards

Chapitre 12 : XII

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 28/09/2008 17:25

 

XII
Bon Dieu ce que c’est rageant ! D’abord Rodney qui trouve le moyen de se faire enlever par un wraith dès que j’ai le dos tourné et maintenant les traces qui se fondent dans la végétation. Si ce n’était pas McKay, je l’enverrais sur les roses…hum, en faite McKay j’ai surtout envie de lui botter les fesses !
Je lui avais dit que cela ne servait à rien d’insister. Ces vieilles ruines ne renferment sûrement pas la moindre technologie pouvant nous aider dans notre lutter contre les wraiths. Mais non, Monsieur voulait rester encore un peu, Monsieur pouvait se débrouiller seul et voulait que je le laisse tranquille car je dérangeais Monsieur. Et bien maintenant Monsieur doit avoir rudement chaud aux fesses et doit regretter ma taloche, dure mais plus agréable que la compagnie d’un suceur d’âme.
Et puis, il est agaçant, ce scientifique à toujours se mettre dans le pétrin. Si quelqu’un ici, doit se retrouver dans cette délicate situation c’est moi. Suis-je le chef d’expédition ou pas ?! Aucun respect ces wraiths !
Bon sang Rodney, mais pourquoi diable êtes-vous resté au lieu de me suivre comme je vous l’avais demandé. Une vraie tête de mule. Une mule intelligente, il est vrai, mais butée comme pas deux.
Enfin… on fait une belle brochette d’emmerdeurs tous les deux. Quand ce n’est pas l’un qui se fait piéger, c’est l’autre.
 
Teyla avance rapidement. Heureusement qu’elle renifle la charogne de loin. Cela la perturbe, je le sens bien. Je lui en demande beaucoup. S’immiscer ainsi dans l’esprit de nos ennemis ne doit pas être chose facile.
Teyla est vraiment une femme extraordinaire. Elle est posée et réfléchit. Je sais que je peux compter sur elle, et McKay le sait aussi.
J’espère qu’il va bien… pas de sentimentalisme, ce n’est pas le moment…oui, mais sans Rodney, je n’aurais plus personne à persécuter.
Courage Rodney, nous arrivons. Je suis certain qu’il est vivant. Je ne sais pas pourquoi mais je le sens en moi. Il est vivant. Il n’est pas mort, il n’en a pas le droit !
 
Bon, elles sont passées où ces empreintes de pas ? Ce serait bien la première fois que Rodney se ferait discret…
Bordel ! McKay où êtes-vous ?!
Teyla continue d’avancer. Je la suis de si près qu’il me semble l’entendre respirer. Je me sens si proche d’elle. Son âme et la mienne se sont mélangées… Teyla. Je ne supporterais pas de te perdre.
Et toi non plus, McKay, donc débrouilles-toi mais reste en vie. C’est un ordre !
 
La colline nous bloque le passage. Où sont-ils donc passés ? Et pourquoi ce wraith se ballade-t-il avec Rodney comme boulet ?
Faut vraiment être particulièrement stupide pour choisir un bavard imbuvable comme otage. Mouai…personne n’a jamais dit que les wraiths avaient bon goût, mais là quand même, ça relève d’une poisse pas possible. Espérons qu’il continuera avec la malchance et qu’on les retrouvera à temps.
 
Teyla s’approche de la paroi rocheuse. Surprise ! Une porte.
Tien tien, ça me rappelle quelque chose.
Teyla fait un pas dans le laboratoire secret. Qu’elle est pâle ! Oulala, je sens qu’elle va tomber dans les vapes, ce n’est pas le moment !
Je pose ma main sur son épaule et sens toute son énergie qui vient s’y canaliser. La présence du wraith la perturbe. Je perçois également cette étrange atmosphère, étouffante, emprunte de mysticisme… On se croirait dans un film de série B.
 
Pauvre Teyla. Ce que je lui demande est vraiment douloureux pour elle. J’espère qu’elle ne ressentira pas la souffrance de McKay si jamais le wraith venait à s’en nourrir.
Je chasse cette pensée comme toutes celles qui cherchent à me distraire de ma tâche.
 
Depuis mon arrivée sur Atlantis, bien des choses ont changé en moi.
J’y ai trouvé une famille et petit à petit j’apprends à me faire confiance et à faire confiance aux autres.
Rodney ! Cela a été si difficile d’admettre qu’une amitié naissante m’a fait commettre une énorme erreur de jugement. Je t’en ai voulu, mais au fond, le fautif, c’était moi. J’aurai du savoir écouter et savoir dire non. Je m’en suis voulu et j’ai renié cette confiance que j’avais donnée un peu trop vite. Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. L’amitié c’est aussi savoir contrarier l’autre…pour mieux le protégé. Je dois dire que depuis je me fais un malin plaisir à contrarier cet égocentrique scientifique imbu de lui-même. Oui, mais c’est mon ami. Nous avons tant de fois déjà risqué nos vies l’un pour l’autre. Tous pour un et un pour tous ! Tiens faudra que je raconte cette histoire à Ronon, ça va lui plaire…Ronon, encore quelqu’un qui est entrée dans ma vie.
Marrant comme en voulant quitter la Terre pour m’isoler et oublier, je me suis reconstruis…
 
Teyla semble revenir à elle, un peu de couleur colore ses joues. Juste une petite ombre rose. Je pose mon autre main contre son visage et j’en ressens toute la chaleur.
-Teyla, ça va ?
-Oui. Il est là. C’est un laboratoire, comme celui où mes ancêtres… 
Je ne la laisse pas finir sa phrase. Je sais ce qu’il y a devant nous et je sais que cela ne peut qu’affecter encore plus Teyla.
Les souvenirs sont parfois comme la gangrène, ils rongent au plus profond de nous.
-Oui. Et McKay ?
-Je le sens également, mais si faible. Le lien est si fin, John. 
 
Elle est si fragile notre Teyla, derrière sa façade de chef. Comme le fardeau a dû être lourd à porter !
Je pose un doigt sur ses lèvres. Cela éveille en moi un tout autre genre de souvenir. Je souris.
Je la sens qui s’accroche à ce sourire comme à une bouée de secours. Allez vient, jolie Athosienne, allons jouer les chevaliers et tuer le méchant dragon wraith. L’image m’amuse bien. Je verrais bien Teyla avec une tenue à la Jeanne d’Arc et Rodney couinant en haut d’un balcon.
Bon, cessons ces divagations.
Je fais un signe à Teyla et nous entrons ensemble. Des voix parviennent du fond de la grotte. J’ai l’impression qu’à tout moment on va nous sauter dessus, mais Teyla semble avancer sereinement.
Subitement elle change de teinte. Ses couleurs ont encore disparu. Est-ce la présence si proche du wraith ou la voix torturée de McKay. J’avoue que je me sens mal à l’aise également. J’aimerai disparaître et faire celui qui ne sait pas, celui qui n’a rien vu… Rodney…mon esprit inventif m’emporte et je n’ose imaginer le tableau qui va s’offrir à moi.
Faites que McKay ne soit pas vieux et ridés, Dieu faites qu’il ne soit pas mourant.
Des frissons me parcourent tout le corps.
Je réalise soudain que je préfère le savoir mort que de devoir abréger moi-même ses souffrances. Non, je ne pourrais pas ! Plus jamais. Pas lui, pas Rodney !
Je voudrais fuir ce lieu et c’est ce que je fais. Je me sens partir. Mon esprit vagabonde.
Adieu Rodney ! Non, je ne peux pas ! Sa souffrance me tient au corps comme une chaîne en métal lourd. Je voudrais tant disparaître.
-Colonel Sheppard ! 
La voix de Teyla me ramène à la réalité.
Je réalise combien cette expérience m’a changé, combien l’empathie est à fleur de peau depuis que je suis sur Atlantis, depuis que j’y ai une famille. Je chasse ses rêveries d’une secousse. Rodney, tenez bon, nous arrivons !
-Allons-y Teyla. 
 J’avance, bien décidé à secourir McKay, quelque soit l’application du mot secourir. Teyla me rejoint puis me précède. Elle avance d’un pas décidé. Je la laisse prendre quelques mètres d’avance. Ici, c’est son terrain de chasse.
 
Teyla s’arrête brutalement puis avance très doucement. Elle a sa proie en ligne de mire et se met en position d’attaque. Je me décale pour mieux appréhender la situation.
McKay est au sol, couvert de sang. Le mien se glace en voyant cet horrible tableau.
Le wraith est à genoux devant lui. Il me tourne le dos mais je distingue nettement sa main sur le torse de Rodney.
On arrive trop tard.
McKay lève les yeux vers nous. Ce regard…encore un souvenir douloureux, de ceux que l’on chasse mais qui nous collent à la peau avec une rage terrible et un besoin vital de raviver la souffrance. Sumner…
McKay regarde à travers Teyla mais n’y fixe pas son regard. C’est sur moi qu’il se pose.
J’ai mal.
 
Ma douleur explose lorsque le wraith se retourne avec McKay. Je vois le visage rayonnant et ironique du bourreau. J’ai comme une envie brutale de meurtre. Je ressens le désir de tuer ce wraith, non comme l’accomplissement d’un destin inéluctable, mais comme l’aboutissement d’une quête. Je découvre pour la première fois ce désir de vengeance que je ne connaissais pas, du moins pas vraiment.
Ce wraith, je le hais au plus profond de moi. Il est différent, je le sens bien, mais je m’en fiche. Il a entre ses mains ce que je convoite…la vie de mon ami. Si je n’obtiens pas la vie de McKay, celle de mon ennemi vaudra de l’or.
La vengeance est un plat qui se mange froid dit-on.
Moi je le sens qui brûle en moi, comme un brasier qui s’est allumé il y a longtemps, alors que mon doigt pressait une gâchette et ôtait la vie d’un homme. Ce wraith, là, maintenant, ravive en moi cette haine.
 
Je le regarde sourire et cela attise ma colère. Non, celui-là, tu ne me le prendras pas et tu ne m’obligeras pas à le tuer. Jamais !
Je regarde McKay, l’objet de toute mon attention et ma rage disparaît aussi brutalement qu’elle était apparue. Il est hilare.
La surprise me stupéfie et calme mes instincts meurtriers.
Un regard collégial d’incrédulité nous frappe. Teyla, le wraith et moi-même sommes assommés par la réaction inattendue de McKay.
Je réprime un fou rire. Qui à part Rodney est capable de rire dans cette situation ? La tension explosive redescend et l’échange de regard se poursuit comme si chacun d’entre nous se demande ce qu’il convient de faire. En fait, je crois que c’est exactement cela.
J’hésite. Parler, rire, tirer, tuer, pleurer…que dois-je faire ?
Bon sang, Rodney, il n’y a vraiment que vous pour nous mettre dans des situations pareilles !
 
 
 
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