Autres regards

Chapitre 11 : XI

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:13

 

XI
Je le sens, ça y est.
Nous marchons sur sa trace depuis qu’il a enlevé Rodney. John est beaucoup plus inquiet qu’il ne le laisse paraître. J’avoue que je partage son sentiment. Pourquoi ce wraith a-t-il enlevé McKay au lieu de s’en nourrir immédiatement ?
John pense que le wraith doit être masochiste et qu’il se débarrassera de Rodney dès que celui-ci ouvrira la bouche. Sheppard exagère, mais c’est vrai que Rodney a l’art de s’attirer les foudres de ses interlocuteurs, alors un wraith…
 
Nous approchons du massif rocheux qui domine cette région du globe. Jusqu’à présent le wraith était hors de portée mais maintenant je le sens tout près. Sans doute a-t-il interrompu sa marche.
Les sensations que je perçois sont étranges. Elles ne sont pas comme celles de wraiths combattants au sein des ruches. Non, celles-ci sont plus colorées.
Cela peut paraître insolite de parler de couleurs pour des sensations, mais c’est ainsi que je le perçois. John me fait confiance mais je sens bien que mes interprétations lui sont totalement incompréhensibles. Pourtant nous avons partagé ce lien télépathique il y a peu. Peut-être est-ce pour cela qu’il ne tiens pas tant à comprendre. Je sens sa réticence et son effroi.
La télépathie est mon héritage bien malgré moi. Il me fait parfois peur également. Mais je béni ce don qui m’a si souvent sauvé la vie. Ce don qui m’a permit de sortir Sheppard de sa transe hypnotique (cf. « La tombe ») et qui je l’espère nous permettra de sauver également McKay.
 
John me suit de près. Je le sens fatigué et anxieux.
Jusqu’à présent les wraith ont toujours agit de façon cohérente avec leurs espèces et leurs modes de vie. Pourquoi celui-ci a-t-il agit différemment ?
Nous sommes certains qu’il espionnait déjà le campement avant que John s’en éloigne, laissant Rodney tout seul. Pourquoi ne pas avoir attaqué à ce moment-là ? Un wraith contre deux humains, même deux terriens, ce n’est pas kamikaze, bien au contraire.
Chose plus étonnante encore, pourquoi était-il seul ? Une seule trace, outre celle bien reconnaissable de McKay.
Beaucoup de questions se bousculent dans mon esprit et les couleurs qui viennent s’y associer ne font qu’amplifier le mal être.
 
Ce wraith est différent, de multiple façon.
Il agit contre son instinct et sa faim. Pourtant je le sens affamé. J’ai peur de cette faim qui signe la mort imminente de Rodney. J’ai peur de cette faim qui brûle en moi comme en mon ennemi. Nous sommes liés, et beaucoup plus intimement que je ne le voudrais. Cela me fait peur et je ne me l’explique pas. Bon, passons…
 
Un mur rocheux se dresse devant nous, comme un obstacle à toute progression. Sheppard me fait signe d’avancer. Il sait qu’il y a un passage. Parfois je me demande s’il ne serait pas un peu télépathe lui aussi. Il y a un lien qui l’uni avec tant de force aux gens qu’il aime…
Il ne l’avouera jamais mais je sais qu’il apprécie Rodney bien plus qu’il ne le montre.
 
Je me souviens de leur première vraie dispute, lors d’une expérience qui a mal tournée. Sheppard a eu bien du mal à refaire confiance à McKay et ce dernier n’a depuis de cesse de lui prouver sa valeur. Mais au fond, John est surtout furieux contre lui-même. Furieux de ne pas avoir su mettre de côté son amitié pour faire entendre sa voix de chef. Ils ont tout deux appris de cette erreur, mais ils en sont marqués au fer blanc. Aujourd’hui cette histoire est classée, rangée parmi les lourds dossiers d’Atlantis, mais elle a longtemps rongé leur duo.
La patience et l’amitié les ont réunis de nouveau et maintenant John s’en veut d’avoir laissé seul son ami.
Agirait-il de même pour moi ? Je n’ai pas le moindre doute, et j’en ferai de même.
Atlantis nous a unis comme une famille.
 
John s’énerve. Il me sent perturbée et c’est vrai, je le suis.
Je parle de famille et je pense à mon père, Tagan et à son lien avec les wraiths. Ce lien qui m’uni maintenant avec cet ennemi que je préfèrerais oublier.
 
Une porte s’ouvre à mon approche.
Le souvenir de mon père n’était donc pas si innocent. Je devais instinctivement sentir la présence de ce laboratoire wraith.
La porte s’ouvre et l’aura du wraith m’enveloppe brutalement. Je perds pieds. Ma tête semble tourner sur son axe. Une main chaude et réconfortante se pose délicatement sur mon épaule. Une autre sur ma joue.
John.
-Teyla, ça va ?
-Oui. Il est là. C’est un laboratoire, comme celui où mes ancêtres…
-Oui. Et McKay ?
-Je le sens également, mais si faible. Le lien est si fin, John. 
 
Sheppard pose un doigt sur mes lèvres et me fait son fameux sourire. Comme je l’aime dans ces moments-là. Son regard et son sourire me feraient parcourir des galaxies. Il fait partie de moi, de ma famille. John, Ronon, Elisabeth, Carson, tous mes amis d’Atlantis forment ce tout unique qui me donne des ailes. Même Rodney en fait partie et le savoir seul à la merci de cet étrange wraith… je n’ose imaginer.
John me fait signe d’entrer. Ensemble nous pénétrons dans le sombre laboratoire. Tout ou presque y est identique à celui que nous avions déjà visité. Des brides de voix arrivent jusqu’à nous.
Le wraith d’abord, puis Rodney. Sa voix me saisit avec brutalité. Ma peau se hérisse de millions de petits boutons, comme autant de frissons. La voix habituellement sarcastique et dynamique de McKay n’est plus que l’ombre d’un murmure glissé entre deux mâchoires crispées de douleurs. Je sens la transpiration qui coule sur mes tempes. La souffrance de McKay se fait mienne et s’amplifie avec les couleurs qui émanent de son bourreau. Je sens que John aussi vacille. Nous baignons tout deux dans une sorte d’empathie qui nous paralyse. Je suis la première à sortir de cette torpeur.
-Colonel Sheppard ! 
Il me regarde comme s’il sortait d’une transe. Je me demande soudain si je n’ai pas, à mon insu, émit des ondes avec tant de vigueur qu’elles en ont affecté son esprit et sa conscience.
Il est très pâle et son regard a bien du mal à accrocher le présent. John tourne doucement sa tête puis avec énergie, comme s’il chassait de mauvais rêve.
-Allons-y Teyla. 
L’arme au poing, John s’avance. Doucement, sans bruit, je le rejoins puis le précède. Il ne se formalise pas de mon attitude.
 
La pièce est peu éclairée, mais même dans le noir le plus absolu, je l’aurai vu.
Il se tient à genou devant le corps de McKay. Ma première sensation est celle du dégoût et de la haine. Sa main est posée contre le torse de notre ami. Je sais ce que cela veut dire, pourtant cette posture m’affecte peu. Sans doute ai-je inconsciemment réalisé qu’il ne se nourrissait pas et ne comptait, a priori, pas le faire dans l’immédiat.
 
J’avance doucement vers lui. Je vois le regard de Rodney qui tombe sur moi. Il me regarde, mais je le perçois très loin de moi. J’ai l’impression qu’il me transperce et va bien au-delà. Jamais le regard du scientifique n’a été si vide de sens.
 
Je ne comprends pas très bien ce qui m’arrive. Je me sens bizarre, comme si je flottais au-dessus de cet étrange tableau.
Je me vois avançant avec lenteur et fluidité. Je le vois, lui, l’ennemi, qui me tourne le dos mais qui a très bien perçu ma présence.
Depuis quand ? Depuis combien de temps sait-il que je le suis et que j’arrive ?
 
Mes questions et mon état de transe cessent brutalement de me torturer quand le wraith se retourne en emportant violement McKay avec lui.
Je sors de ma torpeur et le regarde fixement. Il en fait autant. Derrière moi, je sens Sheppard qui pivote pour mieux agir.
Le wraith est dos au mur, Rodney dans se bras comme un bouclier humain.
Le wraith sourit, exposant son horrible dentition à notre regard. Le wraith sourit et McKay en fait autant. Il me regarde et me fait un sourire rendu horrible par la grimace de douleur qui l’accompagne. Ses yeux me quittent pour se fixer sur un point derrière moi.
John.
McKay s’agite légèrement puis se met à rire, nerveusement sans doute, je l’ignore. Ce que je perçois en revanche c’est toute l’incrédulité du wraith…qui n’a d’égale que la mienne et celle de Sheppard.
 
 
***

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