Autres regards

Chapitre 5 : V

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/11/2016 22:53

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V
Il s’est réveillé. Il était temps.
Je commençais à craindre mettre trompé dans mes posologies. Je fais semblant de rien et continue de vaquer à mes occupations. J’aimerais voir ses réactions.
Hum…bien sur, il fait le mort, comme tous les animaux pris dans un piège. Faire le mort pour mieux se sauver ensuite. Piètre ruse. Bon, il doit être encore un peu vaseux.
Je le sens qui examine la pièce. Il doit être stupéfait. Cet endroit est si différent de la ruche.
Je regarde mon laboratoire avec des yeux tout neufs, comme si j’étais l’humain.
Il est petit mais fonctionnel. Il est le vestige d’un temps du passé, témoignage oublié des expériences interdites que pratiquaient certains permis les nôtres. Je me souviens de cette époque, avant l’hibernation, bien avant.
 
Avec d’autres scientifiques nous faisions des expériences sur les humains. Moi, ma spécialité était la médication. Nos reines avaient renié nos objectifs, pourtant ils étaient logiques. Nous ne sommes jamais malades, et bien nourri, nous sommes immortels. Oui, mais la nourriture est rare et sensible aux germes et aux bactéries qui pullulent sur ces planètes primitives.
Depuis mon éveil, il y a peu, j’ai repris mes recherches.
Je me tourne brutalement vers l’humain.
J’ai repris mes recherches et j’ai enfin un sujet d’étude.
 
Je m’approche de lui avec suffisamment de lenteur pour ne pas perdre une miette de ses réactions. Il tremble. Je le sens qui lutte contre la peur qui cherche sournoisement à l’envahir. Il est fort, plus fort qu’il ne le pense lui-même.
Je m’approche encore et je hume ses émanations. La peur, l’angoisse, la culpabilité, le mensonge, tout sentiment à un parfum qui lui est propre.
Je respire les effluves de son corps comme je sonderais l’esprit d’un des miens. Le corps à un vocabulaire qui est propre à chaque individu et celui-ci est richement pourvu. C’est un régal pour les sens.
Je pense à ce que je vais apprendre de lui. Je pense au plaisir que j’aurai à lui prendre toute cette culture sensorielle.
Hum… je souris de plaisir.
Il le voit et cela le perturbe.
Ses odeurs n’en sont que plus suaves. La peur est acre, mais le courage est sucré et l’un n’est rien sans l’autre.
 
-Où suis-je ? Pourquoi m’avoir emmené ici ?
-Pourquoi, comment ! Vous voulez toujours tout comprendre n’est-ce pas ? 
Ma réponse me plait bien. Pas à lui sans doute. Je jubile de le sentir si désorienté. Ses neurones travaillent à un rythme endiablé pour essayer de donner un sens à ce qui, évidement, n’en a pas !
Je l’examine sous tous les angles, mon petit animal de compagnie.
Chaque parcelle de son corps exprime ses doutes. Les humains sont si fades et si peu créatifs avec leur corps. Pourtant leur visage exprime tant de choses en ce genre de circonstance. Celui-ci n’échappe pas à la règle
-Si je ne vous ai pas pris vos forces vitales c’est que j’aimerais moi aussi comprendre. 
 
Voila, c’est dit !
Sa réaction me surprend. Il me regarde comme si c’était la première fois. Toute crainte a disparu. On dirait qu’il découvre que je peux parler, penser, que je suis également un être doté de réflexions et…d’interrogations.
Sa réaction me surprend mais m’amuse. Lui aussi visiblement !
-Cela te fait rire ? 
Maintenant c’est lui qui est surpris.
Je me mets à genoux. Je suis face à face avec mon prisonnier.
Ses traits expriment la surprise, l’interrogation mais plus du tout la peur. Je suis étonné, intrigué.
Je touche sa peau pâle et râpeuse.
Il a un mouvement de recul. Son regard semble soudain s’opacifier. Il n’est plus avec moi. Je le sens en grande réflexion avec lui-même.
J’aime ça.
Le laboratoire s’emplie d’odeurs nouvelles que mon cerveau analyse instantanément comme autant de renseignements sur le comportement humain.
 
Je le laisse ainsi quelques secondes, pas plus.
Inutile de le laisser se perdre dans ses pensées.
Inutile de me laisser envahir par les miennes. Quoiqu’en cet instant sublime, je sois ce que j’ai toujours aimé être. Je suis un scientifique en pleine observation et non un prédateur en quête de nourriture.
Je me place derrière lui et libère les liens qui le retenaient. J’ignorais que j’allais faire cela, mais maintenant je prends conscience qu’il ne pouvait en être autrement.
Quoi de mieux que d’étudier l’humain dans cet environnement clos et stressant, reproduction à mon échelle d’une planète sous le feu des darts ?
 
- Pourquoi ? 
Je ris de sa question.
Quelle curiosité, quel besoin maladif de rester maître des évènements. Voila une chose que je découvre ce jour. Cette nécessité pour l’Homme de ne pas rester spectateur de son environnement.
Comprendre pour mieux interagir, comprendre pour mieux dominer.
Suis-je si différent ?
Oui, je vis avec la nature qui m’entoure comme si elle faisait partie de moi. Pourtant je ne m’en inquiète pas outre mesure. Ce qui m’importe c’est de vivre et de survivre. Surtout maintenant que nous sommes si nombreux. Le monde, en dehors de l’habitat qu’il constitue, m’indiffère. Il n’est qu’éphémère pour moi.
Je recommence à me noyer dans mes pensées et j’en oublie l’humain.
Je vais satisfaire sa curiosité.
-Encore une question ! Parce qu’ici, il n’y a pas de sortie, aucune échappatoire, rien que toi et moi.
-Cela ne répond pas à ma question.
-Précis hein ? Pour voir et pour comprendre. Pour voir ce que tu vas faire et pour comprendre pourquoi tu l’as fait. 
Combien de temps lui faudra-t-il pour comprendre qu’il n’est que l’instrument de mes expérimentations ?
Combien de temps faudra-t-il avant que j’accepte qu’il ne soit pas que cela ?
 
Il ne bouge pas. Moi non plus. Mes états d’âme sont revenus aux pas de course.
 
 
***

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