Autres regards

Chapitre 2 : II

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:01

 

II
J’ai mal, vraiment mal.
Les liens me serrent et m’empêchent de respirer. Je sens mon souffle laborieux qui racle ma gorge emportant avec lui mon oxygène si précieux. Je me sens chavirer. Cela fait des heures que je déambule ainsi, comme un pantin sans bras, claudiquant d’un pied sur l’autre. Et toutes ces ronces qui me labourent la peau.
J’en est marre, je n’en peux plus.
Et lui, là devant qui marche comme si de rien n’était. Je le hais, Dieu comme je le hais !
 
Pourquoi moi ? Comment ai-je fait pour me mettre dans une telle situation. J’ai peur, j’ai mal et j’ai faim ! J’en ai marre de râler et j’en ai marre de marcher. Je voudrais en finir. J’ai peur de mourir. Bon, si je ne lui dis rien, il ne me tuera pas…Oui, mais il me torturera ! Oh je n’en peux plus, je n’arrive même plus à penser.
Marcher. Se concentrer sur marcher ! Non je ne peux pas, j’ai tellement soif, tellement mal, mais surtout tellement faim !
Bon, je vais le lui dire.
Non ! T’es fou ? Ne fais pas ça!
Je vais devenir cinglé. Je commence déjà à m’engueuler avec moi-même.
Bon, essaye de retrouver ton calme. Respires, respires…
 
Aï ! Non c’est fini, faut que cela cesse, je vais tout lui dire et qu’on en termine.
Je perds pied. Je ne sais plus que faire. Il me tire avec rage et détermination. Il me fait souffrir et je suis certain que c’est jubilatoire pour lui. Je le hais, lui et la mort qu’il va m’infliger.
 
J’en ai marre. Je le vois qui doit se gausser de ma souffrance. Je geints comme un enfant mais c’est plus fort que moi. Mes pensées sont si incohérentes depuis quelques heures. Il faut qu’il s’arrête. Je perds mon souffle.
Non, calmes-toi, ne t’affoles pas ! Je ne peux faire autrement. Je sens ma respiration qui s’accélère mais devient également plus superficielle.
Nous y voilà. La crise de panique me gagne.
Finalement, c’est moi qui vais gagner. Je vais mourir bêtement et lui, là, devra se contenter de me regarder disparaître avec mes secrets.
Je sais que c’est l’hypoxie qui me fait délirer, mais cela me fait du bien.
Allez, courage, encore quelques minutes et tu seras mort. Enfin, Je serai mort !
 
Qu’est-ce qu’il se passe ? Il s’arrête !
Il a dû percevoir ma mort prochaine et veut prendre les devants. Ils sont pires que les charognards ! Même pas capable d’attendre que je meure tranquillement dans mon coin, il faut qu’il participe à ma perte.
Il s’approche. Comme si ma gêne respiratoire ne suffisait pas, voilà maintenant mon cœur qui s’affole ! Bien fait ! Je vais faire un arrêt cardiaque, na !
Je sens les palpitations anarchiques de mon organe vital préféré…heu, à moins que ce ne soit mon cerveau ? Je ne sais pas, faudrait y réfléchir un peu plus sérieusement en fait ? Hum ? Mais qu’est-ce que je raconte là ?!
Oulala ! Les palpitations s’accentuent…il se rapproche. Je vais mourir !
Je ferme les yeux, je ne veux pas voir ça. Je vais le sentir, c’est déjà bien suffisant.
J’entrouvre un œil. C’est plus fort que moi.
Sa main se rapproche dangereusement. Il va me tuer c’est certain.
 
Ma cage thoracique se libère. Ma respiration s’amplifie.
J’ouvre grands les yeux.
Il a relâché mes liens. Mes mains sont toujours attachées dans mon dos, mais mes bras sont plus mobiles.
Je reprends mon souffle et regarde mon bourreau.
L’espace d’un instant j’ai cru voir quelque chose d’étrange dans son regard. C’est la première fois que je le regarde vraiment…autrement.
-Merci. 
Les mots m’ont échappés. Ils expriment parfaitement ma pensée, mais j’avoue que de le remercier lui, me dégoûte. Rien que le fait de lui parler me donne la nausée.
Voila, je me sens de nouveau bizarre.
 
Tiens, lui aussi à l’air de se sentir bizarre. Il se tourne et me regarde fixement. J’en fais autant. Pourquoi est-ce que cela l’étonne tant que je dise merci ? Je ne suis pas un animal, je parle moi !
 
Son regard m’hypnotise. Je pensais y lire de la colère ou de la haine. C’était d’ailleurs le cas lorsque nos regards se sont télescopés, mais maintenant…
Maintenant je ne sais plus.
Je crois que finalement vivre risque d’être plus douloureux que de mourir. Il n’est pas comme les autres. Je le sens. Il y a en lui quelque chose de différent et j’ai l’impression que…NON, cette idée est saugrenue !
Ces yeux, cette intensité, ce questionnement… Nous sommes semblables.
J’ai peur de nouveau. Tiens curieuse réflexion ! N’avais-je donc plus peur ?
Il me regarde comme s’il allait me dévorer. Dévorer mon âme !
Je me sens mal, je crois que je vais faire un malaise.
Je sens ma peur suinter par tous mes pores. Il le voit aussi et cela le dégoûte, je le sens.
Il se retourne.
 
Que fait-il ?
Il examine le sol. Pourquoi est-ce qu’il s’intéresse soudain à la flore locale ?
Qu’est-ce qu’il fait avec cette herbe ? Quelle horreur, il la mâche et la recrache dans sa main. C’est dégoûtant ! Dire qu’il y a deux secondes il me voyait comme un être répugnant !
Voila qu’il recommence avec cette fleure jaune.
Il est vraiment étrange. Maintenant il mélange sa curieuse mixture.
Je voudrais profiter de son inattention pour agir mais je ne sais que faire. Et pour dire la vérité, il me captive. Que fait-il encore ? Il se lève.
Va-t-il chercher une autre plante ?
Non, il s’approche de moi. J’ai peur. De nouveau mon cœur s’emballe.
Qu’ai-je donc été sot pour me laisser aller à le regarder ainsi, à oublier ce qu’il est.
Je vais en payer le prix fort.
Que fait-il ?
-Non ! 
 
 
***

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