Équilibre
La pluie tombait en silence sur les toits de Coruscant.
Loin du tumulte des grands axes aériens et du brouhaha des niveaux inférieurs, un quartier discret baignait dans une pénombre bleutée. C’était là que la République soupçonnait la présence d’un agent séparatiste dormant. Pas d’attaque, pas d’affrontement. Juste une mission d’observation. Simple. Inoffensive. Théoriquement.
Mace Windu n’avait pas voulu que Doremi parte en mission. Elle avait senti son hésitation. Mais il avait fini par céder — peut-être pour la tester. Peut-être pour voir si elle pouvait fonctionner en équipe.
Et il avait choisi Ahsoka Tano comme binôme.
-Tu n’as pas changé, dit Ahsoka en resserrant sa cape sur ses épaules. Tu fais toujours cette tête quand tu te concentres trop.
-Quelle tête ? demanda Doremi, le regard fixé sur les immeubles.
-Celle où t’as l’air de vouloir fusionner avec la Force à force de la fixer.
Un petit rire s’échappa des lèvres de la Togruta. Doremi détourna les yeux, gênée, mais un sourire discret s’esquissa.
-C’est juste… que j’ai du mal à rester dans le moment présent. Parfois, j’aimerais connaître l’avenir afin de l’anticiper.
-Je sais, souffla Ahsoka. Mais comme le dit Yoda : « Toujours en mouvement est l’avenir. »
-Hier est de l’histoire, demain est un mystère, mais aujourd’hui est un cadeau. C’est pour cela qu’on l’appelle le présent.
-C’est drôlement sage.
-La sagesse n’attend pas le nombre des années.
-Tu ne les as pas inventées, ces phrases, avoue.
Doremi regarda Ahsoka et lui sourit.
-Non, la première vient d’un long métrage d’animation. La seconde est une leçon philosophique connue sur ma planète.
Un long silence les unit. Puis Ahsoka s’assit, croisa les bras sur ses genoux et laissa son regard se perdre dans les gouttes de pluie.
-Tu me fais peur, parfois, Doremi, murmura-t-elle. Pas parce que tu es dangereuse. Mais parce que je sais à quel point tu pourrais l’être… si tu cédais. Ton expérience personnelle te rend bien plus sage que la plupart des maîtres que je connais.
Doremi s’assit à son tour. Elle avait retiré sa capuche. Ses cheveux, mouillés, collaient à son visage. La tresse padawan tombait le long de sa joue.
-Tu penses que je vais échouer ? demanda-t-elle, curieuse, sans colère.
Ahsoka tourna la tête. Leurs regards se croisèrent dans la nuit.
-Non. Je pense que tu ne dois pas rester seule avec tes fantômes. C’est tout.
Le danger vint plus vite que prévu.
Un éclaireur droïde, masqué par un champ holographique, apparut soudain sur une plateforme voisine. Il ouvrit le feu. Ahsoka riposta aussitôt. Doremi, sans sabre laser, tendit les mains, ferma les yeux, et canalisa la Force.
Elle ne l’attaqua pas. Elle l’immobilisa. Lentement. Sans haine. Sans peur.
Le droïde s’effondra, inerte.
Essoufflées, elles trouvèrent refuge dans une alcôve humide, sous un ancien hangar abandonné.
Le bruit de la pluie couvrait leurs respirations haletantes. Le silence les entoura. Pas un mot. Juste deux battements de cœur dans l’obscurité.
Ahsoka tendit la main et effleura le bras de Doremi.
-Tu n’as pas cédé.
-Je n’y ai pas pensé, admit Doremi. Je te voyais. Je me suis dit… que si je me perdais maintenant, je ne pourrais plus jamais te regarder dans les yeux.
Ahsoka baissa les siens.
-Tu ne sais pas à quel point je suis heureuse que tu sois là. Et pas là-bas… chez eux.
-Je ne sais pas encore vraiment où j’en suis, murmura Doremi.
-Moi si, dit Ahsoka.
Et elle s’approcha. Lentement. Pas comme un soldat, pas comme une Jedi.
Comme une amie.
Comme une jeune fille qui avait trop vu la guerre, et qui trouvait enfin un peu de lumière.
Leurs fronts se frôlaient. Leurs souffles se mêlèrent. Doremi sentit sa main trembler.
-Ahsoka…
-Chut.
Le baiser fut bref. Tendre. Hésitant.
Mais il balaya la pluie, la guerre, les fantômes, leur devoir de Jedi.
Il n’effaçait pas le passé. Il ne promettait pas l’avenir.
Mais dans cet instant suspendu, elles n’étaient plus seules.
Deux âmes sœurs qui s’étaient trouvées.